Famidac.fr

Famidac, l'association des accueillants familiaux
et de leurs partenaires

Version imprimable de cet article Version imprimable

Restitution d’un agrément non renouvelé

Le département des Deux-Sèvres est condamné à verser à Sylvette M... la somme de 23.911,23 euros. Tribunal Administratif de POITIERS, Audience du 26 février 2009, Lecture du 19 mars 2009

Résumé : article du Courrier de l’ouest, 27 février 2009

Sylvette a perdu son agrément d’accueillant familial accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
sans explication

Pourquoi le Conseil général a-t-il retiré l’agrément d’accueillant familial à Sylvette alors qu’elle ne posait aucun problème depuis vingt ans, selon son avocat ? Cette question semble sans réponse pour le rapporteur public qui a estimé qu’elle devait obtenir des indemnités, hier au Tribunal administratif de Poitiers.

Le 2 janvier 2007, la collectivité, chargée du placement des personnes âgées, enlève à Sylvette son autorisation d’hébergement. Les trois pensionnaires ont l’obligation de quitter les lieux au plus vite.

Sylvette aurait perçu de l’argent pour accueillir des personnes hors agrément. Seulement voilà, son avocat, comme le rapporteur public, n’a trouvé aucune preuve de ces affirmations.

Un référé administratif a d’ailleurs confirmé l’innocence de Sylvette le 26 mars 2007 puisque le juge a suspendu l’arrêté du Département. Dès le 18 avril, elle obtenait un nouvel agrément. Le temps qu’on lui confie d’autres pensionnaires, il s’est passé près d’un an.

Pour le préjudice engendré par cette période d’inactivité subie, Sylvette devrait recevoir environ 23.000 € du Département.
À la sortie de l’audience, la représentante de la collectivité n’a pas souhaité s’exprimer.


Le jugement

Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008 sous le n° 0800039, présentée pour Mme Sylvette M..., domiciliée xxxxxxxxxxxxxx par la SCP Di Raimondo - Rey ;

Mme M... demande au tribunal de condamner le département des Deux-Sèvres à lui verser une indemnité d’un montant total de 43.260,45 euros, augmentée des intérêts aux taux légal à compter de la notification du jugement à intervenir, en réparation des préjudices qu’elle a subis du fait du refus de renouvellement de son agrément en qualité d’accueillant familial, ainsi qu’une somme de 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2008, par lequel le département des Deux-Sèvres, représenté par le président de son conseil général, conclut au rejet de la requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2008, présenté pour Mme M... qui porte ses conclusions indemnitaires à la somme totale de 44.261,25 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 janvier 2009, par lequel le département des Deux-Sèvres conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 janvier 2009, présenté pour Mme M... qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu la décision du bureau d’aide juridictionnelle, en date du 17 octobre 2007, rejetant la demande d’aide juridictionnelle présentée par Mme M... ;

Vu l’ordonnance n° 0800041 du juge des référés du 21 mars 2008 accordant à Mme M... une provision de 3.000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;

Vu la réclamation préalable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles

Vu l’arrêté du Vice-président du Conseil d’Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l’article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 février 2009 :

  • le rapport de M. Le Méhauté, premier conseiller ;
  • les conclusions de M. Raymond, rapporteur public ;
  • et les observations de :
    Me Rey, avocat au barreau de Niort, de la SCP Di Raimondo - Rey, représentant Mme M... ;
    Mme Tardif, juriste au conseil général des Deux-Sèvres, représentant le département des Deux-Sèvres ;

Considérant que,

  • par arrêté en date du 2 janvier 2007, le président du conseil général des Deux-Sèvres a refusé de renouveler l’agrément en qualité d’accueillant familial dont bénéficiait Mme M... pour l’accueil à son domicile de trois personnes âgées à titre permanent ;
  • que, par ordonnance en date du 27 mars 2007, le juge des référés du tribunal de céans, saisi par Mme M..., a suspendu l’exécution de cet arrêté et enjoint au président du conseil général des Deux-Sèvres de procéder, dans le délai de quinze jours, au renouvellement à titre provisoire de l’agrément de l’intéressée, jusqu’à l’intervention du jugement sur le fond ;
  • que, finalement, par arrêté en date du 18 avril 2007, le président du conseil général des Deux-Sèvres a renouvelé l’agrément de Mme M... pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2007 ;
  • que Mme M... demande la condamnation du département des Deux-Sèvres à l’indemniser du préjudice financier ayant résulté pour elle du départ forcé de son domicile des trois personnes âgées qu’elle accueillait avant le refus de renouvellement de son agrément ;
  • qu’elle sollicite en outre l’indemnisation de son préjudice moral ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le département des Deux-Sèvres :

Considérant qu’il résulte de l’instruction

  • qu’en réponse, par lettre en date du 8 novembre 2007, le président du conseil général lui a proposé une indemnisation d’un montant total de 8.000 euros ;
  • que, si cette réponse ne constitue pas une décision, ainsi que le soutient le département des Deux-Sèvres, le contentieux a bien été lié ;
  • que la fin de non-recevoir soulevée par le département doit, dès lors, être écartée ;

Sur la responsabilité :

Considérant

  • que le juge des référés du tribunal de céans a suspendu l’exécution_de l’arrêté du président du conseil général des Deux-Sèvres du 2 janvier 2007 à raison de son illégalité ;
  • que cette illégalité, d’ailleurs reconnue dans l’arrêté de la même autorité du 18 avril 2007 renouvelant l’agrément de Mme M... et qui n’est pas contestée par le département dans la présente instance, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du département des Deux-Sèvres à l’égard de la requérante ;

Sur les préjudices :

Considérant, d’une part,

  • que Mme M... a droit à une indemnité égale au manque à gagner qu’elle a subi du fait du départ des trois personnes âgées qu’elle hébergeait à son domicile, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction et n’est pas soutenu par le département des Deux-Sèvres,
  • que cet accueil aurait cessé si Mme M... avait bénéficié du renouvellement de son agrément ;
  • que toutefois, en l’absence des personnes accueillies et compte tenu des conditions financières fixées par les contrats d’accueil produits par la requérante, il y a lieu d’exclure de l’indemnité prévue aux contrats, d’un montant mensuel de 1.199,85 euros, la part de sa rémunération représentative des « frais d’entretien courant » des personnes accueillies, d’un montant de 391,62 euros par mois ;
  • que le manque à gagner s’établit donc à la somme de 808,23 euros par mois pour chaque personne accueillie ;
  • que, compte tenu de ce montant et eu égard aux dates non contestées de départ des trois personnes antérieurement accueillies par Mme M... et des dates d’arrivée à son domicile - les 1er novembre 2007, 21 novembre 2007 et 1er janvier 2008 - des trois nouvelles personnes après le renouvellement de son agrément, le préjudice financier de la requérante s’élève à la somme de 22*411,23 euros pour la période du 15 janvier au 31 décembre 2007 ;
  • qu’il n’y a pas lieu de retrancher de cette somme la rémunération que la requérante aurait perçue pour l’hébergement de Mme C... à raison de deux jours en août 2007 et deux jours en septembre 2007, dès lors que la requérante soutient qu’elle a assuré cet hébergement de façon bénévole et à titre de période d’adaptation, avant l’hébergement permanent de l’intéressée à compter du 1er novembre 2007 ;
  • que l’inexactitude de cette affirmation ne ressort pas de l’instruction et n’est pas établie par le département des Deux-Sèvres ; qu’en outre, si le département soutient que Mme M... accueillait déjà une résidente au mois d’octobre 2007, il ne l’établit aucunement ;

Considérant, d’autre part,

  • que Mme M..., qui exerçait l’activité d’accueillant familial depuis seize ans lorsqu’est intervenu le non renouvellement de son agrément, a souffert de l’atteinte ainsi portée à sa réputation et a subi un préjudice moral avant que n’interviennent l’ordonnance du juge des référés du tribunal de céans, puis la décision du président du conseil général renouvelant cet agrément ;
  • qu’il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant le département des Deux-Sèvres à lui verser une indemnité de 1.500 euros ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de condamner le département des Deux-Sèvres à verser à Mme M... une indemnité d’un montant total de 23.911,23 euros, de laquelle sera déduite la somme de 3.000 euros déjà accordée à titre de provision par le juge des référés ;

Sur les intérêts :

Considérant

  • que, même en l’absence de demande tendant à l’allocation d’intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu’à son exécution, au taux légal puis, en application des dispositions de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, au taux majoré s’il n’est pas exécuté dans les deux mois de sa notification ;
  • que, par suite, les conclusions de Mme M... tendant à ce que les sommes qui lui sont allouées portent intérêts à compter de la date du jugement sont dépourvues de tout objet et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département des Deux-Sèvres la somme de 800 euros au titre des frais exposés par Mme M... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le département des Deux-Sèvres est condamné à verser à Mme M... la somme de 23.911,23 euros (vingt-trois mille neuf cent onze euros et vingt-trois centimes).

Article 2 : Le département des Deux-Sèvres versera à Mme M... une somme de 800 euros (huit cents euros) titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme M... est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme Sylvette M... et au département des Deux-Sèvres.

Délibéré après l’audience du 26 février 2009, où siégeaient :

M. Moreau, président,

M. Le Méhauté, M. Lacassagne, premiers conseillers.

Lu en audience publique le 19 mars 2009.

Signé :

Le président, J-J. MOREAU

Le rapporteur, A. LE MÉHAUTÉ

Le greffier, D. GERVIER

P.-S.

Merci à Sylvette M..., qui nous a transmis ce jugement qui pourrait être utile à d’autres accueillants ... et faire réfléchir d’autres Conseils généraux, quant aux conséquences possibles d’un refus de renouvellement d’agrément injustifié.

Pour réagir à cet article, servez-vous de notre forum, sujet "Voies de recours pour refus ou retrait d’agrément".