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25 - Histoire de l’accueil familial

Des enfants exposés à l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). - Adultes : des solidarités sociales à des dispositifs solidaires ?

L’histoire de l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). chemine aux côtés de l’histoire de l’humanité et de la lente ascension de l’homme comme interprète, inventeur et sujet d’un monde qu’il façonne péniblement, traçant de fragiles frontières entre nature et culture. C’est l’histoire de la vie, du miracle de son surgissement à son inexorable achèvement, ponctuée de mystères, de mythes et de rencontres dramatiques.

Les figures divines ou prophétiques qui ont une place importante dans notre culture ont vécu un déplacement familial. De la saga des dieux grecs comme Zeus, confié par sa mère Rhéa à des nymphes et à la chèvre Amalthée, sa vraie nourrice, pour pouvoir échapper aux dents de son père Chronos, à la culture judéo-chrétienne où Moïse et Jésus, enfants accueillis et élevés par des familles nourricières, ont rencontré des destins hors du commun, un continuum se dessine.

Les contes et mythes contemporains s’appuient sur des ressorts similaires de l’humain. De plus, on peut repérer que l’éloignement d’un enfant et son placement répondent à plusieurs préoccupations, dont notamment l’évitement de la mort par infanticide. C’est le cas de Blanche-Neige ou du Petit-Poucet par exemple, et surtout d’Œdipe qui donnera son nom à un complexe en tombant dans le piège d’un drame encore plus terrible, celui de l’inceste.

L’éloignement, comme dans la tradition du "fosterage" anglo-saxon, a également pour fonction de déplacer le désir incestueux : le jeune garçon est confié à son oncle maternel qui l’initie à la vie collective ; son initiation affective pouvant être complétée par la femme de celui-ci.

C’est cette dimension d’évitement du désir incestueux qui a fondé le placement familial de Geel. Dymphne (devenue la sainte patronne des fous) jeune femme en fuite, est décapitée en ce lieu par un père devenu fou de désir. Ce drame, autant que la résistance héroïque de Dymphne qui ne succombe pas à la folie d’un père, seront vénérés lors de pèlerinages où des possédés peuvent espérer retrouver la raison.

Plus prosaïquement, l’histoire de l’accueil familial se déroule en-deçà de ces empreintes mythologiques. Il est en fait marqué par la misère humaine et sociale, par la lente évolution des idées et du droit, pour des enfants en particulier, et par l’organisation des recours qu’une société invente pour venir en aide aux plus démunis ou aux plus fragiles.

Selon que des enfants ou des adultes seront concernés, se déroulent en fait deux histoires parallèles. Pour les enfants, l’histoire chaotique reste celle de leur abandon, de leur recueil, de leur nourrissage, de leur élevage et de leur protection. Pour les adultes, l’histoire devient celle des dépendances et du regard qu’une communauté porte sur ses aînés ou ses handicapés.

Bien que différentes, ces histoires partagent des points communs pour les accueillis : celui d’être plus ou moins éloigné des siens et surtout de ne plus vivre dans leur intimité, celui de mobiliser une famille pour nourrir, héberger, aider, soigner, et enfin celui de s’inscrire dans les registres sociaux ou médicaux que nos sociétés se sont donnés.

Étonnamment, un autre point commun, au moins, les réunit tenant à la désignation d’"industrie nourricière" pour qualifier l’allaitement mercenaire des nouveaux-nés au 18ème et 19ème siècles, et quelques temps plus tard pour évoquer l’économie des colonies familiales du centre de la France qui, au début du 20ème siècle, accueillaient les trop-pleins des asiles parisiens.

Ces histoires ont rencontré l’évolution du droit et des connaissances pour récemment croiser l’histoire de la professionnalisation des accueillants qui marque profondément les pratiques et les dispositifs d’accueil familial.
Plutôt que de retracer l’histoire des accueils familiaux, que chacun peut retrouver facilement, seuls sont donnés ici quelques repères qui permettent de comprendre le sens et la portée des dispositions actuelles.

Des enfants exposés à l’accueil familial

Les étapes de l’histoire de l’accueil familial des enfants se succèdent selon les avancées en matière de droit, et principalement du droit de regard qu’une société s’accorde sur l’éducation des enfants, réduisant et encadrant dans le même temps l’autorité des parents. Elle épouse donc les contours de l’histoire des enfants abandonnés, exposés, recueillis, placés et aujourd’hui... accueillis.

L’infanticide devenu un crime, le sort des enfants abandonnés éveille les consciences. Les organisations charitables tentent de répondre aux besoins en multipliant les établissements d’accueil (tel l’Hôtel-Dieu au 16ème siècle) et en organisant des programmes d’assistance sous l’impulsion de St Vincent de Paul. Les regards portés sur l’enfance et ses besoins doivent avant tout bousculer nombre de préjugés qui ne donnaient alors que peu de valeur à l’enfant, à ce qu’il représentait et à sa souffrance.

Les placements nourriciers, qui sont à la fois une réponse de circonstance et d’intérêt, demandent à être contrôlés afin de lutter contre les malversations, les mauvais traitements infligés aux enfants, leur exploitation ou même leur abandon. La mise en œuvre d’une réelle politique de protection n’apparaît qu’à la fin du 19ème lorsqu’est votée la loi Roussel sur la protection judiciaire des enfants maltraités et moralement abandonnés.

Cette histoire est au carrefour d’autres histoires, celle des progrès et du droit, mais aussi celle des besoins primordiaux des enfants auxquels il faut répondre pour les faire grandir. L’histoire du nourrissage succède à celle de l’organisation de l’urgence. L’allaitement des nouveaux-nés devient une activité de service à domicile où des mères, soumises à l’économie de marché, participent à la vie d’un pays comme "industrie nourricière".

En reprenant les nombreuses analyses de Pierre Verdier quant aux aspects juridiques de cette évolution, on peut rapidement rappeler que l’enfant, autrefois soumis à la toute-puissance paternelle, devient un enfant "dit" par ses parents qui voient alors leurs droits limités lorsque l’État "dit" ce qui est le droit qui s’applique aux enfants (droit à l’assistance, limitation du travail, instruction publique obligatoire...). Évolution qui, de nos jours, trouve son aboutissement par le biais de la convention internationale des droits de l’enfant.

Nadine Lefaucheur, dans l’histoire des modèles de gestion sociale des enfants "sans famille" ou séparés, évoque une succession de modèles d’élevage dépendant de la succession des idéologies.
Le premier de ces modèles, qualifié de modèle angélique, domine en France sous les régimes monarchiques et impériaux. Pour la société de l’époque, ce qui est inacceptable est moins la mortalité que le risque de décès sans baptême préalable. Aussi est-il demandé aux nourrices "de ne pas hâter volontairement la mort des enfants qui leur sont confiés".

Le second modèle dit "patriotique" met l’accent sur la notion de citoyenneté. L’objectif est de transformer les enfants sans famille, non en anges mais en citoyens. Deux sous-modèles se complètent :

Il est possible de penser que la loi de 1992 introduit un nouveau développement, relevé par Catherine Sellenet. Reprenant et poursuivant les travaux de Nadine Lefaucheur, elle propose un modèle "psycho-patriotique" dans lequel il ne s’agit pas seulement de faire des enfants séparés de "bons citoyens" mais aussi des "citoyens épanouis".

Aujourd’hui s’interpénètrent deux mouvements. Le premier s’enrichit de la mise à jour progressive des besoins d’un enfant. Il s’appuie sur la découverte de processus indispensables pour qu’un enfant, non seulement grandisse, mais devienne un sujet parmi d’autres. Des nourritures terrestres certes sont indispensables, après que les nourritures spirituelles aient montré leurs limites, mais également des nourritures affectives et enfin des nourritures psychiques.
Le second mouvement tient à l’organisation des réponses sociales, et notamment à l’évolution des prises en charge en accueil familial qui a pu répondre aux besoins des enfants de conserver, voire de construire, des liens avec leurs parents, travail de suppléance qui doit donc s’attacher à soigner également les troubles graves de la relation parents-enfants.

Cette évolution est à l’origine de la reconnaissance et de la professionnalisation des accueillants dont l’activité se démarque alors d’un simple nourrissage, et qui contribuent, avec d’autres professionnels, à penser les besoins d’un enfant séparé et de ses parents.

Des solidarités sociales à des dispositifs solidaires ?

L’histoire de l’accueil familial des adultes a surtout emprunté les chemins de la réglementation d’une activité aux mille facettes qui répondait peu ou prou aux besoins de populations en perte ou en manque d’autonomie. Réponses de circonstance façonnées par les traditions et les solidarités sociales ou familiales, ces activités, qu’il est parfois difficile de considérer comme de l’accueil familial, mobilisaient, hors de tout cadre et de tout regard social, des familles ou des communautés qui s’occupaient de leurs aînés ou de leurs handicapés.

Naturellement, les anciens ont pu bénéficier de l’attention de leur entourage familial. Ils devaient être aidés dans leur quotidien alimentaire, mais s’y est associée la nécessité de les héberger afin de pouvoir assurer à leurs côtés une présence permanente rendue obligatoire par la dégradation de leur état.

C’est donc avant tout sur la base d’une hôtellerie familiale, dont on retrouve aujourd’hui les traces, que s’est déployé l’accueil des personnes âgées. Cantonnées dans les secrets familiaux, ces histoires étaient peu connues jusqu’à ce que la parenté, en raison des transformations que subit la famille, ne puisse plus répondre à des aînés de plus en plus en plus âgés.

Par ailleurs, le nombre de personnes âgées toujours plus important oblige à penser des modes d’aide diversifiés parmi lesquels l’accueil à domicile, plus ou moins familial, proposé par des particuliers qui se tournent vers cette activité qui mêlant hôtellerie, proximité relationnelle et réponse à la dépendance, se révèle du meilleur comme du pire.

Les pouvoirs publics, devant la multiplication de ces initiatives privées, ont du les réguler et leur donner un cadre afin d’en contrôler les dérives.

De leur côté, les personnes handicapées ont fait l’objet de sollicitudes similaires, avec cependant des différences fondamentales qui contribuent à situer plus clairement ces accueils de circonstance du côté de l’accueil familial. En effet, leurs défaillances, parfois anciennes, les ont amenés à grandir dans des familles dans lesquelles se sont construites leur histoire et leur identité. Ce sont toujours de "grands enfants" qui ont trouvé là pôle d’appartenance, occupation agricole et ancrage social, voire affectif.

Certes, leur sort ne fut pas toujours des meilleurs. Parfois mal logés, mal traités, exploités, ils ont eu peu de moyens pour contester leur situation.

L’histoire de ce mode d’accueil familial est plus connue car il recourt davantage à un tiers social ou institutionnel, initiateur des placements, et plus rarement organisateur ou contrôleur. Ce tiers est manifeste pour des populations issues des asiles ou des hôpitaux psychiatriques qui, sur le modèle de Geel en Belgique, ont contribué notamment à faire prospérer les deux colonies familiales de Dun-sur-Auron et Ainay-le-Château, et ce jusqu’à la fin des années 80.

En fait, l’histoire de l’accueil familial des adultes est celle de deux dépendances, chacune irréversible du fait de l’âge ou du handicap, et pour lesquelles il n’est pas attendu de rémission. Ces modes d’aide qui, sans projet social, se perpétuent jusqu’à la disparition des accueillis ou des accueillants, sont complétés par deux dispositifs qui font figure d’exceptions dans le champ de l’accueil familial des adultes.

L’une, ancienne, se donne pour objectif de soigner des malades mentaux dans le cadre de projets d’accueil familial thérapeutique AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
. L’autre, plus récente, se propose de s’appuyer sur l’accueil de familles pour aider des toxicomanes à accéder à l’autonomie.

Il reste aujourd’hui tout un pan des pratiques à inventer, celui de solidarités tournées vers des adultes désinsérés économiquement, socialement, affectivement pour lesquels les ressources des familles d’accueil pourraient contribuer à retisser le lien social mis à mal.

Mais ceci n’est pas encore de l’histoire...

bibliographie

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"Accueil familial thérapeutique", revue VST n° 57, 1er trimestre 1998

P.-S.

Avertissement : ce qui précède n’est qu’un des nombreux chapitres du Guide de l’accueil familial, publié en 2000 aux Éditions Dunod, Les textes réglementaires ayant évolué, certaines références aux contrats, rémunérations, lois... ne peuvent servir que de traces ou de repères « historiques ».