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Lettre au Président de la République

Mon fils se retrouve en hôpital psychiatrique...

Mon fils se retrouve en hôpital psychiatrique faute de place en établissements ; voici la lettre que je me suis permise d’envoyer à M. CHIRAC.

Mme TURCO Germaine, 68 rue des forges 57250 MOYEUVRE-GRANDE

Moyeuvre, le 7 juillet 2004

Monsieur Le Président,

Je suis une maman qui se permet de vous écrire pour crier sa douleur et sa révolte.

Depuis plus de dix-sept mois, mon fils Cyrille de vingt-sept ans, handicapé mental, se retrouve enfermé en hôpital psychiatrique, interné par un tiers. Le tiers en question est le foyer occupationnel qui l’accueillait depuis quatre mois. Motifs : violences sur lui-même et sur autrui. Motifs indiscutables il est vrai mais ce foyer s’est-il interrogé un instant sur le pourquoi de cette attitude ? Non !

Cyrille, de cinq à vingt-deux ans, a été pris en charge par des écoles spécialisées... IME, IMPRO. La loi CRETON lui a d’ailleurs fait bénéficier de deux années supplémentaires en institut. Depuis ses vingt ans, Cyrille était déjà inscrit dans différents foyers occupationnels, orientation choisie par la COTOREP. Malheureusement, à sa sortie de l’école, aucune place ne s’est présentée et nous avons du le garder trois ans à la maison.

Dès lors, Cyrille a été coupé du monde dans lequel il vivait depuis son enfance. Nous l’occupions le plus possible mais l’amour des parents ne remplace pas le savoir faire des professionnels. C’est la coupure entre l’école spécialisée et le foyer qui lui a été néfaste. Il a perdu ses acquis et plus le temps est passé, plus il a régressé. Lui si sociable devenait quelque peu agressif.

Il était donc urgent de trouver un établissement adapté. Aussi quand celui-ci s’est présenté nous étions persuadés que le problème était résolu. Malheureusement, Cyrille a été perturbé par ce nouveau changement. Les règles étaient différentes, le personnel et les activités manquaient. De plus, à cette période, son papa est tombé malade, ce qui a entraîné beaucoup d’inquiétudes et d’angoisses pour Cyrille. Difficile pour cet enfant dans ce corps d’adulte d’exprimer par des mots sa détresse !

Son papa est décédé le lendemain de son internement, ce qui n’a pas arrangé les choses !

La psychiatre qui le suit m’affirme que sa place n’est pas en hôpital psychiatrique mais qu’il ne peut pas non plus s’adapter à un foyer pour l’instant ! Son intégration avec les malades est très difficile, voire dangereuse. En effet, les mauvais coups échangés sont fréquents.

Quelle est donc la solution ? Mélanger vieillards, handicapés mentaux, malades mentaux ensemble ? A quand une structure adaptée pour chaque cas ?

J’estime que l’hôpital psychiatrique est une solution de facilité qui ne résout pas les problèmes, bien au contraire. Les handicapés nuisent-ils vraiment à la société ? Sont-ils vraiment un danger pour les autres au point de les rejeter des centres, de les enfermer, de les droguer et de les isoler ?

Je suis désespérée de voir mon fils dans l’état là ! Lui qui était si vif et si gai, se traîne toute la journée sans aucune joie de vivre. Il riait et chantait, il est maintenant angoissé pour un rien. Il ne profite plus des bons moments de la vie. Il adorait se balader, il n’en a même plus la force. Quand il rentre à la maison pour la journée, il a tellement peur de repartir qu’il n’apprécie même pas ces moments de tendresse. Les neuroleptiques le détruisent, je ne retrouve plus mon fils. C’est un vrai zombie.

Qu’est-ce qu’une mère peut faire pour sortir son fils de là ? Je suis impuissante, je cherche la solution des nuits entières car le sommeil me fuit ! Quelle est la mère qui ne souhaite pas le bonheur de son enfant ? Cyrille n’est plus heureux et j’ai vraiment besoin d’aide pour le sortir de cette situation.

L’année 2003 a soit disant été l’année des handicapés mais elle ne leur a rien apportée, rien n’est changé ; ils sont toujours exclus de la société. Les reportages à la télévision présentent souvent des structures d’accueil magnifiques avec un personnel qualifié et surtout en nombre suffisant ; des structures qui s’adaptent aux handicapés et non pas l’inverse ! En réalité, ces centres idylliques sont rares et leurrent les gens qui, s’ils ne sont pas concernés, croient en toute bonne foi que nos handicapés vivent tous heureux dans le meilleur des mondes.

Les établissements spécialisés manquent cruellement dans notre pays. Cyrille est sur liste d’attente dans plusieurs centres depuis de nombreuses années. Je songe même à me tourner vers des centres en Belgique, pays qui semble plus intéressé par ce problème ! Certains ont la chance d’avoir trouvé le bon établissement mais combien d’autres sont encore chez leurs parents ou en hôpital psychiatrique !

Ne peut-on pas débloquer de l’argent pour nos adultes handicapés ? Nos enfants ne peuvent pas travailler, ne votent pas, ils ne sont donc pas intéressants pour le gouvernement ! Ils ont les mêmes droits que les autres ; être aidés et protégés. Ils n’ont pas le droit de vivre aussi mal mais celui de vivre décemment.

La presse locale s’est intéressée au problème de Cyrille, je me permets donc de joindre à cette lettre l’article qui lui est consacrée.

En mon nom et en celui de toutes les familles concernées par ce problème, je vous remercie de prêter attention à notre détresse.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma haute considération.

Une maman désespérée