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2012 : René, citoyen à part entière

Auteurs : Catherine Merrer avec Daniel Budinot, http://www.letelegramme.com/ig/generales/regions/bretagne/handicap-rene-citoyen-a-part-entiere-23-04-2012-1678392.php, 23 avril 2012.

À la suite d’un terrible accident de voiture, René Le Gouïl, citoyen de Penmarc’h, âgé aujourd’hui de 64 ans, n’a plus voté depuis 1969. Grâce à sa famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! , après un véritable parcours du combattant, il a retrouvé sa carte d’électeur. René a donc voté, hier, mais non sans encombre. Question de handicap.

« Salut René, comment tu vas ? ». Dans le bar de la petite commune de Penmarc’h, on le connaît, on l’apprécie, on le salue. Après avoir voté, hier, René LeGouïl paie sa tournée au bourg. Il attendait ce jour depuis si longtemps. « Je suis fier d’être français, fier d’avoir fait mon devoir d’électeur, d’être comme tout le monde ». Bref, d’être un citoyen à part entière, déclare-t-il, devant son verre de grenadine.

Deux fois dans l’isoloir...

Pourtant, hier, la fête a été quelque peu gâchée. Au bureau de Cap-Caval, il se présente une première fois dans l’isoloir, accompagné de Maryvonne Pennetier, membre de sa famille d’accueil. Mais le vote est déclaré impossible par une des assesseurs.

Outrée, Maryvonne déchire l’enveloppe de René. « Montrez-moi la loi », réclame-t-elle. Elle qui souhaitait que ce vote « soit discret et normal »... C’est raté. René doit retourner dans l’isoloir avec un membre du bureau de vote. À 64ans, gravement handicapé moteur à la suite d’un terrible accident de voiture, il ne peut pas mettre son bulletin seul dans l’enveloppe mais sait parfaitement pour qui il veut voter.

Pendant ce temps-là, dans ce bureau plein à craquer à l’heure de midi, une autre assesseur consulte le Code électoral. La sentence tombe : il pouvait se faire accompagner par la personne de son choix. Et le choix de René, c’est forcément Maryvonne. « Personne ne peut faire ce qu’elle a fait pour moi depuis 17ans », raconte-t-il, particulièrement ému. Un véritable parcours du combattant.

Il n’avait, en effet, pas voté depuis 43 ans. C’était en 1969, il avait 21 ans. Natif de Plouhinec (29), il était marin dans la Marchande. Un an plus tard, c’est l’accident et 45 jours de coma. Suivent deux ans à l’hôpital Morvan de Brest dans le service des traumatisés crâniens. Sorti avec des séquelles, il se réfugie dans l’alcool, jusqu’à ce qu’il fasse une crise d’épilepsie qui le conduira à l’hôpital psychiatrique Gourmelen, à Quimper. Il y restera 14 ans. Sans famille pour s’inquiéter de son sort... jusqu’à ce qu’un médecin le déclare sain d’esprit, apte à la vie sociale.

« Toute sa tête »

Sous tutelle puis curatelle renforcée depuis deux ans, René clame haut et fort que « ce n’est pas parce qu’on est handicapé qu’on n’a pas toute sa tête ». Il s’intéresse à la politique, regarde beaucoup la télévision et a des opinions bien tranchées. « Si je pouvais voter », s’est-il longtemps dit, se rappelant une manifestation, en 1968, à Quimper, au côté de Guy Guermeur, député du Finistère, pour défendre la cause des marins pêcheurs.

Or, à la suite de la loi de 2007 sur le handicap, c’est possible. Ce ne doit plus être un obstacle à la citoyenneté. Maryvonne, Marie pour les intimes, d’autre part présidente de l’Association des familles d’accueil du Finistère (AFA29) et présidente de la fédération Bretagne-Pays-de-la-Loire, se renseigne donc à la mairie de Penmarc’h.

Félicitations du maire

L’association de tutelle s’occupe des justificatifs à fournir au service des élections, lui fait refaire des papiers d’identité et René reçoit sa carte d’électeur, comme tout citoyen, à son domicile, celui de Maryvonne. Cette femme de caractère au grand coeur confiait, hier, que « les discriminations par rapport au handicap, l’injustice, ça me révolte, surtout quand elle est sociale. Je pourrais passer ma vie à porter plainte ».

Jacqueline Lazard, maire de Penmarc’h, avec René

Hier, lors du premier tour de l’élection présidentielle 2012, René a eu droit aux félicitations de madame le maire de Penmarc’h, Jacqueline Lazard (en photo ci-dessus). Mais pas aux excuses des membres du bureau de vote.

Catherine Merrer avec Daniel Budinot