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L’accueil familial thérapeutique pour adulte : Des familles qui soignent ?

Un livre bien documenté qui souligne, entre autres, la pertinence de nos revendications : voir ci-dessous ses conclusions !

Auteurs : BARREAU Pascal, DUPUY Olivier, GADEYNE Brigitte, GARNIER Bertrand, VELASCO Alberto.
Date de publication : 24/11/2011
Édition Lavoisier, Collection "Cahiers de Sainte-Anne"

Présentation (4ème de couverture)

Dans les années 1960, le courant de désinstitutionalisation porté par un vent de liberté inscrit l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). thérapeutique dans le dispositif de soins psychiatrique. Dès lors, l’accueil familial thérapeutique AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
n’est plus une simple alternative à l’hospitalisation psychiatrique. Au-delà de son originalité dans le parcours de soins et de l’environnement nouveau qu’il propose au patient, il représente une réelle opportunité de réadaptation.

L’accueil familial thérapeutique s’adresse à des patients de tous âges souffrant de troubles mentaux pour lesquels le maintien ou le retour dans la famille d’origine ne paraît pas souhaitable ou possible. Accueillis dans des familles "ordinaires", les patients bénéficient d’une prise en charge psychiatrique qui se situe à l’interface de l’institutionnel et de la cité, avec un accompagnement attentif des équipes soignantes qui constatent au quotidien une amélioration de leur état et de leurs possibilités de re-socialisation.

Les auteurs de cet ouvrage apportent ainsi un éclairage clinique nouveau sur ce carrefour qui réunit le social, l’affectif et le thérapeutique dans lequel se retrouve le patient lorsqu’il est accueilli dans une famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! . Cet ouvrage propose une réelle tentative de formalisation des ressorts thérapeutiques de cette pratique atypique et humaine. La complexité du dispositif a requis les regards croisés de médecins psychiatres, d’un psychologue et d’un juriste.

Comme dans toute prise en charge psychiatrique, les difficultés sont nombreuses. Ensemble, professionnels de santé et familles d’accueil parviennent le plus souvent à les surmonter. Sont-elles "extraordinaires" ces familles qui soignent ?

Largement illustré par des cas cliniques évocateurs, ce livre intéressera tous les professionnels de santé exerçant dans des services d’accueil familial thérapeutique, et plus largement les acteurs du soin en psychiatrie, sans oublier les familles d’accueil, les patients et leurs proches.


Extraits :


Page 7 :

(...) D’abord, de façon apparemment anodine, l’ordonnance du 21 décembre 20007 intègre les dispositions de la loi du 10 juillet 1989 dans le code de l’action sociale et des familles. L’initiative n’a pas été sans incidence sur le régime juridique de l’accueil familial thérapeutique : l’abrogation de la loi du 10 juillet 1989, concomitante à cette insertion, a exclu dans le même temps tout maintien des textes d’application de celle-ci, en particulier l’arrêté du 1er octobre 1990, lequel précisait le contenu du dispositif spécifique relatif aux services d’accueil familial thérapeutique. Les pouvoirs publics n’ont pas pris l’initiative d’intégrer ceux-ci dans la partie réglementaire du code de l’action sociale et des familles, de sorte que, aujourd’hui encore, la réglementation relative au fonctionnement des services d’accueil familial thérapeutique et au statut de l’accueillant n’est plus opposable. (...)

Page 36 :

QUELQUES CLÉS POUR RÉUSSIR LA COLLABORATION ENTRE LE PERSONNEL SOIGNANT ET LA FAMILLE D’ACCUEIL

  • Savoir que former les familles d’accueil équivaut à leur apprendre comment échouer. L’effet thérapeutique réside dans l’ignorance qu’ont les familles de la maladie mentale. Plus elles en savent sur les processus psychopathologiques, plus elles se rapprochent du travail du soignant, et par conséquent plus elles s’éloignent de leur spontanéité, de leur intuition.
  • Savoir adopter une position basse. Les étagères des bibliothèques regorgent de livres « psys » distillant leurs « bons » conseils en matière d’éducation, d’accompagnement de malades mentaux... Avec une famille d’accueil, nul besoin de parler comme un livre. Elles ont la réponse aux questions qu’elles se posent. Le praticien veillera à encourager la famille à trouver les siennes, sous réserve qu’elles campent dans une éthique bienveillante.
  • Savoir instaurer une relation de confiance. La famille d’accueil est un co-partenaire de l’accompagnement du patient. À ce titre, elle doit être inscrite dans le processus décisionnel de soins. Mise devant le fait accompli, elle se tiendra au mieux sur ses gardes, au pire agira en sous-marin auprès du patient. Cette réaction est tout à fait compréhensible. Elle s’explique par un sentiment d’exclusion, par une insoutenable puissance tutélaire hospitalière.
  • Savoir congratuler. Les familles d’accueil, nous l’avons mentionné plus avant, ne sont pas des soignants. Elles activent toute leur force créative dans l’accompagnement du patient qu’elles accueillent. Chaque jour qui passe est un nouveau challenge : proposer des situations constructives de la réalité. Cette réalité qui fait tant défaut au patient. Renouveler des expériences structurantes qui rendent lisibles pour le patient son for(t) intérieur et le monde extérieur ouvert sur l’immensité de l’inconnu. Cette immensité venant actualiser chez le patient son mal-être à type d’angoisse de morcellement, de dépersonnalisation, de rituels, de phobies... La liste n’est pas exhaustive et montre combien les familles savent négocier sur tous les registres de la psychopathologie sans jamais avoir appris.

Page 228 :

Conclusions

L’accueil familial thérapeutique s’inscrit parmi les formes alternatives à l’hospitalisation en institution psychiatrique que les pouvoirs publics souhai-tent développer. Cette démarche répond au souci d’une prise en charge adaptée aux personnes atteintes de troubles mentaux et n’est pas étrangère à la volonté de limitation des dépenses de santé, ces deux objectifs n’étant pas nécessairement incompatibles. Dans le cadre des questions au gouvernement, la sénatrice Marie-Thérèse Hermange a appelé de ses vœux l’encouragement et l’extension du dispositif d’accuei familial thérapeutique compte tenu du constat d’expériences jugées satisfaisantes [1] :

« Marie-Thérèse Hermange attire l’attention de Mme la Ministre de a santé et des sports sur un dispositif existant depuis plus d’un siècle pour l’accueil de personnes atteintes de troubles psychiatriques. Ainsi, dans un village de l’Allier, 380 personnes sont actuellement placées au sein de 220 familles. Ces familles "nourricières" volontaires ont aujourd’hui pris le titre de "familles d’accueil thérapeutique". Le système est très encadré et prévoit que le malade continue d’être suivi par un psychiatre et visité par un infirmier plusieurs fois par semaine, et dans le même temps dans chaque famille, une personne est responsable de lui et a un rôle éducatif envers lui. La personne référante est salariée de l’hôpital et suit une formation continue. Ce dispositif a fait ses preuves depuis des années. À l’heure où les pouvoirs publics cherchent des pistes pour améliorer la prise en charge de la psychiatrie, elle souhaiterait donc savoir si elle compte encourager et étendre ce dispositif ». Au moment de la rédaction de la présente contribution, cette question n’avait pas reçu de réponse de la ministre chargée de la santé.

L’accueil familial thérapeutique ne doit pas être appréhendé comme « l’une des voies de dégagement pour les malades mentaux stabilisés », une « activité économique d’appoint pour une main-d’œuvre la plupart du temps féminine et non qualifiée, dans des régions peu urbanisées et peu industrialisées », comme le constatait l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 1994.

L’accroissement de l’accueil familial thérapeutique comme réponse aux besoins en soins ne peut être raisonnablement envisagé sans que de multiples obstacles, dont certains d’ordre juridique, soient levés. Parmi les initiatives de dynamisation de cette forme de prise en charge, nous recensons ci-après celles qui nous paraissent aujourd’hui parmi les plus significatives :

  • favoriser la connaissance par le personnel médical et soignant de ce mode de prise en charge par une large diffusion d’une information à ce sujet. Dans son rapport de 1994, l’IGAS émettait l’hypothèse que l’accueil familial n’a pas reçu la place qu’il mérite dans la sectorisation psychiatrique faute d’une réflexion suffisante sur ses indications médicales. Il semble opportun qu’une synthèse de ces indications assorties de recommandations soit formulée par un groupe de travail organisé sous l’égide de la Haute autorité de santé (HAS). Sa diffusion pourrait être ensuite largement assurée, d’une part par la désormais traditionnelle parution sur le site de la HAS, mais aussi par une information organisée au niveau régional par les agences régionales de santé (ARS). Cette information serait faite auprès des professionnels des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux et de ville ;

Cette augmentation du « vivier » d’accueillants familiaux thérapeutiques est pour l’heure compromise par de nombreux obstacles qui résultent pour la plupart aux carences de leur statut. Les lacunes, imprécisions et incohérences du régime juridique actuel sont autant de freins au développement des vocations. Des parlementaires avaient d’ailleurs interpellé le ministre du travail au sujet de l’absence de reconnaissance statutaire de l’accueillant familial et, plus spécifiquement des conditions de travail des familles d’accueil qui dépendent, entre autres, de centres hospitaliers : « ces familles assurent le suivi de thérapies, souvent lourdes, de personnes qui n’ont plus besoin d’hospitalisation mais qui ne sont pas encore autonomes. Continuellement en relation avec des équipes médicales, elles ne bénéficient cependant d’aucune reconnaissance professionnelle et leur ancienneté n’est pas prise en compte dans l’évolution de leur carrière » [3].

L’enquête GREPFA/ADESM de 2002, bien que limitée dans son champ, a mis en évidence que si une proportion importante d’établissements de santé mentale ne pratiquent pas l’accueil familial thérapeutique, le motif principal évoqué justifiant cette absence de mise en place est le fait que le « dispositif est à la fois complexe dans le mode de rétribution des familles et globalement coûteux pour l’établissement, ne répondant pas aux problèmes posés par les patients ou ne représentant pas une véritable alternative à l’hospitalisation ».

La réforme du régime de l’accueillant familial thérapeutique pourrait intégrer les mesures suivantes :

  • supprimer les incohérences liées à la juxtaposition des régimes d’accueillants et d’assistants familiaux et sociaux. Le maintien de statuts distincts d’accueillant et d’assistant familial crée une inégalité patente des droits attachés à chacun et en complexifie le régime juridique. Cette coexistence repose sur la seule considération de l’âge de l’accueilli, un effet de seuil qui ne présente finalement guère de pertinence. La persistance d’un statut dissocié d’accueillant familial social et d’accueillant familial thérapeutique interroge tout autant compte tenu que le premier intègre la prise en charge de personnes handicapées et que les troubles mentaux sont désormais reconnus comme handicap.

La loi du 11 février 2005 reconnaît en effet le handicap psychique par de multiples dispositions : par exemple, lorsque la loi favorise la construction de foyers pour les personnes handicapées mentales en les comptabilisant comme des logements sociaux, en considérant que l’accessibilité des bâtiments n’est plus définie comme la seule possibilité pour une personne circulant en fauteuil roulant d’accéder au cadre bâti, les constructeurs devant désormais tenir compte de l’ensemble des handicaps, physique mais aussi sensoriel, mental ou psychique [4].

Lorsque la loi du 21 juillet 2009 introduit le principe selon lequel « les accueillants familiaux thérapeutiques employés par cet établissement ou service sont des agents non titulaires de cet établissement ou service », elle crée une difficulté juridique manifeste compte tenu que les accueillants employés par des institutions privées ne peuvent relever d’un tel statut. Cet énoncé requiert également d’être réécrit ;

  • clarifier et préciser les règles régissant le fonctionnement de l’activité. Les dispositions réglementaires issues de l’arrêté du 1er octobre 1990 comportaient des directives précises au sujet de l’organisation de l’accueil familial thérapeutique par les établissements de santé. Celles-ci n’ont pas été reprises dans le dispositif réglementaire actuel, ce qui conduit à une insécurité juridique manifeste tant pour les accueillants que pour les équipes et les patients. L’actualisation et l’intégration dans le code de l’action sociale et des familles de ces règles permettrait de combler cette lacune ;
  • faciliter les démarches visant à l’obtention de l’agrément. Outre la simplification des démarches administratives nécessaires, l’on constate que les exigences relatives aux caractéristiques de logement conduisent fréquemment les candidats aux fonctions d’accueillant familial à engager des frais importants avant même la perception des premiers revenus. Ces exigences, aussi légitimes soient-elles, peuvent constituer un obstacle sérieux à l’initiative du dépôt d’une demande d’agrément [5]. Le développement du dispositif d’accueil familial nécessitera d’envisager une forme d’aide aux candidatures qui pourraient être fondées sur la réalité des aménagements à envisager pour répondre aux exigences de conformité ;
  • professionnaliser l’activité d’accueillant familial thérapeutique. L’introduction d’une formation initiale qualifiante, à l’instar de celle des assistants familiaux, apparaît aujourd’hui d’une urgente nécessité. L’absence d’exigence particulière de contenu de la formation initiale conduit à créer un risque de variations importantes de compétences entre accueillants familiaux. Tout accueil thérapeutique requiert pourtant des connaissances théoriques et pratiques compte tenu de la spécificité des fonctions qui lui sont dévolues et le lien nécessaire avec la prise en charge médicale. L’introduction d’une formation qualifiante permettrait également de mieux cerner le champ de fonctions de l’accueillant familial thérapeutique et ses limites, par le biais d’un référentiel professionnel annexé à l’arrêté détaillant le contenu de la formation. L’accueillant familial thérapeutique s’inscrirait dans la liste des emplois sociaux de proximité consacrés à l’accueil, à l’accompagnement ou aux services à domicile, comme le suggérait l’IGAS dès 1994.

Nous voyons donc que l’accueil familial thérapeutique reste d’actualité, alors que son principe est en passe de devenir historique.

Le souci de dispenser des soins de qualité, sans recourir à des solutions aussi coûteuses que l’hospitalisation à temps plein, peut trouver une réponse éprouvée, multiforme et, dans tous es cas, efficace sur les objectifs que l’on peut raisonnablement se fixer dans la prise en charge de la souffrance psychique : le respect de la personne, l’amélioration de l’insertion dans le tissu social, la préservation de la solitude et de l’isolement.

Lors de la discussion sur le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, la question de la valorisation et de la professionnalisation du statut d’accueillant familial thérapeutique a été clairement posée.

Cette prise en charge est donc toujours en devenir, dynamique et doit être un des éléments de la modernisation du soin en santé mentale dans les années futures.

Le projet de loi HPST (Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires) développe les thèmes de la territorialité, de la coordination du médical et du social, des acteurs de santé du public et du privé. Dans sa dimension d’outils de soins en santé mentale, intégré dans un dispositif sectoriel, l’accueil familial thérapeutique s’inscrit naturellement dans cette orientation de la politique de santé.

P.-S.

Voir également les revendication de Famidac...

Notes

[1JO sénat, 19 novembre 2009, question écrite n° 10978, p. 2680

[2Les seules données démographiques récemment diffusées concernent les accueillants familiaux, sans identification de la part des accueillants thérapeutiques. (... - voir >> ici <<)

[3JO Assemblée nationale,question du 24 juillet 2007, p. 4981

[4Modification du code de la construction et de l’habitation par la loi du 11 février 2004. Sénat, Rapport de Paul Blanc, n° 210, 11 février 2004, sur le projet de loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, tome 1.

[5Rapport de Valérie ROSSO-DEBORD et de Valérie LETARD, « Vers un nouvel accueil familial des personnes âgées et des personnes handicapées », 2008, p.8 : "Pour solliciter cet agrément, les familles accueillantes doivent disposer d’un logement adapté : soit leur domicile actuel, soit un nouveau domicile aménagé par leur soin ou dans le cadre d’une offre coordonnée d’accueil. [...] Ce sont souvent des frais importants qui doivent être consentis avant de pouvoir
réaliser le premier accueil rémunérateur. Par ailleurs la procédure d’agrément est lourde et complexe, elle peut décourager les candidats qui ne sont pas toujours prêts à se lancer dans un processus dont on ne connaît pas au départ la date d’échéance."