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Famidac, l'association des accueillants familiaux
et de leurs partenaires

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Simple témoignage

Françoise Bauche, chargée de communication, Syndicat National Professionnel des Assistantes et Assistants Maternels

Nous aussi...

Le travail d’accueil ne peut reposer sur la seule personne de l’assistante maternelle, sinon il serait voué à l’échec rapidement. Ce doit être un projet familial, mais entre ce qui est parlé, projeté et vécu, il y a une marge qui peut se révéler plus ou moins large ! Ce projet d’accueil, avant de devenir un projet familial, est souvent celui de l’assistante maternelle uniquement. C’est ensuite qu’il est parlé, élaboré en commun, et requiert l’adhésion de l’ensemble de la cellule familiale.

Le conjoint peut être plus ou moins présent, suivant l’intérêt et la place qu’il veut bien s’accorder dans cet accueil. Néanmoins, il lui suffit quelquefois de représenter l’autorité "paternelle" pour être efficace, entendu, et respecté. C’est peut-être là une question de personnalité. Bon nombre de conjoints s’investissent au-delà de la seule présence "autoritaire" : conduite à l’école, dialogues, discussion sur le carnet scolaire... et surtout dans l’accompagnement de l’assistante maternelle au niveau éducatif.

Pour les enfants de la famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! , les situations sont souvent ambiguës. D’un naturel généreux, les enfants sont enthousiastes quant au projet d’accueil, et ce malgré les mises en garde des services et de leurs parents (l’enfant accueilli peut ne pas correspondre au petit copain attendu ; il est difficile de tout partager avec un inconnu...). Ils sont sûrs d’eux, et partent dans le projet avec enthousiasme, et souvent une attente fébrile !

Je me souviens de deux faits qui m’ont particulièrement marquée en tant que Maman, car sans qu’un conflit ouvert avec les enfants accueillis se soit manifesté, j’ai découvert qu’il avait été très difficile pour mes filles jumelles, âgées de 14 ans au début de mon activité de famille d’accueil, de vivre au quotidien cette vie d’accueillant.

Plusieurs années après le début de l’accueil, l’une d’elles passant un concours d’entrée à l’école d’infirmières prend pour sujet de mémoire : les carences affectives des enfants placés (ce qui n’était déjà pas innocent !). Une fois reçue au concours, elle nous le fait lire, et là les bras m’en tombent : je découvre combien il avait été utile à mes filles jumelles d’être deux afin de pouvoir s’extraire du groupe familial et de se retrouver ensemble ! Et de lire combien il leur avait été difficile de vivre avec ce groupe d’enfants venant d’ailleurs (je n’accueillais que des fratries), de partager les lieux et d’égrener : la table de la salle à manger, la salle de télévision (il y avait pourtant plusieurs télévisions), la bibliothèque, le salon... de partager les repas, les conversations, les jeux, les loisirs, pour terminer en point d’orgue : de partager leurs parents ! Il a fallu attendre huit ans pour le savoir.

Le deuxième fait se situe à la fin d’une soirée de fête, où une enfant accueillie, sans famille, présente chez nous depuis plusieurs années, avait décidé de se fiancer. Nous en parlons, et je lui explique que, puisqu’elle n’a personne de son côté, elle peut inviter qui elle veut (la maison et la propriété étaient grandes, et nous sommes à la campagne !). Nous étions 100 participants à cette partie de campagne sympathique avec méchoui et buffet campagnard. L’ambiance était joyeuse et tous paraissaient heureux, mes enfants et les autres.

Puis les invités partis, nous devisions tous ensemble de cette folle journée. À ce moment-là, mes jumelles, alors âgées de 17 ans, nous interpellent en demandant : "En feriez-vous autant pour nous ?". Nous, les parents, fûmes abasourdis par cette demande et avons compris combien les choses n’étaient pas simples entre nos enfants et les enfants accueillis, et combien nous devions être vigilants à laisser leur place à nos enfants.

Quelques vingt ans après ces événements familiaux, maintenant retraitée, ayant suffisamment de recul sur cette profession vécue avec passion, je crois vraiment que nous avons été, mon mari et moi-même, la béquille qui a soutenu ces enfants blessés, les a aidés à poursuivre du mieux possible leur route. En tous cas à entendre ceux qui reviennent me voir, et ils sont nombreux. Ces enfants élevés chez nous ensemble sont restés très liés. Ils sont tous retournés chez leurs parents, la plupart à leur majorité. Ils ont gardé le contact, et sont heureux de venir me présenter leur conjoint, le dernier-né ou simplement leur première voiture, de passer des heures devant leurs albums photos à se remémorer leurs souvenirs d’enfance, et de discuter.

Je dois cependant reconnaître que cette complicité n’existait pas pour mes enfants. J’ai pu remarquer que leurs souvenirs n’étaient pas les mêmes, et encore moins communs, comme si ces enfants leur avaient retiré quelque chose. Aussi, quels ne furent pas ma surprise et mon bonheur d’avoir vu mes quatre enfants s’acharner dans un vrai travail de détective qui a duré plusieurs mois afin d’organiser une petite fête réunissant les 13 premiers enfants que j’ai accueillis dans les années 75 et toute ma famille, enfants et petits-enfants réunis dans la même joie des retrouvailles !

Mystère et contradiction des sentiments car, si ce témoignage se termine sur une note optimiste, je crois vraiment qu’il y eût des moments difficiles pour mes propres enfants adolescents, moments qui ont trouvé toute leur relativité dans leur vie d’adultes.