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Accueil familial et protection de l’enfance : un devoir d’État

Bernard RUHAUD conseiller socio-éducatif, formateur - conseil général, Charente-Maritime

Voici dix ans que les textes relatifs à la sélection et à l’emploi des assistantes maternelles ont été modifiés. Quinze ans auparavant, en 1977, une première série de mesures créait cette profession. Aujourd’hui encore, des discussions se sont engagées en vue d’en préciser les conditions d’exercice. Dix ans après, quels sont les effets de ces dispositions ? En quoi et pourquoi devraient-elles être de nouveau aménagées ? Que peut-on attendre des discussions en cours ? (...)

Bien davantage que de l’accueil

Ce qui est entrepris aujourd’hui en placement familial ne se limite pas à un accueil de qualité. En diminuant. la population des enfants séparés de leur milieu a changé. Leur situation familiale est généralement assez dégradée. Ils souffrent de troubles pouvant être sérieux et dont on ignore souvent la gravité au moment de l’accueil. Les symptômes qui peuvent se développer dans le milieu d’accueil relèvent d’une prise en charge au sein d’établissements ou de services spécialisés. Le maintien d’une proximité avec les parents et le respect de leurs prérogatives est une démarche nécessaire mais exigeante.

Ce qui est demandé aux assistantes maternelles relève de fait d’une éducation spécialisée voire de la thérapie et elles parviennent dans un contexte et avec des moyens très ordinaires, à des résultats parfois inespérés. Mais c’est au prix de difficultés qu’elles assument dans la solitude de leur propre milieu et souvent à son détriment. Leurs tâches se multiplient aussi à l’extérieur, notamment en visites, démarches, soins et déplacements divers.

Une profession maltraitée

Ces difficultés sont désormais connues, mais pas reconnues, ni par les textes de 1992 qui confondent encore les deux types d’accueil permanent accueil permanent Terme inapproprié désignant en fait un contrat d’accueil à durée indéterminée, avec une date de début mais sans date de fin, prévoyant une prise en charge à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (de jour ou de nuit), en continu (sans interruption) ou séquentielle (exemple : un weekend tous les mois). et non permanent, ni par les services employeurs qui ont du mal à considérer concrètement les assistantes maternelles comme des agents à part entière.

La loi tient les assistantes maternelles à l’écart des autres professions par des textes dérogatoires au droit du travail notamment en matière de temps et de quantité de travail, de salaire, de congés et de licenciement. Les services ont tendance à les traiter comme des usagers et non comme des collaborateurs. Il s’exerce à leur égard un contrôle social extrêmement rigoureux et souvent contraire aux libertés individuelles.

En dépit de ce que prévoient les textes de 1992, les assistantes maternelles sont loin d’être consultées pour toute décision concernant l’enfant qu’elles accueillent. La plupart d’entre elles sont exclues des réunions d’évaluation qui le concernent. L’accompagnement est plus souvent fonction de l’urgence que de l’aide. Régulièrement, des enfants accueillis pendant des années leur sont brutalement retirés et on leur refuse le droit de les voir.

Les licenciements d’assistantes maternelles expérimentées, formées et aguerries aux difficultés de leur profession sont fréquents. De nouvelles assistantes maternelles auxquelles le même sort est réservé ultérieurement sont alors recrutées en fonction d’un "profil" qui relève davantage d’une projection des intervenants que des réels besoins de l’enfant. Il est vrai que l’entant constitue toujours un enjeu pour les adultes, enjeu dans lequel s’engouffrent les désirs et les identifications les plus profonds.

Dans ces conditions, ne pas protéger l’emploi des assistantes maternelles, c’est permettre un gâchis regrettable et alimenter, dans cette professions les drames du chômage que tout le monde jure par ailleurs de combattre.

Un vrai métier ?

Dix ans, et même vingt-cinq ans après la parution des premiers textes, les assistantes maternelles revendiquent encore d’être considérées comme exerçant une véritable profession. La professionnalisation a manifestement du mal à s’imposer. Pourquoi ? Peut-on vraiment considérer comme une profession cette activité qui s’exerce dans le cadre de la vie privée ? En quoi des fonctions qui peuvent être assurées sans formation préalable, sans qualification et à peu près par tout le monde constituent-elles un métier ?

Mais à l’inverse. si cette activité ne peut pas être une profession, de quel droit confie-t-on à des particuliers des tâches aussi difficiles, qui vont occuper l’essentiel de leur temps et transformer, sinon bouleverser, leur vie quotidienne et leur milieu familial ?

Ces questions, de même que les discussions organisées actuellement par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité démontrent que le dispositif ne peut en rester là. Et l’on ne peut envisager de revenir sur des dispositions qui, en dépit de leurs lacunes, ont jeté les bases d’une profession nécessaire et efficace. Si d’une façon ou d’une autre, les pouvoirs publics se déchargeaient du financement du dispositif de prise en charge des enfants en danger, ce serait un recul historique dont tout le monde aurait à souffrir, et en premier lieu les enfants.

La professionnalisation et la protection des accueillants ne sont pas opposables à l’intérêt de l’enfant ; au contraire, la qualité de l’accueil ne peut se concevoir indépendamment des conditions dans lesquelles il s’exerce.

Au milieu du gué

L’essentiel des progrès incontestables qui ont été réalisés depuis trente ans en matière de protection et de prise en charge des enfants en danger repose pour une très grande partie sur les efforts demandés aux accueillants. Les premiers textes créant la profession d’assistante maternelle ont été promulgués pour en tenir compte.

Trop vagues, trop généraux, confondant les deux types d’accueil d’enfant à domicile, ces textes méconnaissent la complexité de cette activité, qui n’a d’ailleurs cessé de s’accroître. Les modifications de 1992 ont tenté de les réajuster sans parvenir à donner un cadre adapté aux besoins. L’expérience des dix années écoulées démontre qu’il ne suffit pas de permettre que les améliorations soient possibles pour qu’elles se produisent. (...)

P.-S.

Ceci est un extrait de L’accueil familial en revue N° 12 - décembre 2001.

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