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17 - Charente Maritime : Prefass, service de soutien aux accueillants familiaux

Auteurs :
Marina Al Rubaee , TSA Mensuel n° 57, novembre 2014
Clémence Dellangnol, Actualités sociales hebdomadaires n° 2755, avril 2012
Kharinne Charov, Sudouest.com, décembre 2009.

Un service de soutien aux accueillants familiaux accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.

TSA Mensuel n° 57, novembre 2014

A Rochefort, l’Adapei de Charente-Maritime a créé Prefass (Placement recherche de familles d’accueil et suivi social), un service original dédié aux accueillants familiaux. Son rôle : recruter, accompagner et soutenir les familles qui hébergent des personnes handicapées mentales.

A Montroy, Bernard Morel partage sa vie avec Laurent Jourdain. Ils possèdent une maison avec un grand jardin, un cadre sécurisé et agréable pour accueillir Robert Chauvet, 60 ans, et Michel Meyer, 59 ans, tous deux handicapés mentaux. Une vie à quatre qui ravit B. Morel, celui-ci prenant très à coeur son rôle d’accueillant familial. Depuis dix-neuf mois qu’il a intégré le « système », il est aux anges. « C’est comme cela que j’envisage l’accompagnement, de manière vraie et humaine, pas comme certaines de ces structures du médico-social dans lesquelles j’ai travaillé et qui n’ont aucune considération pour les personnes dont elles sont censées s’occuper », s’indigne cet ancien auxiliaire de vie.

M. Meyer est le dernier arrivé dans la maison après avoir fugué de son autre famille : la communication ne passait plus. Il a choisi ce moyen pour faire entendre son malaise. C’est donc dans l’urgence que l’équipe du Prefass lui a trouvé ce nouvel accueillant familial. Avec B. Morel, l’alchimie a tout de suite pris, pour le plus grand plaisir - et soulagement - de Fabienne Balhadère, chef du service Prefass. « M. Meyer a maintenant repris confiance et nous sommes en train de mettre en place avec B. Morel un nouveau projet de vie », explique-t-elle. Aujourd’hui, la venue de cette professionnelle est bien plus qu’une visite de courtoisie, mais s’inscrit dans le cadre du service d’accompagnement aux familles hébergeant des personnes handicapées.

Prefass est un service rattaché au pôle « hébergement et services » de l’Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales (Adapei) 17. Sa mission : assurer le recrutement et l’accompagnement des accueillants familiaux. Le conseil général (CG) de Charente-Maritime a octroyé des agréments - valables cinq ans - à 70 familles [qui] accueillent des personnes âgées de 20 à 60 ans, plutôt autonomes, et venant d’établissements sociaux et médico-sociaux ou d’établissements et services d’aide par le travail (Esat). Certaines ont aussi vécu à domicile et doivent trouver un nouveau « toit », par exemple après un décès ou en raison d’une longue maladie de leurs parents.

L’histoire de la structure démarre en 1989. Les parents membres de l’Adapei 17 s’inquiétaient du devenir de leurs enfants handicapés une fois ceux-ci devenus majeurs. A la sortie des instituts médico-éducatifs (IME), ils ne trouvaient pas, pour prendre le relais, de solutions d’hébergement dans d’autres établissements. Faute de places, certains devaient rester dans leur IME en attendant mieux. Les familles pensent donc au placement familial, encore peu développé à cette époque. L’Adapei 17 va donc créer un service dédié à cet accueil, qui deviendra le Prefass. Il sera le premier service de placement à signer une convention avec le CG.

Instruire les dossiers

Bien sûr, l’attention est mise sur la formation et le suivi des accueillants familiaux (encadré ci-dessous), mais également sur le bien-être de la personne hébergée. Car c’est elle qui doit bénéficier des résultats de cet accompagnement. « En aucun cas, nous n’intervenons dans la signature du contrat qui lie les deux parties. Ce sont les personnes handicapées qui sont les employeurs. Chacun y peut mettre fin sous réserve de respecter un préavis de deux mois », souligne F. Balhadère.

C’est toutefois Prefass qui sélectionne les candidats à l’accueil ayant choisi le service parmi les autres services de placement du département. Avec pour but de valider leur demande d’agrément. « A ce stade, nous avons quatre mois pour instruire leur dossier, les rencontrer, cerner leurs motivations et donner un avis. Nous n’avons aucun pouvoir décisionnaire. C’est la commis sion d’agrément du CG qui le détient », souligne Marie-Jo Bonnet, une assistante sociale du service. Parfois, le calendrier administratif est tellement serré qu’il faut réduire le temps d’instruction des dossiers, sans toutefois bâcler le travail. Au-delà de quatre mois, en effet, le dossier est considéré comme accepté.

Un entretien à domicile du candidat est organisé en présence d’un agent technique du CG qui va évaluer en même temps les conditions d’accès et de vie dans les logements. « Cette visite est essentielle car elle nous permet de savoir si la famille est en phase avec le profil du futur "pensionnaire", si elle a bien pris conscience de l’implication de cet engagement à la fois pour elle et son entourage », poursuit F. Balhadère. Au travers de cette rencontre, il s’agit d’aller au-delà du nursing et de faire émerger un véritable projet d’accueil. Elle consiste, également, à mettre les postulants face à une réalité qu’ils ne connaissent pas, à cerner l’idée que les candidats se font du handicap car, en la matière, les belles intentions ne suffisent pas. « Ils n’ont généralement pas de notions précises de ce que peut représenter le handicap mental et demandent toujours le profil type d’un accueilli qui n’existe pas dans la réalité. Il leur faudra faire avec son histoire, sa personnalité », insiste M.-J. Bonnet.

Des visites régulières

Quelles sont les motivations d’un accueillant ? Elles varient d’un candidat à l’autre. Les profils vont de 23 à 70 ans, avec une moyenne d’âge aux alentours de 55 ans. Certains ont déjà travaillé dans le secteur de l’aide et ont besoin de se sentir « utiles », d’autres souffrent du syndrome du « nid vide » après le départ de leurs enfants.

Une dernière motivation, moins avouable, est de considérer l’accueil comme une source de revenus supplémentaires. « Cette réalité existe, il ne faut pas le nier. Cependant, nous prenons soin de vérifier que la dimension humaine du projet prenne le pas sur cet aspect-là », nuance F. Balhadère. L’« apprivoisement » mutuel se fait progressivement : une journée, une soirée, un week-end. « Les placements temporaires sont privilégiés au début afin de permettre à chacun de se connaître et de prendre ses marques », assure Noémie Rulland, éducatrice spécialisée. Après trois mois d’essai, le projet de vie est mis en place avec l’accueillant.

L’équipe de Prefass commence son suivi par une visite hebdomadaire, qui s’espace au fil du temps pour devenir mensuelle. « Nous considérons les familles comme de véritables partenaires et nous gardons avec elles un contact permanent », souligne Isabelle Mansencal, éducatrice spécialisée.

Une présence 24h/24

B. Morel, notre accueillant de Montroy, apprécie la disponibilité de l’équipe de Prefass, grâce à la mise en place d’un système d’astreinte « Nous pouvons les joindre 24h/24 si besoin. Cela rassure de savoir à qui s’adresser quand nous devons faire face à un problème », dit-il. Il en parle d’autant mieux qu’il a un jour dû gérer la survenue d’un décès dans sa famille. L’équipe de Prefass a repris le relais en son absence et a organisé l’hébergement temporaire de M. Meyer et de R. Chauvet. « C’est leur écoute et leur réactivité qui fait que ça marche. A aucun moment, je ne me suis senti lâché », s’enthousiasme-t-il.

Mais attention ! Tout n’est pas for cément toujours rose au pays des accueillants familiaux. Il peut parfois survenir des moments de crise, des désaccords, voire des conflits. L’équipe de Prefass intervient alors pour encadrer, redéfinir les besoins et la place de chacun. « Il peut arriver qu’un accueillant se transforme en éducateur et veuille en faire plus qu’il n’en faut, en poussant la personne handicapée à faire ce qu’elle ne veut pas. Par peur d’être rejetée et peut-être aussi pour faire plaisir, cette dernière n’osera pas dire non. Nous faisons très attention à ce que les situations ne dérapent pas », insiste F. Balhadère.

L’équipe du Prefass reste toute aussi vigilante quant aux risques d’épuisement que pourraient ressentir les accueillants familiaux. Son accompagnement consiste aussi à les aider à prendre du recul et à se reposer en temps voulu. « Il est important de les ménager, de leur faire prendre conscience qu’ils ont aussi une vie privée à préserver », constate Emmanuelle Maizin, conseillère en économie sociale et familiale. Et F. Balhadère de conclure : « Nous avons besoin d’eux ! Être accueillant familial, ce n’est pas être sur une voie de garage. Tous ont, au contraire, un véritable rôle à jouer dans le secteur du social et du médico-social. Et le nôtre, c’est de les épauler dans ce sens. »

Formation : une priorité pour le Prefass

Cinq journées de formation autour du rôle d’accueillant familial sont obligatoires. Mais il faut, également, par la suite, valoriser ce rôle afin de les aider à mener à bien leur mission. « Être accueillant est une spécificité qui doit être reconnue dans le milieu du médico-social car ce sont des personnes mobilisables 24h/24 et rémunérées pour cela. Cette reconnaissance passe, entre autres, par la formation continue », explique Fabienne Balhadère, chef du service Prefass. Dans ce souci constant de professionnalisation, le service propose donc des formations complémentaires comme celle aux premiers secours, une autre appelée « du coeur au corps », pour donner des clés de compréhension sur la vie affective et intime des personnes accueillies...

Prefass organise tout au long de l’année des groupes de paroles. Sur la base du volontariat, il est aussi possible aux accueillants d’échanger sur leurs pratiques professionnelles avec un animateur extérieur à l’Adapei 17. Un document permet à chacun « d’évaluer la qualité de sa prestation d’accompagnement ». Les visites régulières des travailleurs sociaux du service à leur domicile contribuent, par des échanges informels, à améliorer l’accueil. Certains se sont même lancés dans une reconnaissance « diplômante » de leur implication, par la voie de la VAE, avec le soutien possible de Prefass.

Par Marina Al Rubaee

CONTACT
Prefass, 19, avenue Wilson, 17300 Rochefort
Fabienne Balhadère
Tél. : 05 46 83 99 92 - www.adapei17.org/site/pole/placement-recherche-de-familles-d-accueil-et-suivi-social-prefass-110
E-mail : prefass(arobase)adapei17.fr

Fiche technique :

  • Equipe : 6 travailleurs sociaux
  • Capacité : 88 places
  • Partenaires : conseil général, MDPH, structures de soin, services sociaux de secteur.

Ces familles ouvrent leur coeur et leur maison

Sudouest.com, 10 Décembre 2009.

ADAPEI de Charente Maritime : L’association fête, demain, les vingt ans du service de placement des adultes handicapés adultes handicapés Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir

en familles d’accueil.

L’équipe de Prefass
L’équipe de Prefass : Anne, Marie-Jo, Catherine, Anne et Magalie
(manque Isabelle) autour de la responsable, Sylvie Jauvat.
(PHOTO Kharinne Charov)

Vendredi, au Palais des congrès, l’Adapei [1] fête les 20 ans du service qui coordonne le placement et le suivi social des personnes handicapées en familles d’accueil. L’occasion sera belle aussi de valoriser le travail de ces accueillants de l’ombre.

Voilà vingt ans, l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). pour les handicapés de plus de 20 ans, qui sortaient d’un institut médico-éducatif, existait déjà, avec un suivi des assistantes maternelles de secteur. Mais on déplorait une rupture dans l’accompagnement éducatif. D’où l’idée de créer ce nouveau service, le Prefass
 [2]
dont c’est l’anniversaire. « À l’époque, c’est le premier projet structuré en France », dit Sylvie Jauvat, la responsable.

Chaleur et sécurité

Cette structure qui, initialement, bénéficiait d’un agrément pour 30 places en compte aujourd’hui 88. Et, grâce à une convention avec le Conseil général (qui finance), Prefass permet d’accueillir 75 adultes handicapés mentaux - âgés de 20 à 60 ans - dans tout le département. Ils sont suivis par quatre éducateurs qui leur rendent visite tous les quinze jours.

« L’accueil familial, c’est une alternative et une complémentarité à l’institution », annonce Sylvie Jauvat. « Car la solution permet à un adulte handicapé adulte handicapé Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir soit un taux d’Incapacité permanente partielle (I.P.P.) égal ou supérieur à 80%, soit un taux d’I.P.P. compris entre 50 et 80 % ET une reconnaissance d’inaptitude au travail. de vivre dans un milieu chaleureux et sécurisant. » Bien sûr, certains accueillis fréquentent, en parallèle, les foyers occupationnels de l’Adapei, ou les établissements et services d’aide au travail ou les hôpitaux de jour. Mais la majorité est accueillie en famille à temps complet.

Il va sans dire que, pour être famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! , la bonne volonté ne suffit pas. « Souvent, les candidats qui se présentent sont des couples de 50 ans, ayant envie de donner d’eux-mêmes et qui se retrouvent seuls dans une maison que leurs enfants adultes ont quittée », commente la responsable. Les postulants ont droit à un entretien, à une visite de leur habitation et à une enquête de motivation, avant d’obtenir l’agrément du Conseil général.

Accompagnement adapté

Une fois que les familles d’accueil ont passé un contrat de droit privé avec la personne handicapée accueillie - c’est elle (ou son représentant) qui les emploie -, l’Adapei les forme et les informe sur le handicap.

« Nous ne le faisons pas avant, pour que les accueillants puissent adapter leur accompagnement au handicap de la personne qu’ils hébergent », insiste Sylvie Jauvat.

Les travailleurs sociaux de Prefass répondent aux questions des familles d’accueil. L’Adapei leur propose aussi des ateliers, « pour qu’elles maintiennent la dynamique car elles doivent toujours rechercher des activités occupationnelles adaptées à l’âge, à la culture et au handicap de l’accueilli ».

Respect et valorisation

Mais les grands principes de l’accueil - et également de l’Adapei, qui est une association de parents avant tout -, c’est le respect de la dignité de la personne handicapée, la valorisation de ses compétences et sa socialisation.

« Souvent, le projet de vie de la personne handicapée relève du bon sens. Mais toute la difficulté de l’accueillant est de maintenir l’équilibre entre sa propre vie familiale, la chaleur et la sécurité à offrir à l’accueilli et la distance affective à instaurer. »

C’est pour souligner le précieux travail de ces accueillants aux contrats précaires, reconnus ni par un statut ni un diplôme, que l’Adapei a voulu les honorer demain, à travers une fête. Pour l’occasion, elle distribuera à 35 familles d’accueil, qui travaillent avec Prefass depuis plus de dix ans, une attestation de pratique professionnelle. C’est purement symbolique mais quand même !

Kharinne Charov


ASH, avril 2012
Un placement avec intérêt

Voir également l’excellent article des Actualités sociales hebdomadaires n° 2755 (13 avril 2012), communiqué par Prefass. Auteur : Clémence Dellangnol

Un placement avec intérêt

En Charente-Maritime, depuis vingt ans, l’association parentale Adapei 17 forme et soutient, grâce à son service Prefass, des accueillants familiaux pour adultes handicapés mentaux. Au cœur de son travail : la mise en œuvre du projet personnalisé des usagers.

La sonnette vient à peine de retentir que la porte s’ouvre sur un homme au sourire franc, crâne rasé et carrure d’ancien militaire. Derrière lui, un jeune homme élancé en sweat-shirt à capuche salue la nouvelle venue. Ce matin, comme environ deux fois par mois, Isabelle Mansencal, éducatrice spécialisée au Prefass (1) – le service de placement familial de l’Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales de Charente-Maritime (Adapei 17), à Rochefort –, rend visite à Dominique Marpaud, accueillant familial, et à son « pensionnaire ». Depuis trois semaines, la maison abrite un second jeune homme. Un séjour temporaire, le temps d’un stage en établissement et service d’aide par le travail (ESAT).

« Vous étiez un peu sceptique sur la cohabitation », se souvient Isabelle Mansencal. Dominique Marpaud hoche la tête. « Finalement, ça s’annonce plutôt bien. Le soir, c’est musique, discussion dans la chambre, ça rigole, ça tape des mains, reconnaît-il en associant du regard son pensionnaire.
Pour lui, c’est assez responsabilisant. Il explique les règles au nouveau venu et se montre très attentif. »

Une impression positive qui pourrait déboucher sur une installation durable du garçon dans la maison.
« Attention, cela dépendra aussi du bilan de l’ESAT, car il faut que l’ensemble s’accorde avec son projet de vie », rappelle Isabelle Mansencal.

Rattaché au pôle « hébergement et services » de l’Adapei 17, le Prefass assure le recrutement et l’accompagnement d’accueillants familiaux. Agréés par le conseil général, directement rémunérés par la personne accueillie, ces accueillants reçoivent à leur domicile des personnes handicapées mentales âgées de 20 à 60ans (2), issues d’établissements ou de leur domicile, bénéficiant d’une orientation par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Financé par un prix de journée, le service dispose de 88 places et d’une équipe de six personnes : une chef de service, deux éducatrices spécialisées, une conseillère en économie sociale et familiale (CESF) côtoient une assistante sociale et une psychologue qui partagent leur temps avec le reste du pôle, plus un psychiatre intervenant sur des vacations.

A l’origine de sa création, en 1989, la nécessité de
« trouver des solutions pour les jeunes majeurs de l’institut médico-éducatif de l’Adapei, maintenus dans la structure faute de place dans des établissements pour adultes », évoque Sylvie Jauvat, la chef de service. A l’époque, le placement familial est encore peu développé, en particulier pour les adultes handicapés. Le Prefass devient alors « le premier service de placement familial structuré et conventionné » par le département.

Depuis, d’autres ont ouvert leurs portes en Charente-Maritime, mais l’Adapei17 s’en distingue par son positionnement particulier :
« Nous accompagnons les accueillants familiaux, mais en tant qu’association parentale, notre usager reste la personne handicapée, insiste Jean-Pierre Slosse, directeur du pôle “hébergement et services”.
Les accueillants sont nos partenaires, au même titre que la famille naturelle ou le mandataire judiciaire. D’ailleurs, nous n’offrons pas de service de tutelle. »

S’assurer des motivations de chacun

Première mission du Prefass : le recrutement des accueillants. Après les formalités administratives auprès du conseil général, les candidats se tournent vers le service de placement de leur choix, qui dispose de quatre mois pour délivrer un avis sur la pertinence de l’agrément. La procédure comporte une visite à domicile, en compagnie d’un contrôleur de l’aide sociale.

« Il s’agit notamment de rencontrer la famille du candidat, pour s’assurer que tout le monde est en harmonie avec ce projet, développe Sylvie Jauvat. Les enfants, en particulier, peuvent éprouver des inquiétudes, car le pensionnaire va beaucoup accaparer leur papa ou leur maman. Et il est hors de question de déséquilibrer le système familial. »

Au fil de plusieurs entretiens, la chef de service et la psychologue du pôle, Valérie Coco, s’efforcent également de
« trouver les motivations profondes de la personne », d’expérience « rarement celles qu’elle annonce, puisqu’elle ne peut pas savoir à quoi s’attendre ».

Certaines situations sont rédhibitoires : un manque de mobilité, qui freinerait la participation à des activités et compliquerait les suivis médicaux ; l’absence d’autres ressources dans le foyer ; un système familial dysfonctionnel…
« Nous voulons aussi percevoir une petite flamme, affirme Sylvie Jauvat. Sentir que la famille a quelque chose à proposer. D’ailleurs, nous annonçons très vite notre niveau d’exigence : cela suffit à dissuader les moins motivés. »

Car du côté des personnes accueillies, si certaines fréquentent les ESAT ou les foyers occupationnels de l’association, la plupart passent leurs journées au domicile, où il n’est pas question de se limiter au nursing. Les « exigences » du service quant à la qualité de l’accueil sont formalisées dans un référentiel, rédigé avec les accueillants eux-mêmes. Entre guide de bonnes pratiques et grille d’autoévaluation des prestations, le document permet à chaque accueillant d’élaborer son propre projet.

Un « engagement lourd »

Pour l’installation d’un nouvel accueil aussi, la procédure est longue, structurée en étapes successives (rencontre, repas en commun, nuit puis semaine sur place). Elle correspond, insiste Sylvie Jauvat, à
« un engagement lourd ». Pour décider de l’affectation d’un usager, les professionnels travaillent par hypothèse :
« Il faut associer la pathologie et les besoins de la personne accueillie avec le profil de la famille, sa composition, son projet, sa situation géographique… »

Des accueillants au fonctionnement rigoureux conviennent davantage à des personnalités
« fragiles, qui ont besoin de structure, de repères », tels certains autistes. D’autres s’accommodent mieux de simples déficiences intellectuelles ou de pathologies psychiatriques – dont le nombre tend à croître.

Aux premiers temps de l’accueil, la visite sur place des professionnels est hebdomadaire ; puis les rencontres s’espacent, intervenant en moyenne deux fois par mois. Les éducateurs se partagent les dossiers par secteurs géographiques. En ce jour de mars, Emmanuelle Marzin, CESF faisant fonction d’éducatrice, a ainsi rendez-vous à Saintes avec Sandrine Viaud. Depuis 1998, une jeune handicapée mentale partage la vie de famille de cette dernière, installée dans une maison longère du XVIIIe siècle à la décoration soignée.

« Il a fallu reprendre toute l’éducation à la base, raconte l’accueillante, et je l’ai fait en même temps que j’élevais mes enfants. »
Pendant plusieurs années, la santé de sa pensionnaire a constitué la priorité.
« Elle présentait un diabète très élevé, elle a dû être hospitalisée quelque temps. Aujourd’hui, elle a perdu dix kilos. Le diabète s’est stabilisé, et après dix ans sans sucre, elle gère mieux la frustration. »

Parmi les points à aborder ce jour-là : l’avancement du projet personnalisé de la jeune femme. Inscrite à plusieurs cours de gymnastique dans un club local, stimulée par son accueillante, elle ne manque pas de relations sociales. « Mais elle aimerait rencontrer des personnes qui lui correspondent, sur une activité qui l’intéresse », explique Emmanuelle Marzin. Une inscription au service d’accueil et d’activités de jour (SAAJ) de l’Adapei17 a été envisagée.

Problème : le conseil général de Gironde, dont elle dépend, ne finance que l’hébergement.
« En attendant son rattachement à la Charente-Maritime, nous essayons avec la tutrice de trouver un autre budget », indique Emmanuelle Marzin.

Évaluer le potentiel de l’usager

Élaboré après trois mois d’accueil, le projet personnalisé a été systématisé à partir de 2008. Sa mise en place et son accompagnement sont assurés par Valérie Coco. A la base du projet : l’évaluation des compétences et du potentiel de la personne, un travail réalisé par les éducateurs du service avec l’usager et son accueillant.

Comme le souligne la psychologue, des grilles d’autonomie aident à « identifier les difficultés, mais surtout les points forts, sur lesquels s’appuyer pour mettre en œuvre le projet ». Aidé de son entourage (famille naturelle, tuteur, accueillant…), l’usager est invité à énoncer son projet de vie.
« Le projet de vie, c’est ce qui n’est pas discutable, que les objectifs ou les envies soient accessibles ou pas,
résume Valérie Coco. Par exemple, travailler à l’ESAT ou avoir son propre appartement, fonder une famille. »

De ce projet de vie découle l’objectif général du projet personnalisé, décliné en objectifs opérationnels. Ces derniers sont inscrits noir sur blanc, décomposés en actions, contextes d’apprentissage et outils d’accompagnement. Le suivi est assuré par les éducateurs au cours de leurs visites, et le bilan est réinterrogé environ tous les dix-huit mois.

« Des changements de famille, des problèmes de santé peuvent avoir chamboulé les priorités, expose la psychologue. Mais les demandes peuvent aussi avoir changé parce que la personne a développé de nouvelles compétences ! »
Monter en compétences, c’est aussi l’ambition que forme le service pour les accueillants qu’il soutient. Au quotidien, les éducateurs peuvent ainsi proposer des outils ou des techniques à mettre en œuvre dans l’accompagnement. Ancien agent territorial spécialisé des écoles maternelles, Marie-Josée Marpaud – la sœur de l’ex-militaire – ne manque pas d’idées d’activités pour son pensionnaire.

Mais les échanges restent compliqués : l’homme ne parle pas, et peine à retenir ce qui est énoncé.
« Des tests avec la psychologue ont cependant montré qu’il dispose d’une excellente mémoire visuelle », témoigne Noémie Rulland, son éducatrice référente. Des images et des pictogrammes ont donc fait leur apparition dans la maison : des smileys pour décrire son humeur, des cartes figuratives pour demander un aliment ou une boisson, un calendrier rempli de dessins pour repérer l’organisation de la semaine, etc.(3)

« Ce que j’aimerais, c’est pouvoir l’accompagner dans les magasins et qu’il puisse choisir quelque chose qui lui plaise », glisse Marie-Josée Marpaud.
« Vous savez, jusqu’à présent, on ne lui a jamais demandé son avis, souligne Noémie Rulland.
Mais pour l’instant, il s’agit déjà d’instaurer la demande. Le reste, ce sera une autre étape. »

La plupart des accueillants sont également avides de formation.
« Quand on commence, on ne connaît pas grand-chose au handicap. On le découvre au quotidien mais il nous manque des éclairages théoriques », reconnaît ainsi Marlène Devillers, ancienne assistante familiale de l’aide sociale à l’enfance, qui héberge deux personnes bipolaires. La procédure d’agrément n’exige aucune formation préalable, et aucun contrôle n’est exercé sur les cinq jours de formation – sur cinq ans – que l’accueillant doit avoir effectué pour obtenir son renouvellement. Vie affective, premiers secours, médicaments, pathologies, juste distance avec la personne accueillie…

Le programme est défini chaque année avec les participants et fait appel à de nombreux intervenants extérieurs. Pour Jean-Pierre Slosse, l’intérêt des formations dépasse la simple diffusion de connaissances :
« Il s’agit aussi de valoriser le rôle et l’image des accueillants, défend-il.
Nous exigeons une certaine qualité de service. Il faut de la reconnaissance en échange. »

Pendant les séances, les adultes handicapés présents sont regroupés et pris en charge par les éducateurs autour d’activités ou de sorties. Un contexte neutre, en dehors de la présence de l’accueillant, qui peut libérer la parole de certains.

Aucune situation n’est en effet à l’abri de la crise. Assise dans le bureau de Sylvie Jauvat, une nouvelle accueillante affiche un air désemparé. Avant de lui être confié, son pensionnaire, un homme de 37 ans, vivait avec sa mère. Recourant à l’accueil familial le temps d’une hospitalisation, cette dernière avait laissé entendre qu’elle envisageait un placement définitif. Très vite, cependant, elle s’est immiscée dans le dispositif.
« Elle téléphone à son fils sur son portable, interrompt ses activités, lui annonce qu’elle va venir le chercher dans l’heure, bouscule notre organisation, à tel point qu’il n’ose plus rien faire, de peur de devoir arrêter », raconte l’accueillante.

Association parentale, l’Adapei encourage le maintien des liens familiaux. Pour autant, les professionnels du service veillent à éviter le plus possible la relation directe entre famille naturelle et accueillants, se posant en tiers extérieur. A plusieurs reprises, Jean-Pierre Slosse et Sylvie Jauvat ont rencontré la mère, mais aussi son fils. « Il est vraiment tiraillé, constate la chef de service. Quand vous ne pourrez plus supporter, donnez votre préavis. Je ne vois pas d’autre moyen de le protéger. Peut-être qu’il créera une situation de crise insupportable pour sa maman, et alors nous serons présents. Mais ce sera sa décision à lui. »

Aider l’accueillant à prendre du recul

Les crises apparaissent en général au-delà de six mois d’accueil.
« Avant, tout est idyllique, décrit Marie-Jo Bonnet, l’assistante sociale du service. Chacun est en phase de séduction et veut faire plaisir à l’autre. La désillusion ou les conflits émergent plus tard. »

En dehors des heures d’ouverture, un système de permanence assuré par les cadres du pôle « hébergement et services » permet d’intervenir au plus vite. Hospitalisation d’un usager, fugue, urgence dans la famille nécessitant de confier le pensionnaire à un remplaçant – une personne non agréée (souvent un voisin) nommément désignée dans le contrat d’accueil –, comportement ingérable… Selon les cas, Sylvie Jauvat se rend sur place, quelle que soit l’heure, ou s’efforce de calmer la situation par téléphone.

« Je m’attache surtout à ne pas culpabiliser les accueillants, à les aider à prendre un peu de recul, insiste-t-elle. Je les responsabilise en leur disant que je compte sur eux, et que nous reprendrons les choses ensemble dès le lendemain. »

Attentif aux accueillants, le Prefass reste toutefois centré sur l’usager. Et peut avertir à ce titre le conseil général en cas de situation préoccupante – ce qui ne signifie pas forcément l’existence d’un danger. Un exemple récent : un usager était contraint de dormir dans une autre pièce que celle qui avait été agréée, trop proche de la chambre conjugale au goût de l’accueillante. Prise dans un conflit de loyauté, la personne accueillie n’a rien dit : la situation a été rapportée par d’autres usagers ayant effectué un séjour temporaire dans la maison. Alerté, le conseil général a retiré l’agrément. De fait, le risque de maltraitance reste une préoccupation majeure. Et si le service exerce une vigilance constante pour un repérage rapide des situations, « l’outillage et la professionnalisation » constituent, selon Jean-Pierre Slosse, la meilleure des préventions.

Depuis quelques années, les accueillants sont ainsi vivement encouragés à prendre des vacances. Un moyen de
« casser provisoirement la relation », qui permet de « prendre du recul » et offre aux usagers, hébergés de façon temporaire dans d’autres familles du service, « des points de comparaison ». Petite victoire pour les professionnels : au dernier rapport d’activité, neuf accueillants sur dix s’octroyaient trois semaines de répit par an.

RÉMUNÉRATION

Un statut précaire

Le contrat d’accueil familial est un contrat de gré à gré, conclu entre l’accueillant familial et la personne accueillie ou son représentant légal. L’accueillant n’est pas salarié : il perçoit une rémunération mensuelle autour de 650 € net (financée par l’allocation de placement familial de son usager) et un montant équivalent au titre des indemnités d’entretien (allocation aux adultes handicapés et allocation logement). Un statut précaire, dénoncent certains accueillants : « Aujourd’hui, un de mes pensionnaires forme le vœu d’aller vivre en établissement. C’est son projet et je le soutiens, mais s’il part, je perdrai la moitié de mes revenus, sans compensation puisque nous ne cotisons pas au chômage », explique Sylvie Poupard, accueillante depuis sept ans, après avoir travaillé onze ans comme aide médico-psychologique en foyer occupationnel. En Charente-Maritime, une délégation est allée porter ces revendications auprès du conseil général, proposant deux solutions : être salarié par un particulier employeur, comme les assistantes maternelles, ou directement par le conseil général ou les associations, comme les assistantes familiales de l’aide sociale à l’enfance.

Notes

(1) Placement, recherche de familles d’accueil et suivi social (Adapei 17) : 19, avenue Thomas-Wilson – 17300 Rochefort – Tél. 05 46 83 99 92.

(2) Les usagers âgés de plus de 60 ans peuvent être maintenus dans le service à titre dérogatoire tant que la dépendance reste majoritairement liée au handicap. Impossible, en revanche, d’intégrer le Prefass au-delà de cette limite d’âge.

(3) Méthode PECS (Pictures Exchange Communication System), développée dans le champ de l’autisme.

Notes

[1Adapei : Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales de Charente-Maritime.

[2Prefass : Placement, recherche de familles d’accueil et suivi social.