Chapitre I
Un poids excessif de l’hospitalisation complète
Tous les rapports récents, dont les principaux sont répertoriés dans l’annexe 1, ont souligné les écueils qui entravent le parcours de soins du patient, en raison notamment de la pluralité des acteurs et des structures.
Le plan avait pour objectif premier de les « décloisonner », en les déployant et en les articulant mieux, autant que possible hors des murs hospitaliers.
L’hospitalisation à temps complet ne devrait être qu’une étape, à éviter dans toute la mesure du possible. Or le recours à l’hospitalisation est demeuré excessif, notamment faute de solutions d’aval, mais aussi de possibilités suffisamment développées de prises en charge alternatives en amont.
(...)
A - Des pathologies répandues, complexes et désocialisantes
Les soins psychiatriques ont fortement évolué au cours du dernier
demi-siècle. La psychiatrie lourde a été transformée par les neuroleptiques puis les antipsychotiques, qui ont permis de réduire la fréquence et la durée des hospitalisations en milieu spécialisé. Toutefois, les malades requièrent un suivi extrahospitalier rapproché, médical et social, et donc des prises en charge alternatives diversifiées.
Devenant souvent chroniques, ces pathologies n’en sont pas moins désocialisantes, compte tenu des fréquents effets secondaires des traitements médicamenteux lourds et des risques de rechute dans des crises aigües, empêchant en particulier tout retour à l’emploi.
Dans le même temps, la meilleure reconnaissance de manifestations moins lourdes, mais nombreuses et variées, a provoqué une augmentation considérable de la demande de soins : par exemple, de la prise en charge de situations de stress accidentel ou professionnel ou de difficultés sociales, dans le cadre, beaucoup plus large, de la santé mentale et de sa préservation. Cette double évolution explique le besoin croissant d’un renforcement important de l’offre de soins extrahospitaliers.
B - Une offre de soins diversifiée
L’offre de soins en psychiatrie se répartit en trois segments :
- les hospitalisations complètes en services aigus, dans environ 13 % des cas (près de 19 millions de journées en 2010) ;
- les alternatives à ces hospitalisations, qu’elles soient à temps complet (2 millions de journées) ou à temps partiel, (7,2 millions de journées) ;
- les prises en charge ambulatoires institutionnelles (18 millions d’actes), auxquelles s’ajoutent les consultations en médecine de ville.
Les établissements de santé, publics ou privés d’intérêt collectif,
assurent de façon très majoritaire ces prises en charge, notamment la quasi totalité de l’offre de soins alternative à l’hospitalisation complète, ainsi que la plus grande partie des consultations et visites, dites institutionnelles, à partir de structures extrahospitalières installées en ville.
(...)
2 - Les alternatives à l’hospitalisation complète
Les alternatives, à temps complet et hors hôpital, à l’hospitalisation à temps plein ou partiel (tableau 3, page 22) assurent près de deux millions de journées, soit un dixième des prises en charge à temps complet.
Les alternatives à temps complet (tableau 2 ci-après, page 21) (8.000 lits ou places), essentiellement développées par les établissements non lucratifs, sont insuffisamment nombreuses au regard des besoins :
- les « appartements thérapeutiques » visent une réinsertion sociale, avec une présence intensive de soignants pour un séjour de durée en théorie limitée ;
- l’accueil familial thérapeutique dans des familles volontaires et rémunérées par l’hôpital est destiné aux patients dont la prise en charge n’est plus intensive, mais pour lesquels un retour à domicile ou dans leur famille ne paraît pas encore possible ;
- l’hospitalisation à domicile, récente en psychiatrie, permet une prise en charge au domicile du patient plus intensive que les visites organisées par les centres médico-psychologiques situés en ville (CMP) présentés infra : les soins y sont réguliers, voire quotidiens.
- Tableau 2. Répartition des journées de prises en charge à temps complet (hospitalisation et alternatives à temps complet), 2009
(... > page 31)
B - Des lits pourtant saturés
Les capacités d’hospitalisation complète sont fréquemment saturées. Les quelque 57 408 lits en psychiatrie ont permis de réaliser 18,8 millions de journées en 2010, soit 89,5 % de leur potentiel d’occupation maximal théorique, ce qui correspond à un taux global d’occupation particulièrement élevé.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, malgré la densité variable des lits entre régions (allant de 37 à 127 lits en psychiatrie générale et infanto-juvénile pour 100 000 habitants), aucune corrélation significative ne peut être faite entre la densité des lits et leur taux d’occupation 26 . Ainsi, la Bretagne, région la plus dotée avec 154 lits pour 100 000 habitants, présente un taux d’occupation de 89 %, proche de celui de l’Alsace (92 %), qui ne dispose que de 93 lits/100 000 habitants.
Cette saturation est liée pour partie :
- à la fréquence des séjours inopinés, non programmés : admissions en urgence, avec ou sans consentement, qui entraînent des séjours prolongés pour des malades plus lourds ;
- à une durée moyenne de séjour de l’ordre de 30 jours (soit six fois plus qu’en médecine, chirurgie, obstétrique) et à des séjours souvent répétitifs ; - à des séjours très prolongés, notamment en raison de l’absence de solutions d’aval.
Le taux moyen d’occupation de 91 % en psychiatrie générale
traduit des situations de suroccupation continuelle qui provoquent des
effets pervers :
- l’absence de place en cas d’urgence conduit parfois à recourir à l’hospitalisation sans consentement, pour contraindre à admettre des personnes qui n’en relèvent pas, car elles ne présentent pas de danger pour autrui ou pour elles-mêmes. Un tel dévoiement de cette procédure entraîne, outre une perception erronée des statistiques y afférentes, des restrictions infondées de la liberté de patients.
Celles-ci sont aggravées par des prolongations indues de durée de séjour du fait des longues formalités de sortie, et cela pour des patients qui devraient être en hospitalisation libre, sans préjudice d’autres conséquences négatives examinées ci-après ;
- la tension sur l’hospitalisation complète limite la capacité des hôpitaux à affecter les personnels aux structures extrahospitalières ;
- l’attention et souvent les moyens sont, de fait, davantage focalisés, sur les structures d’hébergement hospitalières, confrontées à des conditions parfois difficiles, plutôt que sur le développement d’alternatives à même de mieux répondre aux besoins de la plupart des malades.
C’est ainsi globalement moins l’inadéquation du nombre de lits, qui génère le sentiment de pénurie souvent évoqué, que l’inadaptation partielle de leur utilisation.
C - Les effets néfastes d’une prolongation excessive des séjours
La suroccupation de nombre de services hospitaliers est pour une part liée au manque d’alternatives à l’hospitalisation en amont comme en aval. Cette situation se traduit par des durées de séjours qui se prolongent au détriment des patients et de la protection de leurs libertés individuelles.
1 - De nombreux patients placés à tort en séjour prolongé
En 2009, la part des séjours de plus de six mois était de 5,6 % et celle des séjours de plus d’un an de 3,3 %. Ces proportions sont sous-estimées, car des séjours fractionnés par des sorties d’essai sont parfois comptabilisés comme étant distincts.
Nombre de ces hospitalisations longues [1] sont dites inadéquates, c’est-à-dire que les patients concernés pourraient être réorientés, soit dans des structures de soins alternatives, soit en structures médico-sociales, le plus souvent après reconnaissance d’un handicap psychique conformément à la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées. Or la difficulté d’une telle réorientation augmente avec la durée de l’hospitalisation, qui entraîne rapidement une perte d’autonomie chez les malades.
En Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), les patients en séjour prolongé (plus de quelque 10 mois 29 ) étaient au nombre de 971 en 2007, dont 282 (29 %) sans réorientation jugée possible. Quelque 15,5 % étaient hospitalisés depuis plus de 15 ans, dont 5,8 % depuis plus de 26 ans, exclusivement dans le secteur non lucratif. La réorientation devrait être aux deux tiers sociale ou médico-sociale, à en juger par l’analyse des possibilités de réorientation dans le cas de la région PACA :
- Tableau 7. Possibilités de réorientation des 971 patients en séjour prolongé en PACA, 2007
L’étude nationale prévue par le plan sur cette inadéquation n’a jamais été réalisée, alors même qu’il s’agit d’une donnée essentielle pour améliorer la qualité des prises en charge.
Après une réflexion menée de 2008 à 2011 avec la mission nationale d’appui en santé mentale (MNASM), le ministère a toutefois diffusé aux agences régionales de santé un guide de diagnostic et de stratégie, visant à distinguer parmi ces patients en séjour long, ceux qui pourraient être pris en charge de manière alternative [2].
La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA CNSA Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie > ) a procédé, à titre expérimental, à une évaluation en 2008, dans 15 départements. Ainsi, à titre d’exemple, la maison départementale des personnes handicapées d’un département francilien relevait, en 2009, que 52 personnes adultes souffrant de maladie mentale y étaient maintenues à l’hôpital, en attente d’une place d’hébergement médico-social, et 96 dans d’autres environnements, certaines depuis plusieurs années ; leur nombre avait doublé depuis 2000. L’exemple ci-après du Gers illustre également la nécessité de mieux faire.
2 - Les conséquences des hospitalisations trop prolongées
Cette occupation de lits de manière inadaptée réduit fortement la disponibilité de l’hôpital : un patient hospitalisé de manière « inadéquate » pendant un an bloque un lit qui aurait pu servir pour quelque 12 hospitalisations de 30 jours sur la période, parfois pendant dix ans ou plus.
De surcroît, l’occupation inadéquate s’aggrave elle-même, en raison de son effet iatrogène, qui limite la possibilité d’une réinsertion dans la société des patients qui y seraient initialement aptes.
Enfin, les hospitalisations inadéquates sont génératrices de coûts supérieurs aux modes de prise en charge alternatifs. Le coût d’une hospitalisation complète est de l’ordre de 450 € par jour, soit plusieurs fois le coût complet, intervenants sociaux inclus, d’une prise en charge ambulatoire ou à temps partiel (pour la partie médicale, la prise en charge en hôpital de jour coûte environ 55 €, et les consultations en centres médico-psychologiques sont peu coûteuses) [3].
Note de Famidac : à comparer avec le coût moyen d’un accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). thérapeutique, 240 €/jour en 2011
Ainsi, le redéploiement des
moyens mobilisés par l’hospitalisation de patients réorientables vers les structures extrahospitalières devrait permettre de dégager de nouvelles ressources pour les prises en charge alternatives.
En revanche pour les patients réorientables vers des structures médico-sociales, les évaluations font apparaître des coûts d’un ordre de grandeur analogue à celui de l’hospitalisation complète. Ces estimations appelleraient cependant une analyse approfondie selon la nature des soins de jour à financer. Les financeurs en tout état de cause ne sont pas les mêmes : un placement médico-social engendre un transfert de charges, de l’assurance maladie vers l’Etat et les départements, et un reste à charge pour le patient ou sa famille que tous ne peuvent financer.
On peut donc attendre dans ce cas des alternatives à l’hospitalisation moins une économie pour la collectivité qu’une meilleure qualité de prise en charge des patients et un désengorgement des capacités d’hospitalisation en psychiatrie. Pour autant, la moitié des personnes handicapées psychiques en établissement médico-social ont connu des hospitalisations antérieures (entre trois et cinq fois selon l’agence régionale de santé Rhône-Alpes).
Leur état n’est pas toujours stable et des réhospitalisations demeurent fréquemment nécessaires [4]. Il importe ainsi de former les personnels médico-sociaux pour accueillir ces patients au retour d’un séjour hospitalier et de développer la psychiatrie de liaison pour permettre davantage de visites régulières de psychiatres et d’infirmiers dans les établissements.
Certaines structures peuvent aider à la transition de l’hospitalisation complète inadéquate vers une réinsertion. C’est le cas, dans le Nord-Pas-de-Calais : moins médicalisé qu’en hospitalisation complète, des « unités de psycho-réhabilitation » (prix de journée : 481 € comme en psychiatrie) visent à préparer les patients à la vie en établissement médico-social ; des « structures alternatives d’accueil spécialisé » prennent, elles, en charge des patients depuis longtemps hospitalisés et à l’état de santé stabilisé mais ne pouvant intégrer dans l’immédiat une telle unité ou une structure médico-sociale du fait de la sévérité de leurs troubles (prix de journée : 139 €).
La réduction du nombre des patients dont l’hospitalisation est inadéquate n’est pas hors de portée. La Mission nationale d’appui en santé mentale (MNASM) a ainsi souligné que dans un établissement public « le nombre de patients alors inadéquatement pris en charge est passé de 39 [en 2008] à 13 en 2011 (sur un total de 60 lits). Cet effort a été rendu possible par la dynamique générale de l’hôpital concernant cette problématique qui s’est traduite par le recrutement d’une assistante sociale entièrement dévolue à cette mission. Son action a permis de tisser des liens nouveaux avec les structures du champ social et médico-social environnant et avec les établissements hospitaliers proches ».
(... > page 41)
Le cercle vicieux que le plan entendait rompre n’a pas été cassé : la saturation des lits continue à entraîner des admissions tardives et non programmées, à leur tour sources de séjours prolongés, nécessitant des solutions d’aval (réinsertion, resocialisation, réautonomisation) de plus en plus lourdes.
Dans un contexte d’insuffisance des prises en charge en amont et en aval de l’hospitalisation complète, le plan s’est efforcé de développer les alternatives à l’hospitalisation, mais il n’a de fait pas réussi à réserver, comme cela devrait être le cas, l’hospitalisation complète en psychiatrie à la prise en charge de cas lourds, dans un objectif thérapeutique précis, d’une durée brève, et relayée dès que possible par des prises en charge alternatives, sanitaires ou médico-sociales, et cela faute d’avoir pu assez développer et décloisonner celles-ci.
IV - L’insuffisance des alternatives à l’hospitalisation complète
En l’absence d’analyse par le ministère de l’impact du plan sur l’activité et sur la qualité des pratiques professionnelles (thèmes qu’aborde l’évaluation du Haut conseil de santé publique), la Cour a concentré ses analyses sur l’évolution des capacités de prise en charge.
A - Une augmentation trop modeste des alternatives sanitaires à l’hospitalisation complète.
1 - Un développement limité de l’hospitalisation partielle
(... >page 43)
Enfin, le développement des alternatives à l’hospitalisation par d’autres modes de prise en charge à temps complet a été très limité : le nombre de places en placement familial thérapeutique a légèrement augmenté entre 2000 et 2010 (+ 500 places pour un total proche de 3 800) pendant que la capacité d’accueil en appartements thérapeutiques régressait sur la même période (- 500 places pour un total de 1.100).
L’hospitalisation à domicile s’est très légèrement développée, en demeurant marginale (910 places).
Les moyens dégagés par la réduction des lits d’hospitalisation complète sont donc loin d’avoir été entièrement reconvertis vers les solutions alternatives, pourtant plus pertinentes. Insuffisamment prescriptif, le plan n’est pas parvenu à inverser les tendances lourdes, souvent dénoncées, à une forme d’hospitalocentrisme.
2 - Un effort financier insuffisamment ciblé
(... > page 45)
3 - Un mode de financement qui freine le développement des alternatives
Au-delà de l’échec relatif du plan à cibler efficacement ses efforts,
le mode même de financement actuel de la psychiatrie ne permet pas
d’orienter les moyens vers les alternatives.
Le coût annuel de la prise en charge de la psychiatrie pour la branche maladie est de l’ordre de 13 Md€ par an : soit 8,5 Md€ de dotation globale aux établissements autorisés en psychiatrie (comptabilisée sur l’objectif de dépenses d’assurance maladie - ODAM - qui est l’un des sous-objectifs de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie fixé par la loi de financement de la sécurité sociale - ONDAM), et 4,4 Md€ en remboursements, y compris d’honoraires aux praticiens libéraux exerçant dans des établissements privés.
(... > page 47)
De fait, dans le secteur hospitalier public, les dotations attribuées peuvent varier selon un rapport de 1 à 5 (de 50 à 250 € par habitant en 2008), selon les établissements ou les départements. Elles ne tiennent, par ailleurs, que peu compte de la lourdeur des cas pris en charge. Le financement par dotation globale incite, de ce fait, à construire des budgets fondés sur une logique plus de moyens que de résultats.
(... > page 49)
2 - L’accès au logement ou à un hébergement
Les actions concrètes sont demeurées extrêmement modestes alors même qu’il s’agit d’une dimension essentielle pour une prise en charge extrahospitalière.
Les besoins de logement des personnes souffrant de troubles psychiques devaient être inclus dans les financements associés, notamment aux plans d’action pour le logement des personnes défavorisées. Cette problématique bien identifiée n’a pas réellement évolué, même si spontanément plusieurs départements ont pris en compte ce sujet [5].
De fait, des méthodes d’évaluation des besoins et de programmation devaient être élaborées : un recueil de bonnes pratiques a certes été élaboré en Bourgogne et en Haute-Normandie, mais aucune impulsion nationale n’a permis de développer une politique active en ce domaine. Ainsi, le plan encourageait à développer les conventions entre bailleurs, réseaux associatifs, services médico-sociaux et psychiatriques.
Ces conventions, lorsqu’elles existent, résultent d’initiatives locales.
Le nombre de places pour handicapés psychiques en maisons-relais/pensions de famille a augmenté, 807 places ayant été ouvertes et 200 autres financées fin 2008. Le développement de ce type de maisons-relais s’est poursuivi dans le cadre du plan de relance de l’économie de 2009.
Un objectif de 500 nouveaux appartements associatifs était visé. Or le nombre de places a régressé de 400 places entre 2000 et 2009. Ce constat est cohérent avec l’absence de financement spécifique pour cette mesure. Il en va de même pour la création de foyers-logements dédiés neufs qui, pour les mêmes raisons, n’a pas été mise en œuvre.
La politique conduite a globalement manqué de fermeté et le bilan du plan dans ce domaine pourtant crucial s’avère ainsi particulièrement décevant [6].
(... > 57)
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
L’objectif de favoriser les prises en charge extrahospitalières et de désengorger les lits d’hospitalisation complète n’a pas été atteint, malgré quelques progrès. Du fait de courants parfois antagonistes, sans consensus sur un juste recours à ce type de prise en charge, la rédaction très consensuelle du plan n’a guère rapproché les points de vue [7].
Certaines mesures ou annonces postérieures au lancement du plan ont, loin de « décloisonner » [8], durci incompréhensions et clivages, notamment en matière d’hospitalisation sans consentement et de sécurité. A côté de progrès remarquables, des situations difficiles perdurent : « d’un service à l’autre, ce n’est pas la même organisation, (…) ce n’est pas la même cohésion (…) ce ne sont pas les mêmes méthodes de travail » [9].
Les hospitalisations inadaptées, les transferts de patients du fait de suroccupations, les ruptures de résidence notamment pour les populations précaires ou pour les personnes incarcérées, l’articulation alternatives à l’hospitalisation, trop peu développés, ou le chaînage encore défaillant avec les structures médico-sociales exposent à des risques élevés de perte d’efficacité de soins, par ailleurs souvent onéreux.
Dans ces conditions, la Cour recommande de :
1- continuer à développer et à diversifier l’offre sanitaire extrahospitalière, médico-sociale et sociale, notamment pour renforcer structures intra- et extrahospitalières et limiter la fongibilité entre les deux ;
2- en évaluer les performances, notamment en termes de délais d’attente pour obtenir un avis médical spécialisé ou une admission dans les structures, ainsi que d’adaptation aux besoins des personnes hospitalisées à temps plein de manière inadéquate ;
3- inclure dans la mission de service public de psychiatrie la charge de repérer, d’analyser et de corriger localement les ruptures de prise en charge et les délais d’attente, quelles qu’en soient les causes ;
4- faire évoluer les modalités d’organisation et de gestion interne des établissements pour mieux distinguer les moyens attribués aux structures intra- et extrahospitalières et limiter la fongibilité entre les deux ;
5- renforcer l’organisation et la permanence des services d’urgences psychiatriques ;
6- harmoniser la conception, la répartition et l’emploi des unités pour malades difficiles ;
7- réformer le financement de la psychiatrie par l’assurance maladie, sur la base d’une tarification prenant en compte la spécificité des prises en charge psychiatriques.