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2006 : Quand le nid familial soigne aussi les malades

Agathe WESTENDORP, "La Provence", 19 juillet 2006, page 7.

Le système des familles d’accueil thérapeutique, alternative salutaire et économique à l’hospitalisation, est pourtant peu utilisé. Rencontre avec une tribu pas comme les autres.

A l’ombre d’un pêcher ébouriffé, un chat gris se prélasse. La lavande embaume l’air de ce jardin avec piscine qui borde une belle maison de Rognes. L’image parfaite d’une coquette bâtisse provençale. Sous la tonnelle, comme dans n’importe quelle famille, chacun sirote son café, au calme.

Voilà pourtant une tribu plutôt particulière. Il y a Martine Thévin, la maman de deux grands gaillards, Damien et Bastien, tous deux la vingtaine. Et Raymond Constanza, le mari. Ainsi que les trois autres membres de la "famille" : Clara, Patrice, la trentaine tous les deux et Louis 49 ans. Soignés pour des pathologies mentales, ils viennent des hôpitaux de Marseille, d’Aix ou d’Avignon. Tous les trois ont été placés au sein de cette famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! thérapeutique.

Raymond et Martine ont travaillé longtemps dans le médico-social : Martine était aide médico-psychologique et Raymond éducateur spécialisé, désormais à la retraite. C’est en répondant à une annonce qu’ils décident de louer cette maison sur la route de Saint-Cannat et de postuler pour devenir famille d’accueil, alternative ingénieuse à l’hospitalisation complète en psychiatrie (lire ci-dessous).

Le principe est simple : un patient souffrant de pathologie mentale "apte" est placé au sein d’une famille sélectionnée et rémunérée par l’hôpital (de 1.200 € à environ 1.500 € brut par personne et par mois). Le patient est bien sûr suivi par le personnel de l’établissement dont il dépend.

"C’est du 25h sur 24 !"

Cela fait un an et demi que des malades séjournent chez Raymond et Martine : "On s’organise comme une famille normale ! Il y a des rythmes et des règles à respecter. Ils ont leur espace et nous avons le nôtre, souligne Martine. Et bien sûr des complicités s’établissent... ".

Clara, Patrice et Louis possèdent chacun leur chambre, ont leur propre salon et salle de bain et profitent à volonté de la piscine et du jardin. Un cadre de rêve bien loin des couloirs aseptisés de l’hôpital. Mais un travail de tous les instants. "On donne beaucoup et on partage énormément. C’est du 25h sur 24 !, souligne Raymond en mettant l’accent sur leur rôle de pédagogues : "Quand Louis est arrivé, c’était un vrai clochard, on a du tout lui réapprendre".

Pour le couple, le placement en accueil thérapeutique est une évidence : "Les gens que l’on reçoit n’ont bien souvent pas leur place à l’hôpital. Et de son côté, la famille du patient doit passer le relais et couper le cordon. C’est essentiel pour le malade".

Patrice semble d’ailleurs apprécier son séjour : "On s’entend bien tous. On est allé dans les calanques, à la Sainte-Baume. On est même partis tous ensemble en Charente. Cela faisait dix ans que je n’avais pas eu de vacances". Louis semble lui aussi savourer ses balades à cheval avec Raymond. Pour Clara enfin, l’accueil thérapeutique est apparu comme une vraie bouée de sauvetage. Cette jeune femme diplômée, qui souffre de dépression Dépression Savez-vous vraiment ce que c’est que la dépression ? Ce chien noir va rendre les choses beaucoup plus claires pour vous... A voir ici en vidéo.

, a retrouvé le sourire auprès de Martine et Raymond, qui la surnomment "la grande fille de la famille". "J’ai pu repasser le CAPES et le concours d’attachée de conservation. Ma famille me voit quand elle veut. Et Raymond et Martine sont toujours présents. Ils m’aident, ne serait-ce que pour faire des CV. J’avais besoin d’un milieu protégé sans la pression de la société. Être passée par une famille d’accueil, je le vois comme une réussite. J’ai appris à vivre avec ma maladie. Et à la rentrée je retourne à Paris pour reprendre un poste de professeur des écoles".

Mission accomplie donc pour le couple qui se considère avant tout comme un "tremplin" pour ceux qui ont perdu pied

Agathe WESTENDORP


Seules 58 places dans le département

Quand l’hospitalisation "classique" en psychiatrie ne correspond pas au mieux aux besoins du patient, apparaît la possibilité du placement familial thérapeutique, plus économique.

Il s’agit de l’accueil de patients stabilisés et dont le degré d’autonomie ne permet pas un retour à domicile, par des familles sélectionnées et rémunérées par l’hôpital. L’avantage est que le référent familial n’a pas l’obligation de travailler dans le milieu médical. Le développement de ce système est une des orientations du SROS 3 (schéma régional d’organisation sanitaire), au même titre que d’autres formules : appartements thérapeutiques, hôpitaux de jour...

A l’heure actuelle, seules 58 places sont disponibles dans les Bouches-du-Rhône, pour 106 dans la région.

Surprise aussi : ce système ingénieux n’est pas regroupé en réseau pour le moment. Aucune structure ne coordonne les familles qui sont gérées de manière indépendante par chaque établissement. Les hôpitaux s’organisent ainsi de manière autonome.

Comme l’explique le cadre de santé Nicole Dominez, de l’hôpital de Montfavet à Avignon : "Chaque hôpital sélectionne et accrédite les familles. L’établissement effectue les contrats de soins qui peuvent aller jusqu’à six mois renouvelables".

Visite des patients, gestion des traitements : l’hôpital reste présent en cas de besoin.

Un tremplin vers la réinsertion

A Valvert à Marseille par exemple, la psychiatre Roselyne Colombard anime avec un psychologue un groupe de paroles des cinq familles d’accueil gérées par l’hôpital. "Elles peuvent ainsi échanger sur de situations, des expériences. C’est important", explique-t-elle. "Elles réalisent qu’il n’y a pas de profil type de la famille et du malade. C’est une alchimie, une adéquation".

Bernard Saguy, infirmier à Valvert, fait aussi le lien depuis douze ans entre les patients et les familles : "Je vais les voir tous les quinze jours en alternance avec la visite du médecin traitant. On reste en contact 24h sur 24 pour être prêt à intervenir". Selon lui, les familles d’accueil ont un rôle essentiel : "C’est une belle transition vers un autre projet".

Gérard Pupeschi, chef du service psychiatrie à Montperrin à Aix-en-Provence, gère avec ses équipes une quinzaine de patients placés : "Ce système est pertinent. C’est un vrai tremplin vers la réinsertion, un moyen de resociabilisation. Et puis, il permet de débloquer des lits au niveau hospitalier. La perspective est de doubler nos capacités et de développer l’hospitalisation à domicile".

A.W.


Association Éclaircie

Raymond et Martine viennent de créer une association qui se prénomme Éclaircie. Elle a pour but d’accueillir des handicapés mentaux en séjours ou en week-end, en plus de leurs locataires "permanents". Le couple souhaite également fédérer le réseau de l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). thérapeutique.

Contacts : Association Éclaircie, 1380, route de Saint-Cannat - Tél. 04.42.50.17.94.