La durée d’un accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). est peu prévisible. Sauf dans les cas d’accueils limités dans le temps dès l’origine, et parfois même dans ces situations, la fin d’un accueil peut survenir à n’importe quel moment de son déroulement selon qu’elle résulte d’une rupture, d’un retour dans la famille, d’un départ pour une vie autonome ou pour un autre placement.
Qualifiée alors de réussite ou d’échec, termes qui mériteraient d’être utilisés avec circonspection, la fin de l’accueil dépend des dynamiques en jeu et de facteurs subjectifs liés à la singularité de chacun, de la vie familiale et du modèle d’accueil proposé. Une famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! et un accueilli sont traversés par les mouvements temporels qui amènent naissances, séparations, disparitions, et qui affectent la capacité des uns ou des autres à continuer à vivre avec.
Dans un autre ordre d’idée, la capacité de l’enfant et de ses parents à supporter le placement va décider de son arrêt ou de sa continuation, et par la suite l’évolution de leurs liens influencera la durée de l’accueil familial. La notion d’une durée non déterminée d’avance est une donnée de l’accueil familial qui devra être précisée aux parents et à l’enfant lors de son indication. Cette temporalité sans limites implique la nécessité d’évaluer régulièrement l’intérêt du placement au cours de son développement.
Les préoccupations concernant la fin de l’accueil ou sa durée sont relativement absentes du monde de l’accueil familial des adultes. Le plus souvent, elles sont déterminées par l’âge et les difficultés des accueillis. La fin de l’accueil des personnes âgées résulte le plus souvent d’un décès. Quant aux personnes handicapées, l’accueil est si souvent inscrit dans un temps figé, arrêté, que de nombreuses fins d’accueil sont également dues au décès de l’accueilli, ou à celui des accueillants, sauf lorsqu’un enfant a poursuivi la tradition familiale d’accueil.
L’accueil familial thérapeutique AFT
Accueil Familial Thérapeutique Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques. des malades mentaux, lorsqu’il s’est dégagé des pratiques anciennes, peut questionner différemment la fin d’un placement qui dépend alors autant du projet que de la capacité à avoir pu le développer dans une famille d’accueil. Comme pour l’accueil familial de toxicomanes, le temps et la durée apparaissent ainsi comme des leviers thérapeutiques majeurs.
Dans ces cas, mais surtout pour l’accueil des enfants, la durée de la séparation doit permettre la mise en œuvre de tout un processus de changement. L’écourter serait combler l’attente immédiate des parents, des intervenants et de l’accueilli, au risque de voir se reproduire rapidement les phénomènes de confusion des rôles et des places qui ont motivé le placement. La séparation doit faire œuvre de castration symbolique signifiant que rien ne sera plus désormais comme avant.
Un temps suffisamment long est nécessaire pour permettre à l’accueilli l’élaboration psychique indispensable au remaniement de ses imagos parentales et à la mise en place de relations modifiées et satisfaisantes, et aux parents la réalisation d’un travail de deuil. Il leur faudra renoncer à être dépendants de leur enfant dans l’exercice et la réassurance de leur toute-puissance, pour s’engager à respecter sa liberté d’accès à son indépendance.
Fin d’accueil et retour chez les parents
L’expérience du "retour" commence en même temps que celle de la séparation, par la mise au travail de ce qu’elle peut apporter de profitable pour les parents et pour l’enfant, et par la réflexion sur l’origine de la souffrance qui l’a provoquée. Cela signifie que les parents auront à prendre la mesure de leur souffrance et des raisons de leur désorganisation, à faire le lien entre leur incapacité à tenir un rôle parental et son origine dans la chaîne transgénérationnelle, à repérer la source de leur immaturité et à l’analyser afin de pouvoir se respecter et respecter leur enfant.
Dans le placement, l’enfant vit en dehors de sa généalogie, de sa "famille d’origine" qui ne l’inscrivait pas dans une lignée générationnelle lui permettant un départ vers sa propre descendance. Le retour veut donc dire que l’on peut à nouveau envisager une place réelle dans la filiation pour l’enfant, et une place dans la parentalité pour le parent, après une "séparation symbolique".
Le retour de l’enfant dans sa famille ne pourra dépendre que des changements opérés dans les fonctions nouvellement acquises, ou retrouvées, des parents pour l’éduquer, ce qui suppose une évaluation de la parentalité.
A ce titre, un "retour à l’essai" n’est pas tenable car l’enfant y est utilisé pour tester les capacités de ses parents à occuper leur place. Le réaliser sans l’assurance qu’un changement structurel a introduit une modification profonde dans les rapports et les fonctions des uns et des autres peut être assimilé à une forme d’abandon. Tout se passe alors comme si on sacrifiait au "mythe du grand retour", auprès de bons parents retrouvés, dans une vie familiale apaisée, autour d’une famille reconstituée, comme par miracle.
Fin d’accueil et ruptures
Des menaces de départ et de rupture surgissent quand les fantasmes ou les peurs à ce sujet sont très actifs, et lorsqu’un équilibre n’est plus maintenu, mais elles sont rarement mises en actes. Longtemps contenues avant d’être exprimées, elles s’extériorisent sur un mode agressif par crainte d’une opposition ou prennent parfois l’allure d’une exigence immédiate. Elles peuvent survenir à tout moment, et émaner de l’accueilli, des parents ou de la famille d’accueil.
Lorsqu’elles débouchent sur des ruptures précoces, celles-ci ont sans doute à voir avec l’absence ou l’insuffisance de préparation du placement.
Les ruptures plus tardives peuvent souvent être mises en rapport avec une intolérance inflexible et durable des parents au placement, avec la non-accession de la famille d’accueil à l’ambivalence dans son attachement à l’accueilli, et avec l’impossibilité de celui-ci à se dégager des effets d’aliénation à ses parents ou à ses symptômes.
Un moment sensible, catalyseur des ingrédients de la rupture, est celui qui voit la famille d’accueil émettre des reproches à l’égard des parents ou des intervenants, en lien avec un accroissement des troubles ou des symptômes de l’accueilli et la moins grande tolérance à leur égard dont fait preuve la famille d’accueil.
Les ruptures sont-elles évitables ? Les menaces de rupture sont à comprendre comme un appel. Du côté des parents et de l’enfant, on peut entendre un désir de se retrouver, et pour la famille d’accueil et l’accueilli une nécessité de se quitter. A la demande faite en urgence... l’urgence est d’apporter une aide pour expliciter le contenu angoissant de ce qui s’exprime, et un soutien pour trouver d’autres aménagements que la rupture par l’introduction d’un espace de pensée, d’un espace-temps favorisant la verbalisation des problèmes qui se jouent et des affects qui s’y rattachent, en se saisissant de cette occasion pour élaborer l’angoisse de séparation.
L’idéalisation parentale entraîne chez certains enfants et chez certains jeunes adultes une tentative forcenée pour retourner vivre avec leurs parents, quelles que soient la pathologie manifeste ou la nocivité de ceux-ci.
Le désir de retour prend alors l’allure d’une revendication virulente qui donne la mesure de la violence ressentie lors de la séparation, déniant souvent les raisons qui en ont été à l’origine. Il se présente comme une plainte revendicative assortie d’une accusation où les tiers (juges, services sociaux...) sont rendus responsables de la situation. Cette plainte constitue un moyen projectif de défense qui limite la culpabilité.
Cependant, l’aspiration au retour est un moteur puissant à prendre en compte dans le projet d’accueil familial car il permet de fixer un objectif à la séparation, et de maintenir l’avenir ouvert. Chacun des protagonistes est mobilisé par cette idée, et les intervenants doivent garder en mémoire qu’un retour aura à se réaliser ultérieurement, qu’il soit réel ou symbolique.
Fin de l’accueil et départ
Penser que l’accueil familial aura un terme, c’est le situer dans une temporalité qui permet d’accompagner l’idée du départ et de le préparer. Préparer le départ, c’est cheminer avec l’enfant vers un retour chez ses parents, un autre mode de prise en charge ou une autonomisation. C’est conduire un jeune vers son avenir, un adulte vers un autre mode de vie, nanti des nouvelles possibilités d’évolution qu’il a acquises, en continuité avec son passé, et non en rupture ou en répétition avec lui.
Le départ implique forcément de se séparer. C’est pourquoi le temps qui l’entoure est marqué par la réactivation, en chacun, des sentiments ambivalents éprouvés lors de la séparation quand le placement suscitait désir et crainte, espoirs et peurs mêlés.
Quand partir devient possible, envisageable, aménageable, on peut assister à des mouvements de recul. Ces mouvements successifs, qui alternent entre des demandes impératives et des rétractations, sont à connaître, à recevoir et à prendre en compte afin de ne pas précipiter le départ, ni y renoncer, mais le préparer.
C’est le travail de l’équipe d’accueillir la demande des parents, sans s’y opposer, mais en résistant à la force des impulsions qui les poussent à demander le retour immédiat, de recueillir le mouvement de retrait, sans le prendre au mot, ni tenter d’en profiter pour renoncer malgré l’aspect inquiétant parfois, d’introduire un à un tous les problèmes posés par le retour concret de l’enfant et la nécessité de lui créer une place.
C’est encore à l’équipe d’être à l’écoute de la famille d’accueil pour entendre sa peine, ses inquiétudes, éventuellement ses reproches, et pour accompagner le détachement mutuel douloureux entre elle et l’accueilli. On peut parler de l’instauration d’une période de sevrage qui permet de s’autoriser à se séparer, se regretter, sans pour autant se rejeter ni se perdre.
C’est enfin, avec l’accueilli, préparer son intégration dans son prochain lieu de vie, organiser la possibilité de conserver des liens avec sa famille d’accueil, commencer à le familiariser avec le quartier, l’école, le centre d’aide par le travail, et éventuellement avec le lieu de soin.
Si, pour l’enfant, l’enjeu de la fin de l’accueil est lié à la capacité de ses parents à soutenir leur désir à son égard, pour l’adulte, toxicomane notamment, c’est à son propre désir que s’articule le dénouement.
Le temps du départ est un moment crucial, décisif, à ne pas manquer. Plus que la durée ou la destination, l’essentiel est la façon dont le placement se termine car elle est révélatrice de la transformation des relations entre les parents et l’enfant, et de l’évolution de l’accueilli. L’équipe a là une fonction essentielle : repérer dans le discours parental ce qui atteste des capacités symboliques qu’il révèle, c’est-à-dire ce qui fonde la certitude que la fonction de parents est tenable et tenue.
L’enfant est sur le chemin du retour, ou du départ, dès qu’il a pu distinguer sa place et celle de ses parents, voire celle de sa famille d’accueil. Il doit faire la part de ce qu’il est et de ce qu’est l’autre, et ne le pourra que si l’adulte qui se détermine parent est capable d’occuper et de tenir sa place sans confusion.
La séparation a pour but de permettre une différenciation, une séparation psychique qui rendent possible pour l’accueilli le fait de se construire et d’assumer sa vie pour soi, tout en reconnaissant l’autre. Un retour possible, même des années après, ne signifie donc pas forcément la reprise d’une vie commune, mais a plutôt pour enjeu une possible réconciliation symbolique. Par ailleurs, le retour réel n’annule ni la séparation, ni le vécu d’un placement dont les effets auront rendu quelque peu étrangers l’un à l’autre parents et enfants.
Ce qui est constructif dans l’expérience de la séparation, c’est de pouvoir se quitter sans recourir à la répétition d’une rupture, sans vivre la séparation comme une destruction de soi et de l’autre, de découvrir la possibilité de garder, dans l’absence, une image de soi suffisamment bonne, pas trop négative, de se sentir exister par soi-même comme une entité. La séparation est alors un pas dans le processus d’individuation et de constitution du "self".
La fin du placement serait ainsi signifiée par la constitution d’une vie psychique interne pour un accueilli qui assumerait son désir de sujet, signe d’une séparation symbolique réussie par la restauration de la capacité à penser qui permet la transformation d’un symptôme transmis en une capacité à devenir sujet de son existence et à créer du lien social.
Jean Cartry a observé que les jeunes accueillis qui évoluent le plus favorablement dans leur vie affective et sociale sont ceux dont les parents et le milieu d’accueil ont réussi à formaliser un minimum d’alliance. Est-ce à dire que c’est la mise à distance, sans rupture, des relations entre parents et enfant qui permet à l’enfant d’élaborer en lui le travail psychique des images parentales nécessaire pour accéder à la symbolisation de ses liens et à assumer son désir de sujet ?
bibliographie
Berger M. "Les séparations à but thérapeutique", Privat, 1992
Cartry J. "Une famille thérapeutique", in Le journal des psychologues, n° 150, septembre 1997
David M. "Le placement familial, de la pratique à la théorie", ESF, 1989
Jaoul H. "L’enfant captif", éditions universitaires, 1991
Sellenet C, Tendron F. "Evaluation de la parentalité : étude comparative des critères retenus lors de la séparation et du retour des enfants placés", colloque international de Padoue, avril 1999