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Du placement familial spécialisé actuel à l’accueil familial

Auteurs : Michel LACOUR, praticien hospitalier - Monique JAOUL, psychologue - Amine KETTAF, praticien hospitalier, CH de Poissy

La conquête du thérapeutique

Au moyen âge, dans les nombreux pèlerinages pour insensés et fols, de braves gens hébergeaient ces malheureux, contre quelques sols, dans l’intervalle des sorties du saint spécialisé dans la guérison de l’égarement de l’esprit. Au 19ème siècle, les aliénistes français, toujours curieux et progressistes, sont fascinés par le village belge de Geel, où, après le départ du saint, quelques peu bousculés par les idées de l’époque, les malades mentaux étaient restés au bon air, chez les paysans aidés d’une infirmerie. De retour dans la mère patrie, cette vision Rousseauiste de la guérison ou de la stabilisation par la chlorophylle et les petits oiseaux aboutit à la fondation des colonies familiales de Dun sur Auron et d’Ainay le Château.

Les grands asiles eurent leurs placements familiaux. Puis survinrent l’expérience du 13ème arrondissement de Paris de placement en milieu péri-urbain, et les réalisations des équipes de Nantes, Corbeil, Poissy et bien d’autres, tendant à rétablir la citoyenneté des accueillis, la sortie du système hospitalier, à définir un cadre thérapeutique ambulatoire, à faire reconnaître les familles comme des techniciens salariés. Cette évolution fut accompagnée avec prudence par les textes.

Ceci dit, qu’est ce que le soin ? Sûrement un peu psychotrope dans une civilisation médicalisée où la réponse chimique est importante. La congruence culturelle est fondamentale, on a vu l’exemple du saint et de la procession à la fin du moyen-âge. Ceci aurait été complètement inefficace quelques centaines d’années plus tôt ou plus tard. La psychanalyse, les thérapies systémiques, sans parler de l’hypnose Eriksonnienne, sont des références importantes, mais pas très utilisables de manière courante en pratique sectorielle. Le cadre apparaît comme indissociable du soin. Il n’y a pas de soin, de repérage du soin ou de ses dysfonctionnements sans cadre. Par contre, les prises en charge fines ont remplacé les gros murs, les sauts de loup et les cellules. Les malades ne s’en plaindront pas, malgré quelques nostalgiques d’un enfermement qui relève la tête.

Toute la psychothérapie institutionnelle, à tort quelque peu oubliée, a montré ce qui dans l’institué était apport ou obstacle aux soins. Nous évoquons ici une expérience dans un lieu à une époque donnée, sûrement pas un modèle indéfiniment reproductible.

Les principes

  • La famille accueillante

Elle fait partie du cadre soignant. Elle doit être reconnue comme telle. C’est l’évolution presque acquise vers une forme de salariat, que les malades soient présents, ou absents pour une période raisonnable avec l’accord de l’équipe. C’est aussi un changement de regard, puisque de braves gens un peu naïfs chargés de l’entretien des aliénés, deviennent collègues, avec leur place dans le soin, leur droit à la formation, leur participation aux décisions. Cette révolution culturelle est sans doute le plus difficile chemin à parcourir.

  • Le patient

Sa citoyenneté doit lui être conservée s’il n’a pas été hospitalisé, ou restituée s’il a eu un long séjour à l’hôpital. Dans ce sens, l’allocation adulte handicapé adulte handicapé Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir soit un taux d’Incapacité permanente partielle (I.P.P.) égal ou supérieur à 80%, soit un taux d’I.P.P. compris entre 50 et 80 % ET une reconnaissance d’inaptitude au travail. à taux plein est maintenue. Il n’y a pas de forfait hospitalier. Une curatelle renforcée, si une mesure de protection s’impose, est préférable à une tutelle. L’accueilli, s’il a un problème somatique ou dentaire, se soigne en ville. Il achète ses vêtements, ses douceurs, paye ses loisirs, ses vacances (qui nous semblent nécessaires) et même un loyer à la famille par l’intermédiaire de l’hôpital (pour éviter une rétribution directe).

  • Le cadre matériel

Il est clairement défini lors de l’embauche. Une chambre correcte est mise à la disposition du ou des deux accueillis (le nombre trois est dérogatoire) dans l’appartement ou le pavillon. Ils participent pleinement à la vie de famille. Ce dernier point ne va pas sans poser quelques problèmes, l’irruption d’un étranger dans une culture familiale donnée n’est jamais simple. C’est encore plus net s’il est bizarre, par exemple s’il investit trop la salle de bains, et en même temps refuse de se laver et du coup dérange l’équilibre olfactif de la famille.

La famille doit se trouver à une distance raisonnable et opérationnelle de l’équipe n’excédant pas une demi-heure de voiture (hors embouteillage). Elle doit avoir des revenus extérieurs à l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). thérapeutique, pour ne pas dépendre uniquement de ce dernier en cas de rupture de contrat.

Tous les points des contrats écrits, qui seront signés par la famille et le patient, seront discutés et éclaircis par un représentant de l’administration qui fait partie de l’équipe de l’AFT AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
.

Un projet d’avenir est demandé dès le départ. L’accueil est énoncé comme une étape transitoire, certes renouvelable, mais faisant l’objet de bilans à périodicité au moins annuelle. Les familles commencent à y participer.

Médaillons cliniques

1 - L’éloge de l’inattendu.

Louis, 35 ans de psychose, cloîtré dans sa chambre, où une mère soumise lui apportait ses repas, fut accueilli au décès de celle-ci dans la famille A. Mr A., inventeur perpétuel et pygmalion méconnu, lui céda son atelier installé dans l’appartement HLM.

La première année, Louis utilisa son image de plante en pot pour faire arrêter son traitement à l’insu d’une partie du groupe d’AFT. Il conquit ainsi un espace de liberté alimentaire, vestimentaire, et verbal. Nous comparâmes ce travail à des torpilles sous-marines qui seraient venues éclater au milieu du groupe (ce qui se reproduira dans d’autre histoires) sans que nous les ayons vu arriver.

La deuxième année, Louis mit opiniâtreté, puis vigueur, à défendre son territoire, la salle de bain, lieu de plaisir interminable et compulsif, et sa chambre, tanière aux limites intangibles. Le problème de la salle de bains commune à la famille fut à peu près résolu après de multiples discussions avec tous les utilisateurs. Le problème de la chambre tanière de Louis, mais aussi ex-atelier pour Mr A. de plus en plus pygmalion, pris un tour plus féroce. A l’occasion d’une intervention aussi légitime qu’intempestive dans la dite chambre, à propos de linge de corps non lavé, la main de Mr A. fut coincée dans la porte. Un coup de téléphone affolé nous fit déclencher une visite à domicile d’urgence, qui se solda par l’hospitalisation de Louis. Devant la montée des tensions, la fin de l’accueil fut signifiée pour un avenir assez proche.

Après des phases de violence mais aussi d’union sacrée, Louis fut réhospitalisé de fort mauvais gré à la fin des vacances. Nous conseillâmes à Mr A. de s’orienter vers l’accueil de personnes âgées. Louis refusa toute sortie de l’hôpital. Il finit par céder et partit dans un foyer d’apprentissage de l’autonomie. Il est actuellement depuis trois ans dans un appartement associatif dont il surveille avec un ravissement jaloux le territoire.

La plante en pot a réellement été miraculée, peut-être un peu involontairement, en adulte autonome. La cessation avec la collaboration avec la famille a été motivée par le souhait de ne pas trop remettre en question les failles narcissiques de Mr A.

L’inattendu a pris toute sa valeur thérapeutique.

2 - Paix ou chronicité

C’est le problème que nous pose Odette, placée après une vingtaine d’années de psychose à aboutissement hospitalier. Elle a fait une fille qui a disparu de son horizon. Sous neuroleptiques, elle a une vie très rétrécie, peu d’échanges, si ce n’est avec ses voix qu’elle évoque parfois.

Elle a été accueillie chez les N. C’est Mme N., qui n’a pas voulu avoir d’enfant, qui serait l’accueillante. Le couple profitera de l’arrivée d’un second patient pour faire construire. Les malades habitent en bas. Les motivations économiques sont évidentes. Le jeu des petits chevaux est, avec la télé, la base des échanges. Depuis cinq ans, nous nous posons le problème du devenir et de la chronicité de Odette avec souvent la tentation d’arrêter le séjour.

Cependant, Odette exprime maintenant très nettement son désir de rester. Elle s’est considérablement épanouie au contact d’un art-thérapeute et ses dessins montrent une évolution sidérante. Peut-on parler de soins, de bonheur ? C’est possible.

3 - Une séquence bâclée

Au début où nous avons mis en place l’accueil séquentiel séquentiel
séquentiels
Les accueils séquentiels sont des accueils intermittents, dont la périodicité est librement déterminée - exemples : un weekend tous les mois, en semaine hors weekend, etc.
Contrairement à l’accueil temporaire ponctuel (à durée déterminée, de date à date), l’accueil séquentiel est une formule très souple pouvant faire l’objet d’un contrat d’accueil à durée indéterminée (sans date de fin).
, nous étions soumis à la double contrainte de notre inexpérience, et de la sanction financière que représentait toute période de quelques jours sans accueil pour les familles. Mr C., retraité, et Mme C. accueillante, au bout de 3 ans d’accueil stable, avaient accepté de jouer le jeu des séquences de quinze jours alternant deux patients. A la suite d’un départ inattendu, et faute d’avoir prévu une liste d’attente, nous décidons d’effectuer un accueil en 24 heures.

Etienne, notre élu, est un nourrisson abandonnique et vorace de 32 ans qui s’est installé depuis 15 ans dans le service, dont il tire toutes les ficelles avec un art consommé. Prévenu quelques heures avant, il va se sentir bousculé, arraché à son rocher, et va mettre en jeu une stratégie d’échec. L’impréparation est bien reflétée par une ordonnance d’une quinzaine de médicaments. Etienne va percevoir d’emblée les difficultés somatiques de Mr et Mme C., va les faire résonner avec les siennes plus ou moins créées (notre collègue chirurgien parle de syndrome de Munchausen) en y mettant tout son art. Au bout de quelques jours, Mr et Mme C. qui en ont pourtant vu bien d’autres, crient au secours devant cette image exhibée de toutes les morts possibles. Nous interrompons l’accueil en catastrophe.

Cet échec sera cependant une des démarches qui vont conduire Etienne à une sortie en appartement associatif, où il a une vie autonome et n’est quasi plus malade depuis huit mois.

4. Psychose et clivage

Isabelle a 20 ans. Après une rupture familiale, elle fut recueillie par sa grand-mère aux Antilles. Sa psychose a éclos sous la forme d’une adolescente obèse et asexuée qui pulvérise depuis des années les placements et les projets de soins ou même les espoirs des soignants. Nous la présentons comme premier accueil chez la famille N. Il s’agit d’un clan d’origine montagnarde et méridionale, qui a rompu avec sa vocation de famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! d’enfant à la suite d’une rupture passionnelle (et pas inhabituelle) avec la DDASS qui lui a retiré l’enfant. Isabelle va prendre la place de ce dernier, qui reviendra quasi subrepticement à la fin de l’histoire.

La famille, bonne éducatrice, un peu rigide, va supporter de plus en plus mal les replis négativistes, l’incurie volontaire de Isabelle. Le groupe d’AFT restera dans le manège de la présence parfois rétribuée de nombreux enfants plus ou moins extérieurs au clan, puis du retour de l’enfant arraché (en fait repris par son père qui le reconfiait à la famille). L’équipe de l’unité de soins d’Isabelle va développer des projections à l’encontre de la famille où l’alcoolisme le dispute à l’inceste, et va se retourner avec violence vers et contre le groupe d’AFT.

Isabelle, acteur et victime de la situation, veut après les vacances retourner à l’hôpital, puis chez sa mère, les deux étant à l’évidence impossibles. La famille est convoquée pour lui conseiller de retourner à sa vocation d’accueil d’enfants qu’elle a en fait recommencé. Mr, à la retraite, refuse de venir car il doit acheter des pièces pour sa rutilante voiture. Il emboutira celle-ci par une majestueuse marche-arrière, dans une voiture de service, devant moi quand je dis bonsoir à Mme N.

Hospitalisée, Isabelle a continué ses violences.

5. Du sexe des anges

Hélène, jeune femme appétissante malgré ses difficultés d’être, est confiée en accueil séquentiel à la famille G. Elle a subi, au moins dans sa tête, des agressions sexuelles lors de son enfance. Mr G., personnage haut en couleur, est l’image d’une virilité dont il décrit le caractère passé avec beaucoup d’humour.

Au bout de deux séquences, de retour dans le service, Hélène nous a révélé que Mr G., au motif de vidéo, lui a fait enlever son tee-shirt, et a tenté des attouchements. Pendant 15 jours, sans discussion vraie, la rumeur (la rumore di venitienne) va enfler dans l’institution. Au bout de ces 15 jours, la majorité du groupe d’AFT est également convaincue du quasi viol. Une petite minorité finira par proposer d’entendre Mr G. avant de le rejeter dans les flammes éternelles.

A l’entretien, l’enregistrement vidéo s’avère une recherche de souvenir plus que banale pour une famille dont les patients changent souvent. Hélène, soutenue par les patients, refusera de repartir dans la famille. Les soignants et le groupe d’AFT mettront quelques mois, beaucoup d’effort et de silence, pour se ranger à l’évidence. La famille G. continue à accueillir. Les tentatives pour faire émerger la question du sexe dans le groupe se sont soldées par des demi-échecs ou des projections en miroir.

6. Un accueil bref

Thierry, 33 ans, est le dernier d’une fratrie de 4. Sa mère décède lorsqu’il a 7 ans. Il est élevé par son père avec qui il a une relation faite d’impossibilité à être ensemble comme à être séparé. Le frère le plus proche de lui meurt en 1995 de maladie. A la suite de ce décès, le père dit ne plus pouvoir s’occuper de Thierry. Les séjours à la maison s’espacent.

Les difficultés de Thierry sont anciennes et importantes (troubles de l’identité, épisodes délirants) et l’ont conduit à des actes auto-agressifs (tentative de mutilation sexuelle, défénestration) dont il garde des séquelles, en particulier des difficultés sphinctériennes. Ces temps derniers, la prise en charge de Thierry s’enlise. Un accueil familial séquentiel est proposé qui soulève des réactions d’ambivalence dans l’équipe et chez Thierry. Il se déroulera en trois temps :

  • premier temps : présentation du projet et premières visites

Thierry est réticent, il dit que son père veut se débarrasser de lui. Le séjour se passe mal : troubles sphinctériens importants, comportement de Thierry vécu comme agressant et intrusif par la famille. Thierry semble commencer à investir le projet et envisage un prochain séjour. Deux éléments notables sont à signaler : la mise en évidence de la question de sa place (il pense prendre la place, la chambre de la fille de la famille), et l’apparition de passages à l’acte évoquant la défenestration antérieure (il ouvre la portière de la voiture en marche lors du premier trajet ; il jette par la fenêtre de la voiture le change qui lui a été remis lors du deuxième trajet).

  • deuxième temps : retour à l’hôpital

Pendant les quinze jours qui suivent, T. va faire deux épisodes sub-occlusifs. Les soignants soulignent l’aspect dramatisé de leur résolution décrite comme un accouchement (position, plaintes). Il se prépare un nouveau séjour.

  • troisième temps : conclusion de l’accueil

La famille annonce qu’elle ne souhaite pas poursuivre cette prise en charge difficile. Lors de l’entretien faisant suite à cette décision, Thierry se montre étonnamment présent, ni confus, ni délirant. Il évoque l’intérêt de l’accueil pour soulager son père, et sa difficulté à s’éloigner car son père a besoin de lui depuis le décès du frère. Il évoque aussi la difficulté à se souvenir de son enfance et la déception que ses hôtes n’aient pas 40 ans comme il l’avait imaginé. Enfin, il énonce clairement le désir d’aller pour les vacances dans une famille connue de lui et de son père, insistant sur le côté limité de ce séjour, ces personnes devant déménager par la suite. La semaine qui suit, Thierry et son père mettent ce projet à exécution. Le médecin de Thierry note une nette amélioration clinique.

Cet accueil très bref (deux séjours courts en famille d’accueil intercalés de retour à l’hôpital) a permis :

  • que Thierry puisse se déterminer clairement, et en son nom, pour un projet l’éloignant pour un temps de son père et de l’institution,
  • la mise en relief d’une problématique dont on peut faire l’hypothèse qu’elle touche à un fantasme d’accouchement ou de naissance et qui porterait la question de son identité sexuelle,
  • enfin, l’expression de la problématique de sa place au sein de la famille.

On peut penser que l’objectif essentiel de l’accueil familial thérapeutique, qui est de donner ou plutôt redonner un sens, a été en partie atteint malgré la brièveté de cet accueil.
Conclusion

L’accueil familial thérapeutique est une situation artificiellement instituée, basée sur ”l’adoption” temporaire d’un malade adulte par une famille et réciproquement. A cette occasion, non seulement la folie de l’un va devoir se compromettre avec la normalité des autres, mais deux cultures familiales vont se choquer jusque dans leurs odeurs ou leur cuisine.

Le malade se situe à l’intermédiaire de trois groupes :

  • celui de l’AFT est le plus homogène. Il est souvent, mais pas toujours, le plus vigilant
  • celui des familles qui selon les époques s’unissent ou se désunissent
  • celui des soignants référents qui peut être passif, actif, voire offensif comme dans l’exemple d’Isabelle.

Chaque groupe peut parfaitement délirer, persécuter l’autre, ce qui est vivant et souvent sain si les clivages ne vont pas jusqu’à la rupture de la cothérapie.

Nos possibilités spontanées de clivage et de projection au sein des groupes, et entre-eux, sont utilisées par les malades les plus psychotiques pour reproduire les conflits qu’ils ont vécus dans les périodes archaïques de leur histoire.

Une large utilisation des modes de communication infra ou extra-verbales permet parfois de faire éclater avec une grande violence après des mois de cheminement souterrain les torpilles (histoire de Louis).

Tout soignant, tout groupe de soignants, a son ou plutôt ses points aveugles (un train peut en cacher un autre). Le dernier qui a éclaté parmi nous est celui de la sexualité. Si elle est tolérée, interdite, et parfois ignorée dans le service, dans l’AFT, les anges n’ont pas de sexe, ce qui leur permet de passer à moins qu’ils n’éclatent comme c’est le cas de Hélène.

L’accueil familial thérapeutique des adultes est un des domaines où la psychiatrie bouge encore, et avance au lieu de reculer. C’est une formule d’avenir qui peut aider bien des transitions, et éviter des sorties vers les trottoirs, les halls de gare ou les quais de métro. Elle apporte incontestablement une chaleur de vie aux patients qu’ils trouvent difficilement dans les institutions.
Le stade de la famille ”bon sauvage inculte” est dépassé, et il faut rendre hommage aux compétences que les familles ont su acquérir. Elles méritent notre respect et notre protection contractuelle, comme les patients méritent la leur.

Il existe donc une évolution vers le statut de collaborateur salarié pour les familles, et celui de citoyen désaliéné et reconnu pour les patients. Notons à ce propos que si le problème de la déshospitalisation a bien évolué, celui de la tutelle a été peu travaillé et est resté assez figé dans les équipes que nous connaissons. Il devrait être possible maintenant de le faire aussi évoluer.

Il faut que l’accueil familial thérapeutique ait sa place au milieu de la palette des prises en charges ambulatoires. Avec des moyens en baisse, seule la créativité peut être thérapeutique.