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Ici, c’est un lieu de rires, d’échanges et d’amour

Auteur : Katja Hunsinger, MAXI n° 940 (du 1er au 7 Novembre 2004) - extraits

Au jardin des aînés, personne n’est en reste : tout le monde s’occupe en participant à cette vie de famille pas comme les autres.

Mauroux - Jardin des aînés "Regarde !" Claire, 12 ans, montre fièrement le scoubidou aux fils en plastique rose et rouge qu’elle vient de tresser à Yolande, sa "copine". "C’est beau... Tu travailles drôlement bien, dis donc !" admire sa complice, sagement assise sur la terrasse ombragée. D’autres enfants chahutent non loin de là, et Yolande les regarde en souriant : peut-être a-t-elle envie de les rejoindre ? Après tout, ce n’est pas parce qu’on a 76 ans que l’on doit rester sage comme une image !

À coté, à la grande table ronde, les "garçons" tapent le carton. David, Raymond et Marc totalisent à eux trois ... 258 ans ! Henriette, une autre pensionnaire, les interrompt pour leur demander s’ils n’ont pas vu le journal, "son" Sud-ouest... "Eh. vous savez bien que nous, c’est plutôt la Dépêche du midi", dit Raymond avec son accent chantant... "Ah, vous alors !" rigole gentiment Henriette qui, du haut de ses 89 ans, repart à la chasse au journal.

Au Jardin des aînés, on peut dire que l’ambiance est... bon enfant !

On est loin, en effet, du quotidien d’une maison de retraite... Sans doute parce qu’ici ce sont trois générations qui cohabitent sous le même toit. Le petit bourg de Mauroux, dans le Lot-et-Garonne, est d’ailleurs devenu avec ce projet pilote un modèle pour toute la France !

L’idée originale : deux familles d’accueil vivant au premier étage de deux maisons adjacentes. Au rez-de-chaussée de chacune : trois chambres confortables, destinées à des personnes âgées, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Logées à l’étage, les maîtresses de maison s’occupent des repas (vin de table obligatoire : on n’est pas très loin de Cahors !), du linge, veillent aux médicaments à prendre et distribuent des petites tâches à exécuter...

Ainsi, dans la "maison des garçons", Véronique a chargé David, un ancien maçon venu d’Italie après guerre, 89 ans, et Marc (que tout le monde appelle Martou), 80 ans, d’aller chercher le pain tous les matins... "Ils participent également au jardinage, ajoute cette mère de famille de 37 ans. Le week-end, il leur arrive aussi de bricoler avec mon mari et Raymond, ancien agriculteur, fait de la vannerie : il a fabriqué des corbeilles pour tout le monde !"

En cas de problème, Véronique a une sonnerie à côté de son lit : "S’il arrive quelque chose, je n’ai que l’escalier à descendre, je suis à leur chevet en trente secondes !" dit-elle, très mère poule... Mais le plus touchant, c’est sans doute comment ses filles, Emma et Léa, 5 et 7 ans, ont su conquérir ces trois "vieux messieurs" ! "Ce matin, raconte Raymond, c’est Léa qui a ouvert mes volets : quel plaisir de voir sa petite frimousse me dire bonjour ! Et puis, quand elle est partie en vacances avec sa famille, elle m’a donné quinze petits cailloux : "C est le nombre de jours qu’on sera pas là", qu’elle m’a dit !

(...) "Moi, j’aime bien jouer au Scrabble avec eux, raconte la petite Claire. Ils m’apprennent plein de mots inconnus, ce que ça veut dire et comment ça s’écrit !" De leur côté, les seniors sont ravis que cette petite jeunesse emplisse leurs journées de questions, de rires, de jeux... et même de bêtises !

"Vous savez, dit David avec simplicité, quand on est vieux, les journées sont parfois longues. On pense au passé et, il faut bien le dire aussi à la mort... Mais ici, moi je pense à la vie !"

D’autre part. le séjour au Jardin des aînés coûte moitié moins qu’une maison de retraite classique ! "En tout, ça [leur] revient à 700 euros mensuels par personne, précise Véronique. Et même si pour me faire enrager ils m’appellent parfois "patronne", c’est moi qui suis à leur service ! Eux n’ont qu’à se laisser cajoler, et je le fais de tout mon cœur..."

Mais bien sûr, pour ça, il faut que les pensionnaires aiment les enfants ! "Une fois. raconte Sylviane, nous avons accueilli une dame qui les détestait : elle les chassait avec sa canne ! C’est simple, on l’appelait Tatie Danielle’’... Inutile de dire qu’elle n’a pas fait long feu chez nous !"

C’est "mamie" Henriette qui l’a remplacée et, avec elle, le sourire est revenu... Sa fille, Anne-Marie, qui passe lui faire un coucou tous les deux jours, explique : "Maman est tombée il y a un an. Elle ne pouvait plus vivre seule... Ici, Sylviane s’occupe bien d’eux. On peut passer quand on veut, et comme on n’habite pas très loin, le dimanche, on l’emmène déjeuner chez nous... Des maisons de retraite, j’en ai vues : les pensionnaires n’ont plus l’impression d’être des vraies personnes, on les traite comme des enfants !"

Et d’ajouter, avec un regard plein de tendresse pour sa mère : "Je suis rassurée de la savoir ici.. ." On ne pourrait trouver meilleur certificat pour le Jardin des aînés !

Un modèle qui fera école

À Mauroux, village de 430 habitants niché dans les vignes au-dessus du Lot, le conseil municipal s’est attaqué au problème des maisons de retraite trop pleines, en créant des logements spécialisés ou deux familles d’accueil hébergeaient de trois a six seniors. Un projet soutenu par les HLM locaux, l’état, le Conseil général et la Mutualité sociale agricole du Lot.

Les familles d’accueil, recrutées sur appel d’offre, sont logées (en location) au-dessus des pensionnaires dans un F4. Ca marche si bien, constate Monsieur le maire, que nous projetons de construire cinq autres maisons d’accueil." (...)

Mairie de Mauroux, tél. 05.65.36.51.27.

Le logement des personnes âgées : un vrai problème

La population des 85 ans et plus pose de gros problèmes d’accueil : de 200.000 personnes en 1950, elles étaient 1.250.000 en 2000 et dépasseront les 2 millions en 2020 !

"On reçoit parfois des personnes âgées dont l’état de santé ne justifie pas un séjour prolongé, mais dont les familles ne veulent plus s’occuper après : j’ai vu des familles s’éclipser à la sortie d’un parent !" dit le Dr Michel Cavey (...).

Aujourd’hui, plus de dix mille établissements publics et privés accueillent 650.000 personnes âgées. Le prix moyen est de 1.200 euros/mois (de 800 à 4.000 euros/mois). Le reste de la population âgée vit seul ou en famille.