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2008 - 2015 : Villa Family / Domiciales fait des vagues en Saône-et-Loire

Sources : Le Journal de Saône-et-Loire, 2 et 3 juin 2008, "Cellule de Crise" (France 2, 24 septembre 2008), Le Journal de Saône-et-Loire, 30 décembre 2014

Extrait de l’émission "Cellule de Crise" (24 septembre 2008, France 2, 22h30)

Des demandeurs d’emploi sont abusés par les fausses offres d’emploi d’un promoteur immobilier, qui leur demande en fait de signer un bail ... Une personne ayant refusé cette proposition est radiée par l’ANPE ! Rediffusion la nuit du samedi 27 au dimanche 28 septembre 2008, après 2h30.

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Les origines de cette affaire

Auteur : Eric Bouthray, Le Journal de Saône-et-Loire, 2 et 3 juin 2008.

  • Lundi 2 juin 2008 : Le parquet de Chalon pourrait mettre au jour une « affaire d’escroquerie d’envergure nationale »

Le concept Villa Family (= Domiciales) fait des vagues en Saône-et-Loire

« Offres d’emploi mensongères », agréments difficiles à obtenir, malfaçons immobilières. Des familles d’accueil des Villa Family de la région du Creusot sont au cœur d’un imbroglio inextricable. Au moins six plaintes ont été déposées.

Les faits remontent au 15 novembre 2007. M. N., une habitante du Creusot à la recherche d’un emploi, reçoit de l’ANPE une décision de radiation administrative. Le directeur de l’agence creusotine, Christian Petit, invoque un « refus d’emploi ». Pourtant, M. N. n’a pas refusé un contrat de travail mais un bail proposé par Pascal Schmitt
 [1]
, délégué général de l’Union nationale pour la coordination et la gestion des groupements des particuliers employeurs en vie de famille (UNCG-GPE), une structure qui représente les Villa Family, lesquelles sont notamment implantées à Saint-Pierre-de-Varennes et Saint-Sernin-du-Bois.

Le syndicat libre des chômeurs et précaires du Creusot prend connaissance de cette affaire et s’implique dans le dossier, s’appuyant sur un courrier de la Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Bourgogne qui stipule qu’ « aucun contrat de travail salarié ne peut actuellement être proposé pour l’accueil de personnes âgées à domicile ».


Villa Family de Saint-Sernin-du-Bois

Les Villa Family (ici, celle de Saint-Sernin-du-Bois qui n’est habitée qu’à moitié) sont deux maisons mitoyennes qui peuvent recevoir chacune une famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! et trois résidents. Quand une famille part en vacances, c’est souvent l’autre qui, pratiquement, s’occupe de tous les résidents. En toute illégalité, les agréments permettant de s’occuper au maximum de trois et non de six personnes à la fois.


Présentée comme un contrat de travail

Pourtant, l’ANPE, qui avoue ne pas avoir vérifié la véracité et la fiabilité de l’offre avant de la mettre en ligne sur son site Internet (les offres ont été retirées depuis sur toute la France et M. N. n’a finalement pas été radiée), présentait la proposition de prise à bail d’une maison Villa Family comme un contrat de travail, libellée comme suit : « Recherche pour un contrat à durée indéterminée ; horaires : 35 heures hebdo, 258 jours de présence par an ; lieu de travail : Saint-Pierre-de-Varennes ; accueillant familial accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
H/F. Après agrément obtenu préalablement auprès du Conseil général, vous accueillerez dans une résidence qui est votre domicile, trois personnes âgées ou handicapées pour une assistance dans les actes quotidiens de la vie. Logement privatif à 450 euros par mois […]. Salaire : 645 euros par personne accueillie + prime »
.

L’ANPE du Creusot et le groupe Villa Family font aujourd’hui l’objet d’au moins quatre plaintes de personnes résidant en Saône-et-Loire pour diffusion d’annonces mensongères. Une cinquième, présentée par une personne du département de la Manche, a été déposée il y a deux semaines par le syndicat libre des chômeurs et précaires du Creusot, et une sixième, émanant d’une personne du Calvados, l’a été la semaine passée. « Sur le département, m. n., une personne accueillante familiale en activité, une personne qui a quitté une Villa Family et nous, au nom de la défense des chercheurs d’emploi, avons déposé plainte pour diffusion d’annonces mensongères. D’autres ont également pu déposer plainte sans que nous en ayons eu connaissance », appuie Pascal Guillemoz, secrétaire général du syndicat.

Une escroquerie d’envergure nationale ?

La « rédaction maladroite », pour reprendre les termes de Pierre Denier, procureur de la République de Chalon-sur-Saône, des « offres d’emploi » ne semble pas alarmer le Parquet. « Soit ce n’est rien du tout, soit c’est une affaire d’escroquerie qui, si elle est établie, prendra une envergure nationale, appuie Pierre Denier. Ces offres d’emploi mensongères pourraient n’être que le petit bout de la lorgnette ».

Selon le procureur de la République, les conditions financières inhérentes à la gestion des Villa Family et l’agrément délivré par les départements poseraient des problèmes beaucoup plus importants. « Pour pouvoir prendre en charge des personnes âgées ou handicapées sous le statut de famille d’accueil, il faut obligatoirement obtenir un agrément du Conseil général… » explique Pierre Denier. Un agrément qui, selon le syndicat libre des chômeurs et précaires du Creusot, peut nécessiter quatre mois de procédure sans avoir la garantie de son obtention. « Dans l’attente de son agrément, la famille accueillante doit assumer ses loyers sans avoir d’entrée d’argent puisqu’elle ne peut pas recevoir de personnes âgées. Et si, une fois qu’elle a l’agrément, elle ne trouve personne à accueillir, c’est à elle de payer les chambres des résidents inoccupées » explique Pascal Guillemoz qui suppose par ailleurs que certains accueillants, n’ayant pas ou pas encore d’agrément, travaillaient illégalement avec des chèques emploi service.

Si l’affaire prend effectivement une envergure nationale, le parquet de Chalon devrait être dessaisi du dossier au profit du parquet de Bordeaux qui aura la charge d’analyser les flux financiers puisque c’est là-bas que se trouve le siège de la société Villa Family, précise de son côté le procureur qui, semble-t-il, ne s’attache pas particulièrement, aujourd’hui, aux différents problèmes de malfaçons que la famille d’accueil des Villa Family de Saint-Sernin-du-Bois a par exemple fait constater par huissier de justice.

L’ANPE a retiré les « offres d’emploi » des Villa Family

Contactée par téléphone, Nathalie Reyre, responsable de la communication de l’ANPE Bourgogne, a expliqué que les offres d’emploi fictives proposées par Villa Family avaient été retirées de la circulation partout en France dès que les services ont été informés du problème. Mais elle a affirmé aussi que les agents n’avaient pas les moyens de vérifier en amont la légalité des 83 000 offres saisies annuellement en Bourgogne.

Le Journal de Saône-et-Loire : - M. Loubens de Villa Family affirme que l’erreur concernant la saisie des offres viendrait de l’ANPE…

Nathalie Reyre : - « Contrairement à ce qu’affirme M. Loubens, le système informatique dont nous disposons ne met pas systématiquement « 35 heures » sur les offres d’emploi. Nous avons plusieurs codifications puisque nous avons par exemple des offres de VRP qui ne sont pas des personnes salariées aux 35 heures, ou des offres pour les professions libérales qui ne sont pas non plus aux 35 heures. Quand nous recevons une offre d’emploi, que ce soit un CDD ou un CDI, nous vérifions, avec le numéro de Siret, si la société existe bien. Mais nous n’avons pas les moyens de vérifier en amont la légalité des offres que nous diffusons (83 000 offres d’emploi ont été saisies en 2007 en Bourgogne par 550 agents).

Par ailleurs, Christian Petit, directeur de l’ANPE du Creusot, a fait savoir que les offres, une fois saisies, étaient envoyées en copie à l’employeur pour que celui-ci apporte des modifications si cela s’avérait nécessaire. A priori, la direction de Villa Family n’a pas demandé de changement dans la rédaction. »

JSL. : - Dans le cas de Villa Family, quand est-ce que les offres ont été retirées de la circulation ?

N.R. : - « Dès que nous avons été interpellés par l’association de chômeurs, nous avons suspendu la diffusion stockées. Puis le service juridique national a mené une enquête. Il y a eu un temps d’analyse, mais en attendant les conclusions, les offres n’étaient plus en circulation. Au terme d’un mois environ, le service juridique nous a donné comme consigne de ne pas diffuser ces offres d’emploi qui n’en sont effectivement pas, dans la mesure où le contrat proposé par la direction de Villa Family est un contrat d’occupation des locaux, et qu’il n’y a pas de garanties que les personnes accueillantes puissent obtenir l’agrément nécessaire à l’accueil des personnes âgées ou handicapées… Sachant qu’en plus, elles auraient pour charge de chercher elles-mêmes des personnes à accueillir… Donc nous avons tout simplement, après avis du service juridique, annulé et non plus suspendu toutes les offres qui émanaient de Villa Family ».

JSL. : - L’ANPE a-t-elle souvent à faire à des annonces d’emploi mensongères ?

N.R. : - « Nous ne préjugeons pas de la mauvaise foi de l’employeur. On saisit l’offre, on vérifie si l’entreprise existe. Mais nous n’effectuons pas d’autres recherches en amont. En revanche, quand un problème est soulevé, nous suspendons rapidement la diffusion pour s’assurer de la légalité de l’offre. Puis après enquête, une décision est prise. Avec la fusion ANPE-Assedic, nous aurons plus de lisibilité sur la santé financière des entreprises qui proposent des emplois. Actuellement, nous ne pouvons pas la vérifier et il nous est arrivé de saisir des offres pour des sociétés qui déposaient le bilan quinze jours plus tard. Ce ne sera plus le cas. Et je peux défendre un petit peu M. Loubens en disant que certains employeurs ne sont pas forcément au courant de la législation complète en matière de droit du travail. Peut-être qu’il était de bonne foi dès le début… ».

Propos recueillis par Eric Bouthray

Témoignage

Philippe Loubens, le promoteur qui a mis au point le concept « Villa Family » (une quarantaine de réalisations en France), a affirmé par téléphone qu’il ne se préoccupait pas des plaintes déposées à l’encontre de son groupe et contre l’ANPE pour « diffusion d’annonces d’emploi mensongères ». « On a essayé dans le passé de dire que je faisais du travail dissimulé. J’ai fait l’objet de quatre chefs d’inculpation et j’ai été relaxé. On a cherché à instrumentaliser la justice… Tout cela me fait sourire ». Il relève aussi « la complexité et le déficit de contenu social du statut des accueillants familiaux, et la difficulté, pour l’ANPE par exemple, de saisir les offres d’emploi, qui suppose qu’on fixe une durée légale du travail alors qu’il n’en existe pas ».

Suite à ces plaintes, l’ANPE a retiré toutes les propositions de contrat à durée indéterminée concernant Villa Family. Et Philippe Loubens de dénoncer, de fait, le manque d’informations fournies aux potentiels candidats à devenir accueillants familiaux au sein des Villa Family. « Que le service public de l’emploi ne remplisse pas sa mission au prétexte de gesticulations de gens qui subodoreraient des fraudes, c’est grotesque. Nous avons mis des annonces pendant plus de quinze ans et plusieurs dizaines de familles ont pu ainsi accéder à un métier ».

Interrogé sur les problèmes d’agréments, Philippe Loubens dénonce les agissements de certains conseils généraux qui, selon lui, verraient leur pouvoir rogné par un développement qui s’exerce à l’initiative des communes. « Et c’est pour eux une brèche dans un dispositif de contrôle absolu des filières de placement des personnes âgées dépendantes. Il est même possible que certains conseils généraux refusent des agréments à des familles d’accueil de Villa Family. Si c’est justifié, nous n’avons rien à dire, si ça ne l’est pas, nous allons au tribunal administratif. Dans ce cas, il y a des recours ».

Et Philippe Loubens de dévoiler des pratiques encore plus « subtiles » de la part de certains conseils généraux réticents à voir se développer dans leur département des Villa Family : « les conseils généraux adhèrent, donnent l’agrément et font ensuite pression, on peut même parler de chantage, sur la famille d’accueil la menaçant de le lui retirer si elle signe un contrat d’accueil avec une personne sans leur accord. Après, on a le problème de certains conseils généraux qui ne donnent l’agrément que pour une personne (les Villa Family sont conçues pour en accueillir trois), ce qui est un déni de bon sens et de précaution sociale. En effet, une telle démarche condamne l’accueillant à vivre avec moins que le Smic.

Aujourd’hui encore, on se rend compte qu’il y a des débats au sein des départements au nom du principe de précaution, mais s’ils ne sont pas capables d’assumer cette responsabilité, par exemple lorsqu’ils estiment qu’il faudrait un an pour savoir si une personne est capable d’accueillir une deuxième personne, il faut les en décharger ».

Philippe Loubens affirme que le Conseil général de Saône-et-Loire continue de délivrer des agréments pour les accueillants de Villa Family, mais qu’il le faisait « avec des lenteurs et des contradictions. On nous dit qu’il ne faut pas que les candidats entrent immédiatement dans les maisons car s’ils ne sont pas agréés, ils vont être précarisés. Et les personnels du Conseil général nous affirment qu’ils ne traitent pas les dossiers si les personnes ne sont pas dans la Villa Family. Là aussi, c’est quasiment schizophrénique ». Philippe Loubens préférerait que les agréments ne soient plus délivrés « à l’aveugle » mais que les conseils généraux puissent évaluer les accueillants familiaux in situ, pour s’assurer de la qualité des services rendus.

Villa Family (= Domiciales) : comment ça marche ?

Le principe de Villa Family consiste à accueillir des personnes âgées ou handicapées au sein de deux maisons juxtaposées et capables de recevoir chacune et en même temps une famille d’accueil et trois personnes dépendantes. Ces maisons sont reliées par un espace de vie. Les personnes accueillies disposent de chambre avec salle de bains, d’un espace pour recevoir les proches, un salon salle à manger, la cuisine étant communautaire. À l’étage, des appartements sont réservés aux familles d’accueil, permettant ainsi de respecter le besoin d’intimité de leurs hôtes. Le système permet de maintenir les personnes âgées dans leur milieu et dans leur commune tout en leur offrant un mode de vie familiale adapté à leur état de dépendance.

« En pratique, la famille accueillante doit prendre possession des lieux dès la signature du bail pour obtenir l’agrément du Conseil général. Ensuite, elle demande cet agrément qui nécessite trois à quatre mois de procédure avant d’être délivré. Elle l’obtient ou pas. Si elle ne l’obtient pas, la famille doit quitter expressément le logement. Si elle l’obtient, il faut savoir que c’est à elle d’assumer financièrement les chambres si elle ne trouve pas de résident (456,78 euros pour la Villa Family de Saint-Sernin-du-Bois) », indique Pascal Guillemoz du syndicat libre des chômeurs et précaires du Creusot.

Le Conseil général délivre les agréments aux accueillants familiaux

Le Conseil général, alors présidé par René Beaumont, a signé une convention avec Villa Family. Convention qui a été prolongée le 22 octobre 2004 par Christophe Sirugue. « Cette convention, qui s’est arrêtée à son terme naturel le 31 décembre 2006, était expérimentale. Depuis, le Conseil général a relancé sa politique en direction de l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). de façon générale » a expliqué Évelyne Couillerot qui était, sous la mandature de Christophe Sirugue, présidente de la commission Action sociale et handicapées.

« Ce qu’il est important de souligner, c’est qu’en Saône-et-Loire, nous avons 71 familles accueillantes pour 108 places à titre permanent et à temps complet. Nous pensons pouvoir amplifier ce mode d’accueil car nous voulons élargir le panel des propositions d’hébergement faites aux personnes âgées ou handicapées. C’est d’ailleurs dans ce but-là que nous avons créé une aide spécifique pour développer des accueils alternatifs et innovants, et accompagner les communes, les intercommunalités et les CCAS ou les associations à but non lucratif (donc pas les entreprises privées) dans cette démarche ».

Concernant l’obtention de l’agrément qui, selon Philippe Loubens, « poserait problème », Évelyne Couillerot explique que tout est clairement réglementé. « Notre préoccupation est double. Elle va en faveur des personnes accueillies et des accueillants. Pour les conditions d’agrément, nous nous calons sur la législation, mais aussi sur un certain nombre de bonnes pratiques qui visent à la fois à professionnaliser les familles d’accueil et à faire que l’accueil soit de qualité pour l’usager ».

Alors, concrètement, qu’est-ce que le Conseil général étudie avant de délivrer un agrément ? « Les conditions liées à la personne et sa capacité à accueillir dans de bonnes conditions une personne âgée ou handicapée. Il y a notamment une rencontre très importante avec un psychologue. Une deuxième partie s’attache aux conditions liées au logement qui doivent être correctes, décentes, etc. Il faut qu’il soit sécurisé, qu’il y ait des conditions d’accession… Une visite du logement est effectuée avant que l’agrément ne soit délivré » précise Évelyne Couillerot.

« Nous avons pour pratique, pour sécuriser l’accueillant et s’assurer de la qualité de l’accueil des usagers, lorsque c’est un accueillant qui n’a jamais exercé, de ne pas donner immédiatement un agrément pour trois personnes de façon à ne pas mettre les familles d’accueil en difficulté à cause d’une charge de travail trop importante. Mais quand les choses se déroulent bien, nous étendons l’agrément à deux et à trois personnes accueillies » a-t-elle détaillé avant de conclure : « Tout est très cadré par la loi, pour les accueillants en Villa Family ou ailleurs. C’est la loi qui régit l’accueil familial ».



  • Mardi 3 juin 2008 : Ils ont porté plainte contre Villa Family et l’ANPE

En ligne sur http://www.lejsl.com


M. Ribeiro et S. Guenivet veulent quitter leur Villa Family

Martine Ribeiro et Stéphane Guenivet, habitants de Saint-Sernin-du-Bois, ont la réputation de s’occuper parfaitement des personnes âgées qu’ils accueillent. Mais en froid avec les gérants des Villa Family, ils ont constitué un dossier pour se défendre.


M. Ribeiro et S. Guenivet veulent quitter leur Villa Family

Martine Ribeiro et Stéphane Guenivet ont emménagé dans une Villa Family à Saint-Sernin-du-Bois. Entre malfaçons et problèmes d’agrément, ils ont porté plainte contre l’ANPE et Villa Family pour « diffusion d’annonces mensongères ».

Le 7 juin 2006, Martine Ribeiro et son ami, Stéphane Guenivet, s’apprêtent à prendre possession d’une Villa Family à Saint-Sernin-du-Bois (lire notre édition d’hier, « Le dossier du jour »). L’idée d’accueillir chez eux des personnes âgées ou handicapées leur tient à cœur et le concept Villa Family, tel qu’il leur a été présenté par Pascal Schmitt, délégué général de l’UNCG-GPE (une structure qui représente les Villa Family) les séduit. Mais voilà…

Un mois à la lumière d’une ampoule

Pas de téléphone, pas de télé et pas d’électricité. Martine Ribeiro n’en croit pas ses yeux. « Les meubles n’étaient pas montés, il y avait un tas de gravats dans le garage qu’il a fallu évacuer. Il a aussi fallu qu’on aille chercher nous-mêmes un frigo qui manquait dans la cuisine », se souvient-elle, toujours amère. Jean-Marc Hippolyte, le maire de la commune qui a facilité l’implantation des Villa Family en cédant au promoteur un terrain à l’euro symbolique, de confirmer : « le compteur électrique qui avait été installé était un compteur unique pour l’ensemble de la Villa Family. Les constructeurs ont finalement souhaité qu’il y ait plusieurs compteurs. Cela a nécessité les interventions d’EDF qui a dû retirer une ligne en ouvrant la route. Ne pouvant pas laisser une famille sans électricité, nous leur avons prêté un groupe électrogène », détaille le premier magistrat.

Un huissier constate des malfaçons

Martine Ribeiro et Stéphane Guenivet vivent alors comme ils peuvent avec leurs deux enfants. Le groupe électrogène ne développe pas une puissance suffisante pour alimenter toute la maison : le ballon ne chauffe pas l’eau, toute la famille se douche chez les parents de Martine. « Pendant un mois, j’ai nettoyé la maison à l’eau froide. Nous ne pouvions allumer qu’une ampoule… Nous étions revenus au Moyen-Âge ».

Les mauvaises surprises s’enchaînent. La Villa Family, qui selon le maire a été financée notamment « par la réserve parlementaire du député » Jean-Paul Anciaux et par des investisseurs privés, compte un nombre important de malfaçons. « Il y a des jours entre les portes et les murs. Un serre-joint soutient toujours la charpente », rappelle Stéphane Guenivet qui, avec sa compagne, ont fait constater tous les défauts par un huissier de justice. « Puis, plus récemment, c’est le meuble suspendu de la cuisine qui est tombé. Il n’était fixé dans les murs de plâtre qu’avec des petites chevilles… ».

Un agrément qui prend du retard

Les relations avec Pascal Schmitt s’enveniment. Et en tant que directeur de la SARL Accueils et services, il écrit, en date du 14 novembre 2006, à Martine Ribeiro qui souhaite un versement de salaire et des fiches de paie : « Il nous semble que votre courrier relève de la parfaite mauvaise foi, soit d’une incompréhension de la situation (...), à moins que cela ne soit une démarche de diversion pour ne pas répondre à nos différents courriers relatifs à vos retards de paiements des loyers. Nous regrettons que vous ne mobilisiez pas votre énergie vers des actions positives pour identifier des résidents possibles et concourir à leurs accueils ».

Si Martine Ribeiro et Stéphane Guenivet ont obtenu du Conseil général leur premier agrément pour deux personnes dans le délai légal de quatre mois (septembre 2006), il leur a été plus difficile, à cause des problèmes qu’ils rencontraient, d’obtenir l’agrément pour la troisième personne. « Nous avons accueilli la première personne âgée en février 2007, huit mois après être entrés dans la Villa Family. Heureusement que Stéphane a un emploi stable… Sans quoi, nous n’aurions eu aucun revenu. La deuxième personne est arrivée un mois plus tard, en mars 2007 ».

Pour recevoir une troisième personne, « notre dossier a été retardé à cause du meuble de cuisine qui était tombé. Le Conseil général voulait que tout soit rentré dans l’ordre avant de nous donner l’autorisation » continue Stéphane Guenivet.

La famille, excédée, veut partir

Aujourd’hui, les relations entre Villa Family ou la société gérante Accueils et Services et le couple de Saint-Sernin, sont quasiment inexistantes. « Martine a porté plainte contre Villa Family et l’ANPE (lire notre édition d’hier) pour diffusion d’annonces mensongères. Mais nous avons surtout envie de quitter cette maison qui nous coûte 4 000 euros de chauffage par an ». Martine et Stéphane rêvent de partir pour emménager dans leur propre maison et de laisser derrière eux tous les problèmes qu’ils ont rencontrés avec les Villa Family qui « sont un bon concept mais qui sont particulièrement mal gérées ».

« Nous avons cherché des solutions à Saint-Sernin, mais nous n’avons rien trouvé », explique Stéphane Guenivet. « Dès que j’en ai l’occasion, en revanche, je rends les clefs de cette maison et je pars avec toute ma petite famille… Martine, nos enfants et nos mamies ». Car pour Martine Ribeiro et son ami Stéphane Guenivet, l’idée d’accueillir chez eux des personnes âgées ou handicapées leur tient toujours à cœur. Malgré tous les problèmes auxquels ils ont dû faire face.

Les Villa Family comprendraient un nombre de malfaçons considérable.
Martine Ribeiro et Stéphane Guenivet, habitants de Saint-Sernin-du-Bois, ont la réputation de s’occuper parfaitement des personnes âgées qu’ils accueillent. Mais en froid avec les gérants des Villa Family, ils ont constitué un dossier pour se défendre.

Eric Bouthray


« Un système qui fait de fausses promesses »

Étienne Frommelt est président de Famidac, l’association des accueillants familiaux et de leurs partenaires [...].
Joint par téléphone, il a répondu à nos questions.

JSL. - Selon vous, est-ce que, quand Villa Family propose des CDI aux familles accueillantes, le groupe est dans la légalité ?

Étienne Frommelt. - « Non. Les accueillants obtiennent une promesse d’emploi car la loi qui promet le salariat des accueillants familiaux a été publiée le 5 mars 2007, mais sous réserve de la publication des décrets qui sont actuellement en négociation et qui excluent de facto Villa Family parce que l’idée développée n’est pas vraiment de l’accueil familial. Ce sont plutôt des familles gouvernantes qui travaillent pour un concept de résidences avec des services intensifs. Cette loi, qui a été votée en catastrophe à la veille des élections présidentielles, est pour l’instant inapplicable. Alors toute promesse selon laquelle on accueillerait des familles sur un statut de salarié est totalement illégale. Maintenant, je suis sûr que cette loi du 5 mars 2007 finira par s’appliquer, peut-être à la fin de l’année, mais pour des établissements comme les CAT ou les ESAT ».

JSL. - Le concept de Villa Family ne serait-il donc pas si bon que ça ?

E.F. - « Je pense que le concept n’est pas forcément négatif mais les pratiques sont abusives. Les petites communes, qui souhaitent avoir leur propre maison de retraite, cherchent des solutions d’accueil pour les personnes âgées ou handicapées. Les maires se tournent alors vers le concept Villa Family. La commune fournit alors le terrain qu’elle cède symboliquement à Villa Family, le viabilise, réalise les aménagements, assume parfois 50 % des investissements. Les 50 % restants étant assumés par d’autres investisseurs qui s’appuient sur la loi Robien.
Finalement, au vu des difficultés rencontrées par la suite, tout le monde est mécontent. Les accueillants, les accueillis, les investisseurs et les maires qui se font virer, en général, aux élections suivantes. Il n’y a que pour le promoteur, Villa Family, que c’est gagnant à tous les coups, même si la maison reste vide par la suite ».

JSL. - C’est donc la gestion et non pas le concept qui poserait problème ?

E.F. - « Villa Family a créé une nébuleuse d’organismes et a développé un système de poupées gigognes
 [2].
Ses dirigeants ont créé plusieurs sociétés, SARL, associations… C’est le système classique quand on veut noyer le poisson. Si bien que Villa Family n’est jamais condamnée parce que ce sont les filiales qui le sont, qui ferment et qui déposent le bilan. Des enquêtes judiciaires et des procès sont en cours. Alors tant que les affaires ne sont pas jugées, on ne peut pas tout étaler mais on peut exprimer des doutes sur la crédibilité d’un système qui fait de fausses promesses, qui engage les élus et les communes dans des investissements presque à fonds perdus dans un processus qui ne profite à coup sûr qu’à son promoteur ».

Propos recueillis par Eric Bouthray

2015 : Quel avenir pour les Villa Family ?

Source : http://www.lejsl.com/edition-le-creusot/2014/12/30/quel-avenir-pour-les-villas

Plus de six ans après la polémique liée au concept “Villa Family”, les anciens accueils familiaux de la région creusotine sont toujours inoccupés.

Une pelouse tondue régulièrement, des rideaux métalliques levés et des meubles encore en place. Mises à part quelques herbes folles autour du joli pavillon double de Saint-Sernin-du-Bois, rien ne laisse penser que la propriété reste inoccupée depuis plusieurs années suite à l’affaire des Villa Family (lire ci-dessous). Il faut dire que pour éviter la détérioration de ce lieu privé situé dans un lotissement, la municipalité a décidé d’entretenir elle-même le terrain qu’elle avait autrefois cédé à l’euro symbolique. Une mesure de précaution qui permet également d’éloigner certains regards suite à des problèmes de squat confirmés par le maire Jean-Marc Hippolyte, mais « vite solutionnés » tient à préciser l’élu. « L’avantage est que cette maison n’est pas isolée et que les voisins sont attentifs », ajoute-t-il.

Racheter, mais à quel prix ?

Si la municipalité de Saint-Sernin entend préserver l’ancienne “Villa Family”, ce n’est pas seulement pour une question d’image du village. « Pouvoir maintenir les personnes âgées sur la commune est un enjeu important. Or le principe de l’accueil familial, antérieur au concept “Villa Family” conçu par un promoteur, est intéressant en termes de lien social », lâche le maire, qui rappelle que sa commune « n’avait pas mis d’argent dans le projet ». On l’aura compris, l’équipe municipale de Saint-Sernin aimerait dans l’avenir reprendre la main sur cette propriété à la configuration idéale pour développer son propre projet d’accueil familial, mais pas à n’importe quel prix. « Maintenant que la procédure judiciaire est arrivée à son terme, il faut voir comment on peut se réapproprier le lieu dans les meilleures conditions financières », confie Jean-Marc Hippolyte. Un travail de négociation qui ne sera pas forcément aisé en raison du principe d’actionnariat sur lequel était basé le concept des “Villa Family”, avec pour conséquence une multiplicité de propriétaires et des ayants droit à retrouver.

Imbroglio juridique à Saint-Pierre

Des difficultés qui se présentent également pour l’ancienne Villa Family de Saint-Pierre-de-Varennes, où le maire Dominique Ravault n’a pas souhaité communiquer sur ce dossier très compliqué. Mais il ne cache pas l’intérêt de la structure, vide depuis trois ans et qui présente un potentiel pour créer environ cinq logements locatifs. Joints hier par téléphone, les propriétaires du bâtiment se sont quant à eux déclarés « prisonniers » d’un montage financier dissociant la propriété des murs de celle du terrain, appartenant toujours à un groupement de communes. Un imbroglio juridique plutôt rédhibitoire pour un acheteur privé. « Les deux ventes forcées, dont la dernière date du printemps, n’ont pas permis à la banque de trouver acquéreur. Aujourd’hui, la solution ne peut venir des élus », estiment les propriétaires, accusant de lourdes dettes et se déclarant ouverts à la discussion.

Dans ces conditions, difficile de savoir si les anciennes “Villa Family” de la région creusotine resteront encore longtemps à l’état de coquilles vides. Mais les barrières semblent peu à peu se lever.

Consulter cet article sur http://www.lejsl.com/edition-le-creusot/2014/12/30/quel-avenir-pour-les-villas

P.-S.

Voir également

Courrier de M. Loubens
au Journal de Saône-et-Loire
  • Un courrier de M. Loubens, adressé en janvier 2009 au Journal de Saône-et-Loire et publié sur le site abris-de-coeur.com : "(...) Nous avons, par contre, nous-mêmes déposé plainte avec constitution de partie civile contre Monsieur FROMMELT, Président de l’association FAMIDAC, pour diffamation. (...)". Encore un nuage de fumée, cette plainte ne nous est jamais parvenue.

Notes

[1Le délégué général de l’UNCG-GPE, présenté par ailleurs comme directeur de la société « Accueil et services », Pascal Schmitt, a fait savoir par courrier daté du 29 avril 2008 que son poste de directeur de « Accueil et services » ne trouvait plus sa justification dans la restructuration du groupe Villa Family qui souhaite « optimiser ses moyens de gestion et rendre plus efficace son action ». Il a été mis fin à ses fonctions de directeur le jour même.

[2Pascal Schmitt est tantôt délégué général de l’Union nationale pour la coordination et la gestion des groupements des particuliers employeurs en vie de famille (UNCG-GPE), directeur de « Accueil et services », représentant de Villa Family et ... le fusible qui a sauté à cette occasion ??? Il n’est, en tout cas, ni le premier ni certainement le dernier à faire les frais de cette usine à gas.