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2015 : L’accueil familial de personnes handicapées mentales vieillissantes

Mémoire de Clothilde PERISSE - Diplôme d’Etat de Conseillère en Economie Sociale et Familiale, session 2015.

Clothilde nous écrit, le 31 octobre 2015 :

Bonjour,

L’accueil familial social : une solution pour les personnes handicapées mentales vieillissantes ?
Mémoire - PERISSE Clothilde

Cet été, je vous ai sollicité pour diffuser un questionnaire afin de réaliser mon mémoire de DE CESF.
Vous aviez accepté ma demande et je devais vous envoyer mon mémoire : "l’accueil familial social : une solution pour les personnes handicapées mentales vieillissantes ?"
J’ai voulu attendre les résultats avant de le faire. Je suis donc diplômée et pour le mémoire, j’ai obtenu la note de 12 à l’écrit et 12 à l’oral.
De ce fait, je vous envoie mon mémoire et je tiens à vous remercier pour l’aide que vous m’avez apporté.
Il n’y a pas de problèmes pour moi pour qu’il soit publié sur votre site, en intégralité.
Je vous souhaite une bonne réception ainsi qu’une bonne journée.

Clothilde PERISSE
Tél. 06.37.04.79.77 - clothilde.perisse(arobase)sfr.fr

Bravo Clothilde !
:-) ... et Merci de nous avoir autorisé à publier ici même votre mémoire.
Pour l’association Famidac,
Étienne Frommelt

PS : Clothilde a "bouclé" son mémoire, sur le thème des personnes handicapées mentales vieillissantes, mais vous pouvez encore compléter, en bas de page, son questionnaire : vos réponses profiteront à d’autres étudiant(e)s, qui s’intéresseront également à ce sujet.
Merci !!!


L’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). social : une solution pour les personnes handicapées mentales vieillissantes ?

Extraits :

2.1.2 Le handicap : un concept aux multiples visages

Il existe deux grands types de handicap : le handicap physique et le handicap psychique et mental.

Plusieurs types de déficiences sont à l’origine du handicap physique : une déficience sensorielle, une déficience motrice et une déficience liée aux maladies invalidantes.

Le handicap psychique est la conséquence d’une maladie mentale qui a pu se déclarer suite à un événement traumatique. Le handicap psychique a été reconnu en France en 2005, sous la pression de plusieurs associations dont l’UNAFAM (Union Nationale des Amis et Familles de Malades Mentaux [maintenant Psychiques]).

Nous nous intéresserons dans ce mémoire, plus particulièrement, aux personnes en situation de handicap mental. Le handicap mental est la conséquence d’une déficience intellectuelle ou d’un déficit neurologique. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la déficience intellectuelle, comme « un arrêt du développement mental ou comme un développement mental incomplet, caractérisé par une insuffisance des facultés et du niveau global d’intelligence, notamment au niveau des fonctions cognitives, du langage, de la motricité et des performances sociales ».

Il touche 1 à 3% de la population générale, et plus particulièrement les hommes. Les causes de cette déficience sont multiples et différentes en fonction de l’âge du sujet lors de leur apparition. Lors de la division cellulaire, différents accidents chromosomiques peuvent causer une déficience mentale. Celle-ci peut aussi être due à une maladie héréditaire. Pendant la grossesse, certaines conduites à risques telles que la prise de médicaments ou la consommation de tabac ou d’alcool peuvent entrainer une déficience mentale. L’étape de la naissance peut aussi conduire à une déficience, notamment lors d’un accouchement prématuré ou encore quand le nouveau-né est en souffrance cérébrale. Enfin, tout au long de la vie, des maladies infectieuses, virales ou métaboliques, des intoxications, des traumatismes crâniens ou encore des accidents de la route ou de la vie peuvent entrainer une déficience mentale.

Il est important de souligner qu’à déficience égale, le handicap subi peut différer énormément en fonction du contexte familial, économique, social, scolaire et médical.

(...)

LOI n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychique, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant »

(...)

2.2 Le vieillissement dans notre société

2.2.1 Essai de définition

La vieillesse est identifiée comme la dernière étape du cycle de la vie. Il est difficile de donner un seuil d’âge car il s’agit autant d’un état d’esprit que d’un état physique.

Cependant en France, administrativement, une personne de plus de 60 ans est considérée comme une personne âgée. Ce chiffre est très arbitraire, le vieillissement étant un processus universel mais très variable selon les individus, en fonction de leur santé et de leur vécu. De plus, au fil des années, et notamment grâce au progrès de la médecine la vieillesse est devenue une période longue et s’est divisée en plusieurs périodes :

  • L’âge de la retraite : les personnes sont souvent encore dynamiques et actives. Elles s’investissent fréquemment dans le milieu associatif. Cette période est vécue comme une nouvelle chance. De plus, cette génération peut être qualifiée de génération « pivot ». Effectivement, ces adultes aident encore leurs enfants mais s’occupent aussi de leurs parents devenus dépendants.
  • Le grand âge : cette période est marquée par les soucis de santé liés à l’âge qui limitent le dynamisme. Les personnes sont alors des personnes aidées plutôt que des personnes aidantes. Cela peut être une période difficile à accepter et on assiste parfois à un « syndrome de glissement ». (Le « syndrome de glissement » est une décompensation rapide de l’état général de la personne qui se caractérise par un désintérêt de tout).
  • La perte d’autonomie ou la dépendance : la personne est alors prise dans une logique de soins médicaux et risque d’être coupée de son histoire personne et de son identité. La personne dépendante est souvent infantilisée.

La vieillesse, même si elle s’accompagne souvent de pathologies n’est pas elle-même pathologique, c’est simplement un affaiblissement naturel.
La vieillesse est donc à la croisée entre le biologique et le social, le vieillissement est une réalité physique mais l’âge est une construction sociale.

2.2.2 Les représentations collectives

L’augmentation de la population âgée n’impacte pas positivement les représentations collectives, bien au contraire. Le gérontologue R. BUTLER parle d’ « âgisme », pour exprimer une attitude de préjugés négatifs relatifs au déclin de la personne. L’image de la vieillesse, en France, est très négative. Cela s’explique par le fonctionnement de notre société. Celui-ci est basé sur le jeunisme et la performance.

La vieillesse est donc anxiogène et l’augmentation du nombre de personnes âgée la rend d’autant plus visible. La vieillesse n’est pas valorisée alors que l’on déploie une grande énergie à la faire durer de plus en plus longtemps : ceci constitue un paradoxe.

Dans certaines civilisations, au contraire la vieillesse est symbole de sagesse. Par exemple en Afrique Noire, un proverbe dit « un vieil homme qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle ».

Enfin, avec la modification des modes de vie et d’habitation, le modèle où 4 générations cohabitaient sous le même toit a disparu pour une composition à 2 générations. Le lien intergénérationnel s’est donc affaibli. De plus, d’après F. DE SINGLY, on assiste, à partir des années 1960 à une mutation familiale. La famille se structure alors autour des identités de chacun, en fonction de son épanouissement personnel. Cette mutation s’explique par l’indépendance acquise par les femmes, comme l’accès au travail par exemple. Les femmes ont moins de temps, elles privilégient les soins à leurs enfants plutôt qu’à leurs parents. S’occuper des ainés se résume à une charge.

2.3 L’avancée en âge des personnes atteintes d’un handicap mental

2.3.1 État des lieux

Grâce aux progrès de la médecine, au dépistage mais aussi à des accompagnements adaptés, l’espérance de vie des personnes en situation de handicap mental connait une croissance similaire à celle des autres personnes. Cette avancée en âge se traduit par la venue de nouvelles déficiences (surdité, cécité, réduction de la mobilité) provoquant de nouveaux handicaps ainsi qu’une augmentation des anciennes déficiences.

Il apparait donc nécessaire, d’adapter notre société, les prises en charge et l’accompagnement des personnes en situation de handicap en prenant en compte leur vieillissement mais sans les considérer uniquement comme des personnes âgées. Les atteintes de l’âge n’effacent pas le handicap. S’il n’a pas été anticipé, le vieillissement des personnes en situation de handicap peut conduire à des ruptures graves dans le parcours de vie.

Le vieillissement, pour beaucoup de personnes en situation de handicap mental, est synonyme de bouleversement, notamment pour les travailleurs en milieu adapté. En effet, à l’âge de 60 ans ils doivent quitter leur Établissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT) et très souvent leur lieu de vie, car il n’est pas agréé pour accueillir des personnes handicapées en retraite.

Les professionnels doivent préparer cette rupture en proposant un autre lieu de vie en accord avec les besoins exprimés ou le ressenti de la personne. Il peut s’agir soit de préparer le retour dans la famille d’origine, soit d’envisager un placement en structure collective. Malheureusement, le retour en famille est souvent très difficile (parents vieillissants, fratrie démissionnaire). Quant aux structures collectives elles sont basées sur le modèle hospitalier et ne sont pas adaptées à tous les handicaps.

D’après l’UNAPEI (Union Nationale des Associations de Parents et Amis de personnes handicapées mentales), les personnes handicapées mentales sont inquiètes de leur devenir. Les associations reçoivent de plus en plus de demandes à ce sujet de la part des personnes elles-mêmes ou de leur entourage personnel ou professionnel.

2.3.2 Quelques solutions d’accompagnement

Pour répondre à ces préoccupations, il n’existe malheureusement que peu de solutions. Certaines personnes handicapées vieillissantes ont toujours vécu dans leur famille ou y reviennent. Dans ce cas, il est important d’accompagner les aidants familiaux afin de limiter leur fatigue, et de tenir compte de leur propre vieillissement. C’est pourquoi les formules d’accueil temporaire tendent à se développer. Elles peuvent aussi être une étape de transition entre la vie en milieu ordinaire et celle en milieu spécialisé.

Les interventions à domicile peuvent aussi s’adapter à cette avancée en âge, notamment les services d’aide à domicile (SAAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), les services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ainsi que les services médico-sociaux pour adultes handicapés adultes handicapés Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir soit un taux d’Incapacité permanente partielle (I.P.P.) égal ou supérieur à 80%, soit un taux d’I.P.P. compris entre 50 et 80 % ET une reconnaissance d’inaptitude au travail. (SAMSAH).

Il est aussi possible d’adapter les structures déjà existantes. Les ESAT peuvent, par exemple, adapter le rythme de travail des personnes handicapées et modifier les tâches à effectuer. Mais ces modifications ne résolvent pas le problème du lieu de vie après 60 ans.

Actuellement, une des solutions la plus utilisée est le recours aux EHPAD. Cependant, elle est controversée. En effet, l’entrée dans ces établissements a généralement lieu vers 80 ans. Alors qu’elle se fait beaucoup plus tôt pour les personnes handicapées (vers 60 ans) car celles-ci sont d’abord, à ce moment là, considérées comme des personnes âgées, le handicap passant au deuxième plan. Cette situation engendre une différence générationnelle et donc des besoins différents. De plus, il arrive que certains « enfants » handicapés entrent dans le même établissement que leurs parents vieillissants. D’autre part, ces établissements ne sont pas adaptés au handicap et les professionnels n’y sont donc pas toujours formés. Ce qui peut nuire à la qualité de la prise en charge.

(...) pour le public habituel des EHPAD, la représentation sociale du handicap est parfois un frein à l’acceptation de cette cohabitation, que ce soit de la part des personnes âgées ou de la part de leur famille.

L’accueil familial, bien qu’encore peu développé, représente une alternative pour les personnes en situation de handicap qui avancent en âge.

(...) quand la famille d’origine est encore présente, elle peut avoir des difficultés à reconnaitre qu’elle n’est plus capable de s’occuper de son enfant et doit faire le deuil de sa vie avec lui. Certaines familles mettront tout en œuvre pour que ce changement fonctionne alors que d’autres, par réaction, le feront échouer.

3.2 Famille et handicap

L’essence même de l’accueil familial est de reproduire les modèles de la famille.
Nous avons vu que le handicap provoque un bouleversement dans la sphère familiale d’origine. Mais dans le cas de l’accueil familial, l’arrivée d’une personne handicapée est un choix qui a été préparé, réfléchi et anticipé par les différents occupants du foyer. Et donc, la personne handicapée est acceptée plus facilement dans sa globalité et tout est mis en œuvre pour son bien-être.

« La famille rend fou, ce n’est pas une nouveauté. Folie d’autant plus dangereuse lorsqu’elle se manifeste dès les origines et s’exprime à l’intérieur d’un huit clos non régulé par des normes culturelles ou sociales. Mais, si la famille rend fou, elle peut également soigner, c’est l’un des enseignements de Geel. Un autre contexte, fait d’enjeux différents, organisé par d’autres normes familiales, contribue à soigner des défaillances d’une parenté. » [1]

La famille a plusieurs fonctions : d’abord une fonction de reproduction biologique mais aussi une fonction sociale. Les parents vont transmettre des normes, des valeurs et des savoirs. Elle a aussi une fonction de socialisation, elle aide à intérioriser les règles de vie et les comportements sociaux. La famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! a les mêmes fonctions. La famille devient alors une sorte d’outil de travail. Elle apporte une stabilité relationnelle et un cadre solide. Elle permet à la personne d’être entourée, aimée et acceptée.

« Ils ont besoin de points de repères hors établissement, où ils sont en relation ponctuelle avec de nombreux professionnels : une stabilité relationnelle, des relations amicales, une vie de famille bien « rangée », rythmée mais ordonnée, une ouverture à plein d’activités concrètes (bricolage, jardin, nature, cuisine, informatique…) débouchant parfois sur un projet personnel »

(...)

3.4 Le vieillissement au quotidien

D’après les accueillants familiaux accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
, le vieillissement de leurs accueillis handicapés mentaux a des répercussions sur leur vie quotidienne. D’abord, au niveau de leur comportement : certaines « manies » prennent une place de plus en plus importante, car elles rassurent. L’avenir étant source d’angoisse les rituels permettent de canaliser cette angoisse dans les périodes où la maladie reprend le dessus, même si l’accueil avait permis de la stabiliser.

Lorsque leur état de santé se dégrade, l’aide dans les actes de la vie quotidienne remplace la stimulation auparavant nécessaire. L’incontinence devient fréquente. La prise de repas peut aussi être source de nombreuses « fausses routes ». D’après les témoignages des aidants, ceux-ci déplorent leur manque de formation particulièrement dans la réalisation d’actes paramédicaux. Des partenariats avec des associations de maintien à domicile peuvent alors être proposés afin que tout se déroule dans les meilleures conditions.

« Il faut parfois plus d’aides dans les gestes quotidiens : faire appel aux professionnels de santé et savoir dire stop lorsque la personne relève du milieu médical. Chacun doit savoir ses limites dans son métier et rester à sa place. »

D’autres assistent, impuissants à la dégradation physique des accueillis.
« Mon accueillie qui a 61 ans, a un retard mental de naissance et je l’accueille depuis presque 3 ans. Je remarque que ce qu’elle a appris dans la première année (hygiène, comportement à table, respect des règles), elle les perd complètement »

Selon les accueillants, la personne handicapée vieillissante a de plus en plus besoin de calme. La composition de la famille, par exemple la présence d’enfants peut devenir incompatible avec les nouveaux besoins. L’accueil de jour peut alors être une solution.
Ce besoin de calme peut, quand la composition de la famille le permet, apporter une sérénité à la personne accueillante en modifiant ses habitudes.
« Ma première expérience, celle avec une personne trisomique âgée, m’a réappris à vivre au ralenti, à me poser ».

Bien qu’étant proche des personnes handicapées mentales vieillissantes qu’elles accueillent, et donc étant l’acteur principal de l’aide apportée dans la vie quotidienne, les aidants sont mis à distance par les autres professionnels.
« Je déteste les non-dits, sous couvert de secret professionnel »
« C’est pénible de ne pas toujours être pris en considération lors de compte-rendu d’établissement »

(...) Ces recherches m’ont amenée à conclure que l’accueil familial social était adapté aux personnes handicapées mentales vieillissantes dans le sens où il proposait un accueil individualisé au plus près des besoins de ceux-ci. Les accueillants connaissent parfaitement leurs habitudes de vie favorisé par un nombre réduit de personnes accueillis.

Ainsi un lien fort entre accueillant et accueilli se créé. Ce lien permet aux accueillis de dépasser certaines de leurs peurs et ou angoisses.

J’ai aussi constaté que les accueillants déplorent que, malgré un investissement personnel important, leur travail ne soit pas reconnu.

Ce qui m’a emmené à la question de recherche suivante :
En quoi le manque de reconnaissance des accueillants familiaux influe sur le bénéfice du dispositif pour les personnes handicapées mentales vieillissantes ?

D’où l’hypothèse suivante :
Le manque de reconnaissance des accueillants familiaux affecte l’estime de soi et engendre une démotivation à l’évolution du dispositif d’accueil de personnes handicapées mentales vieillissantes.

4.2. L’hypothèse

L’hypothèse citée précédemment, fait apparaître plusieurs termes importants que sont le manque de reconnaissance des accueillants familiaux, la dévalorisation de soi, et la démotivation et l’évolution d’un dispositif.

Le manque de reconnaissance est un défaut de reconnaissance. La reconnaissance est un des piliers du travail car elle valorise l’individu en lui confirmant sa valeur, son appartenance à un groupe social ainsi que son intégration dans celui-ci. La reconnaissance s’apparente donc à un besoin, qui doit être satisfait pour l’épanouissement personnel. Elle concerne autant les réussites que le dépassement des difficultés. Le manque de reconnaissance induit des comportements négatifs pouvant aller jusqu’à la perte de motivation.

Les accueillants familiaux ont maintes occasions de ressentir ce manque de reconnaissance.
L’obtention de l’agrément ne signifie pas que des personnes leur seront confiées, ce qui peut entrainer une frustration pour une personne faisant la démarche d’aider les autres.

Le Conseil Départemental, n’est pas l’employeur de l’accueillant. De ce fait, en fonction de son implication variable selon les départements, il ne met pas toujours les accueillants en relation avec des personnes susceptibles de vouloir bénéficier des services d’une famille d’accueil ou ne communique pas à propos de cette pratique avec ses différents partenaires.

Il n’existe pas de formation spécifique aux accueillants familiaux ce qui laisse à penser qu’on ne reconnait pas leur travail comme un véritable métier nécessitant des qualifications particulières. De ce fait, si pour de multiples raisons, l’accueil familial cesse, la personne ne peut pas faire reconnaitre ses années d’expériences ni bénéficier d’une validation des acquis. Ce travail dans l’ombre est si peu reconnu que mêmes certains professionnels du social n’en connaissent pas l’existence, que dire alors des membres de la population non sensibilisés à ce public.

Ce dispositif se pratiquant à domicile, les personnes accueillantes sont isolées les unes des autres, et n’ont que les réunions trimestrielles, quand elles existent, pour échanger sur leurs pratiques, exprimer leurs difficultés et se sentir valorisées.

Comme vu précédemment, au niveau des aides sociales, aucune subvention ou financement spécifique à leur statut d’accueillant familial, ne leur sont attribués pour aménager leur logement afin d’améliorer la prise en charge. Ces transformations amélioreraient leurs conditions de travail, reconnaissant ainsi la pénibilité de leurs tâches, et seraient aussi bénéfique pour le quotidien des personnes accueillies.

Le lien reconnu administrativement entre accueillant et accueilli est un lien employé et employeur. Lorsque ce lien est brisé par le décès, il n’y a pas de reconnaissance de la dimension affective et donc du deuil qui peut alors être une étape difficile à franchir.

L’estime de soi est un terme utilisée en psychologie. Il désigne le jugement ou l’évaluation faite d’un individu en rapport à ses propres valeurs.
Elle se manifeste par la fierté que l’individu a de lui-même. L’estime de soi n’est pas une valeur constante, elle peut se modifier chaque fois que notre comportement contredit nos valeurs. Une bonne estime de soi est un moteur permettant de supporter plus facilement les échecs. Elle conditionne nos actes et nous aide à repousser nos limites. Elle incite aussi à trouver des solutions innovantes. Au contraire, une mauvaise estime de soi engendre un manque de confiance en soi.

L’estime de soi est source de stimulation et a des répercussions sur l’entourage. Si l’accueillant a une mauvaise estime de lui, l’accueilli le ressentira de façon inconsciente et cela aura un effet négatif sur l’accompagnement.

La démotivation est l’altération de la motivation pourtant essentielle pour l’efficacité au travail comme dans la vie quotidienne. La démotivation peut être liée au caractère même de la personne et à son état de santé physique et psychologique.

Pour les accueillants familiaux, le fait que le lieu de vie soit le lieu de travail implique qu’il n’y a pas de distinctions entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Une saturation dans celle-ci peut conduire rapidement à une explosion familiale. L’isolement, évoqué dans le manque de reconnaissance, est source de stress et donc de démotivation.

Bien que le principe de l’accueil familial repose sur le fait que la personne accueillie doit vivre aux rythmes des accueillants, on peut supposer qu’il est fréquent que l’inverse se produise par souci de confort pour la personne en situation de handicap vieillissante. Ceci oblige donc l’accueillant à adapter son rythme de vie et ses aspirations ce qui peut engendrer une frustration et un découragement d’où une démotivation.

L’évolution d’un dispositif est, d’après le dictionnaire Larousse, un ensemble de modifications que l’on considère comme un progrès, un développement.

Concernant le dispositif d’accueil familial, son développement pourrait être dû à des changements dans les pratiques professionnelles, faisant évoluer la manière dont les aidants se perçoivent eux-mêmes. Ce qui pourrait amener à des modifications de la loi, sous l’impulsion d’associations qui œuvrent au profit des bénéficiaires ou des professionnels.

Enfin, il pourrait être dû à une modification positive de l’image du public bénéficiaire dans la société entière.

Conclusion

Le vieillissement des personnes handicapées mentales est une réalité dans notre société. Il est le reflet des progrès médicaux mais aussi de l’accompagnement de qualité qui s’est développé au bénéfice des personnes handicapées.
Cependant, le vieillissement de ce public n’a été que très peu anticipé dans les politiques sociales. Seulement quelques solutions existent, et elles ne sont pas toujours en adéquation avec les besoins des personnes en situation de handicap.

Dans ce paysage flou, l’accueil familial parait une solution adaptée, du fait de son individualisation. Les valeurs familiales apportent, en effet, à l’accueilli un cadre stable fait d’amour et de bienveillance loin de la surmédicalisation de certaines prises en charge. Bien que les accueillants soient professionnels, ce dispositif permet aux personnes handicapées mentales vieillissantes de côtoyer d’autres personnes que les « blouses blanches », souvent très présentes dans leur vie.

Les accueillants effectuent un travail remarquable au quotidien mais trop peu remarqué et valorisé. L’accueil familial demande un investissement personnel fort, leur permettant d’agir sur les façons de vivre et de se comporter de leurs accueillis. Malheureusement, leurs tâches ne sont pas quantifiables ni évaluables statistiquement. Il s’agit d’un travail à long terme. Les effets bénéfiques sur la personne ne se voient pas en quelques jours. Dans une société où même dans le travail social, on exige un rendement, l’accueil familial social parait en décalage.

Le manque de reconnaissance dans leur travail, tant par l’absence de diplôme, par l’absence de considération des autres professionnels que par un statut précaire n’impulse pas un développement notable du métier d’accueillant.

(...) Malgré les nombreuses difficultés actuelles qu’il rencontre, je pense que ce dispositif a d’énormes potentialités et qu’il mérite d’être développé et perfectionné.


L’accueil familial social : une solution pour les personnes handicapées mentales vieillissantes ?
Mémoire - PERISSE Clothilde

Cliquez ici pour télécharger ce mémoire

P.-S.

Clothilde a "bouclé" son mémoire, sur le thème des personnes handicapées mentales vieillissantes, mais vous pouvez encore compléter son questionnaire : vos réponses profiteront à d’autres étudiant(e)s, qui s’intéressent à ce sujet "pour tous les âges".
Merci !!!

Notes

[1CÉBULA, Jean-Claude, « L’accueil familial des adultes », Dunod, 1999

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