Près de onze mille adultes sont confiés à des familles d’accueil. Une évaluation de ce dispositif a été réalisée par l’IFREP, pour le compte du ministère de l’Emploi et de la Solidarité.
Au 31 décembre 1996 :
- 96 départements ont mis en place les dispositions prévues par la loi,
- 8.950 personnes sont agréées,
- 11.717 personnes âgées ou handicapées sont accueillies.
Les adultes en famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" !
L’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). , réglementé par la loi du 10 juillet 1989, constitue une modalité d’accueil à caractère social de personnes âgées ou handicapées, confiée aux présidents de conseils généraux, complétée, pour les malades mentaux, d’un mode d’accueil à caractère thérapeutique mis en œuvre par des établissements de soins.
Dix ans après la promulgation de la loi, en raison d’une méconnaissance du développement de ce mode d’accueil et des disparités constatées dans l’application des dispositions législatives et réglementaires prévues, une évaluation nationale a été réalisée par l’Ifrep [1]
à la demande de la direction de l’Action sociale du ministère de l’Emploi et de la Solidarité.
Cette évaluation a permis non seulement d’apprécier l’ampleur de l’accueil familial des adultes, mais également de mieux connaître les bénéficiaires de ce mode d’aide ou de soins. Ceux-ci, leurs histoires, leurs difficultés et leurs besoins disparaissent trop facilement sous les appellations catégorielles de personnes âgées ou handicapées, voire malades mentales, seules "qualités" retenues pour bénéficier des dispositions sociales ou thérapeutiques prévues.
Le développement de l’accueil familial
Au 31 décembre 1996, 11.717 personnes âgées ou handicapées sont accueillies par des particuliers agréés. Si, globalement, la répartition entre personnes âgées (50,4 %) et personnes handicapées (49,6 %) est équilibrée, l’analyse des tranches d’âge montre que les personnes handicapées sont considérées comme des personnes âgées à partir de 60 ans. Dès lors, il est possible de projeter une répartition différente. Ainsi, le plus grand nombre de personnes accueillies en famille le seraient du fait de leur handicap, et ce quel que soit leur âge.
Bien que la réalité dépasse les estimations, l’accueil familial reste encore une solution très marginale : pour les personnes âgées, il représente seulement 1 % du taux d’équipement (taux variable, selon les départements, de 0,5 % à plus de 3 %), alors que, pour les personnes handicapées, il représente 7 %, du taux d’équipement, avec des variations selon les départements de moins de 4 % à plus de 20 %.
Par comparaison, l’accueil familial thérapeutique
AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
concerne un peu moins de 3.000 malades mentaux, avec un développement très inégal selon les établissements de soins ou les secteurs de psychiatrie.
Les personnes âgées
La grande majorité des 5.901 personnes âgées accueillies a au moins 80 ans. Ce sont majoritairement des femmes, ce qui dans ces tranches d’âge élevé correspond à la situation nationale. En raison de l’âge et des motifs ayant entraîné l’accueil, l’accueil familial est un accueil à temps plein de personnes âgées qui viennent le plus souvent de leur domicile, le placement ayant eu lieu à la demande de la famille lorsque celle-ci ne peut pas ou plus s’occuper de son parent âgé devenu dépendant. Cependant, 18 % viennent d’établissements de santé qui, dans ces circonstances, ont orienté les personnes âgées vers des familles d’accueil après une hospitalisation. Enfin, 13 % sont issues de services de psychiatrie, essentiellement après une hospitalisation, ce qui confirme le passage du statut de personne handicapée à celui de personne âgée dès que les personnes ont atteint 60 ans, et le transfert d’une prise en charge sanitaire vers une prise en charge sociale.
En 1996, près d’un tiers des accueils de personnes âgées s’est achevé en cours d’année. Pour la majorité, ces fins d’accueil font suite au décès de la personne.
Cependant, 17 % retournent à leur domicile. On peut penser que, pour certaines de ces personnes, l’accueil familial faisait suite à une défaillance momentanée, ayant nécessité par exemple une hospitalisation. Dans ces circonstances, l’accueil familial serait utilisé comme lieu de postcure.
Enfin, 16 %, de ces personnes sont orientées en institution, et 11 % vers l’hospitalisation. On peut penser qu’il s’agit là soit d’un arrêt de l’accueil du fait de la dégradation de la personne, soit d’une mauvaise orientation après un séjour dans un service de psychiatrie par exemple. En fait, pour les personnes âgées, les particuliers agréés répondent à trois types de besoins, qui nécessitent chacun la délivrance de soins spécialisés et adaptés aux circonstances de l’accueil :
- La dépendance des personnes âgées du fait de leur grand âge. Ces personnes ne peuvent plus rester à leur domicile malgré les aides disponibles et assumer leur quotidien. La famille d’accueil apparaît comme une alternative à une prise en charge dans un établissement, par choix ou par nécessité.
Les familles d’accueil sont sollicitées comme lieu d’hébergement de fin de vie nécessitant un accompagnement spécialisé de personnes dégradées. Dans ces situations, les personnes accueillies ont besoin de soins de nursing et leur âge avancé suppose de prévoir un accompagnement à la mort. Ceci a au moins deux conséquences la nécessité d’actions de soins complémentaires à l’accueil familial et d’un travail de soutien et d’accompagnement de la famille d’accueil.
- Des accueils de postcure de personnes âgées qui, après un séjour en établissement de soins, ne sont pas ou plus suffisamment autonomes, pour certaines momentanément. Ainsi, les familles d’accueil sont utilisées comme lieux de convalescence, avant le retour à domicile dans certains cas. A ce niveau, des soins sont à prodiguer dans le cadre de cette postcure, et la famille d’accueil participe à la préparation au retour à domicile éventuellement envisagé.
On peut penser que pour ces deux derniers types de populations, la présence de la famille d’origine est plus ou moins importante et que celle-ci participe à la recherche de la "solution famille d’accueil". Il est donc nécessaire de prévoir des interventions pour mettre à distance la culpabilité des parents qui ne peuvent s’occuper de leurs aînés, d’autant que les difficultés relationnelles entre famille de la personne accueillie et famille d’accueil sont soulignées fréquemment.
- La désinstitutionnalisation et l’évolution des pratiques, pour des personnes âgées plus jeunes (entre 60 et 69 ans) issues de services de psychiatrie. Ceci est manifeste dans quelques départements où l’accueil familial constitue un mode de sortie de l’hospitalisation psychiatrique, et dans lesquels les services de psychiatrie n’ont pas organisé l’accueil familial thérapeutique, mode de soin qui, de toutes façons, s’avérerait inadapté pour des populations aussi âgées.
Pour d’autres, cette orientation semble avoir été prise plutôt faute de places en établissements pour personnes âgées ou handicapées, ou même lorsque l’accueil familial thérapeutique existe. Ces personnes sont souvent sous tutelle. La famille naturelle est absente. Ici, un accompagnement spécialisé de la personne accueillie est à prévoir en articulation avec les services du secteur psychiatrique. De même, ces situations nécessitent un soutien à la famille d’accueil dans ses rapports quotidiens avec des populations présentant des troubles relationnels importants, psychiquement fragiles et/ou difficiles.
Les personnes handicapées
Au total, 5.816 personnes handicapées âgées de moins de 60 ans bénéficient de l’accueil familial. Pour cette population, les hommes sont un peu plus représentés que les femmes. La répartition entre les 4 tranches d’âge retenues, comprises entre 20 et 59 ans, est relativement homogène, chacune représentant environ un quart de la population accueillie.
Dans leur très grande majorité (85 %), les personnes handicapées sont accueillies à temps plein. Ainsi, malgré leur âge peu avancé (près de 50 % ont moins de 40 ans), la plupart des personnes handicapées restent en permanence dans la famille d’accueil. Il est possible de s’interroger à propos des occupations quotidiennes de ces populations, et sur la capacité des familles d’accueil à gérer leur temps ou à mettre en place des activités.
Dans le cadre réglementaire actuel, et tel qu’il est organisé, l’accueil familial social pour ces jeunes handicapés rencontre ici une de ses limites. En effet, l’absence de projet de vie, d’ouverture sur l’extérieur, de mobilisation des acteurs sociaux autres que la famille d’accueil confortent l’exclusion sociale dont sont victimes ces populations. Contrairement aux personnes âgées, les trois quarts des personnes handicapées viennent de prises en charge institutionnelles, à savoir de psychiatrie, de services d’accueil familial d’enfants, ou plus rarement d’établissements pour handicapés.
L’accueil familial constitue une suite à une prise en charge devenue inadaptée, ou plus rarement un complément à une prise en charge institutionnelle. Ces populations, pour lesquelles les parents n’ont pu être un recours ou ne le sont plus depuis longtemps, trouvent en famille d’accueil des repères sociaux et/ou affectifs stables, favorisant le développement d’un sentiment d’appartenance partagé qui pourrait servir de point d’appui à des modes de vie plus autonomes.
Trois principaux modes d’entrée des personnes handicapées en accueil familial se distinguent.
- Le plus grand nombre (32 %) est issu des services de psychiatrie, et notamment de l’hospitalisation. L’orientation vers l’accueil familial témoigne de l’évolution de la psychiatrie et des contraintes économiques qui l’accompagnent, des transferts de charge qu’elles peuvent induire, mais aussi du manque de places en établissements et/ou de ressources diversifiées susceptibles de répondre à l’évolution des personnes hospitalisées en psychiatrie. Dans ces circonstances, un accompagnement soignant adapté est à prévoir, de même qu’un projet social pour des populations relativement jeunes. Dans le cadre de ces projets, une réflexion sur l’articulation entre le dispositif d’accueil familial thérapeutique et le dispositif d’accueil familial dit social est nécessaire.
- Un pourcentage important (26 %) est issu du placement familial d’enfants. L’accueil familial est une continuité d’une prise en charge au sein de la même famille d’accueil. On peut penser que pour partie ces situations sont héritées de l’ancien mode d’organisation du placement familial des enfants, appréhendé alors comme accueil de substitution. Ces accueils se placent dans le registre d’une "adoption" de l’accueilli par la famille d’accueil, ce qui interroge la relation entre handicap et placement familial durable, les pratiques de placement familial et l’application de l’article 350 du Code civil, ainsi que l’existence de projets hors de l’emprise familiale.
Dans ces circonstances, le statut des accueillants est modifié lorsque l’enfant devient un adulte, modification qui devrait s’accompagner d’une réinterrogation de la dynamique familiale et d’une nécessité de penser, au travers de la mise en place de projets de vie, à l’avenir des jeunes adultes.
- 23 % des personnes handicapées se trouvaient auparavant à leur domicile. Il semble que ce mode d’accueil soit proportionnellement plus utilisé en raison essentiellement du nombre relativement moins élevé de places en établissements. L’accueil familial est ici un mode complémentaire de prise en charge des handicapés. Pour le petit nombre qui était à domicile avant d’être orienté vers des familles d’accueil, les parents plus ou moins présents doivent être accompagnés dans le cadre du dispositif mis en place pour apporter des solutions à leurs difficultés, mais aussi pour les aider à affronter leur sentiment de culpabilité.
- 11 % viennent d’établissements relevant de la loi de 1975. Ces orientations pourraient s’expliquer par la complémentarité de différents projets, I’accueil familial étant ici considéré dans le cadre d’une prise en charge plus globale. Les fins d’accueil ne représentent que 9 % des accueils réalisés. Il s’agit donc de placements plutôt stables qui se terminent par des hospitalisations ou des prises en charge en institution, voire des retours dans les établissements d’origine. Enfin, quelques personnes retournent à leur domicile. Ces situations peuvent être dues à l’organisation d’un accueil à titre transitoire, mais peuvent aussi s’expliquer par un effet bénéfique de l’accueil familial.
- Hébergement antérieur
En conclusion, l’évaluation permet de constater deux phénomènes :
- Une relative unité pour les personnes âgées, dont les plus nombreuses viennent de leur domicile (l’accueil familial devient un mode d’hébergement après toute autre solution de maintien à domicile), et dont les plus jeunes sont en fait des personnes handicapées. Dans ce dernier cas, l’accueil familial est une forme d’hébergement transitoire pour des personnes âgées, physiquement ou psychiquement dépendantes.
- Une disparité des besoins pour les personnes handicapées, disparité qui reflète la définition peu claire de cette population regroupant aussi bien des enfants devenus des adultes handicapés adultes handicapés Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir soit un taux d’Incapacité permanente partielle (I.P.P.) égal ou supérieur à 80%, soit un taux d’I.P.P. compris entre 50 et 80 % ET une reconnaissance d’inaptitude au travail. dans leur famille nourricière, que des malades mentaux stabilisés. Un accueil familial de longue durée s’organise sur le mode de "l’adoption" d’un handicapé, affectivement dépendant, qui a vécu en institution et qui est amené à vieillir avec sa famille d’accueil.