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42 - Rivalité

La rivalité entre deux familles - La rivalité équipe-famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! -
La rivalité au sein de la famille d’accueil -
La rivalité équipe-parents

L’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). produit de l’appartenance et réveille la tentation de l’appropriation qui, excessive, alimente la rivalité entre les partenaires de l’accueil : parents, famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! et équipe. A qui appartient l’enfant ? Qui détient la vérité pour son bien ? Qui peut décider pour un adulte désorienté ?

La notion même de rivalité se traduit dans les pratiques par des questionnements permanents sur les prérogatives, réelles et imaginaires, que chacun des partenaires s’attribue et se voit attribuées par les autres. Comment se distribuent et s’harmonisent-elles pour l’équipe spécialisée, compétente et garante du projet d’accueil ou de soin, pour la famille d’accueil qui vit à longueur de temps avec l’accueilli et en a une connaissance pratique et empirique, pour les parents qui ont l’autorité parentale sur l’enfant, ou pour le tuteur, voire pour la parenté de l’adulte dépendant ? Qui est légitimement en position de prendre une décision ? Qui connaît le mieux l’enfant ou l’adulte accueillis ? Qui en a le souci ? Quand la prise en charge est satisfaisante, qui est récompensé ? Et quand elle échoue, qui est responsable ?

Chacun est traversé par le besoin de retrouver dans l’autre des traces de sa compétence, de son autorité, voire de son identité personnelle et professionnelle. L’accueil familial devient donc, en premier lieu, un puissant facteur et un mouvant terrain de concurrence entre parenté et famille d’accueil, voire entre famille d’accueil et équipe. Sans omettre les rapports parfois difficiles entre équipe et parents, pourtant en principe organisés sous le primat de l’autorité parentale encadrée ou non par une décision de justice.

La rivalité entre deux familles

Encore faut-il qu’il y ait deux familles... Deux familles qui se vivent à des niveaux de compétence concurrentiels vis-à-vis d’un accueilli. Ces situations, actives lorsque l’accueilli est un enfant, peuvent à un moindre degré se rencontrer dans l’accueil des adultes, tant ce mode d’accueil réactive la question familiale, c’est-à-dire celle de la parentalité et de la culpabilité de ne pas pouvoir ou savoir s’occuper de son enfant ou de son aîné en souffrance.

Partagé entre "ses deux familles", l’accueilli est soumis à un conflit interne, souvent alimenté par la rivalité entre parents et famille d’accueil qui s’enracine dans la double appartenance imaginaire dans laquelle il est pris. Déchiré entre sa mère et la "mère d’accueil", il va osciller dans son attachement filial, de l’une à l’autre, tout en ayant le sentiment de les trahir toutes les deux.

Lorsque l’enfant est suffisamment ressourcé par l’amour de sa famille d’accueil, et que son sentiment d’exister et d’être désirable a pris suffisamment de force pour lui permettre de manifester à nouveau son appartenance à sa parenté, il est poussé à "jouer une famille contre l’autre". Mais il peut aussi, dans le même temps, exprimer son désir d’être chez ses parents et chez sa famille d’accueil, attitude susceptible d’entraîner des menaces pour chaque famille. C’est pourtant peut-être le seul moyen que trouve parfois un enfant pour se faire désirer, et garder, ici et là.

Lorsque la famille d’accueil commence à sentir l’attachement de l’enfant à sa mère ou à ses parents, elle supporte plus difficilement les réactions somatiques ou comportementales qu’il manifeste au retour de séjours au domicile familial. Son désarroi l’amène à adresser des reproches à l’équipe qui protégerait les parents, tandis qu’elle lui imposerait de préparer l’enfant à les rencontrer, puis de le consoler et de le réparer lorsqu’il en revient perturbé ou blessé.

Aux prises avec ces affects, la famille d’accueil a besoin d’un soutien important et régulier pour élaborer ses sentiments de colère et de haine tant elle a de ressentiment envers la mère, le père, l’enfant, l’équipe. Elle éprouve, avec force et contradiction, le besoin de se sentir meilleure que la mère pour que l’enfant s’attache à elle, ait envie de la retrouver, de l’aimer, de lui ressembler.

On parle souvent de "l’enfant enjeu" entre deux familles, mais on réfléchit bien moins souvent à l’enfant tant investi par sa famille d’accueil que celle-ci va développer, à son endroit, des trésors de désirs comme il n’en aura jamais déclenché jusque-là. Pas plus qu’on ne reconnaît assez l’étrange "dette" de la famille d’accueil (ce n’est pas seulement par humanité qu’elle exerce ce métier...) à l’égard de parents qui, n’élevant pas eux-mêmes leur enfant, donnent ainsi à d’autres la possibilité de se réaliser en élevant les enfants des autres.

La façon dont la famille d’accueil s’occupe de l’enfant suscite l’émergence de sentiments de jalousie, d’envie, qui peuvent être très actifs chez les parents. Dans la séparation, l’enfant acquiert une nouvelle dimension, une réalité plus importante, et habite la pensée : que fait-il ? Quelles sont ses nouvelles rencontres ? Avec qui noue-t-il d’autres liens ?

Moins chargés émotionnellement, certains de ces mouvements animent la vie des familles d’accueil d’adultes, lorsqu’un accueilli rejoue des scènes de son histoire, ou lorsqu’il se sert de sa famille d’accueil pour provoquer des sentiments de jalousie ou mettre en avant l’incompétence de sa parenté, ressentis qui peuvent également naître chez la famille d’accueil lorsqu’il lui est reproché, par une parenté en rivalité, de ne pas suffisamment bien s’occuper de « son accueilli ».

La rivalité équipe-famille d’accueil

Encore faut-il qu’il y ait une équipe ! Remarque impertinente à propos de l’accueil familial des enfants, encore qu’il ne soit pas toujours facile d’identifier une équipe au travail avec des familles d’accueil, partageant avec elles et accompagnant les processus et la problématique de l’accueil familial.

Mais, qu’ils soient ou non organisés en équipe, les intervenants de l’accueil familial d’enfants et d’adultes, forts de leurs compétences, peuvent se trouver en rivalité avec des familles d’accueil avec lesquelles ils ne savent pas toujours travailler dans un objectif commun et partagé. Car partager signifie d’en finir avec les questionnements sur celui qui sait le mieux pour un accueilli, pour répondre à ses difficultés et à ses troubles et lui apporter des réponses adaptées ; afin d’en venir à ce que chacun connaisse et reconnaisse les capacités et les compétences de l’autre.

Qu’en est-il de la capacité ou de la difficulté des équipes à éveiller, à favoriser et à conforter les compétences des familles d’accueil ?

A certains moments, les familles peuvent être dévalorisées, rejetées ou bien même considérées comme nocives, voire suspectées de s’approprier l’accueilli malgré le projet largement partagé. Elles reçoivent alors peu de gratifications, et leur rôle est souvent réduit, tout comme leur impact sur l’accueilli qui puise pourtant la matière vivante de sa construction identitaire et de son développement affectif et relationnel au sein de la famille d’accueil.

Cette attitude exprime-t-elle l’idée d’une atteinte aux compétences de l’intervenant dans son identité de professionnel de référence ? La participation des familles d’accueil aux réunions de synthèse concernant l’accueilli est difficile à mettre en place. Ceci renvoie-t-il à une crainte des travailleurs sociaux d’avoir à s’interroger sur leur place, leur savoir, leurs liens avec l’accueilli ?

A d’autres moments, elles sont idéalisées sur le registre d’une toute-puissance qui leur permettrait de répondre à tous les besoins de l’accueilli et à faire face à ses parents, projection qui les place dans une position imaginaire, dont elles ne sont certes pas exemptes, mais qui est alors dangereusement renforcée par le rôle qui leur est inconsciemment assigné.

De tels positionnements inscrivent la relation de travail entre l’équipe et la famille d’accueil dans le registre de la rivalité, bien différent de celui de la complémentarité. Quand la relation de complémentarité fait défaut, les familles d’accueil sont laissées seules chez elles par des équipes qui idéalisent la "bonne mère" d’accueil et son pouvoir sans bornes . Or, les familles d’accueil n’ont pas le pouvoir de guérir seules les troubles d’un enfant désorganisé ou ceux d’un adulte dépendant.

Les fantasmes d’exclusivité de l’accueilli, et donc de rivalité à son endroit, peuvent s’exacerber au point, qu’à travers eux, se développent dans un premier temps le sentiment d’incapacité des autres professionnels, puis dans un second temps, par culpabilité, le sentiment de l’incapacité de l’intervenant lui-même. Ces vécus conflictuels internes exposent les partenaires de l’accueil familial à des discordes institutionnelles qui reflètent les discordes familiales.

La rivalité au sein de la famille d’accueil

Au sein de la famille d’accueil, l’accueilli tend à accaparer pour lui l’attention d’un des membres du couple ; il ignore l’autre sans supporter aucune intrusion, et manifeste par là son désir de s’enfermer dans une relation duelle exclusive. Les membres délaissés de la famille d’accueil, plus particulièrement les enfants, mais aussi les conjoints, expriment alors une irritation, une intolérance à l’égard de la relation qui s’instaure. Ils se sentent abandonnés, délogés de leur place privilégiée, mais ont souvent tendance à garder cela pour eux car ils sentent bien que leur jalousie ne serait pas tolérée ou même qu’elle ne serait pas comprise.

Ces phénomènes sont d’autant plus difficiles à partager que même ceux qui les ressentent s’en défendent par des rationalisations (quel enfant d’une assistante maternelle n’a pas haï l’enfant accueilli et n’en a pas voulu à sa mère de l’abandonner lui, tout en rappelant la capacité qu’elle a de distinguer son amour pour lui et son travail ?), ou s’en étonnent au point de n’y rien comprendre (quel conjoint n’a pas éprouvé de jalousie ou d’envie à l’égard des soins et de l’attention apportés à un jeune adulte accueilli ?).

Il y a donc une nécessité pour la famille d’accueil, c’est-à-dire pour la personne ainsi envahie, l’accueillante le plus souvent, de rester à l’écoute des besoins de sa propre famille et de partager son temps, son attention et sa disponibilité avec son conjoint et ses enfants. La famille d’accueil a tendance à croire ses enfants hospitaliers et généreux comme elle et à ne pas entendre leur indifférence ou leur jalousie. Le mythe de l’unité familiale empêche alors les enfants d’exprimer leur malaise.

Ces réactions sont pourtant actives entre les enfants, ne serait-ce que dans une même fratrie, et ont besoin d’être reconnues pour éviter de devenir des sources de tensions ultérieures, nocives et destructrices.

La rivalité équipe-parents

Par sa fonction au sein d’une équipe d’accueil familial, le travailleur social, traversé par des mouvements identificatoires, se trouve impliqué dans une dynamique interne qui l’amène à prendre parti dans des conflits opposant parents et enfants d’une part, et parents et famille d’accueil d’autre part.

La problématique conflictuelle critique qui instaure une relation destructrice d’affrontement entre des parents et des enfants fait voler en éclats la représentation idéalisée des liens parents-enfants. Très active chez le travailleur social, car constituant pour une part le fondement de sa motivation à exercer son métier, elle le rend aussi vulnérable quant au sentiment de culpabilité qu’il éprouve inévitablement quand la situation l’oblige à soustraire l’un des protagonistes, l’enfant en l’occurrence, à des parents devenus incompétents. Le fantasme de rapt, qui survient à cette occasion, se manifeste massivement dans le placement, et nécessite d’être reconnu et élaboré afin de ne pas constituer une entrave au travail d’évaluation d’une situation de danger pour l’enfant.

Devant la souffrance d’un enfant, le travailleur social se ressent immanquablement meilleur parent que ces parents-là. Mais comment ne pas se sentir envahi par la culpabilité lorsque le désir qui apparaît ainsi est reconnu comme celui de destituer les parents de leur place et de se projeter comme parent idéal pour l’enfant auquel on s’identifie ? Aider les parents et les enfants, vouloir les porter et les soutenir dans l’épreuve de la séparation, se révèle un exercice délicat tant est étroite la marge entre le désir d’aider et celui de maîtriser, voire de dominer.

Les interventions sont trop souvent marquées par des prises de position en rapport avec les convictions et sensibilités personnelles des travailleurs sociaux. Quand de telles sensibilités poussent à l’interventionnisme, c’est forcément au détriment de l’écoute de l’enfant et de ses parents. Car ce qui est en jeu ici, c’est le désir du professionnel pour l’enfant, et non le désir de l’enfant en tant que sujet de son histoire. Quand ce type de position prévaut, tout échec ou raté de la prise en charge est vécu par l’intervenant comme une épreuve narcissique.

Un placement en famille d’accueil se justifie dans la mesure où il répond aux besoins de l’enfant. Il peut donc connaître des modifications en fonction de l’évolution de l’histoire de l’enfant et de ses parents. Une telle conception dynamique du travail social demande une étroite collaboration entre les différents intervenants, et une continuité d’histoire entre les divers lieux de séjour afin de les relier dans une complémentarité d’expériences.

Les enjeux d’opposition et de rivalité au sein de l’accueil familial doivent être l’objet d’une critique et d’une évaluation permanentes. L’accueilli doit être le souci constant, ses besoins recherchés dans la quotidienneté de sa relation avec la famille d’accueil, dans ses attachements passés et actuels. Chacun a toujours de bonnes raisons conscientes pour justifier telle décision ou telle attitude, mais ce que l’on ne sait pas, ce sont les raisons inconscientes qui poussent à agir.

La rivalité naît souvent de penser la famille d’accueil à la place des parents et non dans une fonction parentale de suppléance, et d’ignorer la fonction des parents dans les décisions concernant la vie de l’enfant. Les parents d’accueil sont des parents symboliques, des images, des représentants de parents. A condition de le reconnaître, l’enfant et la famille d’accueil peuvent établir des liens véritables, une communication vraie.

C’est parce qu’à un moment donné, il a été important pour quelqu’un que l’enfant peut s’inscrire dans une filiation, assumer son sexe, son prénom et son nom, son histoire, son identité, et ainsi réaliser la dette symbolique contractée à l’égard de ses parents à sa naissance, comme le livre Françoise Dolto : « Honorer ses parents, ce n’est pas être comme eux. C’est être soi-même ».

bibliographie

Cartry J. « Les parents symboliques », Dunod, 1998

Clément R. « Un psychologue au risque de la psychanalyse », Cahiers de l’ANREP, 1996

Dolto F. « Destins d’enfants », Gallimard, 1995

P.-S.

Avertissement : ce qui précède n’est qu’un des nombreux chapitres du Guide de l’accueil familial, publié en 2000 aux Éditions Dunod, Les textes réglementaires ayant évolué, certaines références aux contrats, rémunérations, lois... ne peuvent servir que de traces ou de repères « historiques ».