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La loi du 10 juillet 1989, rappel et propositions

Joëlle VOISIN, sous-directeur de la réadaptation, de la vieillesse et de l’aide sociale - Ministère de l’emploi et de la solidarité, direction de l’action sociale.

Extrait de "L’accueil familial en revue" N° 7 - juin 1999

1. Historique : bref rappel sur les origines de la loi du 10 juillet 1989

Avant la loi du 10 juillet 1989, il existait une situation paradoxale sur le plan juridique : pour les bénéficiaires de l’aide sociale, le placement familial était régi par le code de la famille et de l’aide sociale ; pour les autres, par le décret de 1962. Il n’existait aucune disposition législative appropriée, d’où le développement dans la semi-clandestinité de ce type d’activité, et des situations de personnes âgées accueillies dans des conditions catastrophiques.

Un étude menée par l’UNIOPSS, en 1986, avait en effet relevé de nombreux dysfonctionnements. Face au développement de ce type d’accueil, quelques départements avaient mis en place des dispositions d’agrément et parfois de suivi. Était apparue la nécessité de conférer un cadre législatif et réglementaire adapté aux situations d’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). qui se développaient, et de combler le vide juridique pour les placements familiaux effectués en dehors du cadre de l’aide sociale.

La loi poursuivait 3 objectifs principaux :

  • offrir les garanties nécessaires à la personne accueillie et à la personne accueillante ;
  • mettre en place une procédure d’agrément et de suivi social souple pour respecter l’esprit de la décentralisation en confiant l’essentiel de la responsabilité aux présidents des conseils généraux ;
  • favoriser ce mode d’accueil par des dispositions d’ordre fiscal et social.

Il s’agissait d’autre part de :

  • développer une formule à mi-chemin entre le maintien à domicile et l’hébergement en institution ;
  • éviter les abus qui avaient été constatés ;
  • donner la possibilité aux personnes âgées d’accéder à une forme d’accueil plus souple et moins coûteuse que les formules existantes, tout en offrant aux personnes accueillantes une possibilité de revenus complémentaires.

2. L’accueil familial aujourd’hui

Avant l’étude de l’IFREP, la mise en œuvre du dispositif était mal connue. On estimait à 4.500 environ, le nombre de personnes accueillies et on sous-estimait considérablement la part d’adultes handicapés adultes handicapés Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir soit un taux d’Incapacité permanente partielle (I.P.P.) égal ou supérieur à 80%, soit un taux d’I.P.P. compris entre 50 et 80 % ET une reconnaissance d’inaptitude au travail. accueillis. Face aux sollicitations de nombreux conseils généraux confrontés à la difficulté de gérer au quotidien ce dispositif, et à celles des principales fédérations de familles d’accueil se plaignant des conditions d’activité des accueillants, il est apparu urgent au ministère de l’emploi et de la solidarité de réagir.

C’est pour cela qu’en 1997 a été décidée la constitution d’un groupe de travail regroupant des représentants du ministère (DAS/SESI), l’Assemblée des Présidents de Conseils généraux) et 4 conseils généraux (Pas-de-Calais, Jura, Dordogne, Ille-et-Vilaine) avec trois objectifs :

  • évaluer les modalités d’application sur le terrain de la loi de 1989 au moyen d’une enquête exhaustive sur l’accueil familial des personnes âgées et handicapées ;
  • auditionner les principaux organismes et fédérations concernés afin de recueillir leurs observations sur le dispositif (UNIOPSS, UNAFA, UNAF, FNAT, UNAPEI, FNAF) ;
  • proposer des évolution législatives et réglementaires pour l’amélioration du dispositif.

Une étude a ainsi été confiée à l’IFREP (Institut de Formation, de Recherche et d’Évaluation des Pratiques médico-sociales). Elle a été rendue possible grâce à l’Assemblée des Présidents de Conseils Généraux.

Quelques résultats de l’étude

99 départements ont répondu au questionnaire : 4 d’entre eux n’ont pas de dispositif d’accueil familial (Ain, Haute-Corse, Paris, Guyane) et n’ont donc pas délivré d’agrément. 1 département, ayant agréé moins de 10 personnes, n’a pas répondu à l’évaluation.

a) Les accueillants

Au 31 décembre 1996, pour 95 départements, 8.950 personnes sont agréées (des femmes à 96%, entre 40 et 60 ans à 66%).

Profil général : en couple, activité professionnelle antérieure comme employés, maison individuelle dont elles sont propriétaires à 95%, habitat isolé à 41%.

Répartition des agréments : concentration à l’ouest d’une ligne Bayonne-Lille (surtout sud-ouest et nord). Pas d’influence systématique entre le développement de l’accueil et un faible nombre de places en établissement d’hébergement.

Caractère familial de l’accueil respecté :

  • 56% des agréments sont limités à l’accueil d’une seule personne,
  • 12% des particuliers ont une dérogation pour la 3ème personne, généralement pour l’accueil de personnes âgées,
  • quota général de 1,3 accueilli par personne agréée.

Un statut peu attractif : des disparités de rémunération suivant les départements, et de façon générale peu d’avantages complémentaires (congés payés congés payés Les accueillants familiaux "de gré à gré" sont employés par des particuliers (les personnes accueillies). Pendant leurs congés, ils n’ont donc pas droit au maintien de leur salaire. En compensation, toute heure travaillée (y compris les heures de sujétions particulières) doit être majorée d’une prime pour congé payé de 10%. , majorations de dimanches et de jours fériés, indemnité en cas d’absence de l’accueilli,...).

Des efforts réalisés en terme de formation des accueillants : 2/3 des départements ont mené des actions de formation, généralement en cours d’accueil, et 11 départements le prévoient. En tout, 71 départements concernés. Mais trop d’imprécision dans les textes entraîne une grande variation dans le contenu et la durée des formations.

b) Les personnes accueillies

Au 31 décembre 1996, pour 95 départements : étaient recensées 11.717 personnes accueillies dont 50,4% de personnes âgées (PA) et 49,6% de personnes handicapées (PH). Les PH de plus de soixante ans étant comptabilisées dans les PA, en réalité plus de la moitié des personnes accueillies sont des PH (presque 60%).

Ces deux populations sont différentes du point de vue de leur profil, de leur provenance, et des hypothèses de fins d’accueil. Contrairement aux PA, les 3/4 des PH accueillies viennent de prises en charge institutionnelles. 32% sont issues de services de psychiatrie, et 26% viennent de l’accueil familial d’enfants.

On note néanmoins que l’accueil familial reste un mode d’accueil encore peu développé par rapport à l’hébergement en institution. Il représente 1% des places en établissements pour personnes âgées, et 7% des places pour personnes handicapées.

79% des personnes handicapées sont sous tutelle ou curatelle, contre moins de 30% des personnes âgées.

3. Propositions de réforme du dispositif

Les travaux du comité de pilotage de l’étude confiée à l’IFREP ont confirmé que le dispositif mis en œuvre en 1989 ne donnait entière satisfaction ni aux particuliers auxquels il s’applique du fait du manque de qualité de l’accueil, ni aux associations représentant les familles d’accueil qui soulignent les insuffisances du statut des accueillants, ni enfin aux conseils généraux auxquels les textes ne permettent pas suffisamment de suivre et de contrôler les modalités de l’accueil.

Cette situation est d’autant plus regrettable que personne ne remet en cause l’intérêt d’un dispositif qui répond à un besoin réel des personnes âgées et des personnes handicapées. C’est pourquoi, afin de faciliter cette forme d’accueil, il est apparu nécessaire d’adapter la réglementation actuelle en la modifiant lorsque cela est nécessaire.

Les propositions suivantes, formulées par le groupe de travail, peuvent être regroupées autour de trois objectifs :

Le premier est d’améliorer la qualité de l’accueil par des mesures concernant aussi bien les personnes accueillies que les familles accueillantes.

a) S’agissant des personnes accueillies, il est proposé :

  • de limiter quantitativement leur nombre par foyer afin de préserver le caractère familial de l’accueil (2 personnes accueillies, voire 3 par dérogation) ;
  • de mettre en œuvre un véritable suivi social et médico-social ;
  • de prévoir des indications de placement par la COTOREP pour les adultes handicapés.

b) Pour les familles accueillantes, il est proposé :

  • d’instaurer une limite d’âge pour un premier agrément ;
  • de mettre en place une formation obligatoire, élément de professionnalisation ;
  • de prévoir leur représentation au sein d’une commission départementale de retrait d’agrément ;
  • de préciser leurs modalités de remplacement afin d’assurer la continuité de l’accueil ;
  • de supprimer la possibilité pour un accueillant d’être tuteur de son accueilli ;
  • d’étendre le suivi, jusque là limité aux personnes accueillies, au dispositif d’accueil dans sa globalité.

Il est également prévu d’harmoniser les conditions de l’accueil en favorisant l’élaboration de modèles de contrats pour faciliter la négociation entre l’accueillant et l’accueilli.

Le deuxième objectif est d’améliorer le statut des personnes accueillantes.

Deux options sont ouvertes et font actuellement l’objet de négociations :

  • soit la revalorisation de la rémunération de base en Minimum Garanti et l’attribution de certains droits et avantages sociaux afférents au statut de salarié (congés payés, majorations pour travail les dimanches et jours fériés) qui devront être inscrits obligatoirement dans le contrat passé entre la personne accueillie et la famille accueillante (le niveau de revalorisation fait l’objet de négociation).
  • soit la fixation d’une rémunération en référence au SMIC.

Il s’agit dans tous les cas de fixer une rémunération décente qui n’engendre toutefois pas un surcoût trop lourd pour les personnes accueillies, lequel se répercuterait sur les conseils généraux dans le cadre de l’aide sociale.

Le troisième objectif est de clarifier et renforcer les moyens donnés aux conseils généraux pour suivre et contrôler les modalités d’accueil.

En s’inspirant des pratiques de certains départements, il est ainsi proposé de :

  • recommander l’harmonisation du contenu du dossier de demande d’agrément ;
  • poser le principe d’un agrément valable sur tout le territoire sous réserve, en cas de changement de résidence, d’une visite des lieux ;
  • légaliser le principe d’un agrément provisoire pour un an, renouvelable par tacite reconduction, ainsi que la possibilité, dans des cas précis, de délivrer des agréments nominatifs ;
  • prévoir un délai maximum d’instruction des dossiers de demande d’agrément ;
  • prévoir une transmission systématique au président du conseil général du contrat signé entre la personne accueillie et l’accueillant ;
  • clarifier les rôles respectifs des autorités concernées par le retrait d’agrément et son exécution (conseil général et État) ;
  • prévoir une procédure de suspension d’agrément dans certains cas, procédure plus souple que la procédure de retrait.

Il conviendra bien entendu de prévoir des dispositions transitoires pour la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions.

La plupart de ces propositions ont recueilli l’accord de l’APCG et de l’UNAFA. Dès qu’un accord sera intervenu sur l’ensemble des dispositions en discussion, celles-ci seront traduites sous forme législative pour certaines, réglementaires pour la plupart.

Enfin, une disposition demandée depuis longtemps par les fédérations de familles d’accueil, et préconisée par le groupe de travail, vient d’être adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale en date du 23 décembre 1998. Il s’agit du principe, désormais systématique, de l’exonération des cotisations patronales en faveur des personnes accueillies en famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! dans la cadre de la loi de 1989.

Quel avenir pour ce dispositif ?

En 1996, tous les départements ont reçu des demandes d’agrément équivalant à 36% du nombre de personnes agréées. La moitié de ces demandes portaient sur des renouvellements ou des extensions d’agrément (globalement moins de 20% des demandes instruites dans l’année font l’objet d’un refus). L’offre d’accueil continue donc à croître.

Il existe parallèlement un besoin réel des personnes âgées et handicapées adultes. Ce mode d’accueil permet aux personnes âgées qui ne désirent plus ou ne peuvent plus, car devenues trop dépendantes, demeurer à leur domicile, ainsi qu’aux personnes handicapées adultes, de bénéficier d’un mode d’accueil intermédiaire entre le maintien à domicile et l’hébergement en établissement.

L’accueil familial constitue une formule souple. Il permet généralement, par sa proximité géographique, de maintenir les liens tissés par la personne âgée ou handicapée avec son environnement antérieur.

C’est sans doute une des réponses à utiliser pour l’accueil des handicapés vieillissants dont la famille est très âgée.

L’accueil familial présente également un intérêt pour la collectivité par le potentiel d’emplois qu’il représente.

Il importe de l’inscrire dans le cadre des schémas départementaux car c’est un élément de la palette des réponses offertes aux personnes âgées et aux personnes handicapées.