En raison de sa nature, de ses aléas et de ses contraintes spécifiques, le travail des familles d’accueil échappe à la reconnaissance traditionnelle d’une activité rémunérée. Néanmoins, l’envisager comme un métier possède le double avantage d’en définir les caractéristiques et de l’inscrire dans le cadre de pratiques sociales identifiées.
La réglementation relative aux assistantes maternelles d’une part, et à l’accueil par des particuliers d’autre part, fournit les bases du statut des accueillants, à savoir l’ensemble des droits auxquels ils peuvent prétendre et des devoirs ou des responsabilités qui en découlent. Mais, le statut accordé aux assistantes maternelles apparaît comme cohérent et apte à définir une profession, alors qu’il est paradoxal et insuffisant pour les « particuliers » accueillant des adultes. Cet écart traduit l’évolution et la reconnaissance différentes de deux types de prise en charge : l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). d’enfants et l’accueil familial d’adultes.
Le poids du passé reste important à qui considère peu ou prou que les activités d’accueil à domicile ne méritent pas qu’on se penche sur leur réalité ou leur pertinence. De plus, jusqu’ici, toutes les améliorations envisagées semblent vouloir éviter l’écueil du coût qu’engendrerait un statut trop élaboré, et se réfugient parfois derrière des considérations tenant à la crainte plus ou moins exprimée de déformer un travail familial idéalisé et finalement peu conceptualisé.
Cependant, la modification symbolique produite par le statut de professionnel n’affecte que de façon secondaire l’essence de cette expérience. En revanche, elle transforme profondément les conditions de sa réalisation. Un joueur de football amateur perd-il ses qualités techniques et son intelligence du jeu lorsqu’il passe professionnel ?
Sauf à fétichiser l’argent de façon magico-religieuse à la manière du guérisseur qui perdrait de son efficacité s’il se faisait payer, le dispositif de l’accueil familial, pas plus que d’autres dans les domaines du soin ou de l’éducation, ne se vide de sa substance à se professionnaliser. Au contraire, les nouvelles exigences de son exercice ainsi induites permettent d’en limiter les inconvénients.
Certes, reconnaître et améliorer les conditions de travail des accueillants s’avère complexe. En effet, leur activité est basée sur la vie familiale, sa disponibilité, sa permanence et sa constance, éléments difficiles à appréhender. Une disposition qui, par exemple, décomposerait l’activité des familles d’accueil en temps de travail et en temps de repos quotidiens ou hebdomadaires est donc difficilement envisageable, sauf à remettre en question la singularité de ce mode de prise en charge.
En fait, tout statut des accueillants (des assistantes maternelles en particulier) est obligé de composer entre l’application stricte du code du travail et des propositions dérogatoires pour prendre en compte les caractéristiques de cette activité. Il est évident que cet argument s’avère totalement insatisfaisant lorsqu’il est envisagé pour réduire le coût des prestations offertes ou lorsqu’il renforce la dévalorisation d’un travail encore largement méconnu.
Le statut des assistant(e)s maternel(le)s
Certaines dispositions du statut des assistantes maternelles s’appliquent en fait à deux activités différentes. Pour des raisons liées à l’histoire du nourrissage et au poids des représentations de l’activité de garde d’enfants à domicile, le législateur a maintenu une dénomination unique pour les assistantes maternelles à titre non permanent (agréées pour l’accueil de jour), et pour les assistantes maternelles à titre permanent (agréées pour l’accueil plein temps) et recrutées par un dispositif d’accueil familial.
Deux métiers reconnus par un seul texte, et différenciés par quelques articles de loi, alors que les assistantes maternelles qui travaillent dans un dispositif d’accueil familial ont un employeur, personne morale de droit public ou privé, deviennent des employés aux côtés d’autres professionnels d’une institution du secteur social, médico-social ou sanitaire, et participent à un projet éducatif ou thérapeutique.
Leur statut gagnerait donc à être clairement identifié, par exemple en recourant à des désignations plus adaptées telles que "accueillant familial
accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
", "assistant en accueil familial", "assistant familial", ou encore "unité d’accueil familial", cette dernière terminologie étant utilisée par les textes organisant l’accueil familial thérapeutique
AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
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Le statut des assistantes maternelles a été largement commenté, et ces différents aspects analysés par les associations d’assistantes maternelles ou d’employeurs. Pour ce guide, il semble donc suffisant d’en rappeler les grandes lignes et quelques-unes des limites concrètes.
Pour tenir compte des particularités de la profession liées notamment aux besoins des enfants accueillis, le législateur a défini un statut professionnel largement dérogatoire au droit commun du travail. Ainsi, logiquement, des dispositions spécifiques s’appliquent en matière de rémunération, de durée du travail, de droit à congés, de rupture du contrat de travail. De plus, des nuances ont été introduites selon que les employeurs sont des personnes morales de droit public ou de droit privé.
Les assistantes maternelles employées par des personnes morales de droit public (collectivités territoriales, établissements publics de santé, établissements médico-sociaux publics) deviennent des agents non titulaires de ces collectivités ou de ces établissements.
Pour les agents des collectivités territoriales, des précisions quant à leur statut ont été apportées par décret, alors que les précisions portant sur le statut des assistantes maternelles employées par des établissements publics de santé ou des établissements sociaux ou médico-sociaux publics ou à caractère public sont toujours en attente.
Pour les assistantes maternelles employées par des collectivités territoriales (les plus nombreuses, embauchées par les services d’aide sociale à l’enfance), les dispositions statutaires en matière d’agrément, de contrat, de rémunération et de formation prévues par la loi ont été complétées par le décret n°94-909 du 14 octobre 1994 qui détaille les conditions de recrutement, les différents congés (annuels, de maladie, de maternité, pour évènements familiaux, de formation, parental), le droit syndical, la hiérarchie des sanctions disciplinaires, et les modalités de licenciement.
Des précisions qui sont, en partie, perçues comme marginalisantes car le décret n’octroie aux assistantes maternelles que quelques-uns des articles du décret n°88-145 du 15 février 1988 [1], dont certains relèvent du « gadget », tel l’article 19 qui donne la possibilité de congés sans traitement pour exercer les fonctions de membre du gouvernement ou pour remplir un mandat à l’assemblée, ou l’article 20 qui permet de mettre en congé sans solde l’agent non titulaire pendant l’accomplissement du service national (vu la féminisation de la profession, et la fin de la conscription obligatoire, où est l’avantage ?).
En revanche, rares sont les assistantes maternelles qui bénéficient de l’accès aux comités des œuvres sociales.
Les points particuliers du statut des assistantes maternelles employées par une personne morale de droit privé ont été précisés et adaptés par des dispositions conventionnelles utilisées selon l’adhésion de leur employeur à l’une ou l’autre des conventions existantes.
Les établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (FEHAP) se réfèrent à la convention du 31 octobre 1951 qui comporte une annexe relative aux assistantes maternelles des services de placements familiaux spécialisés, issue d’un avenant réactualisé en septembre 1994.
Les autres employeurs potentiels (signataires de la convention collective du 15 mars 1966) se référaient à un protocole d’accord du 30 octobre 1986, dénoncé le 1er février 1997 afin de renégocier avec l’ensemble des partenaires sociaux un nouveau protocole signé le 4 juin 1998. Celui-ci, qui améliorait notablement la situation des assistantes maternelles en les intégrant à la convention du 15 mars 1966, n’a pas été agréé par le ministère de l’emploi et de la solidarité. Le débat est toujours d’actualité.
Non seulement la disparité des textes ne contribue pas à unifier les différents aspects de l’exercice de la profession, mais, de plus, les dispositions légales et les précisions apportées ne suffisent pas toujours à prendre en compte la réalité du métier.
Par exemple, les droits en matière de congés, congés maladie ou pour événements familiaux, sont prévus mais difficiles à faire valoir, tant les assistantes maternelles, préoccupées par les enfants qu’elles élèvent, peuvent taire leurs revendications. Comment concilier l’intérêt de l’assistante maternelle et de sa famille qui éprouvent la nécessité de se ressourcer et le besoin de l’enfant qui exige continuité et fiabilité ? Comment peuvent être aménagés les congés, des week-ends de repos, ou même les arrêts maladie d’une assistante maternelle ?
Les employeurs sont ici tenus d’inventer des réponses appropriées avec les assistantes maternelles pour que les enfants bénéficient des meilleures conditions de prise en charge.
Dans un autre domaine, ni la formation, ni les dispositions prises en matière de rémunération, ne permettent une évolution dans le métier d’accueillant, ou même dans les métiers de l’enfance comme pour les autres professionnels.
Enfin, les lois de la décentralisation accentuent les disparités de salaire de cette profession peu identifiée. Ceux-ci s’échelonnent de la moitié d’un SMIC mensuel à environ un SMIC mensuel pour l’accueil d’un enfant. Les mêmes disparités existent d’un département à l’autre pour les indemnités d’entretien.
Le statut des accueillants d’adultes
Le statut des accueillants d’adultes est paradoxal et ambigu. Exerçant une activité libérale sous condition d’agrément, de contrôle et de formation, les personnes agréées signent un contrat avec la personne accueillie. Dès lors, leur prestation d’accueil devient une activité rémunérée, sans pour autant leur octroyer les droits et avantages habituels des salariés.
C’est ce vague cadre qui structure l’accueil familial social des personnes âgées ou handicapées, et qui définit les diverses dispositions du statut des accueillants. D’autres conditions statutaires sont en principe accordées aux familles d’accueil travaillant avec des services d’accueil familial thérapeutique, ne serait-ce que parce que le contrat d’accueil est signé avec le directeur de l’établissement qui les emploie. Enfin, les familles qui accueillent des toxicomanes font l’objet d’une autre approche.
Pour en revenir au statut des accueillants de l’accueil familial social, son caractère « libéral » découle de leur maîtrise de l’activité qu’ils choisissent en accueillant telle ou telle personne, sans lien de subordination à un employeur qui leur imposerait ses normes de travail.
La définition de leur activité dépend des éléments du contrat, de la rémunération notamment, mais surtout de la spécificité de la prestation d’accueil offerte. Les accueillants deviennent des prestataires au service d’un « client » en situation de monopole qui, dans ces circonstances, prend les allures d’un employeur.
Le contrat, seul pilier légal, est un contrat particulier... entre particuliers qui confine les familles d’accueil dans un statut juridiquement inclassable. Ceci d’autant que les dispositions en matière de rémunération les assimilent à des non-salariées au regard du code du travail, à des salariées au regard de la sécurité sociale et de la fiscalité, à des prestataires de service et à des loueurs de chambres qui peuvent être ou non meublées.
Cette solution bâtarde a été retenue afin de minimiser les coûts de l’accueil familial. Désigner un réel employeur des familles d’accueil aurait impliqué des bases de rémunération plus réalistes, des cotisations sociales, et surtout des dispositions concrètes en matière de repos ou de cessation d’activité (comme c’est le cas pour les assistantes maternelles).
Lorsqu’elles sont recrutées et rémunérées par un établissement de soins, les familles d’accueil sont soumises à des interprétations locales des textes. Certains établissements leur ont donné un statut équivalent à celui des assistantes maternelles, alors que d’autres s’inspirent de celui de « collaborateur occasionnel du service public hospitalier » au titre du décret n° 91-155 du 6 février 1991. Enfin, d’autres établissements sont restés au plus près des conditions prévues dans le cadre de l’accueil familial social en appliquant plus ou moins clairement les précisions apportées par une note d’orientation du 27 décembre 1991 émanant de la direction des hôpitaux.
Cependant, une distinction fondamentale existe entre ces « unités d’accueil familial thérapeutique » et les "particuliers" de l’accueil social : quelles que soient les règles appliquées en matière de rémunération, de conditions de travail ou de congés annuels, l’accueillant employé d’une personne publique a la qualité d’agent public. Cela signifie qu’en cas de litige, le juge administratif sera compétent, et non le juge judiciaire.
Lorsque les familles d’accueil sont salariées de l’établissement, celui-ci doit prévoir des indemnités de congés payés congés payés Les accueillants familiaux "de gré à gré" sont employés par des particuliers (les personnes accueillies). Pendant leurs congés, ils n’ont donc pas droit au maintien de leur salaire. En compensation, toute heure travaillée (y compris les heures de sujétions particulières) doit être majorée d’une prime pour congé payé de 10%. , voire de licenciement, et verser la totalité des cotisations sociales.
Les familles qui accueillent des toxicomanes ont un statut ambigu, entre un bénévolat qui ne saurait se dire et une professionnalisation tabou. L’originalité vis-à-vis des deux autres cadres de l’accueil familial des adultes tient dans la notion d’appartenance à un « réseau de familles d’accueil ». Le centre qui gère le dispositif n’est pas employeur, mais les familles s’engagent par écrit à respecter les clauses d’un règlement intérieur dont le non-respect entraîne la « radiation » du réseau.
L’activité des familles d’accueil est si spécifique qu’aucun statut professionnel, aussi précis et avantageux soit-il, ne pourra prendre en compte cette particularité qui consiste à travailler avec son environnement familial comme outil. Pour autant, il est indispensable que les accueillants puissent se référer à un statut cohérent notamment du point de vue du code du travail, même si des éléments dérogatoires sont possibles comme c’est fréquemment le cas dans la législation française.
De plus, le statut et la reconnaissance professionnelle des accueillants sont corrélatifs de la définition de dispositifs d’accueil familial et de leur place dans la panoplie des aides aux personnes.
Sur l’autre plan, l’amélioration du statut des familles d’accueil est à envisager afin d’éradiquer les disparités actuelles, d’harmoniser les modes d’accueil social, thérapeutique, d’enfants et d’adultes, pour trouver des réponses adaptées à la spécificité de leur activité, clé du développement futur de l’accueil familial.
bibliographie
Cébula J.C. « L’accueil familial des adultes », Dunod, 1999
L’accueil familial en revue n° 1 : "Le statut des familles d’accueil", février 1996, éditions I.P.I.
"Guide Assistantes maternelles", TSA, 1999