Le traitement des demandes
Lorsqu’une orientation en accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). semble appropriée ou lorsqu’une demande est formulée, leur traitement constitue une étape primordiale du travail de préparation. Comme pour toute démarche préalable, la qualité du demandeur et les éléments qui sous-tendent la demande sont des points importants à clarifier. En accueil familial, cette préoccupation se voit renforcée par le fait qu’il ne va pas de soi de vivre dans une famille qui n’est pas la sienne.
Quel qu’en soit le porteur, la demande d’accueil familial mérite d’être interrogée. Est-ce un parent qui demande pour son enfant ? Un travailleur social ? Un juge ? Un adulte pour lui-même ? Un usager pour son parent âgé ? Un service de soin pour un patient dont il a la charge ? Un établissement pour un adulte handicapé adulte handicapé Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir soit un taux d’Incapacité permanente partielle (I.P.P.) égal ou supérieur à 80%, soit un taux d’I.P.P. compris entre 50 et 80 % ET une reconnaissance d’inaptitude au travail. ?
Chaque cas de figures contient ses propres enjeux qui nécessiteront des modalités différentes de traitement de la demande. Mais quelles que soient les modalités retenues, le temps et la rigueur sont les matériaux indispensables à la conduite de cette tâche. Le temps permet la maturation de la demande, et la rigueur de réduire l’ambivalence des demandeurs.
Pourtant, pour de multiples raisons, parfois circonstancielles, pas toujours recevables, cette étape fondamentale est souvent escamotée ou négligée par les services. Par exemple, les professionnels de l’aide sociale à l’enfance, compte-tenu de leurs missions et de certains modes d’organisation départementale, se voient bien souvent contraints à réaliser des accueils familiaux dans l’urgence, sans pouvoir réunir les conditions indispensables à un traitement correct de la demande et de l’indication.
Dans les services de psychiatrie, l’organisation conduit parfois à réduire le travail de préparation à une simple formalité. L’accueil familial est pensé comme un prolongement complémentaire du projet de soin déjà mis en place par le service demandeur. Cette "instrumentalisation" du dispositif d’accueil familial par un autre service de soin le prive de ses leviers (par exemple, celui de pouvoir nouer une relation thérapeutique inédite à partir d’une rencontre nouvelle) ou handicape ses ressources (par exemple, en morcelant le patient entre différentes orientations).
L’accueil familial est un événement lourd d’effets et de conséquences dans une trajectoire qui, en soi, implique une relecture complète de la démarche. Le projet ne peut se concrétiser qu’à partir d’un point d’arrêt et d’un nouveau point de départ, à fortiori s’il s’agit d’un projet prenant la suite d’un autre. D’où la nécessité de traiter soigneusement les demandes.
Préparation de l’accueil avec l’entourage de l’accueilli
Lorsqu’un accueil familial est envisagé, il est indispensable de s’interroger sur le retentissement direct qu’il pourrait avoir auprès des parents, de la famille et, dans une moindre mesure auprès de l’équipe mobilisée, ainsi que sur les conséquences que ce retentissement est susceptible d’engendrer pour les accueillis. En effet, une mauvaise évaluation des effets de l’accueil familial sur les contextes réels et imaginaires de l’accueilli - dans la limite de ce que l’on peut mesurer par anticipation - peut réduire à néant les bénéfices escomptés.
L’aide sociale à l’enfance, aujourd’hui, associe beaucoup plus que par le passé les parents à la réalisation de l’accueil de leur enfant. Cependant, la distance géographique ou les difficultés relationnelles rendent quelquefois ce travail impossible. Dans certains cas, en considérant l’enfant comme une victime, les professionnels sont entraînés dans des contre-attitudes vis-à-vis des parents qui ont pour effet leur mise à l’écart de la préparation de l’accueil.
Ces contre-attitudes se rencontrent également à l’égard des professionnels des autres services ou institutions éventuellement impliqués, particulièrement quand l’accueil familial est supposé "corriger les défauts" ou dépasser les limites de la prise en charge actuelle.
Pourtant, pour des enfants en accueil familial social ou thérapeutique, au-delà des obligations définies par l’autorité parentale, la préparation du projet avec les parents est indispensable. Elle vise à la fois à prévenir les effets de désinvestissement et de rejet mutuel, et à soulager un sentiment de culpabilité et de trahison réciproque.
Cette phase de travail auprès des parents est fondamentale pour l’engagement ultérieur. Un placement d’enfant mal accepté par la famille génère des oppositions et des disqualifications multiples, voire le déni de la situation et de ses causes, qui entravent la coopération nécessaire au bon fonctionnement de l’accueil familial. A l’inverse, lorsque la préparation de l’accueil a su associer de façon satisfaisante les parents, les phénomènes ultérieurs de rivalité avec les accueillants s’en trouvent limités et les sentiments de déloyauté de l’enfant à l’égard de sa famille réduits.
Pour les adultes, la nécessité de préparer leur accueil avec l’entourage n’apparaît pas toujours avec la même acuité. Pourtant, à des degrés divers, des enjeux similaires sont en cause et peuvent produire des effets identiques à ceux précédemment évoqués.
Dans le cadre de l’accueil familial thérapeutique
AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
par exemple, le travail de préparation auprès de la famille du patient est au moins aussi important que celui nécessaire à la mise en place d’une hospitalisation, et probablement plus. Car, si une famille peut accepter, voire demander une hospitalisation pour l’un de ses membres, l’intérêt thérapeutique d’un accueil familial est perçu de façon ambiguë : "pourquoi une autre famille ?".
Pour la famille d’un patient, l’indication d’une famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! peut être lourde de sous-entendus culpabilisants. En effet, l’idée d’une "famille qui soigne" convoque, par opposition sémantique, l’idée d’une famille qui rend malade, mobilisant ainsi d’importants mouvements défensifs. De ce fait, l’accueil familial peut devenir une opportunité de travail thérapeutique si les processus à l’œuvre font l’objet d’une appréciation adaptée et d’une élaboration partagée.
Ce travail de préparation vaut également pour l’accueil familial social de personnes âgées ou handicapées. Si les mécanismes sont les mêmes, la culpabilité se déplace ici des thèmes de la maladie et de son traitement à ceux de l’égoïsme et de la solidarité entre les générations. Ils peuvent entraîner, chez les enfants de la personne âgée et dans la famille de l’adulte handicapé, des sentiments de disqualification à l’égard des accueillants et de trahison réciproque, tout aussi néfastes pour le devenir de l’accueil familial.
Dans l’accueil familial de toxicomanes, les parents sont souvent relégués à l’arrière-plan. Le jeune adulte met en avant une indépendance familiale plus ou moins bien assumée. Il arrive aussi que, derrière cette façade de mise à distance, se cachent en réalité de puissants liens familiaux qu’il pourrait s’avérer préjudiciable de ne pas prendre en compte, la drogue constituant à la fois une tentative d’individuation et les conditions de son impossibilité. D’autre fois, c’est l’entourage du toxicomane qu’il ne faut pas négliger. En effet, compagnon, compagne, enfants peuvent se manifester au cours de l’accueil et remettre en cause les bénéfices d’un traitement pourtant engagé favorablement.
En fait, quel que soit le cadre, le travail de préparation d’un accueil familial doit tenir compte des parents et de l’entourage familial, ou institutionnel le cas échéant, du futur bénéficiaire. Il sera parfois déterminant d’associer les contextes familiaux et institutionnels pour créer des conditions propices à la réalisation de l’accueil. Dans d’autres circonstances, il sera suffisant de prendre en considération ces différents contextes pour orienter et construire le projet.
Le choix de la famille d’accueil
Une fois la demande et son contexte traités, l’étape suivante de la préparation concerne le choix de la famille d’accueil. Nombre de professionnels en accueil familial aimeraient connaître la recette pour "apparier" avec succès accueillant et accueilli. Or il n’existe aucune méthode qui garantisse avec certitude que le choix sera bon, ni même qu’il ne sera pas mauvais. Le hasard, pour autant, ne constitue pas non plus une alternative raisonnable. Alors ?
Ni science exacte, ni méthodologie rigoureuse, le choix des accueillants relève de procédures empiriques et de processus inconscients. Les professionnels sont condamnés à assumer l’incertitude, et à engager leur responsabilité éthique, c’est-à-dire à être en mesure de rendre compte de ce qui a fondé leur choix. D’où l’intérêt de pouvoir mettre au travail ce type de décision de façon collective. Il ne s’agit pas de l’illusion d’une infaillible souveraineté démocratique mais de permettre, par l’échange, d’interroger les solutions possibles.
Face à l’impossibilité de rationaliser les choix effectués, on assiste parfois à des productions qui, au contraire, revendiquent l’intuition poétique, le bon sens pratique, l’alchimie des émotions, l’ineffable et l’indicible, une sorte de "l’inconscient fait bien les choses". On sait bien que ce n’est pas toujours le cas.
La pire manière d’orienter sa réflexion consiste à se baser sur les carences et les ratages de l’accueilli pour trouver chez les accueillants des éléments réparateurs. Par exemple, pour un enfant chez qui seraient diagnostiquées des "carences de la fonction paternelle", on choisirait, de façon quasi orthopédique, une famille d’accueil où le conjoint de l’assistante maternelle présenterait une forte image paternelle. Mais, au cas où ce "diagnostic" pourrait avoir un sens, ce qui manque à cet enfant, ce n’est pas un père réel. La possibilité d’un substitut paternel n’existe que dans la tête du professionnel armé de bonnes intentions.
En revanche, le projet d’accueil dans ses aspects concrets constitue une bonne boussole car il fournit des éléments précis pour discuter et étayer la décision. De plus, sa dimension tangible le rend transmissible aussi bien à l’accueilli et sa famille qu’aux accueillants ou à d’autres professionnels. Ainsi, le mode de vie des accueillants, leurs activités ou les ressources de leur cadre de vie seront, par exemple, de bons critères pour orienter le choix.
La question pourrait se poser de la façon suivante : « quelle famille possède, parmi celles qui sont disponibles, les potentialités nécessaires à ce projet d’accueil ? » dans un contexte où le petit nombre de familles d’accueil restreint l’éventail de choix et minore les idéalisations destructrices et toutes-puissantes. Au moment de prendre une décision, seul le deuil de la famille d’accueil idéale place l’équipe dans une réelle position de travail.
Se préparer à accepter l’imprévisible
Le choix de l’accueillant déterminé, l’attente de la mise en place d’un accueil familial est une période à la fois excitante et angoissante. S’il s’agit d’un premier accueil, la famille est en proie à la fébrilité qui précède la venue d’un événement. La famille expérimentée peut se représenter plus précisément ce qui l’attend, sans pour autant annuler totalement l’émoi de cette aventure prochaine à l’instar de l’artiste qui, malgré l’expérience, connaît toujours le trac avant d’entrer en scène.
L’accueilli n’est pas en reste. L’idée de vivre dans une famille provoque de nombreuses questions : "comment sont-ils ? Serais-je accepté ? Est-ce que ça va bien se passer ?" L’imaginaire galope ; la possibilité de cette rencontre mobilise l’activité fantasmatique.
Au fil de l’expérience, l’équipe mesure la responsabilité importante de proposer un accueil familial et prend conscience de l’engagement que cela implique. La mise en place de l’accueil est pour l’équipe, et plus précisément pour le professionnel qui en assumera, le cas échéant, la référence, un temps fort du travail qu’il semble difficile de banaliser.
En général, l’inquiétude de la famille d’accueil et de l’accueilli les pousse à demander des informations à l’équipe. Pour limiter l’anxiété, il est indispensable de répondre à ces demandes.
La composition de la famille, son lieu de résidence, le type d’habitat, les activités professionnelles sont, entre autres, les incontournables questions qui intéressent les accueillis et leur famille. La présentation des accueillants doit trouver sa mesure entre la description distanciée et l’enthousiasme débordant.
L’accueilli doit sentir, au travers de la proposition qui lui est faite, l’intérêt que l’équipe porte à la famille et à la rencontre. Pour autant, encourager un futur accueilli, quelque peu timoré devant la perspective d’un accueil en famille, par la présentation d’accueillants idéalisés fait courir le risque de sévères déconvenues par la suite.
Les accueillants, pris dans des processus similaires, se demandent qui est cet accueilli, quelle est son histoire et quels sont les problèmes qui le conduisent chez eux. La question se pose à de nombreux professionnels en accueil familial : "quelles informations doit-on transmettre aux accueillants ?". Le bon sens, amène une première réponse : "ce dont ils ont besoin pour accueillir" . En fonction des cadres réglementaires et des spécificités de chaque type d’accueil familial, les accueillants doivent disposer d’informations pratiques liées à la personne, à son état médical, social et psychologique.
Mais, cela reste insuffisant pour fixer des limites à la transmission. Il existe des risques à délivrer trop d’informations sur l’accueilli. Les détails du récit de son histoire ou la description de ses difficultés envahissent et saturent l’imaginaire de la famille d’accueil avec, pour conséquence, de surdéterminer les conditions de la rencontre. En fait, il s’agit plus de travailler ensemble, accueillants et accompagnants, à partir des questions de chacun et des éléments de réponse disponibles, que de transmettre des informations.
L’accompagnement de la première rencontre
L’arrivée de l’accueilli dans la famille est un moment fondamental, ne serait-ce que parce qu’il n’y aura pas de "seconde première fois". Les premières impressions d’une rencontre marquent de manière indélébile les protagonistes et structurent leurs relations. Ce temps de l’arrivée requiert donc toute l’attention des professionnels.
Il s’agit d’un moment où ce qu’avait imaginé chacun se confronte à une première réalité qui participe de la période d’idylle que vivent accueillants et accueilli avant que, progressivement, un autre type de réalité ne se mette en place.
L’arrivée de l’accueilli est rarement simple. Bien souvent, l’angoisse et la gêne en sont les affects dominants. Les formes codifiées de la convivialité et les tâches pratiques incontournables fournissent quelques médiations à ce moment difficile. Visiter la maison, ranger les affaires de l’accueilli, proposer une collation permettent de faciliter ces premiers instants.
Le professionnel doit aider la rencontre par son attitude rassurante. Mais, il ne doit pas, par un comportement trop envahissant, l’empêcher en occupant le devant de la scène. Il n’y a pas de règles en la matière mais, selon les besoins, il devra adapter son attitude : parfois, il sera important d’accompagner les premiers moments de la rencontre pour lever l’angoisse ; d’autres fois, il sera préférable de laisser la famille et l’accueilli faire connaissance en dehors du regard de l’équipe.
Cette phase de préparation déterminante achevée, le travail tout aussi déterminant d’accompagnement peut commencer.
Accueil familial et urgence
Au regard de tout ce qui vient d’être dit sur l’importance du travail de préparation, l’idée même de l’accueil familial en urgence ne va pas de soi.
Cependant, certaines missions supposent de pouvoir répondre sans délai. Ainsi, l’aide sociale à l’enfance doit être en mesure d’accueillir "le jour même" dans des conditions acceptables un enfant en danger. Mais, dans certains cas, la structure départementale à laquelle échoit cette tâche, tant par l’inadaptation de ses locaux que par son mode d’organisation, renforce la détresse de l’enfant "accueilli", ce qui ne facilite pas la mise en place du travail d’accompagnement ultérieur.
Un cadre familial, chaleureux, accueillant et disponible peut-il offrir à un enfant insécurisé et inquiet, soumis à des conflits psychiques importants, la possibilité de se poser et de se reposer le temps que la situation se clarifie ?
Probablement pour certains, et sûrement pas pour tous. Le contexte de la séparation, les causes du placement, le positionnement parental à l’égard de la décision et l’état psychique de l’enfant peuvent, séparément ou de façon imbriquée, faire contre-indication à un accueil familial en urgence.
Quoi qu’il en soit des contre-indications, l’absence de préparation inhérente à l’accueil familial d’enfant en urgence nécessite justement... de bien se préparer. Il faut être prêt en permanence pour ne pas avoir besoin de se préparer à chaque situation. Ceci implique un cadre spécifique et des familles formées pour faire face à ces situations difficiles :
- un cadre basé sur un contrat et sur un système de rémunération adapté, ainsi que sur une équipe organisée pour cette tâche ;
- des familles prêtes, c’est-à-dire dont chaque membre est pleinement conscient et partie prenant de ce projet particulier. Prêtes sur le plan matériel de l’espace et du mobilier de puériculture. Prêtes psychiquement pour cette rencontre sans cesse renouvelée où les enjeux pour l’enfant mobilisent fortement les affects et les émotions de tous. Enfin, au fait de ce qui se joue pour l’enfant et sa famille et des besoins spécifiques auxquels il va falloir répondre.
Dans les autres champs de l’accueil familial, en dehors de situations exceptionnelles, la mise en place d’accueils familiaux en urgence ne répond à aucune nécessité et n’a donc pas lieu d’être.