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Les assistantes maternelles sont-elles soumises au secret professionnel ?

Pierre Verdier, ancien directeur de la DDASS de Moselle, Directeur Général de "La vie au Grand Air" - 1997

Savoir si les assistantes maternelles sont ou non soumises au secret professionnel n’est pas si simple, et l’on ne peut y apporter une réponse unique. Essayons de clarifier tout d’abord le cadre général, avant de détailler en fonction des différentes situations, et de rappeler les textes de loi.

Le cadre général

a) Qu’est-ce que le secret professionnel ?

C’est une disposition du code pénal qui interdit, à certaines personnes, sous peine de sanctions pénales, la révélation (par parole, écrit ou même imprudence) des informations dont elles ont eu connaissance à l’occasion de leur profession.

Il est ainsi rédigé : "la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende". Article 226-13 du Code Pénal.

C’est une disposition du Code Pénal, ce qui signifie que les juges en font une interprétation stricte.

b) Qui y est tenu ?

Le Code Pénal n’a pas établi de liste, c’est donc la loi et la jurisprudence qui le définissent. On peut être tenu au secret professionnel :

  • par état : c’est le cas des ministres du culte,
  • par profession : il faut alors un texte légal qui le signifie expressément. Tel est le cas pour les assistantes sociales, les infirmiers, les médecins. Tel n’est pas le cas pour les assistantes maternelles qu’aucun texte n’astreint au secret professionnel, mais nous verrons que certaines peuvent l’être à un autre titre,
  • par fonction ou mission : tel est le cas pour tous ceux qui collaborent au service départemental de PMI (Article 188 Code santé publique) et pour tous ceux qui participent aux missions de l’Aide Sociale à l’Enfance. (Article 80 du Code de la Famille et de l’Aide Sociale).

c) Pourquoi le secret professionnel ?

Ce n’est pas pour assurer le respect de la vie privée, comme on le dit parfois, mais pour garantir la crédibilité de certaines professions.

Ainsi en est-il pour le médecin, le prêtre, l’assistante sociale, l’avocat. Toute personne en difficulté sait qu’elle peut parler à ces personnes en toute confiance et que rien ne sera répété de ce qui est dit ou même compris ou deviné.

d) Qu’est-ce que ça implique pour ceux qui y sont tenus ?

C’est une obligation de se taire. Même la personne qui s’est confiée ne peut en délier le dépositaire.

Si une personne tenue au secret professionnel a connaissance de mauvais traitements ou de privations infligés à un enfant de moins de 15 ans, elle peut informer les autorités judiciaires (Procureur de la République), ou administratives (Président du Conseil Général), (Article 226-14 du Code Pénal) ; mais elle n’y est pas obligée (Article 434-3 du Code Pénal).

Autrement dit, elle ne sera pas poursuivie pour "non dénonciation" alors que les autres citoyens le seraient.

Toutefois, bien évidemment, elle est tenue de lui porter assistance, directement ou en provoquant des secours, car cette obligation ne souffrira aucune exception (Article 223-6 du Code Pénal).

e) Pourquoi les personnes tenues au secret professionnel sont-elles dispensées de "dénoncer" les mauvais traitements sur enfants dont elles ont connaissance dans l’exercice de leur profession ?

Ce n’est pas par privilège ou protection mais pour deux raisons essentielles :

  • tout d’abord, on l’a dit, c’est d’une part pour assurer la confiance qui est nécessaire pour l’exercice de certaines professions ;
  • mais c’est aussi parce que le législateur a estimé qu’en tant que professionnelles, ces personnes sauraient quoi faire pour porter assistance sans en référer nécessairement à la justice ou à l’administration. Elles ne sont pas seulement témoins des mauvais traitements, elles peuvent être acteurs de leur prise en charge.

f) Celui qui est tenu au secret professionnel n’a-t-il pas des comptes à rendre ?

Tout d’abord, bien sûr, il pourra être amené à rendre compte de ce qu’il a fait pour porter assistance puisque cette obligation ne comporte aucune exception et justifie que l’on viole, au besoin, le secret professionnel. (Article 223-6 du Code Pénal).

Ensuite, tout dépend de son statut professionnel : le médecin, l’infirmière, qui travaillent en libéral n’ont de compte à rendre à personne, hormis dans le cas de non assistance à personne en danger. En revanche, celui qui est salarié d’une institution, doit rendre compte à son directeur (ou responsable) en vertu du lien de subordination que comporte tout contrat de travail.

g) Quelles sont les obligations des personnes qui ne sont pas tenues au secret professionnel ?

Par rapport aux informations apprises dans le cadre de leur activité professionnelle, elles ont deux obligations :

  • une obligation de discrétion : en cas d’indiscrétion elles pourraient être poursuivies pour atteinte à la vie privée et celui qui en serait victime pourrait exiger des dommages et intérêts sur la base de l’article 9 du Code civil.
  • une obligation, sous peine d’amende voire d’emprisonnement, d’informer les autorités judiciaires ou administratives des mauvais traitements ou privations sur mineurs de 15 ans dont elles ont connaissance. (Article 434-3).

Tel est le cadre général. Voyons maintenant comment il s’applique suivant que l’assistante maternelle est employée par un particulier, par une personne morale de droit privé, travaille dans le cadre de l’Aide Sociale à l’Enfance, ou encore constitue ce qu’on appelle un tiers digne de confiance.

I. Assistantes maternelles employées par des particuliers

Les assistantes maternelles employées par des particuliers ne sont pas tenues au secret professionnel.

En effet, le texte sur le secret professionnel est un texte d’incrimination pénale qui est d’application stricte. Or, aucun texte ne les soumet expressément au secret professionnel.

Certes, l’ancien article 187 du Code de la Santé Publique les mentionnait expressément. Elles ont été ôtées du texte actuel tel qu’il résulte de l’article 8 de la loi n° 89.899 du 18 décembre 1989 qui a introduit dans le Code de la Santé Publique un article 188 ainsi libellé : "L’article 378 du Code Pénal (devenu 226-13) relatif au secret professionnel est applicable à toute personne appelée à collaborer au service départemental de protection maternelle et infantile".

Ce texte vise, par exemple, les secrétaires, les personnels d’accueil qui ont connaissance des carnets de santé, des carnets de grossesse, des certificats de santé, etc... mais non les assistantes maternelles1, pas plus d’ailleurs que le personnel des crèches.

Les assistantes maternelles sont contrôlées par le service de PMI mais elles n’en font pas partie. On ne peut astreindre les contrôlés aux mêmes obligations que les contrôleurs.

Cela a pour conséquence qu’elles doivent informer, sous peine de sanction pénale (amende, emprisonnement) soit le médecin chef de PMI, soit le service d’Aide Sociale à l’Enfance, soit la justice par le canal de la police, de la gendarmerie ou du Procureur de la République, des sévices ou privations sur enfant dont elles ont connaissance.

Si elles sont citées en justice, elles doivent s’y rendre et doivent témoigner sur ce dont elles ont eu connaissance. En revanche, elles sont tenues au respect de la vie privée de l’enfant accueilli et de ses parents. Si elles révèlent des informations sur des faits qui leur sont personnels, elles peuvent être poursuivies pour atteinte à la vie privée. (Article 9 du Code Civil). Ces obligations s’appliquent à tous les membres de sa famille (conjoint, enfant) et à toute personne vivant sous le même toit.

II. Assistantes maternelles employées par des personnes morales de droit privé (hors Aide Sociale à l’Enfance)

Sont concernés les crèches familiales et les "services relais". Les mêmes règles que ci-dessus s’appliquent : pas de secret professionnel, obligation de discrétion, obligation d’informer les autorités judiciaires ou administratives des sévices ou privations sur mineur de 15 ans.

En plus, de par leur contrat de travail, elles ont un lien de subordination avec un employeur, et ont l’obligation de rendre compte à leur hiérarchie pour la mettre en mesure d’exercer ses responsabilités.

Nous avons relevé plus haut que cette obligation s’imposait d’ailleurs même aux personnes tenues au secret professionnel au titre de leur profession, lorsqu’elles sont employées par une institution (assistante sociale par exemple).

III. Assistantes maternelles travaillant dans le cadre de l’Aide Sociale à l’Enfance

Il s’agit des personnes employées par les départements ou par un service privé habilité par le département pour recevoir des enfants au titre de l’Aide Sociale à l’Enfance. Elles sont tenues au secret professionnel par un texte spécifique : l’article 80 du Code de la Famille et de l’Aide Sociale.

Ce texte dispose :

  • qu’elles sont tenues au secret professionnel, c’est-à-dire à l’obligation de taire ce dont elles ont connaissance dans l’exercice de leur profession. Cette obligation est absolue vis-à-vis des tiers,
  • qu’elles ont l’obligation d’informer le service de situation de maltraitance à enfants, ceci, en principe, par l’intermédiaire du responsable du service, (obligation hiérarchique) ; mais en cas d’impossibilité, cette information peut être faite directement,
  • qu’elles ont, enfin, une obligation de rendre compte à leur chef de service en vertu du lien de subordination que comporte tout contrat de travail, son non-respect entraînant des sanctions pénales pouvant aller jusqu’au licenciement.

Appelées à témoigner en justice, elles doivent se présenter et prêter serment. Relevées de l’obligation de secret professionnel par l’article 226-14 du Code Pénal, elles peuvent témoigner, mais n’en ont pas l’obligation (Article 434-3 du Code Pénal).

Ces obligations s’imposent aux personnes vivant sous le même toit (conjoint, enfant) puisqu’ils forment une "famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! " (Article 123-3 du Code de la Famille et de l’Aide Sociale).

IV. Tiers dignes de confiance

S’il est nécessaire de retirer un enfant de sa famille par mesure d’assistance éducative, le juge des enfants peut le confier à un "tiers digne de confiance" (article 375-3 du Code Civil). Ces personnes ne sont ni des professionnels, ni des salariés. Elles exercent une mesure d’assistance éducative ordonnée par le juge. Aussi, elles :

  • ne sont pas soumises au secret professionnel,
  • doivent rendre compte au juge des enfants,
  • ont l’obligation d’informer des sévices et privations,
  • ont l’obligation de témoigner si elles sont citées en justice,
  • ont un devoir de discrétion vis-à-vis des tiers.

Les textes de loi

1. L’obligation générale de porter secours (Article 223.-6. du Code Pénal)

Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 500.000 F d’amende.

Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

2. L’obligation d’informer les autorités et les personnes qui en sont dispensées (Article 434-3. du Code Pénal)

Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de mauvais traitements ou privations infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende.

Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13.

3. Le secret professionnel (Article 226-13. du Code Pénal)

La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire par état, par profession, par fonction, ou en raison d’une mission, est punie d’un an d’emprisonnement, et de 100.000 F d’amende.

4. Les exceptions (Article 226-14. du Code Pénal)

L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :

1°) à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ;

2°) au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du Procureur de la République les sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toutes natures ont été commises.

5. Le secret des personnes participant aux missions de l’Aide Sociale à l’Enfance (Article 80. du Code de la Famille et de l’Aide Sociale)

Toute personne participant aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance est tenue au secret professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du Code Pénal. Elle est tenue de transmettre sans délai au président du conseil général ou au responsable désigné par lui toute information nécessaire pour déterminer les mesures dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier, et notamment toute information sur les situations de mineurs susceptibles de relever de la section 5 du chapitre 1er du présent titre.

L’article 226-13 du code pénal n’est pas applicable aux personnes qui transmettent des informations dans les conditions prévues par l’alinéa précédent ou dans les conditions prévues par l’article 78 du présent code.

6. Le secret professionnel de PMI (Article L. 188 du Code de la Santé Publique)

L’article 378 du code pénal relatif au secret professionnel est applicable à toute personne appelée à collaborer au service départemental de protection maternelle et infantile

7. Article L. 152, alinéa 2 du code de la Santé Publique

Chaque fois que le personnel du service départemental de P. M. I. constate que la santé ou le développement de l’enfant sont compromis ou menacés par des mauvais traitements, et sans préjudice des compétences ou de la saisine de l’autorité judiciaire, le personnel en rend compte sans délai au médecin, chef de service, qui provoque d’urgence toute mesure appropriée.


Tels sont les principes qui régissent le délicat problème du secret professionnel. En cas de difficultés, n’hésitez pas à écrire à "L’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). en revue". Nous vous répondrons.

Pour information complémentaire, vous pouvez également consulter l’ouvrage que Pierre Verdier et Jean-Pierre Rosenczveig viennent de publier "Le secret professionnel en travail social", (éditions DUNOD et Jeunesse et Droit), un ouvrage pratique constitué autour de 100 questions - réponses (140 pages - 98 F).

1 - Nous n’ignorons pas que le groupe de travail mis en place par le ministère du travail et des affaires sociales et le ministère de la justice conclut différemment dans son rapport du 21 juin 1996, mais sans apporter de justifications. C’est, selon nous, une erreur qui peut être lourde de conséquences pour les intéressés qui se croiraient dispensés de l’obligation de dénoncer les sévices ou privations sur mineurs et aussi pour les enfants victimes.