Eve. Une mise au monde heurtée. Aveugle de naissance. Famille perturbée par l’alcoolisme. La fillette ne se développe pas normalement. A six ans on la met dans un institut médico-éducatif. Premiers drames « Je pleurais pour ne pas quitter ma famille » dit-elle mais finalement « là j’ai appris le piano. J’en suis heureuse. Mais pour les études, c’est resté très insuffisant. Je m’en suis mordu les doigts depuis. C’est en grandissant qu’on comprend ».
20 ans, le bel âge paraît-il. Pour Eve il n’y a pas de structure d’accueil. Retour chez les parents. Plus aucun soutien psychologique et pédagogique. « Je suis restée assise ou couchée pendant 6 ans ».
Et puis l’espoir d’une autre vie. Une famille qu’elle connaît propose de prendre la jeune fille chez eux. Par sympathie ? Non, parce qu’elle a une allocation d’adulte handicapé adulte handicapé Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir soit un taux d’Incapacité permanente partielle (I.P.P.) égal ou supérieur à 80%, soit un taux d’I.P.P. compris entre 50 et 80 % ET une reconnaissance d’inaptitude au travail. . Elle le saura trop tard.
« Ce fut le désastre », dit Eve. Dijon, puis Châteaubriant. La jeune fille est séquestrée dans sa chambre, volets fermés, interdiction de les ouvrir. Eve est nue, presque toute la journée. Les sévices se multiplient. Impossible à raconter. Les voisins sont-ils au courant de la présence de la jeune fille et de ce qui se passe ? Oui ? Non ? ils ne diront rien. Le médecin non plus.
Eve dépérit. Déprime, plus la force de manger. Elle ne contrôle plus son corps, elle vomit, elle défèque sous elle. La "famille" la fait interner. Les services psychiatriques remarquent que la jeune fille ne semble pas atteinte de maladie mentale. Mais elle ne dit rien. Elle a peur. " On " a tant exercé de menaces contre elle.
Les services psychiatriques comprennent qu’il ne faut pas la remettre dans le milieu "familial". A Châteaubriant, justement, Danièle a fait une formation pour être "accueillant familial
accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
" . Après un mois d’essai en mai 2004, Eve est accueillie par Danièle depuis juin 2004.
« Tout de suite nous nous sommes comprises » dit Danie, qui est chargée de protéger Eve, de l’aider à se construire. « Et moi je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie » ajoute Danie avec élan.
« Nous sommes heureuses toutes les deux » dit Eve avec un sourire chaleureux.
Danie et Eve, inséparables, font de la marche à pied, participent aux thés dansants, passent de la musique à la maison. Eve a sa chambre, elle s’habitue peu à peu aux lieux, commence à trouver son indépendance pour un certain nombre de tâches.
Malgré sa cécité, Eve sait se servir à boire, elle utilise le téléphone (avez-vous remarqué que la touche 5 comporte un point en relief ?). Elle suit très bien les émissions à la télé : une bonne ouie compense les yeux qu’elle n’a jamais eus.
Mais les journées sont longues quand même. Danie, et une voisine, se démènent pour elle, trouvent des livres en braille, lui offrent un lecteur de CD... La jeune fille rêve de reprendre le piano. C’est alors, heureux concours de circonstances, que le Rotary propose de satisfaire des « rêves ». Coup de chance, Eve l’apprend et, avec Danie, elle explique sa situation, et son désir.
8 mars, journée de la femme. Au milieu du "beau monde", Eve apprend qu’elle a gagné un synthétiseur. L’émotion l’envahit. « Je vais mettre le CD à la chaîne et puis jouer. Je joue souvent à l’oreille, je laisse mes doigts trouver la note juste. Ca vient tout seul ».
C’est une belle histoire, non ?
Danie qui, de son côté, a connu aussi une vie difficile, et Eve, la jeune fille martyrisée, sont peu à peu en train de construire une nouvelle vie.
« Nous nous sommes trouvées » disent-elles.
PS : c’est une histoire d’argent qui a fait " chuter " la famille : après avoir mis Eve à Pont-Piétin, elle a continué à se servir de son carnet de chèques sans savoir que celui-ci était automatiquement bloqué par l’hospitalisation. Chèques sans provision. Plainte de commerçants castelbriantais.
Eve accepte de porter plainte à son tour, pour faire comprendre sa situation. Effarement des gendarmes. Ce n’est qu’au bout de longs mois qu’Eve finit par révéler ce qu’on lui a fait subir. L’affaire vient de passer au tribunal de Nantes.
La femme a été condamnée de 10 mois de prison.
Contact accueillante : Daniele Guerrault, 3 rue Fontaine St Jean 44110 Châteaubriant - Tél.
02.40.28.25.81