DÉPENDANCE
Alors que s’ouvre aujourd’hui la Semaine bleue des personnes âgées, les modes d’hébergement fleurissent en France face à la pénurie de lits en maisons de retraite.
90 ANS cette semaine. Ça en fait des souvenirs à accrocher aux murs. Condamnée au lit, Constance tient à ses photos, ses bibelots et autres tableaux qui meublent son « p’tit chez elle ». Le vison des belles années est même dans l’armoire, prêt à sortir, comme au temps où elle avait encore « toutes ses jambes ». Pour cette femme condamnée au lit, ses effets ont encore plus de prix : celui du souvenir.
C’est Christine Barea [1] qui l’a aidée à recréer tout son univers. Car Constance n’est ni à son domicile ni à la maison de retraite. Elle est hébergée chez cette quinquagénaire girondine qui, depuis dix ans, est « famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! » pour personnes âgées. Un système qui fait l’objet d’un encadrement juridique très strict, pour des raisons sanitaires ou de maltraitance évidentes.
Installée au Pian Médoc, petite commune près de Bordeaux, Christine partage gîte, couvert et activités avec Constance mais aussi Jacques, Marguerite et Alvaro. Quatre aînés de 88 à 90 ans [2] qui forment « un nouveau type de famille recomposée », plaisante l’accueillante dévouée. « Je me sens entourée tout en gardant mon intimité, approuve Constance, c’est vraiment ce qu’on recherche quand on vieillit. »
Moins onéreuse qu’une maison de retraite, cette solution d’hébergement intermédiaire rencontre un vrai succès. « C’est du gagnant-gagnant, résume Christine Barea, mère de famille divorcée. Les enfants sont déculpabilisés parce qu’ils évitent la maison de retraite à leurs parents et les personnes âgées se sentent comme chez elles sans avoir à souffrir de la solitude. »
Surtout, la formule permet aux aînés de rester dans leur village natal, avec leurs repères et leur famille à quelques pâtés de maison. Les demandes affluent. « Pas une semaine sans que j’ai au moins trois ou quatre coups de fil ! », confie Christine qui a le statut d’employée familiale et est ainsi salariée par ses « pensionnaires ».
Entraide intergénérationnelle
Comme cet hébergement intergénérationnel, d’autres initiatives sont expérimentées un peu partout en France pour faire face aux quelque 40.000 places manquantes dans les structures adaptées.
Mulhouse a ainsi construit, il y a trois ans, le « 52 rue Kléber », un immeuble spécialement agencé pour faire cohabiter trois générations. À chaque étage, une famille se partage deux logements, un Tl et un T2 avec une pièce commune permettant aux aînés et aux plus jeunes de rester proches sans se gêner. « Les plus jeunes gardent un œil sur les plus âgés qui eux-mêmes peuvent voir grandir les plus petits », résume Aline Winninger, porte-parole de Mulhouse Habitat.
À Saint-Apollinaire, près de Dijon, le maire a opté pour la résidence Générations, un site de 76 logements attribués pour moitié aux personnes âgées et pour l’autre aux couples avec enfant en bas âge. But de l’opération : favoriser l’entraide intergénérationnelle au quotidien.
Marie-Louise, 88 ans, a choisi elle de cohabiter avec de jeunes travailleurs au foyer Ker Digemer, à Brest, où vivent 104 aînés et 70 jeunes. « Barbecues, soirées, initiation à Internet... il y a un vrai esprit de famille », se réjouit-elle.
Pour Patricia Mallet-Champvert, gérontologue à l’Association des nouvelles résidences et services pour personnes âgées (Anrespa), « la réglementation actuelle est un vrai frein à l’hébergement alternatif ». Non seulement il faut un débat mais encore et surtout « une vraie politique d’adaptation face au vieillissement de la population » .
Delphine de MALLEVOÜE