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01 - Accompagnement

Accompagnement, suivi, prise en charge : de la surveillance à l’accompagnement de l’accueilli, des accueillants, des parents...

Accompagnement : le choix d’une métaphore

Aujourd’hui, dans l’ensemble du secteur médico-psycho-social, le concept d’accompagnement semble progressivement gagner de nouveaux territoires. Si ce terme renvoie en fait à des pratiques professionnelles très variées, il n’en demeure pas moins investi de nobles intentions et de subtils "savoir-faire". Le terme de suivi s’en trouve par comparaison déprécié.

Parfois, les deux notions méritent en effet d’être distinguées tant diffèrent les pratiques qu’elles recouvrent. En d’autres circonstances, il paraît légitime de s’interroger sur ce qui conduit à désigner par accompagnement ce qui se réalise de manière identique sous l’appellation de suivi.

En accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). , la notion d’accompagnement reste, bien souvent, floue et imprécise. Elle se décline suivant différents registres, plus ou moins repérables, selon qu’elle s’applique à l’accueilli, à sa parenté ou à la famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! .

Avant de tenter de définir cette fonction essentielle en accueil familial, il est souhaitable de revenir à ses étymologies.

Plusieurs idées sous-tendent la notion d’accompagnement et en premier lieu, celle de mouvement dans l’idée de se joindre à quelqu’un pour aller où il va, en même temps que lui. La notion de surveillance est induite par exemple dans l’alternative suivante : "des enfants seuls ou accompagnés", qui indique clairement que lorsqu’on se propose d’accompagner quelqu’un, on entend bien veiller sur lui. Enfin, il est intéressant de noter que "suivre", de même que "quitter" et "précéder", sont contraires à l’idée d’accompagner.

L’accompagnement consisterait donc à se joindre à quelqu’un pour aller où il va - et non là où l’on voudrait qu’il aille - pour s’occuper de lui et le soutenir en donnant signification à sa démarche. Et si, accompagner sous-entend, par extension, la simultanéité des deux notions, on pourrait proposer qu’un accueil familial s’accompagne toujours... d’un accompagnement.

Accompagnement, suivi, prise en charge : une terminologie de champs ?

Le terme d’accompagnement est d’apparition relativement récente en accueil familial. En fait, celui de suivi est encore principalement utilisé par les professionnels pour qualifier autant la relation qu’ils entretiennent que l’action qu’ils mènent auprès des personnes qui en bénéficient. Assurer le suivi d’un enfant placé, d’un patient à son domicile, d’une famille au titre d’une mesure d’action éducative en milieu ouvert, sont des exemples courants.

La qualification du travail est déterminée, au-delà de sa nature, par le champ où il s’exerce : sanitaire, social ou judiciaire. Le terme de "suivi" désigne plutôt le travail relationnel des travailleurs sociaux, les soignants parlant davantage de "prise en charge".

L’introduction de la notion d’accompagnement dans ces deux champs pourrait être le signe d’une évolution vers de nouvelles pratiques.

De la surveillance à l’accompagnement

L’accompagnement est profondément marqué par un héritage de pratiques qui privilégiaient le contrôle des lieux de placement pour vérifier la qualité de l’accueil et les compétences des accueillants. Cette surveillance cède peu à peu le pas à des modes d’intervention qui portent davantage sur le vécu de l’accueil, c’est-à-dire sur l’écoute et les réponses à apporter tant aux accueillants qu’aux accueillis.

L’évolution des placements, la lourdeur des situations d’accueil, les besoins des accueillis, rendent nécessaires une aide et un soutien qui peuvent être qualifiés d’accompagnement.

Mais, quel est l’objet de l’accompagnement ? L’accueil, c’est-à-dire le vécu quotidien et partagé des accueillants et des accueillis ? Chacun des partenaires de l’accueil, accueillants, accueillis, parents de l’accueilli ?

Des deux textes réglementant le statut des accueillants, seule la loi du 12 juillet 1992 évoque "l’accompagnement professionnel des assistantes maternelles" assuré "par une équipe de professionnels qualifiés...".

Les besoins de l’enfant accueilli, et ceux de ses parents qui doivent également être accompagnés, sont évoqués à un autre niveau.

L’article 40 du code de la famille et de l’aide sociale mentionne le "soutien aux mineurs et aux familles en difficulté" dans le cadre des accueils d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. Quant à l’annexe 24 du code de la sécurité sociale, elle définit notamment la prise en charge dans les centres d’accueil familial spécialisé par "l’accompagnement de la famille et de l’entourage habituel de l’enfant ou adolescent...".

En accueil familial d’adultes, la réglementation prévoit seulement que les accueillants doivent être contrôlés, et que les accueillis doivent bénéficier d’un suivi social et médico-social.

Plus précis et plus concret, l’accueil familial thérapeutique AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
des adultes repose sur une équipe qui "dirige et soutien l’action" de la famille d’accueil, "apporte éventuellement une aide à la famille naturelle", et assure "le suivi médical".

Qu’elle se formule comme un suivi, un soutien ou une aide, la notion d’accompagnement peut donc décrire une juxtaposition d’attentions plus ou moins adaptées, alors qu’elle devrait se focaliser sur les besoins de l’accueilli et sur l’impérieuse nécessité de l’accompagner sur le chemin de l’accueil familial dans lequel il grandit, se construit ou se reconstruit.

Vers un accompagnement centré sur l’accueilli

D’une certaine manière, la famille d’accueil accompagne l’accueilli par sa présence, son attention, son empathie, ses soins. Cependant, au-delà de l’attention quotidienne dont il fait l’objet, l’accueilli est à accompagner dans son expérience unique : vivre dans une famille qui n’est pas la sienne, situation qui l’amène à parcourir, quel que soit son âge, un itinéraire peu balisé par les références culturelles dominantes.

Centré sur l’accueilli, l’accompagnement porte sur l’élaboration de son vécu qui participe à sa construction psychique, à savoir sur les relations qu’il va tisser avec les différents partenaires de son environnement, sa famille d’accueil mais aussi ses parents, afin de les aider à élaborer la séparation et les liens qui se nouent dans ces circonstances.

L’accompagnement constitue une nécessité incontournable tant l’accueil familial mobilise le registre des affects, renvoie à la question du désir, interroge la filiation et l’identité, et impose le rappel des droits et responsabilités de chacun.

A ce titre, l’accompagnement est avant tout un accompagnement psychique capable, dans une relation emphatique, de penser les liens, les séparations et les réparations, d’assurer la continuité du désir et une certaine cohésion fantasmatique.

L’accompagnement, sorte de "matrice psychique", est assuré par un partenaire psychique engagé au sens où cette fonction peut être tenue "convenablement par quelqu’un qui n’a aucune connaissance intellectuelle de ce qui se passe chez l’individu, ce qui est nécessaire c’est une capacité à s’identifier, à percevoir ce dont le bébé a envie" (Winnicott 1988).

Des modalités pour l’accompagnement

Il est bien évident que l’accompagnement sollicite différemment les intervenants selon les situations et surtout selon l’âge des accueillis, enfants ou adultes. L’engagement qu’il suscite n’en reste pas moins spécifique, et requérant des professionnels qualifiés et spécialisés dans ce mode d’intervention.

Un tel engagement se construit lors des visites à domicile, lors de toutes les occasions données à l’intervenant de rencontrer l’accueilli et la famille d’accueil, mais également dans l’accompagnement des rencontres parents-enfants et des allées et venues de l’accueilli entre sa famille d’accueil et ses parents.

Accompagner ces moments et ces interactions suppose des personnels parfaitement informés de la problématique de l’accueil familial, des niveaux d’implication quotidienne des accueillants, et des connaissances sur le développement des enfants et les besoins des adultes, les troubles de parentalité, les causes et les effets de la séparation, les processus d’appropriation et d’individuation, mécanismes dont les résonances sont toujours profondes en accueil familial.

Souvent de longue durée et toujours empreint d’affectivité, l’accueil familial exige également que les intervenants s’engagent dans la permanence, le temps et la continuité. En effet, l’accompagnement ne peut se réduire à des interventions ponctuelles et focalisées sur certains moments-clés tels la mise en place, les périodes de crise ou la fin de l’accueil.

L’inconvénient de cette approche par phases est d’agir à contretemps de l’accueil, voire trop tard. Même si l’anticipation des problèmes n’est pas toujours possible, la régularité de l’accompagnement - que la météo de l’accueil soit calme ou agitée - permet de garder un contact constant avec les processus en cours d’évolution. Ce qui peut éviter, parfois, d’intervenir "comme les pompiers", lorsque "l’accident" s’est déjà produit.

L’implication psychique et matérielle des "accompagnants" doit donc être suffisante pour comprendre les situations dans la complexité de leurs enjeux. C’est précisément à partir de la qualité et de la fiabilité de la relation établie entre chaque partenaire que s’articulent ensemble encadrement et soutien.

Ainsi appréhendé, l’accompagnement suppose de disposer de temps. Le nombre de situations dévolues à chaque intervenant est donc limité afin d’entretenir des contacts fréquents et réguliers avec les personnes impliquées et d’aborder de façon authentique ce qu’elles vivent dans l’accueil, de pouvoir en parler avec engagement. C’est ce qui est entendu par qualité relationnelle : un engagement réciproque de la parole de chacun.

Il s’agit pour l’accompagnement d’ancrer son action et ses objectifs dans un cadre institutionnel de référence qui lui confère cohérence et cohésion, en retenant un nombre limité d’intervenants profondément impliqués auprès des accueillis, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants qui doivent être accompagnés dans tous les registres de la prise en charge.

Les "accompagnants" de l’accueil familial doivent être en mesure d’énoncer une parole, d’engager une action, de prendre une décision, toutes attitudes qui ouvrent de nouveaux possibles pour les partenaires de l’accueil, et visent à garantir le sens du projet pour l’accueilli, en prenant en compte sa famille et en protégeant les accueillants.

L’accompagnement des accueillants

Les accueillants (la personne responsable de l’accueil mais également son environnement familial) doivent faire l’objet d’un accompagnement attentif et compétent. Cependant, la manière est essentielle.

"La famille aide à vivre et l’équipe aide à comprendre". Cette distribution caricaturale des rôles en accueil familial ne va pas sans poser problème comme le relevait Jean Cournut. En effet, deux tendances prévalent et peuvent s’amplifier. La première consiste à gommer les différences entre accueillants et "accompagnants", en proposant à l’accueilli un véritable front commun difficile à supporter.

La seconde, en accentuant les rôles, transforme les accueillants en un sous-prolétariat du secteur sanitaire et social dans lequel, de temps en temps, les techniciens condescendent à venir délivrer leurs savoirs afin d’éclairer les ténèbres du quotidien.

L’accompagnement des accueillants ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les places respectives d’accueillant et d’intervenant, sur leurs implications et sur leur articulation.

L’accompagnement des accueillants ne se réalise pas exclusivement sur un mode individuel. Des groupes d’échange sur les pratiques, des groupes de réflexions, plus apparentés au registre de la formation qu’à celui de l’accompagnement mais en faisant partie, ainsi que des groupes de parole, peuvent être proposés de façon complémentaire.

S’appuyant sur la loi de 1992, les services d’aide sociale à l’enfance réfléchissent à l’organisation de ce qui est mentionné comme "l’accompagnement professionnel des assistantes maternelles", sans autre précision sur sa nature et ses objectifs.

S’agit-il d’une démarche auprès des assistantes maternelles en dehors de l’accueil spécifique de tel ou tel enfant ? S’agit-il de traiter des problèmes généraux, des perspectives, des réorientations professionnelles ou des besoins de formation ? Ou bien s’agit-il d’un suivi "amélioré" afin de résoudre les problèmes inhérents à l’insuffisance constatée du suivi ?

Quelles que soient les modalités retenues, l’accompagnement doit procurer aux accueillants les moyens d’élaborer leur pratique professionnelle et leur outil de travail. Impératif renforcé par la spécificité d’un métier qui s’exerce à domicile, dans l’environnement familial, sans contact professionnel permanent avec d’autres familles d’accueil ou avec des intervenants.

L’accompagnement des parents

Avec l’évolution du droit et des pratiques, la protection et le soin des enfants s’entendent avec "l’adhésion" et la "participation" des parents mais leur accompagnement reste largement insuffisant. Les modalités de travail que constituent l’aide, le soutien, la médiation des relations parents-enfants sont pertinents mais est "en suspens la question des formes d’accompagnement ou de prise en charge des parents visant, cette fois-ci, à traiter les dysfonctionnements familiaux à l’origine du placement" (Fablet et Mackiewicz 1996).

Or le défaut d’accompagnement des parents est un facteur prépondérant dans l’échec de bon nombre d’accueils familiaux, les causes du placement restant identiques, voire amplifiées par la séparation.

Ce constat, propre aux placements d’enfants, est légitimement extensible à l’accueil des adultes dès lors que l’entourage familial est réellement impliqué dans la vie de l’accueilli.

En fait, davantage que l’accompagnement des parents, c’est celui des relations parents-enfants qui est à envisager, c’est-à-dire l’aménagement de ces relations évoqué généralement en terme de construction du lien entre des parents déparentalisés, dévalorisés, culpabilisés parfois et leur enfant qui grandit dans un environnement familial où des figures parentalisantes aident à sa structuration psychique.

Parallèlement, le traitement en accueil familial requiert la mise en œuvre d’un travail de soutien psychique ou social de parents en perte d’identité. C’est à ce niveau que les parents d’un adulte placé en famille d’accueil peuvent également être aidés.

En accueil familial, la notion d’accompagnement recouvre une grande diversité de pratiques. En se centrant sur l’accueilli ou sur la dimension relationnelle qu’il construit avec ses environnements, l’accompagnement permet de résoudre l’apparente opposition entre contrôle et suivi.

Mais le choix de la focale de l’accompagnement n’est pas toujours simple. Faut-il sacrifier la globalité structurelle et dynamique de l’accueil familial par souci d’individualiser les problèmes ? Ou sacrifier l’un des éléments au nom du "globalisme" ? Dans ses modalités concrètes, l’accompagnement doit se garder de tout systématisme pour pouvoir s’adapter en permanence à l’étonnante richesse de l’accueil familial.

bibliographie

Barreyre J.Y., Bouquet B., Chantreau A., Lassus P. "Dictionnaire critique d’action sociale", Bayard, 1997

Cournut J. "Les anciens du placement familial", in Bulletin du GELPFS, Marseille, juin 1984

David M. "Le placement familial, de la pratique à la théorie", ESF, 1989

Fablet D., Mackiewicz M.P. "Les modalités de coopération entre professionnels et parents d’enfants placés dans les pouponnières à caractère social", étude réalisée dans le cadre du Groupe de Recherche Education et Familles, avril 1996
Goutrier A. "La relation d’aide", Presses Universitaires de Nancy, 1993
Winnicott D.W. "Conversations ordinaires", Gallimard, 1988

L’accueil familial en revue, "Le soin en accueil familial", n° 2, décembre 1996, édition IPI

L’accueil familial en revue, "L’accompagnement en accueil familial", n° 7, juin 1999, édition IPI

"L’art d’accompagner en placement familial : du salon du prêt-à-porter à l’artisanat du sur-mesure", Colloque du GRAPE, Colmar novembre 1998, à paraître chez Eres

P.-S.

Avertissement : ce qui précède n’est qu’un des nombreux chapitres du Guide de l’accueil familial, publié en 2000 aux Éditions Dunod, Les textes réglementaires ayant évolué, certaines références aux contrats, rémunérations, lois... ne peuvent servir que de traces ou de repères « historiques ».