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Hydratation

Les personnes âgées ou affaiblies ne boivent pas assez...

GÉNÉRALITÉS

Le principal constituant de l’organisme est l’eau.

On compte que l’eau représente 65% du poids total d’un adulte jeune, soit 45 litres en moyenne. La personne âgée est un peu plus sèche : 50% environ.

L’eau de l’organisme se répartit comme suit :

  • Dans le sang : environ 5 litres.
  • Dans le liquide qui baigne l’ensemble des tissus : environ 10 litres.
  • Dans les cellules : environ 30 litres.

Ceci pose un premier problème : c’est par les prises de sang que nous étudions la composition en eau du corps. Mais le sang ne contient que 10% de l’eau totale. Cela veut dire que 90% de l’eau du corps ne peut pas être explorée directement.

Certains organes sont très riches en eau. C’est le cas par exemple du cerveau, qui contient plus de 95% d’eau. Cela veut dire que le cerveau est très sensible à la déshydratation.

RÉGULATION DE L’EAU

Parler de régulation de l’eau, c’est étudier les entrées et les sorties.

Les entrées d’eau se font par l’alimentation.

  • Une alimentation normale apporte 1 l d’eau par jour ; cela dépend beaucoup des habitudes alimentaires, les légumes verts par exemple sont très riches en eau : en été il y a beaucoup de légumes, on en mange davantage, ce qui permet de supporter la chaleur.
  • Les boissons représentent environ 1,5 l par jour, du moins chez le sujet normal.
  • Il faut ajouter 0,5 l fabriqué par l’organisme à partir des aliments.

Ce sont donc 3 litres d’eau que nous absorbons chaque jour.

Les sorties d’eau se font par :

  • La respiration : 0,5 l par jour : c’est l’eau qui a servi à humidifier l’air.
  • La sueur, et cela dépend de la température : on compte qu’à 37° on perd 0,5 l par jour ; il faut ajouter 0,5 l par degré de fièvre.
  • Les selles : 0,2 l par jour ; naturellement la diarrhée (mais aussi les vomissements) augmenteraient les pertes. Ces pertes sont obligatoires.
  • Les urines : le reste, soit 1 à 2 l par jour.

En pratique, il y a deux moyens de régler le bilan de l’eau :

  • Au niveau des entrées : le mécanisme est bien connu et s’appelle la soif. Il existe des centres qui sont sensibles au volume du sang. Quand ce volume diminue, les centres déclenchent la sensation de soif (c’est ce qui explique qu’en cas de grande hémorragie on a soif : on ne manque absolument pas d’eau, mais on a perdu du volume sanguin).
  • Au niveau des sorties, c’est le volume urinaire. C’est le rein qui est chargé de régler le bilan de l’eau : si les apports varient, ou si les pertes obligatoires varient, le rein adapte le volume urinaire en conséquence. Certes le rein est aussi un éliminateur de déchets, et il a besoin d’eau pour cela mais il peut adapter la concentration de l’urine en fonction de l’eau disponible, même si ce système a ses limites.

L’eau a un poids :

  • Si un sujet absorbe plus d’eau qu’il n’en élimine, il grossit.
  • Si un sujet absorbe moins d’eau qu’il n’en élimine, il maigrit.

Quand on commence un régime amaigrissant, on se met à manger des salades, c’est-à-dire de l’eau. Si on mange 1 kg de salade, on grossit d’1 kg. C’est ce qui explique que souvent au début d’un régime amaigrissant on grossit. La différence, c’est que le rein va très vite éliminer l’excès d’eau, et qu’on va rapidement maigrir.

La « rétention d’eau » est un phénomène circulatoire et hormonal qui porte au maximum sur 2 ou 3 kg. C’est pourquoi il est illusoire de chercher à lutter contre la rétention d’eau quand on fait un régime : ce qu’on doit perdre c’est de la graisse et non de l’eau, et toutes les cuisinières savent que l’eau et l’huile ne se mélangent pas.

Le meilleur moyen de détecter une déshydratation est la pesée : il faut dans le meilleur des cas 5 à 6 jours pour perdre 1 kg de graisse. Un sujet qui perd 1 kg dans une journée a perdu 1 kg d’eau. Tout amaigrissement rapide est dû à une déshydratation. Le principe est le même que celui utilisé en pédiatrie : quand un bébé a de la fièvre il faut le peser tous les jours. Toute perte de poids supérieure à 10% impose l’hospitalisation ; toute perte de poids supérieure à 20% est une urgence.

Naturellement le même principe permet de détecter les œdèmes : insuffisance rénale ou cardiaque. Un sujet qui fait des œdèmes prend du poids, et il le prend rapidement. Un cardiaque qui grossit fait peut-être une défaillance cardiaque.

PARTICULARITÉS DU SUJET ÂGÉ

Le sujet âgé ne boit pas assez. Il y a à cela trois raisons :

  • Le vieillissement affecte le cerveau, et le centre de la soif fonctionne moins bien : le sujet âgé perd la sensation de soif.
  • Les habitudes culturelles de ces personnes font que les femmes ne boivent pas.
  • Boire n’est pas si simple : en dehors des repas, il faut pouvoir se lever, il faut pouvoir tourner un robinet, il faut pouvoir se verser un verre, etc. Pendant les repas, il faut pouvoir se servir d’une carafe pesante, mais ce n’est pas le seul problème : il faut se souvenir que manger est un exercice fatigant, et que la personne âgée aime mieux manger que boire. Bref tout la pousse à limiter ses apports.

Le sujet âgé perd plus d’eau :

  • Le rein âgé normal perd son aptitude à concentrer les urines : pour éliminer une même quantité de déchets, il consomme donc plus d’eau.
  • De nombreuses maladies vont déclencher des fuites d’eau : diabète, insuffisance rénale...
  • La régulation de la température est plus difficile, ce qui entraîne des pertes d’eau plus importantes au niveau de la peau. Le soignant doit garder à l’esprit une règle simple : quand j’ai chaud le vieux a très chaud ; quand j’ai froid il a très froid.

Comme on l’a dit plus haut, six situations s’accompagnent de pertes d’eau parfois importantes :

  • La fièvre.
  • La diarrhée.
  • Les vomissements.
  • Le diabète.
  • Les traitements diurétiques.
  • La marche : un dément déambulant parcourt facilement 20 km par jour.

Le sujet âgé a moins d’eau que le sujet jeune. Une même perte d’eau est donc plus grave.

LA STRATÉGIE DE PRÉVENTION

On ne parlera pas des œdèmes : ce sont des situations particulières, pour lesquelles le médecin traitant donnera ses consignes comme il l’entend. Qu’il suffise de rappeler que ces œdèmes se traduisent par une prise de poids. Toute prise de poids supérieure à 2 kg dans la semaine est due soit à une erreur de pesée soit à des œdèmes.

L’aide à domicile a un rôle essentiel à jouer dans la prévention de la déshydratation.

La première chose à faire est d’observer la personne et de voir quelles sont ses habitudes en matière de boissons. Faire boire est un combat quotidien, qui ne s’improvise pas. Si on ne se prépare pas on n’arrivera qu’à braquer la personne âgée et on n’arrivera jamais à lui faire boire tout ce qu’elle doit boire.

L’aide peut stimuler les boissons. Mais il faut garder à l’esprit que l’objectif est très difficile à atteindre : un litre d’eau c’est un verre par heure de 10 h à 18 h. Et redisons ici que l’on cherche à obtenir 1,5 l d’eau de boisson. Il n’est pas question de se rassurer en comptant la soupe et le café au lait. Le problème est de trouver les stratégies efficaces. C’est souvent une question de bon sens et d’imagination.

  • La personne âgée n’aime pas boire. Il faut donc trouver le moyen de l’y inciter en lui proposant les boissons qu’elle aime. Il n’existe pratiquement aucun interdit.
  • La socialisation de la boisson est importante à considérer : il faut trinquer, boire avec ; il y a le thé pris ensemble, les tisanes... Les jus de fruits posent le problème de leur coût et de leur acidité, qui n’est pas toujours bien supportée par les bouches fragiles ; d’un autre côté ils ont l’avantage d’apporter des calories.
  • Il est important de permettre à la personne âgée de contrôler ses apports en lui mettant à disposition des bouteilles d’eau, de petit volume à cause du poids, grâce auxquelles elle pourra vérifier qu’elle a bien bu la quantité demandée.
  • Il faut lui faciliter l’accès à la boisson par la mise du verre et des liquides à proximité.

L’aide à domicile aura à lutter contre les réticences de la personne âgée. Ces réticences tournent autour des problèmes urinaires. Du fait qu’elle a des problèmes de continence, ou du fait qu’elle prend un traitement diurétique, elle a peur de boire car elle craint d’augmenter ses difficultés. Il n’est pas facile de lui prouver que c’est faux : en réalité, passé les premiers jours, le traitement diurétique ne fait pas uriner davantage : si c’était le cas le sujet perdrait de l’eau et maigrirait ; sous diurétiques on doit donc boire comme tout le monde (sauf situations particulières).

Elle devra aussi être vigilante dans les situations de maladie, de fièvre : la déshydratation peut être très rapide à s’installer.

On peut s’aider de produits riches en eau, comme les crèmes ou les flans. À condition de bien comprendre comment on s’en sert. Ces préparations peuvent être utiles, car elles apportent de l’eau et des calories sous une forme variée : le grand ennemi en matière de réhydratation est la lassitude de la personne. Mais il faut se méfier : on utilise par exemple l’eau gélifiée pour lutter contre la déshydratation des personnes âgées qui ont des troubles de la déglutition. C’est souvent une mauvaise idée : la déglutition est un phénomène complexe, et c’est une erreur de croire qu’on avale toujours mieux les produits pâteux que les liquides, et mieux les liquides que les solides. Avant de donner à la personne des produits trop mous, il faut vérifier que la personne peut les avaler sans danger.

Un acte fondamental est la pesée des sujets à risque : la pesée se fera deux fois par semaine. Toute perte de plus de 2 kg en trois jours est une alerte absolue.

LES SIGNES DE LA DÉSHYDRATATION

Il n’y a pas de signe fiable de la déshydratation. En institution on est frappé d’observer des déshydratations catastrophiques chez des malades qui ne se plaignent de rien. Il faut donc y penser très souvent.

Il ne reste donc que quatre procédés :

1) L’étude du contexte : on craindra une déshydratation devant une fièvre, des vomissements, une diarrhée, des fortes chaleurs.

2) L’étude des symptômes, et surtout des troubles du comportement : fatigue, agressivité, délire, perte d’appétit, etc.

3) La pesée systématique des sujets à risque.

4) La diurèse. Cela n’est simple que chez le sujet incontinent : il suffit en effet d’évaluer, même de façon très grossière, le volume urinaire. En cas de situation dangereuse, il serait parfaitement possible de conserver les couches d’une journée et de les peser avant de les jeter. 1 l d’urine pèse 1 kg. Mais on peut se contenter de dire qu’une des couches au moins doit être saturée d’urine. Si ce n’est pas le cas il faut suspecter une diminution du volume urinaire. Un sujet âgé dont l’incontinence s’améliore ne s’améliore pas : en réalité il s’est déshydraté, et n’urine plus. Chez le sujet continent l’évaluation est plus difficile à faire car on ne peut pas mesurer le volume urinaire de façon fiable. Tout ce qu’on peut mesurer c’est le nombre de mictions, et cela renseigne mal.

Il ne faut pas croire que la déshydratation est la seule cause de réduction du volume urinaire : c’est aussi le cas de l’insuffisance cardiaque ou rénale. Mais ces sujets, qui boivent plus qu’ils n’urinent, vont se mettre à grossir. D’autre part l’erreur n’a pas tellement d’importance : ce sont des malades, et ils auront besoin d’être soignés.

LES MESURES À PRENDRE

L’aide à domicile ne peut rien faire pour lutter contre une déshydratation installée : il faut traiter, et souvent hospitaliser, non seulement pour réhydrater en sécurité, mais pour comprendre la raison de cette déshydratation.

Ce n’est pas en faisant boire qu’on réhydrate : si cela avait dû suffire le malade ne se serait pas déshydraté. L’appel au médecin est donc impératif.

Docteur Michel Cavey