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2012 : Perte d’autonomie : l’accueil familial, une solution ?

Vous êtes ici chez vous... Mémoire de Valérie Flores, DCESF – session 2012, enfin publié ici en 2018... car toujours d’actualité.
:-) Bravo et Merci à Valérie, qui a accepté de nous adresser son excellent mémoire, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont répondu à ses interrogations !

Extraits :

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Valérie Florès - Perte d’autonomie : l’accueil familial, une solution ?

A. État des lieux

(...) Les plus de 60 ans sont environ 13 millions aujourd’hui en France, dont 6 à 7 % sont en perte d’autonomie. Dans 30 ans, ils devraient représenter environ un tiers de la population française, selon les démographes.
A l’heure de la retraite, ces femmes et ces hommes, généralement encore en bonne santé se retrouvent de plus en plus souvent seuls, parce qu’ils ont divorcé, qu’ils sont veufs, par choix, parce que leurs enfants habitent loin. Cette solitude, beaucoup la redoutent et ne veulent pas s’y enfermer. Beaucoup sont aussi confrontés au coût de plus en plus exorbitant du logement.
Pour ces « jeunes » retraités, la maison de retraite, un peu trop synonyme de fin de vie, n’est pas une solution adaptée.
Lorsque soudainement la diminution des capacités physiques ou intellectuelles entraînent une perte d’autonomie, la situation ne nous laisse guère le choix de la solution la plus adaptée à nos envies, dès lors qu’elle n’a pas été réfléchie antérieurement…
Or, dans bien des cas, la demande d’intervention est formulée ou suscitée par un tiers : famille, amis, professionnels du secteur sanitaire ou social, etc. dont la personne en perte d’autonomie peut ou non être partie prenante. Mais elle peut aussi subir la décision qui est prise pour elle.
Si les choix se font toujours - ou presque - pour le bien de la personne, ils sont le plus souvent colorés d’enjeux et d’intérêts qui échappent à la personne concernée et s’imposent à elle. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas de discours autonome des personnes par rapport à leur situation, mais il s’exprime rarement sur des choix consentis. La solution retenue est alors le plus souvent subie et c’est dans cette réalité que la personne en souffrance doit accepter de continuer à vivre…
Il est constaté fréquemment que les problèmes financiers sont une entrave à un accompagnement harmonieux des résidents, mais on peut convenir que les besoins des personnes âgées sont essentiellement des besoins sociaux, d’attention, qu’elles doivent pouvoir exprimer, et que nul n’est en droit, malgré les contraintes de la vie collective, de faire les choix de vie à leur place.

(...) « On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années ; on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau, renoncer à son idéal ride l’âme. »
Général Mac ARTHUR.

(...) d’après les experts en gérontologie, dans l’idéal, la maison de la dernière partie de la vie devrait pouvoir associer :
• l’accueil de trois générations,
• permettre à chacun de garder son indépendance
• un lieu avec la possibilité de liens sur l’extérieur
• l’accueil des aidants familiaux et professionnels en cas de besoin

(...) Parfois le maintien à domicile devient inapproprié. L’isolement et les troubles psychiques compromettent les soins à domicile. Egalement ce sont souvent les coûts de l’intensité de la permanence des soins qui créent la limite du maintien à domicile.

2 . Placement en institution : une solution souvent inappropriée

L’arrivée en milieu institutionnel signifie le plus souvent pour la personne âgée d’avoir à se résigner aux difficultés d’adaptation et à la perte d’autonomie liée aux problèmes de santé. L’entrée en institution déclenche fréquemment des prises en charge hyper-médicalisées des résidants et des attitudes infantilisantes précipitant la perte d’autonomie, surtout lorsqu’elle survient dans l’urgence. A ceci s’ajoute, que la personne l’ait souhaité ou non, la rupture avec le milieu de vie habituel. Il lui faut également accepter les exigences d’un lieu de vie qu’elle n’a pas toujours pu choisir. Parmi ces exigences, vient en premier lieu la vie de groupe, indissociable de l’organisation de ces milieux.
A ces exigences s’ajoute la nécessité de devoir s’adapter à la nourriture servie par l’établissement, à l’entretien ménager, à la buanderie collective aux horaires des repas et des couchers…. Les repas servis en décalage du rythme de vie habituel, pour des raisons d’organisation interne, accentuent le phénomène de mise à l’écart des personnes et, à un degré moindre, les attitudes trop directives produisent des effets de repliement. La problématique se situe également dans les relations qu’entretien la personne âgée avec les autres résidents et le personnel de l’établissement qu’elle n’a pas choisi.
Dans le cas où la personne n’aspire pas à s’intégrer au groupe, il est très possible que la vie en institution s’avère problématique. Un autre problème est la diversité de l’état de santé des résidents ; les personnes peuvent être gênées par des compagnons de chambre handicapés physiquement ou psychologiquement. Certains n’ont plus d’autres alternatives que de rester dans leur chambre en attendant les repas qui ponctuent une journée trop longue.
Assimilée à un malade ou à un incapable majeur, la personne n’est pas toujours considérée totalement comme un individu à part entière, capable de faire des choix et d’exprimer des désirs. Si cet emménagement bouleverse les repères de l’existence, l’institution induit une difficulté supplémentaire : elle constitue ‘’la dernière demeure’’ de ceux qui y entrent.
Entrer en maison de retraite, c’est entrer dans le lieu où l’on mourra. Le choc de l’entrée est ainsi fondé sur des bouleversements à la fois pratiques et symboliques, matériels et identitaires.
Les conditions inhérentes à un nouveau mode de vie qu’est l’institution, l’avance en âge, le degré de vulnérabilité due aux pertes de capacités psychiques ou physiques, la volonté de la personne âgée de faire des choix et de les faire respecter sont autant d’éléments qui semblent des détails mais qui, lorsque répétés indéfiniment, affectent considérablement la qualité de la vie. (...)

Vous êtes ici chez vous...

A . Qui sont les accueillants ?

Les résultats suivants sont le fruit de 15 entretiens à domicile, et de 15 retours de questionnaires postés sur le site des Familles d’accueil ; ils corroborent les statistiques et caractéristiques socio-démographiques du département de l’Isère, et nationales.

(...) Ce sont les femmes dont l’âge oscille entre 40 et 60 ans (la moyenne d’âge est de 57 ans), parfois plus (13% ont plus de 70 ans…), qui assument le rôle d’accueillantes ; le plus souvent elles exercent l’activité au sein du couple à 68 %, mais de plus en plus de femmes choisissent ce métier suite à une séparation, ou au décès du conjoint. Ces dernières assument cette fonction non seulement seules, et doivent assumer en parallèle le rôle de soutien de famille. Rompre une solitude mal supportée, valoriser économiquement un logement devenu trop grand en se forgeant une activité professionnelle sur mesure et à domicile, constituent les deux principales motivations de ces familles monoparentales. Seul 6 % d’hommes et 4 % de couples sont agréés .

(...) Pour 50% des familles, l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). correspond à une activité principale.
Au-delà de cas où le foyer est une personne seule et même lorsque le conjoint dans certains couples exerce une autre profession, les revenus de l’accueil permettent d’assurer des remboursements d’emprunts pour l’acquisition du logement par exemple, ou pour compenser une période de chômage.
Pour les autres accueillants, il ne s’agit que d’une activité complémentaire dont les revenus ne représentent qu’un appoint pour le budget familial, et valorisent l’activité de la femme au foyer.

(...) La moitié des accueillants interviewés a été impliquée dans le soutien d’un parents âgé dépendant. D’ailleurs c’est souvent à partir de cette expérience qu’est né leur projet d’accueil familial.
L’attrait que suscite cette activité pour certains professionnels du secteur sanitaire et social est souligné : suite à de nombreuses reconversions imposées de certaines professions, comme les assistantes maternelles par exemple ne trouvant plus d’enfants à accueillir, ou à des aides ménagères désireuses de compenser la précarisation de leur statut. Enfin et pour une large partie, le cas des personnels de structures d’hébergement soucieux de promouvoir une meilleure qualité d’accueil des personnes âgées dans le cadre d’une logique d’entreprise individuelle mérite également d’être relevé.

(...) Les motivations et valeurs défendues, sont essentiellement : « la compassion et l’amour de l’autre. » Les accueillants agissent par solidarité, suite à de malencontreuses expérience par exemple au niveau professionnel, ils souhaitent ‘’apporter du bonheur, de la chaleur humaine, et de l’affection. « Un désir de se rendre utile, de recréer du lien social, et de se sentir investis d’une mission ». C’est aussi une sorte « d’enrichissement personnel, de gratification, de reconnaissance citoyenne. »
« J’ai toujours été attirée par les personnes âgées, leur expérience, leur vie, leur vécu ; j’avais envie de leur apporter un peu de la chaleur familiale dont elles ont vraiment besoin. »
« C’est gratifiant, ils sont contents alors on est contents. »

(...) Savoir accueillir au sein de la famille mobilise plusieurs compétences :
Partager sa vie familiale, ses espaces, ses rythmes en intégrant ceux de la personne accueillie, c’est connaître les principes et enjeux d’une relation interpersonnelle.
C’est aussi permettre à la personne de conserver ses liens amicaux et familiaux, en acceptant d’ouvrir ses portes à l’entourage, aux tuteurs, personnel médico-sociaux. C’est protéger une personne de façon à rassurer la famille biologique sans s’y substituer. Donner des responsabilités, permettant à l’accueilli de préserver un rôle, de développer sont autonomie physique et mentale. Prendre soins d’une personne c’est, avoir une connaissance des règles d’hygiène alimentaire et corporelle, respecter les prescriptions médicamenteuses et en assurer le suivi, s’approprier les techniques de manipulation tout en restant dans les limites de son intervention en déléguant la suite au personnel médico-social.
Enfin, accueillir c’est savoir préserver son intimité et ses proches en veillant à ce que l’accueil soit accepté par tous les membres de la famille. C’est se réserver des temps et espaces privés et veiller à ne pas modifier son mode de vie en conservant des liens familiaux amicaux et de loisirs. La préservation d’un équilibre consiste à connaître ses limites physiques et affectives pour ne pas les dépasser.
(...)

C . Qui sont les accueillis ?

Henriette a 88 ans, elle est veuve, et vit en famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! depuis trois ans et demi. Autonome, elle fait sa toilette toute seule. Il y a quelques années, elle est tombée.
D’abord hospitalisée, elle est ensuite allée en maison de repos. Elle souhaitait retourner chez elle, mais ses deux enfants n’ont plus voulu la laisser seule. Ils l’ont placée en famille d’accueil. Après expérience, cette solution lui plaît. Elle ne souhaite pas aller en maison de retraite, car : « Dans ces établissements on est trop nombreux, on n’ est jamais tranquille, il y a toujours quelqu’un qui vous surveille et ça manque d’intimité ». « Ici, Tous les matins je me lève comme je veux, je déjeune, je regarde un peu les informations à la télé et je lis le journal. Après je sors un peu à l’extérieur, je lis des revues et des livres et c’est l’heure du repas de midi. L’après-midi, je lis encore et je regarde parfois la télé. Hier soir, je suis restée dans ma chambre, j’ai regardé le film du soir et je me suis couchée. Sinon, le plus souvent je lis jusqu’à très tard. Tous les jours je fais un petit tour, je marche un peu, ça me permet de garder la forme »
Dans 75 % des cas, les personnes accueillies sont des femmes. La plupart atteignent un âge de plus de 80 ans, la moyenne d’âge est de 83 ans. Ces caractéristiques sont en tous points comparables à celles que représentent les populations hébergées en institution.

VII . L’Accueil Familial Social, une alternative appréciée

(...) Le plus souvent les personnes en perte d’autonomie ont la particularité de ne pouvoir seules subvenir à leurs besoins, momentanément ou durablement. Les aléas de la vie ou de leurs parcours ont renforcé des difficultés relationnelles latentes ou avérées, voie vers la désinsertion sociale. A ce stade « toute personne âgée, en situation de handicap ou de dépendance doit pouvoir choisir un lieu de vie, domicile personnel ou collectif adapté à ses attentes et à ses besoins » . La qualité du dispositif de l’accueil familial social est basée sur le libre choix des accueillis et accueillants : les attentes respectives sont exprimées avant même la signature du contrat ; souvent une rencontre est organisée et est essentielle pour la pérennité de l’accueil ; une période d’essai de un mois renouvelable une fois est observée par les deux parties.
Aussi, l’accueil en famille est encadré par des obligations morales vis-à-vis des personnes accueillies : la dignité et les libertés individuelles doivent être respectées.

1 . Une solution personnalisée

Garder la proximité de sa famille
Des personnes ne souhaitent pas s’éloigner de leur lieu d’habitation, de leur cadre de vie, de leurs repères géographiques et désirent rester proche de leur famille. Le dispositif de l’accueil familial répond à ces aspirations ; beaucoup de personnes apprécient de pouvoir garder leur habitudes dans un environnement familier.
D’ailleurs, l’article 4 de la charte des droits et libertés de la personne âgée stipule que « le maintien des relations familiales, des réseaux amicaux et sociaux est indispensable pour la personne âgée »

Retrouver une source d’autonomie
La mission des accueillants familiaux accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
est de faire participer les personnes accueillies à la vie de famille, tout en les aidant à réaliser un projet de vie. Lorsque le système relationnel est satisfaisant, les accueillis progressent jusqu’à acquérir ou récupérer parfois des compétences nouvelles ou disparues. Les actes de la vie quotidienne doivent être encouragés pour éviter la dévalorisation et les sentiments d’inutilité. Parfois le maintien des activités permettra à des personnes d’accéder à un nouveau projet d’autonomie.

Se sentir sécurisé par la proximité de l’accueillant
A l’aide au quotidien qu’assurent les accueillants, s’ajoute l’offre d’un cadre structurant, rassurant, avec des repères permanents et durables en termes de lieux et de personnes. L’article 51 de la loi de janvier 2002 stipule que « l’agrément ne peut être accordé que si les conditions garantissent la continuité de celui ci ». L’accueil familial implique donc une présence continue. Au moindre problème de jour comme de nuit la proximité de l’accueillant permet une intervention immédiate. La disponibilité de l’accueillant est entière dans le sens où il ne peut pas encadrer plus de trois accueillis. En institution le ratio est de loin distancié : 3 personnels pour 10 résidents en moyenne…

Un schéma familial, un échange entre générations
L’accueil familial garantit un enrichissement relationnel en offrant un cadre familial resocialisant. La personne partage un logement, des repas, des loisirs. Lorsque des enfants sont présents, des relations intergénérationnelles bénéfiques peuvent se nouer.

2 . Une diversité d’accueils

L’accueil temporaire : un répit pour les aidants
Dans l’objectif de soulager des aidants Sonia reçoit régulièrement des familles : « Dernièrement j’ai reçu un monsieur atteint de la maladie d’Alzheimer ; un autre jour, un couple, dont l’homme est atteint d’une lourde maladie dégénérescente, son épouse qui s’occupe de lui 24h24 avait envie de se laisser faire un peu, de mettre les pieds sous la table : ils sont venus déjeuner avec nous, et passer l’après midi ». L’accueil temporaire accueil temporaire Terme désignant un contrat d’accueil à durée déterminée, avec une date de début et une date de fin, prévoyant une prise en charge à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (de jour ou de nuit). en famille peut prendre différents aspects, tels que vacances à la ferme de personnes en perte d’autonomie, séjour de post-hospitalisation, séjour de rupture pour soulager le résident d’une institution ou pour tester la réorientation d’une personne vers une vie plus autonome. L’accueil temporaire permet donc aux familles et institutions de souffler, il répond à un vrai besoin.

Une ouverture sur l’extérieur.
Dans les institutions, les résidents sont confrontés aux limites de la chronicité, d’où la nécessité d’en sortir pour des séjours extérieurs qui peuvent prendre la forme de week-end de vacances en évitant le cas échéant, le changement de lieu d’accueil dans le but de favoriser la création de liens sociaux dans un climat de sécurité et d’attention.

L’accueil familial de jour
(...) A la différence de l’accueil temporaire qui répond aux mêmes critères d’agrément que l’accueil permanent accueil permanent Terme inapproprié désignant en fait un contrat d’accueil à durée indéterminée, avec une date de début mais sans date de fin, prévoyant une prise en charge à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (de jour ou de nuit), en continu (sans interruption) ou séquentielle (exemple : un weekend tous les mois). , son existence repose sur le bon vouloir des conseils généraux ou sur des arrangements de gré à gré. Ce qui n’empêche pas un développement bien réel assuré, là encore, par la demande de répit des aidants de personnes âgées ou handicapées qui souhaitent laisser leur parent dans un milieu convivial et structuré, l’espace d’une journée ou d’une demi-journée.

L’accueil de remplacement
Enfin, on observe l’apparition d’une troisième forme d’accueil familial : l’accueil de remplacement. Son existence répond à la difficulté pour un accueillant de se faire remplacer en cas d’absence ou de congés, faute de pouvoir s’appuyer sur une famille-relais. Mis en place par des groupements d’employeurs ou par des accueillants qui choisissent de se spécialiser dans cette voie, il représente le maillon indispensable pour qu’un réseau de familles d’accueil puisse se développer sur un territoire.

3 . Une réponse aux nouvelles attentes de la société
De nombreuses déclarations de pouvoirs publics, des institutionnels, des responsables territoriaux ou associatifs, témoignent d’une modification des attentes, en fonction des besoins de certaines catégories de personnes en difficultés sociales, de santé, d’âge, de handicap ou du coté des familles. Dans de nombreux secteurs des places disponibles manquent ; l’organisation des institutions et leur fonctionnement collectif, autorisent mal le projet individualisé.
L’accueil familial social permet de trouver des solutions de proximité.

VIII . Problématique : Malgré ses qualités, l’AFS est en plein déclin

A . Accueillant familial : un métier peu reconnu

1 . Une gestion des problématiques démultipliée
« En fait, ce métier est quand même fatiguant. Il faut vraiment l’aimer pour le faire. Surtout, il faut avoir de la patience, c’est très important. » Parole d’accueillante.

La famille d’accueil est un lieu dans lequel un processus de socialisation va se mettre en place. Dans ce lieu apparaissent des questions essentielles qui vont avoir des incidences pour chacun, car l’accueillant et les autres membres de sa famille sont confrontés chaque jour à « ces presque rien » qui apparaissent dans la vie, ils doivent y faire face et inventer des réponses. Ils sont souvent seuls pour faire face à ces situations.
Puis il faut aussi considérer le fait que les accueillants, ne se contentent pas de vivre 35 heures par semaine avec une personne en difficulté, mais elle et leur famille vivent 24h/24h avec, et même si leur quotidien est ponctué de visites, l’accueilli est omniprésent dans leur tête, et leur organisation familiale.
On observe alors des systèmes de défense, certains productifs, d’autres nocifs. Les familles d’accueil prennent en charge parfois une lourde problématique, cette charge, est parfois pesante, « elle donne du souci ». Il y a une part d’angoisse et de souffrance dans le partage au jour le jour de la vie d’une personne en difficulté.

2 . Conditions de travail et rémunération
« Ce n’est pas assez payé non plus quand on regarde toutes les responsabilités qu’on nous donne. C’est une lourde responsabilité d’accueillir quelqu’un chez soi » Parole d’accueillante.

Pour certaines familles d’accueil, le salaire perçu reste insuffisant compte tenu de la charge de travail et des responsabilités qui leur sont confiées. Ces difficultés sont accentuées si la personne accueillie nécessite des soins particuliers. Même si la rémunération prévoit une partie variable en fonction de l’autonomie de la personne, quelques familles rencontrées estiment encore son montant insuffisant. L’accueil familial est le seul métier en France où le salarié qui l’exerce n’a pas droit à l’assurance chômage. Un métier en marge que nombre d’élus ne connaissent pas, un métier enfin qui ne s’exerce pas de la même manière selon le département où l’on réside. Chaque conseil général adapte ainsi à sa façon la loi en question, plus ou moins floue.
C’est un métier qui exige une présence permanente, de jour comme de nuit, de l’accueillant ; Une présence permanente pour moins de 600 Euros, une fois les frais d’hébergement déduits et bien souvent, les accueillants attendent un ou deux mois avant de toucher leur salaire le temps que la personne placée fasse ses dossiers d’aide sociale, d’allocations logement, de tutelle ou de curatelle.
Lorsqu’ils sont en arrêt maladie, les accueillants familiaux perçoivent comme tout assuré social une part salaire, calculée sur la base de la rémunération pour service rendu. (...) Parallèlement au frein financier que peut représenter une absence selon les accueillants familiaux rencontrés, les solutions de remplacement à très court terme sont difficiles à trouver, notamment si la personne désignée sur le contrat pour les remplacements n’est pas disponible.
Le droit aux congés n’est accordé qu’à la condition exclusive qu’un remplaçant soit trouvé par l’accueillant et agréé par le conseil général. L’accueillant doit se débrouiller pour trouver une personne compétente et digne de confiance :
« on lui laisse notre maison et nos accueillis et il faut qu’elle accepte d’être rémunérée à raison de 2,5 heures de Smic pour une présence constante et sans avoir droit au chômage… »
Dans le cadre de congés, la famille d’accueil peut prévoir à l’avance et convenir d’une solution de remplacement au cours des périodes de congés pendant lesquelles la personne accueillie ne sera plus à la charge de l’accueillant. Mais si l’absence n’est pas prévue, la situation est encore plus délicate. D’autant que dans certains départements, un avenant au contrat doit être établi en cas d’absence.
De plus, il n’existe pas de véritable référentiel de compétences. L’accueil familial est un métier pas comme les autres et sa professionnalisation est encore floue. Il se pratique dans la plupart des cas 24h/24, il est donc difficile d’imposer aux accueillants des exigences professionnelles similaires au secteur salarié.

3 . De l’idée à l’agrément : un long parcours
Le chemin pour devenir accueillant familial est long. La demande initiale se fait souvent par téléphone. Les professionnels donnent des informations sur les responsabilités que l’accueil d’une personne suppose, et sur l’implication de toute une famille. Une confirmation par écrit doit être formulée concernant la demande d’agrément, le public accueilli souhaité, ainsi que la personne relais qui les suppléera en cas de vacances ou d’indisponibilité. L’obtention de l’agrément sanctionne un long parcours : deux visites à domicile des travailleurs sociaux mesurent l’adéquation de l’environnement avec les contraintes d’accueil (accès facilité, chambre individuelle etc.) Un entretien avec un psychologue déterminera l’aptitude à s’occuper d’une personne et de sa dépendance. Enfin une commission d’agrément donne le feu vert aux familles.

4 . Quelle formation pour l’accueillant ?
La formation est bien prévue par le législateur, mais à quoi se former ? Peut il s’agir de formations relatives aux problématiques des différentes populations accueillies : vieillissement, handicaps, maladies mentales ? A qui va t-on emprunter ce savoir-faire ? à l’aide soignant, l’aide ménagère, l’infirmier, l’éducateur, l’animateur, le gestionnaire d’établissement hospitalier ?
Le cadre familial de l’accueil ne permet pas aisément de tels « transferts de connaissances multiples » sauf à transformer la famille d’accueil en sous-professionnel mal adapté et surchargé, écartant ce qui la caractérise : continuité relationnelle et intimité familiale partagée. Cela suppose de former des accueillants, au risque qu’ils perdent aussi leur spontanéité, leur chaleur humaine, leurs habitudes familiales… La question de la formation n’est pas aisée et n’est toujours pas résolue.

B . L’AFS : un concept très peu sollicité par les pouvoirs publics.

« II n’existe pas de réflexe en faveur de l’accueil familial. Lorsqu’on reçoit des demandes
d’intervention d’associations ou d’élus, c’est pour développer le maintien à domicile, créer un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) dans le canton ou la commune »
, observe Jean-Paul Le Divenah. [1]
Pour un élu local, la création d’un établissement apparaît toujours immédiatement plus rentable qu’un soutien à l’accueil familial, qui se dilue dans le paysage social et économique. A cela s’ajoute une certaine méfiance due au manque de visibilité du statut de l’accueillant et de la relation accueillant-accueilli. L’accueil familial est une solution que l’on sollicite une fois les autres possibilités épuisées. Pour valoriser cette forme d’hébergement, il semblerait qu’il faille que les pouvoirs publics soient rassurés sur le plan du statut de l’accueillant, afin qu’ils puissent se déterminer par rapport à un coût et à un contenu de prise en charge précis. Il serait souhaitable de les inviter à sortir du système bipolaire entre maintien à domicile et hébergement institutionnel.

IX . De la problématique à l’hypothèse de travail

La question de recherche sur laquelle je me suis appuyée pour mon enquête exploratoire à été animée par la question suivante : L’accueil familial social peut-il proposer une alternative appropriée à la prise en charge de la personne âgée en perte d’autonomie ?
(...) si l’hébergement collectif peut, en partie, répondre aux besoins d’accompagnement des personnes âgées, plusieurs constats s’imposent : l’offre n’est pas suffisante, elle n’est pas toujours proche du domicile, de plus, certaines personnes peuvent éprouver des difficultés à vivre en collectivité et à en assumer le coût.

Pour éclairer ces constatations, citons l’exemple de Jean 86 ans, en pleine possession de ses moyens intellectuels et physiques, à l’exception d’une certaine surdité qui s’est aggravée avec les années ; veuf, il vit à son domicile comme 73.3 % des gens de sa classe d’âge et reçoit deux fois par semaine, grâce à l’aide attribuée par sa caisse de retraite, une employée de maison qui constitue son seul contact avec l’extérieur avec les commerçants de son quartier et deux de ses petits-enfants, dont les parents sont décédés d’un accident de voiture. Son aide à domicile le retrouve allongé dans son salon suite à une chute consécutive à une fracture du fémur. Hospitalisé à la suite de cet accident, comme le sont – pour les mêmes raisons – 1.7 % des hommes de sa génération, Jean a pu ensuite retrouver son domicile, mais s’est très vite retrouvé handicapé, ne pouvant plus assumer son quotidien à son domicile. Il se résigne à rentrer en maison de retraite, mais n’ayant pas les moyens d’en assurer le coût, il sollicite une aide sociale à l’hébergement ; Désagréablement surpris que les services sociaux, se retournent vers ses petits-enfants pour une participation financière à sa prise en charge, au titre de leur obligation financière à son égard, il renonce finalement à son projet, et devra tant bien que mal s’adapter à son nouveau handicap à domicile…

Pour autant, les Français ne s’intéressent pas aisément aux problématiques de la vieillesse et aux choix qui leurs seront proposés. Or, les accidents de la vie obligent souvent la famille ou un réseau d’assistance, lorsque la personne est isolée, à trouver dans l’urgence un établissement d’accueil ou à anticiper une décision vaguement envisagée.
En outre, la rapidité du placement en accentue la violence, la personne âgée n’ayant pas le temps d’intérioriser la décision. La difficulté à vivre tient alors tout autant au déracinement brutal du domicile, aux défaillances du réseau de soutien, qu’à l’entrée rapide au sein de l’institution.
Si bien que, pratiquement à l’unanimité, les personnes interrogées ont avoué que l’entrée en institution est toujours un choc, quelles qu’en soient l’intensité, la durée.
« Quand on arrive dans ces maisons, tous ces visages, depuis le personnel jusqu’aux dames, c’est effrayant, on ne sait vraiment pas comment s’y retrouver » (Mme F. 87 ans)

A l’instar de Paulette : « Suite à ma chute, on est venu me chercher le 3 août, et 15 jours plus tard, j’étais ici. […] En plus, j’avais le cafard de quitter ma maison, je l’ai toujours d’ailleurs, parce que ça me fait très gros au cœur de ne pas vivre chez moi. Et je ne reverrai jamais jamais ma maison, je ne la reverrai jamais ».
La forme passive indique bien le faible consentement de Paulette à son institutionnalisation.

« Le plus difficile », écrit une femme de 74 ans, veuve placée en institution par sa sœur, « ce n’est pas de devenir handicapée, c’est de ne plus être maître de sa propre vie »

Face à ce constat, il est donc nécessaire d’envisager des modes alternatifs d’accueil afin d’assurer une réponse complémentaire, adaptable à des personnes ne pouvant plus rester seules à domicile, mais ne souhaitant pas intégrer la maison de retraite, ou ne pouvant pas en assumer le coût.

La superposition des cartes exploratoires m’a permis de constater que dans la majorité des cas, le passage de la sphère privée à l’accueil familial social est plus apprécié des personnes en perte d’autonomie que le placement en institution.

Une quasi-unanimité se dégage pour considérer que le concept de l’accueil familial, est une alternative adaptée à la prise en charge de la personne en perte d’autonomie, car il conçoit d’une façon différente les rapports humains, et le respect des choix des personnes.
Il détient une valeur ajoutée par sa dimension restreinte facilitant l’insertion dans la vie familiale.

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Valérie Florès - Perte d’autonomie : l’accueil familial, une solution ?

P.-S.

Vous pouvez à votre tour répondre à ce questionnaire

Notes

[1Jean-Paul Le Divenah, directeur de cabinet de Valérie Létard, secrétaire d’Etat chargée de la solidarité

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