Marie-Madeleine et Rémy Mitrope, à Challignac, ont ouvert leur porte aux personnes âgées et aux handicapés. Un métier de cœur qui s’est professionnalisé en 1989.
La véranda explose de couleurs. Ici les fleurs ne manquent pas de soins. Les petits mandarins, dans leur cage, gazouillent joyeusement. Choyés, ils en ont oublié leur grillage et se reproduisent sans retenue. Jacqueline s’est installée sous la tonnelle, à la table, d’où elle embrasse le tableau multicolore du regard.
Dans un moment, elle ira retirer quelques pétales fanés. Le jardin, c’est son royaume, où elle passe le clair de son temps. Elle vit depuis sept ans chez Madeleine et Rémy Mitrope, à Challignac. À 78 ans, sa vieillesse s’épanouit dans la sérénité, au milieu des géraniums, des verveines, des poules, ou de l’herbe qu’elle ira couper à la fraîche, pour l’âne.
Pendant ce temps, Simone, somnole dans son fauteuil. Alain est dans sa chambre. La vie s’égrène ainsi, paisiblement, à « L’épine », dans la famille recomposée régulièrement. Une famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! pour personnes âgées et handicapées. Une famille où la séparation fait aussi partie du contrat. Les pensionnaires finiront leur vie ici.
Une vocation depuis 1985
Rémy Mitrope était tabaculteur. L’ouvrage ne manquait pas. « Cela me plaisait bien », se souvient Madeleine, très engagée au sein du groupement de producteurs. Et puis un jour, il y a eu « Plume Poules », un voisin âgé. « Tout le monde l’appelait Jean Villars, comme ça, parce qu’il était cocassier. Il faisait commerce des œufs et des volailles. Nous étions fermiers chez lui. Un lien s’était établi entre nous. Un jour de septembre 1985, il nous a demandé s’il pouvait venir habiter chez nous. J’ai compris que c’était ma voie. Que je voulais m’occuper de personnes âgées. »
Elle en a fait son métier. Elle accueille régulièrement, simultanément, trois pensionnaires dans la maison qu’il a fallu aménager. Pourtant Madeleine sait que sa profession a ses revers. Qu’il faut parfois serrer les dents. À un moment, il faudra enlever un couvert sur la grande table commune.
« La plupart finissent leur vie avec nous. Rarement à l’hôpital. C’est dur. Mais cela fait partie de la vie. On s’attache plus ou moins. De toute façon, il en reste toujours quelque chose. »
Présidente de l’AFA 16
« Mais ceux qui me disent qu’ils veulent devenir famille d’accueil par plaisir, remarque Madeleine, je ne les crois pas. C’est un vrai métier, mais aussi une vocation. Comme celle d’infirmière par exemple, où l’humain a toute sa place. J’espère que les jeunes sauront garder cet état d’esprit. »
Madeleine y veille. Elle préside l’AFA 16, l’Association départementale des familles d’accueil, depuis 2004. Elles sont 250 en Charente. Heureusement, le statut de famille d’accueil a été reconnu en 1989. « Nous sommes agréés par le Conseil général et salariés de nos pensionnaires. Depuis 2005, nous bénéficions de congés payés comme tout travailleur. »
À 63 ans, Madeleine est secondée par son époux et Élodie, une jeune fille que les Mitrope ont élevée. Elle assume tous les soins : que ce soit auprès de Simone, 87 ans, atteinte de la maladie d’Alzheimer ou d’Alain, lui aussi très handicapé. « Mais il faut reconnaître ses limites, soupire Madeleine. Alain va devoir être accueilli en établissement spécialisé. » Le bien-être de chacun passe par là.