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Accompagnement : l’expérience d’un service d’AFT pour adultes

Éric AUGER, assistant social - service d’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). psychothérapique pour adultes, Soisy-sur-Seine

Créé en 1967, le service d’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). psychothérapique pour adultes de Soisy-sur-Seine travaille avec 18 familles qui accueillent 22 patients rattachés au secteur de santé mentale du 13ème arrondissement de Paris. Les malades sont accueillis dans la famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! pour une durée variable. Le travail d’accompagnement de l’équipe de soin s’articule sous la forme de visites à domicile et de consultations médicales avec le patient et l’accueillante familiale.

C’est sur ce dispositif singulier, qui met en jeu trois partenaires (le patient, "sa" famille d’accueil et les membres de l’équipe psychiatrique), que s’appuie l’accueil familial thérapique (AFT AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
).

Parler d’accompagnement suppose au préalable de s’interroger sur les fonctions et la relation d’accompagnement, tant auprès de l’accueillante familiale que du patient qu’elle héberge. Cette fonction d’accompagnement peut être comparée, sans pour autant la réduire, au rôle et à la fonction du tiers en accueil familial thérapeutique [1].

Force est de constater que le cadre de fonctionnement varie selon les équipes des secteurs de psychiatrie adulte, tant sur le plan du suivi des patients et des accueillantes familiales (à partir d’une équipe spécifique ou non) que dans la formalisation ou non d’un contrat d’accueil et d’un projet thérapeutique individualisé. Dès lors, les formes que pourra prendre l’accompagnement seront en partie déterminées par les modalités d’intervention et l’organisation des équipes.

En s’inspirant de la définition de l’accompagnement thérapeutique développée par Myriam David [2], on peut dire que l’accompagnement met en jeu un ou des accompagnateurs, témoins attentifs, engagés dans une relation avec l’accueillante familiale et le patient, qui ont pour mission la recherche d’un mieux-être psychique du malade pour favoriser sa réinsertion sociale.

Reconnaître nos complémentarités

L’accompagnement en accueil familial thérapeutique pourrait se concevoir comme la mise en œuvre de pratiques développées pour soutenir, conseiller, aider, informer l’accueillante familiale et le malade accueilli afin que ce dernier accède à un mieux-être.

Cela suppose une reconnaissance de la différence de chacun dans son identité, sa place et sa fonction et une acceptation du besoin réciproque de chacun pour qu’advienne une collaboration centrée sur le patient. C’est ce dernier qui va, en quelque sorte, délimiter les places réciproques et complémentaires des intervenants. Les formes que prendra cet accompagnement se construisent progressivement dans les échanges qui se tissent entre les membres de l’équipe psychiatrique et ceux de la dyade famille d’accueil - patient.

Il convient de rappeler une évidence, à savoir que l’accompagnement de l’équipe soignante repose principalement sur les capacités d’écoute et de tolérance de la famille d’accueil à intégrer un malade dans des liens de parenté qui ne sont pas les siens. C’est à partir de ses capacités à formuler ses observations, et du savoir expérientiel sur "son" patient qu’elle acceptera de nous faire partager, que pourra s’ajuster une aide individualisée. Si nous ne pouvons reconnaître notre "besoin de la famille", c’est à dire l’apport de l’accueillante familiale sur des éléments essentiels de la vie du patient (souvent inconnus à l’hôpital), des incompréhensions et des malentendus viendront vite alimenter des positions relationnelles conflictuelles.

Seule une relation de confiance, éprouvée dans la durée, permettra à chacun des membres de la triade de pouvoir "travailler" ensemble. Au-delà de ce constat, il est important de réfléchir à la manière dont cet accompagnement se concrétise et aux formes qu’il peut prendre pour garantir le projet thérapeutique.
Établir une collaboration

Si l’accueil du patient relève de la responsabilité de l’accueillante familiale, celle-ci reste membre d’une équipe psychiatrique dont elle dépend étroitement et qui fixe des garanties formelles (règlement intérieur, contrat de travail, contrat d’accueil) à l’intérieur desquelles des règles du jeu sont posées et définies.

Accompagner la famille d’accueil suppose une certaine permanence et une disponibilité des intervenants de l’équipe pour permettre à chacun de trouver les ajustements nécessaires et de garantir une continuité du travail thérapeutique.

Trop de changements dans les interlocuteurs nuisent à la qualité du travail, obligeant la famille à s’adapter et le patient à renouer de nouveaux liens qui le fragilisent. Au fil du temps, l’équipe soignante devient un partenaire psychique important pour la famille d’accueil qui est parfois amenée à confier des informations relatives à sa vie privée. Cet engagement de verbalisation sur lequel s’appuie l’accueil familial n’est rendu possible que si l’équipe assure un travail de soutien dans les questionnements de chacun et de conseils sur les attitudes à adopter.

Si l’on peut admettre qu’il n’y a pas, à proprement parler, de modèle pour accompagner une famille d’accueil, quelques attitudes peuvent faciliter la qualité de l’accompagnement.

La première consisterait à ne pas donner des réponses clefs en main à l’accueillante familiale. On ne peut, en effet, exporter les attitudes des soignants de l’hôpital ou d’ailleurs, pour les transférer aux familles. Le contexte professionnel et la position de chacun sont trop différents pour qu’elles soient opérantes.

Il s’agira plutôt d’encourager la famille à trouver elle-même le bon ajustement, en la confortant dans ses réponses relationnelles positives face aux sollicitations du patient. Chaque famille s’est construite un mode d’échange relationnel, une sorte d’homéostasie dont il est nécessaire de tenir compte pour apporter des suggestions appropriées lorsqu’elle est confrontée à des impasses induites par les comportements du malade ou par son désir trop ardent de le voir guérir.

Cela suppose de pouvoir rendre compte des interactions qui se tissent entre la famille et le patient, et de les reformuler sous une forme "utilisable" pour l’accueillante familiale. Un tel exercice peut être délicat, car il achoppe sur les susceptibilités de l’un ou l’autre qui peuvent évoluer subrepticement vers des rivalités ou des conflits de pouvoir au sein de l’équipe ou au sein de la famille. Ce qui entame la nécessaire collaboration entre les différents partenaires.

L’évolution d’un patient, selon la place ou le rôle que la famille d’accueil va lui attribuer (malade ou pas, membre ou pas de sa famille [3]...), ouvre des scénarios multiples et variés. Cette situation contraint l’accompagnateur ou le référent de l’équipe à s’adapter aux singularités de la dynamique familiale qu’il rencontre. Ainsi, les demandes de conseils et de présence soutenue de certaines accueillantes familiales "débutantes" ne pourront être transposées vis-à-vis d’autres familles d’accueil confirmées par leur longue expérience.

La seconde attitude consiste à favoriser une relation de confiance réciproque pour que les interventions de chacun soient reconnues dans leur complémentarité. Cette réalité ne se décrète pas, mais va s’éprouver après de nombreuses expériences de déception, et parfois de conflits, qui ne pourront être dépassées que dans un certain engagement relationnel de part et d’autre.

Si des familles peuvent se dire que, durant les visites à domicile ou les consultations médicales, "c’est toujours la même chose, il ne se passe rien", c’est peut-être qu’elles attendent des réponses techniques qui feraient bouger les situations d’impasse et de découragement qu’elles ressentent face aux attitudes parfois déconcertantes qu’alimente la pathologie du malade.

Quelle place occuper auprès du patient ?

Nous l’avons dit, c’est le patient qui donne sens au "placement" pour lequel la famille d’accueil et les membres de l’équipe soignante travaillent. Il occupe ainsi une place centrale qu’il utilise parfois pour rendre vains les efforts déployés par l’accueillante familiale ou le référent.

Pour que le référent puisse se construire une place auprès du patient, différente de celle de l’accueillante familiale, des accompagnements sont fréquemment mis en place avec le patient. Un travail axé autour de l’hygiène (l’incurie des malades est fréquente), du tabagisme et pour des soins somatiques est confié à l’infirmière référente. Cela permet de mener à bien des suivis médicaux auprès des médecins généralistes.

Dans un volet plus social, des accompagnements à visée réadaptative sont conduits dans le cadre des projets de réinsertion professionnelle. La place de l’argent est souvent l’objet de transactions difficiles. Le contrôle des dépenses est ainsi dévolu au soignant référent, ou au représentant légal du patient, qui régulent ou médiatisent les "transactions" tant financières qu’affectives...

Ces temps de "dégagement" du malade hors de la famille d’accueil sont l’occasion d’écouter les plaintes et les demandes qu’il n’ose pas émettre en présence de sa "dame d’accueil". L’intervenant en accueil familial peut être conduit à adopter des positions d’autorité pour restreindre la tyrannie d’un malade ou pour limiter ses conduites déviantes, dégageant ainsi l’accueillante familiale d’une posture trop omnipotente. Ces moments de triangulation sont l’occasion pour chacun de trouver une place auprès du patient.

L’accompagnement en accueil familial thérapeutique vise donc à traiter les aspects problématiques que la situation de "placement" pose au patient et à la famille d’accueil. Le contrat d’accueil et le projet thérapeutique, prévus par le législateur, permettent de définir les grandes lignes des modalités de collaboration. Sa forme contractuelle a l’avantage, lorsqu’elle est élaborée conjointement par les partenaires, d’ouvrir une base de discussion, d’échange et d’évaluation des pratiques de chacun. Les ajustements nécessaires permettent alors de relancer une dynamique relationnelle.

Accepter d’être surpris tant par les conduites ou les réponses des patients que par l’inventivité et les initiatives des familles reste l’originalité de l’accueil familial thérapeutique. L’accompagnement repose, dans les premiers temps, sur un certain empirisme qui s’éprouve au fur et à mesure des interventions. Lorsque le patient et la famille d’accueil trouvent leurs marques, s’établit une relation de confiance, une sorte d’équilibre qu’il convient de respecter afin de favoriser une nécessaire dépendance.

Il arrive parfois que l’on bute sur une certaine difficulté à pouvoir penser une situation d’accueil stabilisée après des mois de vie commune. Des expériences de séparation, au détour notamment de séjours de vacances, sont vécues difficilement tant par les familles d’accueil que par le patient. Ces changements sont l’occasion, pour le patient, d’éprouver qu’un "ailleurs" est possible en dehors des échanges noués avec les membres de "sa" famille d’accueil habituelle, et pour la famille d’accueil de profiter d’un temps de repos lors de ses congés.

L’autre forme que peut prendre l’accompagnement s’appuie sur les temps de réunion avec l’ensemble des accueillantes familiales du service. Ces temps institutionnels permettent de se retrouver ensemble pour partager les expériences de chacun.

C’est l’occasion pour les familles, souvent isolées, d’échanger avec leurs "pairs", et de réaliser qu’elles se posent souvent les mêmes questions sur l’attitude à adopter vis-à-vis de l’hygiène, de l’alimentation, des troubles du sommeil des patients, de leurs relations avec les enfants, de la sexualité...

"Jusqu’à quel point peut-on exiger quelque chose de "son malade", doit-on le tutoyer, que faire vis-à-vis des demandes de prêt d’argent de la part de la personne accueillie ?" sont quelques-unes des questions sur lesquelles nous avons eu à discuter. On constate que ces réunions ont contribué à faire bouger certaines attitudes d’accueillantes familiales qui n’envisageaient pas, par exemple, de se séparer de leur patient ou qui vivaient le départ de ce dernier en maison de retraite, comme un abandon.

Notes

[1Éric Auger, "Rôle et fonction du tiers dans le suivi médico social d’un AFT pour adulte", mémoire de maîtrise de psychologie clinique, Paris VII, 1990

[2Myriam David, "Le placement familial : de la pratique à la théorie", ESF, 1989

[3Tilo Held, "Le placement familial de secteur : étude descriptive et critique", in L’information Psychiatrique, octobre 1976, volume 52, n° 8, pages 899 à 913