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Manque de places en accueil thérapeutique

Messages échangés sur le Groupe de discussion Famidac

Pas de place à l’hôpital, pas de place nulle part

Dr Didier BOURGEOIS, psychiatre, mai 2002

Bonjour,

Il manque certes des places en famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! à caractère social ou thérapeutique, il manque aussi des places dans les institutions diverses qui pourraient permettre à certains patients de quitter l’hôpital psychiatrique où le plus grand scandale c’est, à mon sens qu’on y est obligé de confondre lieu de vie et lieu de soins.

Cela a un coût. Coût social d’abord parce qu’au tarif journalier (2.900 F par jour ! excusez-moi je parle en francs !) en vigueur, on pourrait louer une suite à l’année au Hilton pour nos patients. Coût humain surtout parce que les patients restent dans un état de dépendance massive et perdent le goût de l’initiative.

Il manque actuellement des places dans tout le système hospitalier, comme il manque de personnel médical et paramédical. Les hôpitaux généraux se défaussent de leurs patients dès qu’ils sont plus ou moins stabilisés en les envoyant où ils peuvent, et parfois en hôpital psychiatrique. Les sujets âgés, déments ou pas, restent plus longtemps qu’il ne devraient à l’hôpital psychiatrique car on manque de place en maison de retraite, et si on envisage un retour à domicile ce qui est le mieux lorsque c’est possible, les sorties capotent car on ne trouve plus d’infirmier libéraux pour faire les toilettes, ils sont sursaturés.

Les services sont pleins de patients "en attente de". En attente de place en CAT, MAS, Foyer occupationnels, Foyers à double tarification... En attente de place en centre de postcure ou en maison de convalescence... Et parfois on n’a pas de place pour accueillir des patients aigus. Il ne nous est pas possible de trouver des familles d’accueil à caractère social à proximité de l’hôpital ; de plus, les financements ne suivent pas.

Pourtant je connais beaucoup de sujets, confinés en hôpital psychiatrique quoique stabilisés, simplement parce qu’on ne peut pas trouver de famille pouvant les prendre en charge (avec tout l’aide soignant possible, et bien sûr la possibilité d’un suivi psychiatrique ambulatoire et d’une réhospitalisation si besoin) car ces patients ont des ressources quotidiennes, toutes aides comprises ne dépassant pas 350F/jour.

Dr Didier BOURGEOIS CH de Montfavet


Etienne Frommelt, accueillant familial accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.

Bonjour docteur,

Merci pour ces précisions très concrètes. Effectivement, une journée d’hôpital psychiatrique coûte à la sécurité sociale plus de 10 fois le prix d’un hébergement en famille d’accueil, sans oublier de coût humain de longs séjours.

Un de nos pensionnaire, qui sortait de 6 années passées en HP, était devenu un véritable "légume" : manger, fumer, dormir... Il a mis plusieurs mois avant de s’intéresser vaguement à ce qui se passe autour de lui, à reprendre quelques petites initiatives. Il est suivi, chaque mois, par l’équipe du Centre Médico Psychologique local (CMP, antenne de l’HP départemental).

Même si cette solution n’est envisageable que pour une faible part des patients "internés", ça vaut le coup de militer pour son développement. Car des freins, il y en a plein...

  • les handicaps mentaux font souvent peur aux candidats à l’accueil, qui préfèrent généralement les personnes âgées. Une (in)formation préalable à l’agrément devrait systématiquement inclure une journée de découverte du milieu "psy", plus une en milieu gérontologique. Beaucoup s’apercevraient que le plus "sympa" n’est pas ce qu’ils pensaient, à priori...
  • vous avez du mal à recruter des accueillants dans le secteur de votre hôpital ? Faisons-le savoir, publions des annonces et des articles sur ce sujet. Même si ça ne provoque aucun raz-de-marée, petit à petit quelques "nouveaux" se manifesteront.
  • il y a aussi, me semble-t-il, des freins internes aux établissements psychiatriques (ne le prenez surtout pas comme une agression, c’est juste un point de vue extérieur, peut-être caricatural). Il arrive trop souvent que des services nous contactent pour placer en famille d’accueil des patients "difficiles", qui vont d’échec en échec. Les équipes sont rarement pressés de "faire sortir" les plus "calmes", qui leur posent, eux, bien moins de problèmes... Ceux-ci, c’est leurs proches (famille, amis), lorsqu’ils en ont, qui se démènent pour leur trouver une solution...
  • vous précisez : "ces patients ont des ressources quotidiennes, toutes aides comprises ne dépassant pas 350F/jour". C’est optimiste : beaucoup d’adultes handicapé n’ont que l’AAH plus l’ALS, en gros 150F/jour (moins de 23 Euros), pas même de quoi financer un accueil. Pour leurs tuteurs, l’hôpital est la solution la plus économique... Alors que la sécurité sociale ferait de sacrées économies en participant au financement des accueils familiaux.

En tous cas, ça libèrerait des places en établissement, pour ceux qui en ont réellement besoin. Si on pouvait commencer par un bout...

Cordialement, Etienne Frommelt, accueillant familial


Un scandale financier permanent

Dr Didier BOURGEOIS, décembre 2002 (réponse à une accueillante familiale)

Chère accueillante,

(...) Je sais que votre salaire est scandaleusement maigre et qu’en outre c’est un scandale financier permanent car si la collectivité consentait à mieux vous payer, beaucoup de gens seraient "hors hôpital" (et le trou de la Sécu serait moins grand !), ce qui ne veut pas dire qu’ils n’aient plus besoin de soins. (...) Bon courage !

Dr D. BOURGEOIS


Etienne Frommelt

Bonjour,

Je me suis renseigné sur les tarifs des différents modes de prise en charge de la maladie mentale (moyennes sur 6 établissements, prix de journée hors médicaments) :

Le tout, financé par la Sécurité sociale. (...) Mais l’accueillant thérapeutique ne perçoit, lui, que 30 à 40 € par jour (tout frais compris).

Pour info, l’accueil familial "social" est à +- 40 Euros/jour (non remboursés par la Sécu). Bien sûr, le choix entre ces différents modes de prise en charge doit être dicté par les besoins du patient et non par des considérations financières.

En août dernier, j’avais déjà envoyé un message sur ce sujet à nos 557 députés. Aucun retour... La date était certainement mal choisie. A votre avis, ça vaut le coup de recommencer ? Il faudrait peut-être formuler tout ça autrement...

Interrogativement, Étienne


Dr Didier BOURGEOIS

Bonjour,

Je ne connais pas les prix exacts mais c’est de cet ordre là et peut être plus dans certains établissements (CHU) et encore plus en pédopsychiatrie. Le prix de journée (global donc médicaments compris) est voté chaque année en conseil d’administration de chaque établissement. C’est un peu moins cher en clinique privée mais là, c’est "hors médicament" dans ce cas là et les prestations médicales ou psychologiques sont facturées en plus et il n’y a pas les mêmes règles de sécurité du point de vue de la quantification et de la qualification du personnel.

De plus, certains patients restent hospitalisés en psychiatrie (mais aussi en hôpital général), faute de place en famille d’accueil, ou faute de famille d’accueil disponibles à proximité car il existe en plus une règle de proximité kilométrique (moins de cinquante km) et surtout parce que que les financements de l’accueil familial dépendent de lignes budgétaires différentes. La sécurité sociale est donc obligée de financer "plein pot" une hospitalisation, faute d’alternative.

Dr D. BOURGEOIS


Bruno B, psychologue clinicien

Pourquoi les accueils familiaux et les lieux de vie posent tant de problèmes au pouvoir ? Pourquoi la préférence politique pèse-t-elle toujours du coté des structures lourdes ? Il y a deux raisons à cela.

La première est d’ordre économique. Hé oui ! Les placements familiaux et les lieux de vie coûtent beaucoup moins cher que les structures lourdes, d’accord. Mais d’un autre coté ils créent moins d’emploi, et ces emplois sont difficilement contrôlables et donc utilisables comme "outil de pouvoir". Les institutions sanitaires et sociales sont en effet de formidables courroies de transmission, de très puissants outils de pouvoir.

A quoi s’occupe Bernadette pendant que Jacques amuse la galerie ? Que fait la maman de Barnier pendant que son fiston joue au conseil de l’Europe ? etc... Par ailleurs, outils de pouvoir, les institutions le sont aussi sur le plan financier : le seul département des Hauts de Seine a un budget qui dépasse celui de la Grèce. Et plus de 50% de ce budget est consacré à l’aide sociale. Dans les Bouches du Rhône on atteint 53%. Réalisez un peu la masse colossale d’argent que cela représente. Croyez vous que les partis politiques ne se servent pas au passage ? Mais des "putains de la République" il y en a à tous les échelons du social !

Connaissez vous une seule institution sociale dont le conseil d’administration soit clean ? Chaque fois que je pose la question à des institutionnels (D’où vient l’inadéquation chronique entre les masses salariales budgétées dans les institutions et les postes réellement pourvus sur le terrain ?), j’obtiens un silence éloquent.

Ce qui est étonnant, et inquiétant, c’est la complicité de la presse. Car des "affaire" dans le social, il en sort toutes les semaines, mais c’est immédiatement étouffé. Dans ma région, j’ai sollicité "Radio Zinzine", une radio libre organisée par la communauté de "Longo Maï". Je voulais qu’ils parlent des montages administratifs et financiers des maisons de retraites de ma région. Je leurs fournissaient toutes les infos. Réponse :

  • "on ne touche pas à la DDASS !"
  • "De quoi avez vous peur ?"
  • "......"

La seconde raison est encore plus puissante dans ses effets. Que des gens osent décider de vivre et étant leurs propres décideurs, en n’ayant si peu de comptes à rendre, en organisant leur vie autour de "l’aide à autrui" et non pas du business, du tout fric, mais il n’y a rien de plus subversif ! Nous travaillons dans et par le désir, dans et par la jouissance. Que nous le voulions ou pas cela induit des projections fantasmatiques insupportables chez ceux qui ne font pas ce choix et sont incapables de le faire tout simplement parce que l’analyse de ce qu’il en est de leur rapport au désir, à la jouissance, les ouvrirait à l’Angoisse à l’état pur. Un angoisse proche de l’angoisse de dépersonnalisation des psychotiques. Il faut la voir se manifester pour en saisir la mesure !

Mais l’administration est aussi coincée dans ses contradictions, dans les situations paradoxales qu’elle doit gérer. Alors ici on "agrée" des familles d’accueil (quand la pression de la déviance ou de la souffrance est trop forte), et là on ferme et on réprime (quand les angoisses projetées prennent le dessus).

Finalement, si les institutions lourdes ne coûtaient pas si cher, si la société avait les moyens de vivre au dessus de ses moyens, la question des placements familiaux ne se poserait même pas. Forts de cette double analyse, dans quelles conditions les placement familiaux et les lieux de vie seront-ils enfin pris en compte et développés ?

Il faudra qu’ils évoluent vers deux directions :

  • intégration dans des "macro-structures" contrôlables et contrôlées, politiquement et financièrement par le pouvoir.
  • contrôle et codage des pratiques (par les critères d’agrément puis la formation) pour FORCER une dissociation du travail et de l’affect, du désir (le mot clé étant : "ne jamais s’investir", comme dans les institutions).

Le couple diabolique qui verrouille le développement des micro-structures c’est le couple TRAVAIL-PLAISIR, (travail-désir). C’est cela qui constitue en fin de compte la subversion insupportable. Comment le politique, l’administratif, peuvent-ils saisir ce qu’il en est de l’analyse de notre contre-transfert, quand ils ne saisissent même pas les indices de leur propre transfert ? Que font-ils, avec nous, de leur angoisse face à la mort, la folie, la violence ?

Je renvoie aux travaux de Martine FOURRE. Ceci étant, malheureusement, la plupart des auteurs qui ont réfléchi et publié sur la question sont des analystes lacaniens, ce qui rend leurs écrits particulièrement élitistes voire carrément hermétiques alors que les choses pourraient être dites plus simplement.

Enfin... c’est ainsi... mais si ça vous dit, on pourrait venir en causer avec vous.

Cordialement à tous, Bruno B


Etienne Frommelt

Bonsoir,

Il se passe des truc bizarres sur famidac@yahoogroupes.fr : j’arrive enfin à comprendre ce qu’écrivent un psychologue (Bruno) et un psychiatre (Didier Bourgeois). Docteur, suis-je normal ? ;-)))

Je ne suis pas complètement d’accord avec Bruno, lorsqu’il écrit : "Les placements familiaux et les lieux de vie (...) créent moins d’emploi". Pas évident. Car nos emplois sont plus discrets, "diffus". Il n’y a pas de grands parkings devant chez nous, ça se voit moins qu’un établissement. Les élus ne viennent pas couper de rubans chez nous.

Mais en plus de l’emploi de l’accueillant, les accueils familiaux aident à maintenir au village (ou au bourg) un toubib, une infirmière, un petit commerce. Et la vie, tous ensemble, sans ghettos... On a du mal à le mesurer. C’est moins concentré, mais au moins aussi important...

Cordialement, Étienne


Bruno B

Je souffre d’un problème existentiel grave. Vous ne pouvez pas imaginer la somme d’emmerdements que cela m’occasionne. Cela vient du fait que je ne parle par pour ne rien dire, que je réfléchis et me documente avant de parler. Or, là, en l’espèce, je sens que je risque encore de froisser la susceptibilité, voire l’optimisme, de vous autres.

Les micro-structures (type PF ou lieux de vie) créent moins d’emploi en valeur absolue, car l’argent qui est nécessaire à leur fonctionnement est homéopathique par rapport aux macro-structures. Mais ils créent aussi moins d’emploi en valeur relative. Je persiste, je signe, et je démontre :

La masse salariale des établissements est de l’ordre de 75% du budget distribué par l’état et les collectivités. Pour les PF et les lieux de vie, on tombe à 50%, voire en dessous. Les emplois créés "en cascade" dans le tissus social environnant sont une autre affaire. Que ce soit des emplois créés en PF ou en établissements, chaque emploi créé génère 10 emplois environ dans le tissu social environnant.

Quoiqu’il en soit même si cet aspect vient s’ajouter aux causes des résistances de l’état à développer les micro-structures, il n’en est pas moins un point marginal car on pourrait considérer (ce que chacun d’entre vous semble faire) que si le coût des micro-structures est moins élevé que celui des macro-structures, et que le service rendu par celles-ci couvre mieux les besoins humains, alors l’état a intérêt à les développer.

Or il ne le fait pas !

Pourquoi ? Sont-ils fous là haut ? Bien sur que non !
Alors ?

Alors relisez mes explications dans un des messages précédents... Et vous vous rendrez à l’évidence... C’est important car la stratégie à mettre en oeuvre pour débloquer, autant que faire se peut, ... en dépend largement. La question qui bloque le développement des micro-structure c’est qu’elles sont de très mauvais "outils de pouvoir". A contrario lisez les annonces dans les ASH : "fondation zzzz, gérant 30 établissements, 1600 salariés, recherche etc..."

Renseignez vous : qui compose son conseil d’administration ? Vous y trouverez des représentants des élus locaux ou des collectivités locales ET un représentant d’une société de fournitures de matériel de collectivité (il y en a toujours une). Et au conseil d’administration de cette société ? Devinez donc ? Devinez maintenant la périodicité de renouvellement de TOUT le matériel ? Et les tarifs ? Au delà, si vous cherchez à savoir où est passé l’argent, on vous fera comprendre que vous prenez des risques....

Autre chose encore : les établissements sont financés pour une masse salariale théorique. Interrogez vos DDASS pour savoir d’ou provient l’écart chronique entre le théorique et le réel... Ici, j’ai obtenu la réponse suivante d’un inspecteur qui a dû se dépêcher de quitter le département : "si vous voulez engager une bataille sur ce terrain, croyez que je vous soutiendrai, mais ne comptez pas sur moi pour être en première ligne." (!)

Conclusion : Pierre SANS a trouvé la bonne solution. Mais à mon avis on la lui a instamment imposée (après plusieurs années de hautes luttes).
Un "manifeste à Jacques CHIRAC" ? OK ! Reste plus qu’à y inclure (ou à rester attentifs aux suggestions discrètement faites quant à ...) l’intérêt que vont pouvoir y trouver les élus de l’UMP ... localement.

Cordialement, Bruno B

PS1 : pour agréer un lieu de vie dans l’Aude, le département a demandé aux responsables de faire viser leur dossier par un bureau d’étude expressément désigné. Coût de l’étude 120.000 FF, en 1985 ! Encore une piste !

PS2 : je me souviens d’un poème qui décrivait un jardin. Un beau jardin, plein de fleurs et de fontaines. Finalement à y regarder de plus prêt : la coccinelle bouffait le puceron qui bouffait la rose, la fourmi déchiquetait la chenille, la guêpe mettait en pièce le papillon, la taupe engloutissait le ver de terre, le hérisson faisait un carnage, la grive harponnait l’escargot, même la mante religieuse découpait son "amoureux". Et l’araignée ? Dans la pub et dans les jeux télévisés, dans les programmes d’aide sociale, "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil"... oui sauf le comptable qui dit des choses vilaines. D’aucun pensent que lorsqu’il fait mauvais temps, on devrait lyncher les météorologues ... on sait jamais, des fois que ce soit les mots qui déclenchent les tempêtes.


Dr Gérald Mesure

Bien qu’intervenant peu, je suis avec intérêt vos débats. J’essaie, en tant que médecin, de mettre en place un accueil familial social dans le 95, avec l’originalité d’une convention entre un hôpital et un Conseil général, visant à se partager l’encadrement des familles. J’ai donc du rencontrer un certain nombre d’élus, et apprendre à comprendre leurs modes de pensée.

Il me semble peu judicieux et un peu naïf d’aborder les choses sous l’aspect accueil familial = moins cher avec des calculs à la louche... C’est mal connaître l’économie de la santé qui comporte des paradoxes terribles.

Du côté sanitaire : imaginons que je crée six places d’ AF thérapeutique, certes d’un coût modique, j’étends mon offre de soins. Les six lits libérés seront réoccupés aussitôt par une nouvelle clientèle. Coût pour la SS : 6 places d’AFT AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
en plus. Fermez les lits me direz vous. Outre que cela n’est plus possible dans bien des endroits tant les services ont fondu, cela ne changerait rien : pour l’hôpital le coût de fonctionnement global est presque le même avec 6 lits fermés, mais de plus il touche moins de prix de journée de la Sécu. Mauvaise affaire pour l’hôpital, dont le président du CA est votre maire, et peut-être votre député !

Du côté médico-social, c’est plus retord. En effet le coût pour l’aide sociale d’un AF social est bien plus faible qu’un hébergement en structure traditionnelle.

Je crois effectivement que les réticences sont plus dans l’ordre du contrôle et de la responsabilité. Un établissement fonctionne le plus souvent avec une délégation de responsabilité à une association intermédiaire. Le contrôle est simple, la responsabilité est décalée. Un grand nombre de familles est pour certains département un cauchemar, comme si il s’agissait d’autant de structures à contrôler et encadrer.

Les familles d’accueil font peur ! Pour ce qui est du projet pour lequel je me bats, c’est à dire l’accès à l’AFS pour des personnes handicapées par la maladie mentale (schizophrènes vieillissants essentiellement), le principal écueil est le passage du sanitaire au médico-social.

Du côté SS, ces personnes sont clairement handicapées et méritent un hébergement digne. Mais le conseil général raisonne selon le principe "malade un jour, malade toujours", donc "gardez les à l’hôpital", tant les principes d’équité, les bonnes paroles (du président même) pèsent peu en face de la terreur que leur inspire l’APA et leur budget imbouclable. Bref, tant que les financements ne sortiront pas de la même poche, il sera bien difficile de faire entendre la voix de la raison !

Dr Gérald MESURE


Bruno B

Bonjour Docteur,

Étant au contact d’administrateurs de structures de santé publiques, j’ai partagé longtemps votre analyse, mettant sur le compte du cloisonnement des caisses et des intérêts électoraux des élus eu égard à des catégories sociales nombreuses, les blocages que nous constatons.

Pourtant, si l’on vous suit, comment expliquer la mise en place draconienne de la sectorisation psychiatrique à partir de 1982 ? Les 3/4 des lits d’hospitalisation en psychiatrie ont été fermés en 10 ans. Parallèlement les PFS ont été tout aussi draconniennement limités (14 pour toutes les bouches du Rhône, dont 12 pour la pédopsychiatrie).

Ils n’ont pas hésité à fermer des pavillons entiers, à réduire les effectifs, à déplacer des personnels... Mais les malades ont été réorientés vers les maisons de retraites, et vers d’autres structures associatives, et pour le reliquat, remis à la rue. Qu’observe-t-on ?

On est passé d’une structure totalement publique, donc aux finances facilement contrôlables, à une multitudes de structures semi-publiques ou privées dont les conseils d’administrations étaient bien plus dépendants des lobbies politico-financiers. On a parlé de transfert de charges, mais on a fait suivre par un transfert de recettes.

Le but était bel est bien de mettre ces énormes gâteaux financiers à la disposition (partielle) des lobbies politico-financiers locaux. Croyez vous que ce soit un hasard si nous devons la loi de décentralisation à Gaston DEFERRE ? Savez-vous comment a été dirigée la ville de Marseille pendant son règne ? Croyez-vous que ce soit un hasard si le gouvernement actuel entend amplifier le processus ?

L’espace institutionnel dans lequel il est le plus facile de détourner de l’argent c’est l’espace qui se situe à l’interface du public et du privé (parce qu’il faut bien donner une base légale au transfert de l’argent vers le privé), et constitué de macro-structures (parce qu’elles sont plus faciles à contrôler, mais dans une optique de gestion, pas de terrain). Certains départements (ex : 54) ont, honnêtement, tenté de promouvoir des structures spécialisées dans le contrôle des PF. Ces structures étaient totalement financées par les recettes fiscales générées par les PF ... tous les projets ont été bloqués ! Pourquoi ?

Je reconnais que le contrôle de familles d’accueil dispersées peut s’avérer être un casse tête, mais ce casse tête n’est qu’apparent et fantasmatique (voir messages précédents). Quand on connaît le maillage des circonscriptions de l’aide sociale dans la plupart des départements, il est évident qu’avec des méthodes de travail un peu réfléchies le problème n’existe même pas.

L’hospitalisation à domicile ne pose aucun problème ... alors que les PF en posent ????

Votre argumentation est celle des gens de la haute administration. Ils s’en servent pour faire écran de fumée à ce qui se passe en sous-main. Vous savez que les comptes des sociétés privées sont consultables par le public dans les chambres de commerce et d’industrie ? Comment se fait-il que les comptes des institutions sociales et médico-sociales privées, pourtant contrôlées par la DDASS ne soient pas accessibles ?

Un changement de majorité dans un département ? Qu’observe-t-on ? 9 fois sur 10 les premiers hauts responsables remplacés sont : le Directeur de la DDASS, le directeur des services sociaux, et le président de l’office des HLM (encore que ce dernier est souvent un sénateur, plus difficilement amovible, ce qui les oblige à des compromis, voire à des ententes même s’ils sont ennemis politiques) !

Pourquoi ?...

J’aimerais pouvoir vous dire des choses plus agréables, mais c’est pourtant ainsi que va le monde...

Bien cordialement à vous, Bruno B


Dr Gérald Mesure

M. Bruno B, je partage en grande partie votre analyse ! Je ne suis pas sûr qu’il existe une logique uniforme qui expliquerait toutes les évolutions du médico-social et du secteur psychiatrique ces dernières années, mais plutôt des logiques pas forcément cohérentes qui ont abouti à cette situation. Je suis d’accord avec votre analyse d’une logique du tout privé, tout libéral qu’on perçoit bien en ce moment, et qui n’est finalement pas étonnante avec le MEDEF au gouvernement...

De même, la politique de fermeture de lits a transcendé les gouvernements de droite ou de gauche (les conseillers étant d’ailleurs les mêmes !) avec un raisonnement imparable : moins de lieux de soins, moins de soignants = moins de dépenses.

Thatcher l’avait fait. Ca marche, on peut le vérifier dans le tiers monde : 0 médecins = 0 dépenses. Que cela fasse 0 soins est passé sous silence...

Pour résumer ma pensée, je ne crois pas vraiment à une espèce de thèse du complot que vos points d’interrogations laisserait supposer, mais plutôt à une absence de vision et de courage politique de nos gouvernants. Ceci dit, concernant l’évolution de la psychiatrie, les psychiatres ont une grande part de responsabilité, sur laquelle il faudrait s’interroger.


Bruno B

Je suis d’accord avec vous. Je ne parlais ni ne suggérais aucune espèce de "complot". Juste une sorte de "main invisible", qui, comme le disait l’économiste Keynes (à propos de l’adaptation de l’offre et de la demande dans une économie libérale), organise les choses au mieux ...

J’accepterais sans peine l’hypothèse du simple manque de courage de nos politiques, si un nombre certain de pistes convergentes ne me démontrait plus que nécessaire, que la "main invisible" .... ben elle amène toujours le fric au mêmes endroits "hors circuits"... ce qui à la longue finit par donner au hasard l’apparence de ce qui peut apparaître comme une fatalité .... surtout si on continue à laisser faire.

En ce qui concerne l’évolution de la psychiatrie, c’est un fait qu’un certain pragmatisme économique venu des ministères a rattrapé, en 1983, quelques utopies Coopero-Basaglio-Lacanienne nées presque 20 ans plus tôt. Je ne suis pas sûr, en effet, que ces dernières aient bien senti le vent de ce qui les dépassait, et a prolongé ensuite leurs intentions jusque dans l’absurde.

Bien cordialement, Bruno B.


Étienne Frommelt

Merci pour toutes ces explications, qui nous aident à avancer !

Il vaudrait peut-être mieux argumenter en parlant de création de places d’hébergement "économique", hors établissement, permettant de libérer autant de places en établissement pour ceux qui en ont réellement besoin ??? (voir le message de Didier Bourgeois en mai dernier : "pas de place à l’hôpital, pas de place nulle part").

Gérald dit : "tant que les financements ne sortiront pas de la même poche, il sera bien difficile de faire entendre la voix de la raison !" En fait, les financements sortent tous de la même poche : celle du contribuable, qui paye des impôts et des cotisations sociales. Même les plus démunis payent au moins la TVA...

Le gros problème, c’est que cet argent emprunte des voies différentes (sécurité sociale, état ou Département) et que chacun essaye de faire payer l’autre, même si c’est plus cher !

Et en plus, j’oubliais ceux qui se servent au passage... Quel boxon !

Naïvement, Étienne Frommelt


Voir, sur le même thème, "45.000 handicapés mentaux en situation d’abandon" plus une pétition : "Des lits, oui, mais dans la cité !"