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Pourquoi les maisons de retraite font-elles peur ?

Extrait du livre "Mieux vivre sa Vieillesse", de Paulette GUINCHARD-KUNSTLER et Marie-Thérèse RENAUD ... Un malaise confirmé en 2014 par la Drees

"Mieux vivre sa Vieillesse"
Date de parution : 23/02/06
ISBN : 2-7082-3841-8
Editions de l’Atelier
Auteurs : Paulette Guinchard-Kunstler et Marie-Thérèse Renaud
256 pages - 23,50 € - Vente sur Amazon.fr

Présentation

Mieux vivre la vieillesse

Paulette Guinchard-Kunstler a été secrétaire d’Etat aux personnes âgées de 2000 à 2002. Député du Doubs, elle a présenté en 2001, un programme d’action destiné aux personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer et de maladies apparentées. Marie-Thérèse Renaud est journaliste et écrivain.

À quel âge est-on vieux ? Comment choisir entre le maintien à domicile et la maison de retraite ? Comment éviter de faire à la place des personnes âgées ? Que peuvent-elles apporter à la société ? Peut-on communiquer avec celles atteintes de démence sénile ? Où s’informer sur leurs droits, trouver aide et soutien ?

Après 60 ans commence une longue période de la vie que l’on n’ose plus appeler la vieillesse. Fruit de l’expérience de Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d’État aux personnes âgées de 2000 à 2002, ce livre répond à plus de cent questions clés pour dépasser la peur de l’âge. Réunissant une somme impressionnante d’informations sur le vieillissement, Marie-Thérèse Renaud et Paulette Guinchard-Kunstler décryptent l’attitude de la société à l’égard des personnes âgées et mettent à mal un certain nombre de clichés.

Il n’est pas vrai que nous serons tous victimes de la maladie d’Alzheimer. De plus en plus de vieillards vivent chez eux sans avoir besoin d’être hospitalisés… La surconsommation de médicaments est la cause de nombreuses maladies et de décès. Les vieux ont une vie sexuelle qu’il faut respecter. Il est possible de créer des logements où se rencontrent des jeunes et des personnes âgées au lieu de les cantonner chacun dans leurs espaces.

Cet ouvrage s’adresse aux personnes âgées et à leur entourage : enfants, soignants et tous ceux qui croient que la vie ne s’arrête pas avec la vieillesse. Présentant les initiatives innovantes et les coordonnées de plus de cinquante associations, ce guide démontre qu’il est possible de mieux vivre en donnant aux vieux la place qui doit être la leur dans la société.

Extraits

On estime à 700 000 – dont près de la moitié souffrent de troubles cognitifs plus ou moins prononcés – le nombre des personnes âgées vivant en maison de retraite ou en foyers-logements. Ce chiffre important reste faible si on le rapproche des (presque) dix millions de plus de 65 ans en France.

Il n’est sûrement pas souhaitable que tous les gens âgés vivent en maisons de retraite, mais force est de constater que si une toute petite minorité seulement s’y trouve, c’est d’abord parce qu’elles sont à la fois trop peu nombreuses, mal adaptées et souvent trop coûteuses. C’est d’ailleurs pour la première de ces trois raisons qu’on laisse parfois fonctionner des établissements qui, de toute évidence, devraient être fermés. Lorsqu’il arrive que certains le soient enfin par décision préfectorale, c’est souvent après des années de plaintes sans effet et de " mauvaise réputation ".

Il n’est pas simple pour ceux qui cherchent un lieu d’hébergement pour personnes âgées de le dénicher. Dans ceux qui leur conviendraient, les places sont chères aux deux sens du terme, c’est-à-dire rares et coûteuses. Les autres sont souvent qualifiés par la vox populi de mouroir et ce n’est pas pour rien : les résidents y sont traités comme s’ils étaient devenus des objets inertes et sans réaction par un personnel pas assez nombreux et pas assez formé. Certains répondent tout juste aux normes élémentaires de sécurité. Il arrive même qu’ils soient (mal) tenus par des gens peu scrupuleux ayant choisi cette activité supposée lucrative parce que, pensent-ils, il y aura de plus en plus de vieillards dépendants assez fortunés pour s’offrir des maisons présentées comme des résidences de luxe, et pourtant inadaptées.

L’une des caractéristiques de tous ces lieux est de faire peur, à ceux qui sont encore jeunes et espèrent ne jamais y aller, comme à ceux qui sont vieux et appréhendent de devoir y partir. Il existe, on va le voir, des institutions sinon idéales, du moins exemplaires. Il serait d’ailleurs tout à fait faux de prétendre que rien n’a été fait pour transformer et changer l’image de l’hospice de vieux de jadis, et tout à fait injuste de nier l’effort quotidien de ceux qui y travaillent pour faire bouger les choses. Mais globalement, il faut changer en profondeur la conception et le fonctionnement des maisons de retraite et des services de long séjour qui, même s’ils recouvrent les réalités les plus diverses, continuent à être globalement perçus comme des lieux sans vie.

Un peu d’histoire

Le double choix du maintien à domicile défini par le rapport Laroque et de la création des maisons de retraite a été fait il y a quarante ans lorsqu’on a décidé de fermer un certain nombre de structures hospitalières devenues obsolètes ou mal adaptées et de les transformer en maisons de retraite de long séjour. On a construit parallèlement les V80, V160, V320 en fonction du nombre de personnes âgées que ces établissements sont censés accueillir. C’est à partir de là qu’est apparue la médicalisation de la prise en charge, après la grande époque des maisons de retraite à la campagne. Les foyers-logements, plus fréquents en ville, ont su mieux résister à cette tendance et rester des lieux de vie où la personne âgée se sent davantage chez elle, soutenue dans les tâches de la vie quotidienne, mais pas traitée en malade.

À aucun moment, on ne s’est appuyé sur les besoins exprimés par les personnes âgées elles-mêmes pour organiser l’accompagnement et définir le personnel nécessaire.

Il n’est pas certain que la réforme du financement des maisons de retraite, appelée par un barbarisme bureaucratique, réforme de la tarification, soit de nature à faire évoluer suffisamment ces lieux. Le risque qu’elle accentue la domination du traitement exclusivement médical de la vieillesse est réel.

On découvre dans les maisons, les résidences et les services spécialisés, des expériences d’un grand intérêt ménageant des temps de parole pour les personnes âgées, des vacances pour les résidents, des ateliers d’écriture, de musique, des chorales, des bibliothèques où des malades d’Alzheimer, côtoient, malgré le handicap, des psychologues, des art thérapeutes. Réellement ouverts sur la commune, le quartier, ces lieux laissent leur place aux familles des résidents.

On voit aussi le pire : une réelle maltraitance, avec chaque matin des réveils sans ménagements, des petits déjeuners à heure fixe et immuable, des repas laissés devant de vieilles gens qui n’ont plus le goût de manger, des couches pas changées. Même si les initiatives positives sont réelles, il existe encore trop d’endroits où les vieillards donnent l’impression d’être déjà morts en attendant la mort, de s’y morfondre, sans espoir et sans but, si désoeuvrés qu’ils commencent souvent à s’assembler bien avant l’heure fixée, à proximité des portes de la salle à manger, tout simplement parce que les repas sont l’unique vraie occupation de leur journée.

Certains analystes se posent une autre question plus dérangeante, voire iconoclaste : dans certaines institutions, ne préfère-t-on pas des pensionnaires plus vieux, moins réactifs et donc moins revendicatifs, avec le sentiment, conscient ou pas, que ces établissements, déjà si compliqués, deviendraient impossibles à gérer si leurs pensionnaires pouvaient dire plus facilement ce qu’ils veulent et ce qu’ils ne veulent pas ?

Il faut enfin prendre en compte dans ce sombre tableau de la vie en établissement, le fait qu’ils souffrent d’un manque incontestable et conséquent de personnel.


Conclusion : souvent la vie n’est pas plaisante là où l’on envoie les personnes âgées finir la leur. Et c’est bien souvent la raison essentielle pour laquelle nombre d’entre elles refusent d’y aller, obstinément et aussi longtemps qu’elles en ont le moyen, alors que leur domicile n’est pas forcément adapté et qu’il n’est pas toujours commode pour elles de continuer à y habiter. On constate le fait sans trop chercher plus loin. L’explication la moins dérangeante est facile à trouver : si les vieux ne veulent pas partir de chez eux, c’est qu’ils y ont leurs souvenirs, leurs habitudes et qu’ils répugnent à en changer. Parce qu’ils sont naturellement conservateurs, routiniers, tournés vers le passé. Parce qu’ils sont vieux.

Un sentiment confirmé en 2014 par la Drees

Seuls 2 Français sur 10 souhaiteraient placer un proche en établissement spécialisé s’il devenait dépendant, un rejet dû à un sentiment de culpabilité face à cette solution, mais aussi à son coût élevé.

Huit personnes interrogées sur dix opteraient pour le maintien à domicile : 29% se disent prêts à accueillir le proche dépendant chez eux, 30% à s’en occuper à son domicile, 22% à consacrer une partie de leur revenu à lui payer des aides, selon cette étude publiée le 15 décembre 2014 par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques).

Cette préférence s’explique notamment par la "culpabilité" de recourir à une institution, perçue comme une "privation de liberté". Le coût élevé des établissements (2.200 euros par mois en moyenne) explique aussi leur rejet, par ailleurs imputable à la crainte de la maltraitance ou de l’isolement.

Le placement en institution d’un proche est plus souvent envisagé par les personnes les plus aisées que par celles aux revenus les plus faibles (23% et 14% respectivement).

Concernant leur propre sort, la vie en établissement est plus envisageable pour les plus aisés (44% contre 28% pour les plus faibles revenus). Dans les faits, la probabilité d’aller en établissement est pourtant plus élevée dans les catégories les plus modestes.

Sept Français sur dix (73%) considèrent que les pouvoirs publics devraient être les principaux acteurs de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, devant les familles (21%), les compagnies d’assurance (4%) et les associations (2%).

65% sont également prêts à épargner davantage pour le cas où ils deviendraient dépendants, la proportion étant plus forte chez les plus aisés (76%). Ces derniers sont aussi plus nombreux (43% contre 31% chez les moins aisés) à se dire en faveur d’une cotisation "dépendance" obligatoire pour tous.