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Aidants familiaux : séparation et sentiment de culpabilité

Auteur : Agnès Moulin-Hako, éducatrice spécialisée - Revue "Prendre soin à domicile" n°8, juillet - août 2006, page 22.

Gérontologie et handicap : l’aide apportée diffère

Agnès Moulin-Hako, éducatrice spécialisée auprès d’un organisme public multipartenarial, a travaillé pendant un an dans un service d’aide et d’accompagnement des personnes âgées et leurs familles. Elle intervient aujourd’hui dans un dispositif expérimental d’accompagnement socioprofessionnel renforcé pour des jeunes âgés de 16 à 30 ans reconnus travailleurs handicapés.

Ces deux expériences lui permettent de mesurer la différence entre l’aide apportée à une personne âgée et celle dispensée aux parents d’un enfant handicapé.


" J’ai été confrontée à plusieurs familles qui,
bien qu’elles exprimaient une demande
d’aide, rencontraient de grosses difficultés
pour accepter qu’une équipe de
professionnels puisse proposer à leur
enfant handicapé de développer son
autonomie, notamment en apprenant à
faire des démarches seul, que ses parents
accomplissaient jusque là (utiliser les
transports en commun, classer les papiers,
gérer le compte bancaire, prendre un
rendez-vous chez le médecin...).

C’est comme si les parents se sentaient
niés, dépossédés de leur rôle et de leurs
compétences.
Souvent, un des deux
parents a plus investi que l’autre dans un
rôle actif de soutien et " d’activeur "
des capacités de l’enfant et attend de lui,
à l’entrée dans l’âge adulte, qu’il soit
capable de suffisamment se débrouiller.
Si ce n’est pas le cas, alors ce parent
éprouve un sentiment d’échec et peut être
amené à penser " si mon fils/ma fille ne fait
pas assez de progrès c’est peut-être de
ma faute ? ". Cette culpabilité latente mue
souvent en agressivité envers lui-même, le
conjoint, l’enfant handicapé et/ou envers les
professionnels soupçonnés de vouloir
prendre sa place à côté de l’enfant.
"

Des approches différentes sur le travail de la séparation

" Aider ces parents à renoncer à " l’enfant
idéal " qu’ils n’ont pas eu n’a rien à voir avec
aider un aidant familial à accepter les pertes
physiques ou psychiques de son parent âgé,
à accepter d’occuper auprès de lui une place
de parent alors que, lorsqu’il était enfant,
son parent n’a peut-être pas été à la hauteur
de ses attentes...

En gérontologie, le travail de séparation
s’accomplit en général progressivement
et peut être facilité par une certaine
prise de conscience de la proximité de la
mort de la personne du fait de son âge.
L’urgence que les familles peuvent
ressentir de " régler " certaines choses
restées en suspens facilite, de mon
point de vue, l’accompagnement et le
soutien que les professionnels ou les
bénévoles peuvent apporter aux aidants
familiaux dans leurs relations avec leurs
parents âgés.

La séparation que les parents des jeunes
handicapés qui sont accompagnés dans le
service où je travaille ont à réaliser est
essentiellement symbolique et affective car
le pronostic de vie de leur enfant n’est pas
en jeu. Alors qu’en gérontologie, l’aidant familial,
souvent enfant de la personne âgée, doit
accepter de voir reculer, puis s’effacer, les
capacités de la personne, voire la personne
elle-même, dans le secteur du handicap,
les parents ont à accepter de faire reculer
leur propres capacités, de s’effacer
eux-mêmes pour que leur enfant trouve
et s’appuie sur ses propres ressources et
capacités.

Dans les deux cas, il s’agit bien de faire
des deuils, d’accorder des pardons (à soi,
à l’autre), de supporter la solitude, de
repositionner des rôles... Les sentiments
de peur, culpabilité, [1]
tristesse, espoir, etc.,
sont bien identiques. Pourtant, il me semble
qu’il est parfois plus difficile pour les
parents d’enfants handicapés que pour les
enfants de personnes âgées de traverser
ce chemin de souffrance... ".

Alors que faire pour aider les parents d’enfants handicapés ?

Tout d’abord reconnaître et
valoriser les ressources déjà déployées
par les familles pour stimuler l’enfant.

Ensuite, peut-être, ne pas avoir peur de
faire émerger et d’accueillir l’expression
de souffrances trop longtemps contenues
par rapport à la situation de handicap de
l’enfant, surtout lorsque celle-ci est le
résultat d’une erreur médicale ou lorsque
le handicap a été mal annoncé ou expliqué.

Permettre aux parents de nommer leurs
espoirs déçus dénoue des blocages, réduit
les sentiments de culpabilité et diminue
l’agressivité envers l’enfant ou les
professionnels.


Notes

[1Commentaire de Famidac : le même sentiment de culpabilité est souvent ressenti, à tord, au moment de "confier" une personne âgée ou un adulte handicapé à des accueillants familiaux...