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et de leurs partenaires

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Portes ouvertes sur l’accueil familial

Magazine BIMSA n°82, mars 2008, pages 20 à 33

Merci à la MSA, qui a organisé une journée sur "l’accueil familial social, une solution d’avenir" et nous a autorisé à publier ici ce dossier, enrichi de deux splendides vidéos.

Enjeux - Accueil chez des particuliers, une vie en famille

Sommaire :

  • En Dordogne et dans le Puy-de-Dôme, des familles nous ont ouvert leurs portes. Reportage.
  • Dans le Tarn-et-Garonne et en Côte-d’Or, témoignages d’accueillants.
  • Entretien avec Jean-Claude Cébula, psychologue clinicien à l’Institut de formation, de recherche et d’évaluation des pratiques médico-sociales.
  • Le cadre de l’accueil à domicile est clairement défini. Dans quelles conditions celui-ci peut-il se réaliser ? Questions-réponses.
  • Le statut de l’accueillant au cœur de l’actualité. Un rapport sur le sujet vient d’être commandé par le gouvernement.
BIMSA n°82, mars 2008
Cliquez pour télécharger les pages 20 à 33 (format PDF avec photos et illustrations)

Extraits

Pour les personnes âgées et les adultes en situation
de handicap, l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). constitue une alternative
intéressante entre le maintien à domicile et la prise
en charge par une institution. Si elle présente l’avantage
d’élargir la palette de l’offre, principalement en
milieu rural, cette formule d’hébergement individualisé
peut surtout correspondre à un vrai
choix de vie dans un cadre personnalisé,
pour les accueillis, en même temps qu’à
un choix professionnel et humain d’ouverture
aux autres, pour les accueillants.

Mais cette solution de proximité, qui
participe au développement des territoires
et de l’emploi, est encore bien mal
connue et trop peu valorisée, aussi a-t-elle
peine à décoller, voire à se maintenir. Elle répond
pourtant à un besoin qui, lui, risque de s’accroître,
notamment avec le vieillissement de la population.

Témoignages et explications.

« Nous sommes juste une famille, c’est notre force »

Film tourné chez Nathalie Desserteau (accueillante familiale en Côte-d’Or, membre de Famidac) et projeté le 18 mars 2008, au cours de la journée "l’accueil familial social, une solution d’avenir".


Film réalisé par Maurice Ferlet - © CCMSA – mars 2008


Nathalie Desserteau accueille chez elle, avec
son mari Christophe, agriculteur en Côte-d’Or,
et ses trois enfants, trois jeunes adultes
Patricia, Annick et Daniel, les deux derniers
de façon permanente.

« Devenir accueillante a été l’aboutissement d’un chemin de réflexion
sur un avenir professionnel. Malgré les
appréhensions de devoir intégrer à la maison
des personnes ayant des problèmes, nous nous
sommes lancés, avoue-t-elle. Notre travail est
de leur apporter une aide, une compagnie,
un confort. Çà, je le savais. Mais ce que je ne
savais pas encore, c’est tout ce que, eux, nous
offrent : des moments riches en émotions, une vision de la nature humaine extraordinaire, des moments difficiles parfois et aussi quelquefois fatigants et intrusifs. Mais après la crise, revient un beau soleil encore plus rayonnant. »

« Je suis bien ici. Je suis au calme. On ne se dispute pas », apprécie Patricia qui, avec Annick et Daniel, partage la vie de la famille, dans laquelle ils se sentent parfaitement intégrés. Ils disposent chacun d’une chambre dans une partie de la maison, la famille vivant dans l’autre. « Au niveau affectif, on est attaché à eux, comme à quelqu’un de la famille », reconnaît Nathalie. Très sensible, elle voit tout de suite quand quelque chose ne va pas chez l’un d’eux. « Apprendre à comprendre les gens, c’est enrichissant à tous points de vue. » Elle ajoute : « Nous n’avons rien d’extraordinaire à leur offrir. Seulement un peu de temps, d’affection et de compréhension. Nous sommes juste une famille et c’est çà notre force, je crois ».

Anne Pichot de la Marandais

La chaleur d’un foyer

En Dordogne, deux accueillants nous ont reçu
pour témoigner de leur quotidien. Rencontres.

Sylvain Evrard et son épouse Emmanuelle le
revendiquent ; ils ont besoin de temps pour
faire les choses. Leur univers de vie, ils l’ont
construit petit à petit, graduellement, en se
questionnant, en échangeant, et en faisant
des choix nets. Choix en terme d’activité
agricole : sur la ferme en agrobiologie, à
Miallet, ce sont des moutons qu’Emmanuelle,
chef d’exploitation depuis 14 ans, élève,
rejetant la course à l’agrandissement, qui a
conduit à « la déstructuration du tissu social
en milieu rural » et le système de primes en
agriculture, qui « a pourri le climat ». Choix
aussi en terme d’activité complémentaire, avec
la construction de deux gîtes. Choix encore
d’une « activité sociale qui nous manquait »,
avec l’accueil familial, pour lequel Sylvain a
obtenu un agrément l’an dernier. Leur volonté
est de rester ensemble sur la ferme, maintenir
une vie de famille soudée avec leurs deux
enfants de 15 et 10 ans, continuer à bâtir
des projets (le prochain devrait être un gîte
pour des personnes handicapées), en toute
indépendance, loin d’« une vie de dingue ».

Henri a sa place sur la ferme

Sylvain dit bien qu’il a « eu une vie avant :
des études en fac de droit, un emploi de
métreur en entreprise ». Il a décidé d’en
changer. Ce qu’il privilégie avant tout : la
qualité de vie et la relation humaine. « Il faut
essayer de bien vivre ensemble, en harmonie.
D’autant que nous sommes dans un
monde qui engendre de nouveaux exclus.
Avant, tout le monde parvenait à trouver
sa place. Or, sur une ferme, je pense que
chacun peut la trouver. Elle offre de nombreuses
activités, qui sont importantes
pour la reprise de confiance en soi. On
peut y prendre l’initiative. »
Henri, qui partage
le quotidien d’Emmanuelle et Sylvain
depuis trois mois, profite à plein de cette
nouvelle possibilité de vie. « En deux ans de
temps, j’ai perdu mon père, ma soeur. »

Au décès de celle-ci, un tuteur a été nommé.
Henri est alors allé vivre chez une bellesoeur,
mais ça ne collait pas. D’où la solution
de la famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! . Très valide,
assez autonome, il est en capacité de s’occuper
seul. Il sait profiter de la nature avec
de longues balades à vélo, des promenades
à pied. Henri aime bien soigner les
volailles. Il a aussi repeint l’ancien semoir
installé à l’entrée de la propriété. « Il se
sent comme les autres en étant ici »
, commente
Sylvain. Mordu de jardinage, Henri
a un bout de terrain qui lui est réservé – « ça
m’occupe la tête ». « Il va d’ailleurs me
donner des leçons de jardinage, signale
Sylvain. La complémentarité est bonne
pour tout le monde. »

« Nous ne sommes pas des saints »

« Apprendre les uns des autres, apprendre
à regarder le monde, à écouter, être modeste
et ne pas se dire que l’on sait tout… »
Pour
faire ce métier, il est essentiel selon Sylvain
d’être « ouvert, réceptif. Plus que de la
tolérance, il faut du respect. Je ne suis pas
un copain, pas un directeur de conscience
non plus ; il faut accepter la différence. »

Du respect donc, et « des règles du jeu
claires, posées dès le départ »
. À cet égard,
la période d’essai – d’un mois renouvelable
– est « indispensable » ; elle permet de
faire connaissance et de s’apprécier, ou
non : « Ce métier n’est pas un sacerdoce,
nous ne sommes pas des saints »
. La liberté
de choix pour les uns et les autres paraît
essentielle. Sylvain juge également positive
la contractualisation, garantie de règles
bien établies. Une fois que tout cela est
posé, que le contrat est conclu, c’est l’apprentissage
de l’autre et la construction
de relations. Relations avec l’accueilli, avec
la famille naturelle de celui-ci, avec le tuteur,
avec les décideurs… C’est aussi le recours
à la formation. Sylvain s’y consacre une
après-midi par quinzaine, pendant un an
(60 heures) : interventions de spécialistes
sur la personne âgée, la personne handicapée,
sur l’alimentation, informations juridiques,
psychologiques… « La formation
constitue un gage de reconnaissance du
métier d’accueillant. » Un métier qui reste
pourtant précaire, sans droit à l’assurance chômage – « si l’accueilli part, s’il y a rupture
de contrat, on n’a plus de revenu »
. Se
pose également le problème du remplacement.
Pour l’heure, Sylvain et Emmanuelle
ont réglé la question : « On prendra nos
vacances en même temps qu’Henri. »
Ils ne
s’absentent d’ailleurs jamais bien longtemps
et soulignent qu’« une ferme, c’est
un camp de base, on y revient toujours »
.


« “Famille d’accueil”, les deux mots sont importants.

Les personnes que l’on accueille,
il faut les considérer comme faisant partie
de la famille, il faut en prendre soin, les
encadrer avec douceur. »
Christiane Veissière
sait de quoi elle parle, elle qui reçoit depuis
fort longtemps des personnes ayant un
handicap mental ou des problèmes psychiques.
« Je fais ce métier depuis 10 ans. »

Michel fut alors le premier à arriver chez
elle. Et il est toujours là aujourd’hui. Il
nous fait visiter sa chambre avec vue imprenable
et plongeante sur la campagne
autour de Vanxains, bourg de l’ouest de
la Dordogne. Dans son espace, il peut
satisfaire sa passion pour la musique : sa
chambre est pleine de 45 tours, cassettes,
CD qui l’accompagnent dans son quotidien.

Un quotidien qu’il partage avec Jean-
Claude, arrivé chez les Veissière il y a deux
ans et demi, et Muriel, qui a rejoint la
famille depuis l’été dernier. Elle nous dit
très vite : « Ici, j’ai trouvé un bon coin pour
vivre »
, elle qui a connu des galères, des
périodes d’hospitalisation et des situations
qui ne lui convenaient pas : « Avant,
j’étais dans un appartement thérapeutique
à Bergerac ; je me sentais isolée, je
mangeais n’importe quoi, je me recouchais
la journée, ce n’était pas évident. »

Chez Christiane, elle semble visiblement stimulée : « Je lui ai transmis un peu de mon énergie », précise celle-ci.

« Être bien dans sa tête, patient, déterminé »

Déjà d’une nature heureuse et « capable de
s’amuser d’un rien », Christiane dit avoir,
grâce à ce métier, une « vision différente
de la vie, plus souriante, » et souligne « un
peu de lâcher prise par rapport aux petits
inconvénients du quotidien ». Une activité
qu’elle a choisie parce qu’elle sentait « avoir
la fibre », après s’être occupée de son père
malade, puis d’un oncle. « Je n’en changerai
pour rien au monde, affirme-t-elle. Je fais
un métier utile et les personnes que j’accueille
m’apportent beaucoup. Michel,
Muriel et Jean-Claude sont toujours de
bonne humeur dès le matin au réveil, ils sont
gentils et chaleureux. »

Si, pour Christiane,
cette vie paraît simple et la situation naturelle,
elle convient qu’il faut d’abord « être
solide sur le plan psychologique. Être bien
dans sa tête, patient et déterminé, tolérant
aussi. »
Elle apprécie l’écoute et le
soutien du Conseil général, en cas de
besoin.

Le quotidien est bien entendu très
prenant, d’autant que les trois personnes
dont Christiane s’occupe ne sont pas autonomes
 ; elle nous reçoit d’ailleurs l’après-midi,
le matin étant consacré à la toilette
de chacun, aux tâches ménagères. « Il faut
aussi gérer les prises de médicaments, les
rendez-vous chez le psychologue et les
professionnels de santé, aimer travailler
en équipe – avec les assistantes sociales, les
tutrices. »

Sérénité et organisation font
que tout semble s’enchaîner facilement
dans cette maison. Les repas sont toujours
pris en commun. « Si nous avons des invités,
tout le monde s’installe à la même
table. »
Pas de différence, pas de traitement
particulier, la participation à la vie
de la famille est essentielle. « Nous nous occupons
de personnes fragiles ; pour certaines,
le passage dans la famille d’accueil peut être
un tremplin vers une vie plus autonome, vers
un studio. Muriel, lorsqu’elle ira mieux,
pourra choisir d’aller vivre en studio. Mais
peut-être n’en aura-t-elle pas envie. »

Et qu’en est-il du regard porté par l’extérieur
sur la vie qu’a choisie Christiane ?
Muriel, Jean-Claude et Michel ont été bien
acceptés dans la commune. Christiane
signale tout de même : « On a perdu
quelques amis au passage, il n’y a que les
meilleurs qui restent. »

Gildas Bellet

Témoignage : « C’est notre engagement »



Le voyage de Jean-Marie
Film réalisé par Maurice Ferlet – © CCMSA – mars 2008


Jean-Marie Blanc, 59 ans, vit chez Jean-Paul et Colette Bougerol, dans le Tarn-et-Garonne, depuis mi-juillet 2007, et une grande complicité
les unit. Handicapé moteur depuis la naissance, s’il a quelques difficultés d’élocution, « on peut tenir une conversation avec lui, sur n’importe quel sujet », se réjouit Jean-Paul.

Malgré son handicap, Jean-Marie a passé son bac et travaillé dans un CAT. Il avait sa maison et conduisait une voiture sans permis. Mais quand il doit quitter le CAT, vivre en maison de retraite ne lui convient pas. Il souhaite alors être hébergé dans une famille d’accueil. Il partage aujourd’hui la vie des Bougerol qui mettent à sa disposition une chambre et un bureau, soit 23 m².

« La première fois que j’ai vu Jean-Marie, j’ai paniqué face à son handicap physique, reconnaît Colette. J’ai pensé que je ne pourrais pas y arriver. Et après, je l’ai trouvé très intéressant au fil des discussions. Je me suis dit : c’est notre engagement. On y va. Et cela s’est vraiment très bien passé. »

Jean-Marie est satisfait : « J’ai retrouvé une structure familiale et
une vie de famille »
, dans laquelle il se sent accepté. En fait, Jean-Paul et Colette continuent à vivre normalement, tout en intégrant une personne en plus.

Anne Pichot de la Marandais

Interview : Alain Cournil, directeur général de la Fédération MSA Dordogne Lot-et-Garonne

L’accueil familial est-il développé en Dordogne ?

Alain Cournil : Il y a à peu près 400 personnes
accueillies par 250 familles. Sur la partie
bergeracoise, la tradition d’accueil est
très forte. De nombreux exploitants agricoles
notamment ont reçu et reçoivent
des enfants. Autre formule développée :
l’accueil thérapeutique. Mais le département
compte aussi beaucoup de personnes âgées :
il y a donc des besoins importants, avec des
gens aux revenus relativement faibles. Il
s’agit pour certains de trouver des solutions
alternatives, moins coûteuses que les maisons
de retraite. Beaucoup d’entre
eux cherchent à finir leurs jours près
de l’endroit qu’ils ont aimé, où ils ont
vécu.
Favoriser l’accueil familial, c’est
offrir une solution très proche de la vie
de famille. L’encourager, c’est aussi maintenir
l’activité au plus près des territoires
de vie. Sur un plan économique,
en terme de gestion patrimoniale, cela
peut également conduire à une diminution
des besoins en financement de structures.

Quelle est l’implication de la MSA de la Dordogne ?

A. C. : Elle s’est d’abord matérialisée
par l’offre de prêts sociaux pour des travaux
d’amélioration de l’habitat.
En vue de
l’obtention de l’agrément ou de son extension,
la MSA offre ainsi la possibilité d’un prêt
pour la rénovation d’une pièce, pour la réfection
d’une salle de bains... Remboursable sur
des délais assez courts (avec un maximum
de 5 ans, durée pour laquelle l’agrément
« famille d’accueil » peut être accordé), ce
prêt concourt à l’amélioration des conditions
de vie, mais aussi à l’entretien et la préservation
du patrimoine rural.

Autre implication
avec, en juin 2006, l’organisation de réunions
d’information et de sensibilisation, à la
demande du Conseil général, sur 6 cantons
du nord du département,
où l’accueil est encore peu développé.
La MSA s’est aussi investie pour l’aide aux formalités
administratives. Pour cela, nous avons proposé
un partenariat au Conseil général, par l’intermédiaire de notre groupement d’employeurs, l’APAMH (Aide aux
personnes âgées, malades et handicapées),
association agréée services à la personne. Un
partenariat constitué de deux volets : en premier
lieu, nous jouons un rôle d’interface en
accomplissant les formalités administratives
qui incombent aux accueillis, employeurs de
la famille d’accueil : nous réalisons ainsi la
demande d’immatriculation Urssaf, le relevé
mensuel de contrepartie financière [pas de
contrat de travail, donc ce n’est pas un bulletin
de salaire], la déclaration de cotisations
sociales trimestrielles.

Sur deux ans, nous
avons ainsi géré environ 150 dossiers, et nous
établissons actuellement chaque mois 70 relevés
mensuels de contrepartie financière. En
second lieu, nous nous sommes positionnés
sur la difficile question du remplacement des
accueillants. Notre idée est d’avoir à disposition
un volant de personnes pour pouvoir
assurer ces remplacements. Se pose à l’heure
actuelle la question du statut du remplaçant,
de sa rémunération, de ses conditions de travail.
La possibilité de salarier directement
des familles d’accueil manque. Dès que ce
sera possible, nous sommes prêts, en ce qui
concerne le remplacement,
mais aussi pour
la proposition d’une offre de formation. [...]

Propos recueillis par Gildas Bellet

Vivre ensemble

Dans le Puy-de-Dôme, l’accueil familial social fait son chemin.
Rencontres avec deux familles qui ont fait le choix d’héberger
des personnes âgées et des personnes handicapées.

Confortablement installées dans la vaste salle
de séjour, Madeleine, 81 ans, et Gisèle,
64 ans, tricotent tout en regardant la télévision…
Deux mamies comme bien d’autres,
sauf qu’elles n’ont aucun lien de parenté
avec Marie-Jeanne Madeuf, chez qui elles
vivent, à Tauves, au sud-ouest du département
à la limite du Cantal.

La première est arrivée il y a deux ans : célibataire et habitant
jusqu’alors chez son frère, elle avait été
placée temporairement en établissement
au décès de celui-ci. « Je ne pouvais pas
rester là-bas, dit-elle. Marie-Jeanne, c’est
comme ma famille. Je suis bien ici. »

Gisèle n’est là que depuis six mois. Après avoir
connu des problèmes familiaux qui l’ont
obligée à trouver une autre forme d’hébergement,
elle aussi apprécie tout particulièrement
la chaleur du foyer de Marie-
Jeanne. Celle-ci explique sa démarche :
« J’ai décidé en 2005 d’arrêter mon métier
d’aide à domicile – que j’exerçais depuis
1993 – notamment en raison des conditions
de travail difficiles ; il faut circuler
beaucoup par tous les temps et ici les hivers
sont particulièrement rigoureux - nous habitions
alors à La Tour d’Auvergne où mon mari
était éleveur. »

Changer d’activité certes,
mais pour faire quoi ? « Compte tenu de
mon expérience auprès des personnes
âgées, mon choix s’est tout naturellement
porté sur l’accueil familial, qui me permettait
en outre de travailler chez moi. »
Une
décision réfléchie, prise en toute connaissance
de cause, d’une femme déterminée,
avec les pieds sur terre.

« Bernard, mon
mari, a tout de suite adhéré au projet. C’est
plutôt mon entourage professionnel, des amis
qui ont tenté de me dissuader, en avançant
que je ne tiendrai pas…. Mais en
vain »
, ajoute-elle en riant. Disposant d’une
maison à Tauves, jusqu’alors en location, elle
décide de l’aménager pour s’y installer et
accueillir ses « pensionnaires ».

Savoir s’organiser

Aujourd’hui elle parle de son métier tout simplement,

avec passion mais aussi avec réalisme
 : « J’ai actuellement 2 pensionnaires,
mais J’ai un agrément famille d’accueil pour
trois personnes. Je suis prête à recevoir une
personne handicapée. C’est un travail à
plein temps, je m’y suis engagée. il faut
être disponible, mais c’est une question
d’organisation. J’ai la chance d’avoir ma
fille et une ancienne collègue qui m’aident
et me remplacent pour une journée, en cas
de besoin. »

Pendant les 15 jours de vacances
qu’elle s’accorde avec son mari, c’est La Croix-
Marine – l’association qui s’occupe du placement
familial et du suivi des familles pour le compte
du Conseil général – qui prend en charge ses pensionnaires
dans le cadre de l’hébergement
temporaire.

Quant à la vie quotidienne, à
écouter Marie-Jeanne, tout se passe pour
le mieux. « Gisèle et Madeleine font partie
de la famille, elles m’aident pour de petites
tâches ménagères. Nous prenons nos repas
ensemble. Comme toutes les deux sont diabétiques,
avec Bernard nous nous sommes
tous mis au régime. Elles m’accompagnent
en voiture faire les courses. Quand nous
recevons des amis, elles sont bien
sûr avec nous. S’il fait beau, il nous
arrive d’aller pique-niquer. »
En un
mot, une vie de famille ordinaire…

Partage et complicité

Direction Verneugheol, sur le canton
voisin d’Herment, où nous attend Colette
Richard, une « ancienne » dans la profession,
comme elle aime à se qualifier.

« J’ai eu un premier agrément
famille d’accueil en 1997, j’en suis
maintenant à mon troisième. »
Forte
personnalité, un dynamisme à toute
épreuve, elle ne se lasse pas de parler
de son parcours, ses motivations,
sa vie de tous les jours avec
ses trois pensionnaires handicapées.

Christiane, 41 ans, est arrivée il y
a un an. Fait original : c’est elle
qui a contacté Colette : « Nous
sommes toutes les deux de Pontaumur et je savais
qu’elle faisait de l’accueil familial, je lui ai parlé de ma
situation – je ne voulais plus rester en établissement.
Elle a tout de suite dit oui. » « En fait, cela n’a
pas été aussi simple et il a fallu attendre un certain
temps avant d’avoir le “feu vert” du Conseil général »
,
précise Colette.

Dominique, 54 ans, est quant à elle
restée pendant 5 ans en
hôpital psychiatrique. « C’est un membre de ma famille
qui a lu l’annonce de
Colette qui recherchait des personnes à
accueillir. Ça été un soulagement de pouvoir
venir ici. Sinon, c’était la maison de
retraite. »

Le cas de Maria, 61 ans, d’origine
portugaise, est un peu différent. Elle
vit dans son monde et parfois on a du mal
à la comprendre, excepté Colette, qui s’est
chargée de toutes les démarches nécessaires
à son placement chez elle. Et c’est
bien cette complicité qui illumine les relations
entre Colette et ses pensionnaires.

« Rien ne me prédestinait à ce métier. Je
tenais un bar-restaurant avec mon mari à
Clermont-Ferrand. J’ai dû vendre pour raison
de santé. Nous avons alors rénové cette
maison que nous avions à Verneugheol et
nous l’avons transformée en résidence principale.
L’idée de devenir famille d’accueil a
germé et mûri lentement, mais au départ je
ne savais pas ce que c’était. »

Il faut dire que Colette aime les contacts. « Certes le
métier ne laisse pas une minute de répit. Entre
la toilette du matin, la préparation des repas,
le ménage et les courses, je n’ai pas beaucoup
de temps pour moi. Il a fallu que j’instaure
des règles de vie, la cohabitation n’est
pas toujours facile. Mais en contrepartie,
mes pensionnaires m’apportent beaucoup,
nous partageons des plaisirs simples. »

On peut ainsi croiser Colette, Christiane,
Dominique et Maria au marché, à la foire
ou à faire les courses. « Le dimanche, nous
allons au thé dansant, l’occasion de s’habiller
chic, de voir du monde… L’été dernier, nous
sommes tous partis, avec mon mari, en
vacances au bord de la mer. »

Les familles d’accueil se connaissent, se rencontrent
parfois, de façon informelle, spontanée
 ; c’est utile pour échanger, partager
les expériences. De même, les formations
qui sont proposées par les services du Conseil
général – quelques jour par an – sur différents
thèmes permettent de discuter du
métier, de décompresser. -

Un recrutement difficile

Aujourd’hui, sur le département, 198 familles sont agréées pour accueillir à leur domicile des personnes handicapées ou âgées. Sur le canton de Tauves, une douzaine de familles se sont lancées dans la démarche. Ce qui est insuffisant pour répondre à la demande.

« Le recrutement de familles d’accueil est un véritable problème », regrette Christophe Serre, conseiller général de Tauves. « Avec le concours de l’ANPE, nous nous sommes tournés vers les demandeurs d’emploi.
En avril 2007, un questionnaire a été adressé à des personnes susceptibles d’être intéressées ; sur 300 envois, nous n’avons eu que 7 réponses ! »

Marie-Jo Pourtier, assistante sociale à la MSA, qui n’a pas ménagé ses efforts et a rencontré individuellement des potentiels accueillants, constate que « beaucoup reste encore à faire pour valoriser l’activité… »

« En fait, reconnaît Christophe Serre, certains candidats ne vont pas jusqu’au bout de la demande d’agrément, qu’ils trouvent trop contraignante. Toutefois, nous pensons qu’il est important de poursuivre notre mobilisation pour développer cette forme de prise en charge et ainsi compléter le dispositif local en faveur des personnes âgées et de leurs familles, qui est aussi source d’emploi en milieu rural ».

Chantal Guennec

Pour découvrir ce dossier en version intégrale :

BIMSA n°82, mars 2008
Cliquez pour télécharger les pages 20 à 33 (format PDF avec photos et illustrations)

P.-S.

Vous pouvez demander le DVD regroupant les deux vidéos citées ci-dessus à la
Caisse Centrale MSA
Service de M. Bruno Lachesnaie
40 rue Jean Jaurès
93547 Bagnolet Cedex
Tél. 01 41 63 77 77