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Les personnes handicapées retraitées

Auteur : Stéphane Carnein, revue "Gérontologie et société", 2004/3 - n° 110 Fondation Nationale de Gérontologie, pages p. 201 à 208.

Qui sont les personnes handicapées retraitées ?

Stéphane Carnein Gériatre, Praticien hospitalier, Chef de service
Centre départemental de repos et de soins
40, rue du Stauffen – 68020 COLMAR cedex

Extraits

(...) Aujourd’hui, les personnes handicapées et leurs familles, professionnels du monde du handicap et de celui de la gériatrie sont confrontés à la nouvelle vieillesse des personnes handicapées. Comment comprendre ce qui relève de la déficience du handicap ou de l’aggravation et ce qui relève du « simple » effet du temps sur la physiologie du corps humain ? Comment appréhender les situations nouvelles, sociales, réglementaires ou financières nées de l’absence de statut des personnes handicapées devenues des personnes âgées ?

(...) La personne handicapée vieillissante négocie sans cesse entre ses aptitudes physiques et psychologiques résiduelles et la stimulation extérieure. Avec le temps les premières semblent diminuées et les secondes augmentées au regard des efforts à fournir pour y répondre. Les stratégies mises en place ont pour but de sauvegarder une autonomie fonctionnelle constante, malgré le vieillissement des facultés cognitives, une mémoire sensorielle progressivement moins efficace et des mémoires à court et moyen termes stables dans l’hypothèse d’un environnement et de stimulations immuables. C’est là qu’interviennent les facteurs psychosociaux.

La baisse des capacités de travail en ateliers protégés (AP) ou en centre d’aide par le travail (CAT) s’explique par l’importance du sur-handicap mais aussi par les deuils des parents, de la fratrie et des collatéraux. Ces bouleversements induisent le rejet hors du groupe de travail, accroissant ainsi l’isolement et la rupture. Ruptures aussi chez les personnes handicapées non travailleuses en rapport avec un style de vie modifié par l’âge moyen des nouveaux résidents et des hospitalisations répétées. Le soutien d’une fratrie, l’accompagnement des soignants et des éducateurs eux aussi vieillissants et parfois désabusés ne remplacent pas la chaleur des parents, maintenant absents par la mort, la maladie, l’institutionnalisation au terme d’une existence marquée d’une sourde souffrance-culpabilité et désir de mort -.

LES SITUATIONS ACTUELLES

Elles sont caractérisées par l’absence de repère sociétal, règlementaire ou pragmatique à cette « nouvelle » vieillesse des personnes handicapées.

La perte de l’emploi protégé va trop souvent de pair avec la perte de la place en foyer. Double rupture avec comme seule perspective l’institution gériatrique, avec ses déficits en connaissances spécifiques et en moyens. La loi de 1975 ne mentionne pas la spécificité de la prise en charge des PHV, laissant toute interprétation aux professionnels d’une part et aux familles d’autre part pour adapter les personnes à la structure ou les structures à la personne.

Cependant les réflexions au sein des institutions sont nombreuses, laissant apparaître des solutions heureusement diverses ; les initiatives politiques apparaissent, le souci devient sujet de débat et de congrès. L’idée d’adapter les agréments de façon plus souple et de limiter l’effet couperet d’un âge « officiel » de la retraite fait l’objet d’un consensus et semble devoir être mis en pratique.

LES SOLUTIONS POSSIBLES

  • Le service d’accompagnement de la vie sociale (SAVS), les services d’aide ménagère, le service de portage des repas concourent au maintien à domicile. Des forfaits différents, des compétences élargies pour les aidants sont à l’étude. Les limites du maintien à domicile sont atteintes par la défaillance de l’entourage social et familial, les difficultés de recruter les aidants ou la dépendance psychique de la personne handicapée. Une dégradation de l’état de santé ou de l’autonomie, une majoration des besoins d’aide ne permettent parfois plus d’autre choix que celui du type de structure.
  • Entre domicile et institution, la section occupationnelle de jour est destinée à l’accueil des personnes handicapées reconnues inaptes au travail. Cet accueil offre des possibilités de réussite, d’intégration en particulier sociale. L’accueil de jour pour PHV reste localisé, expérimental, adossé ou non à un foyer ou à un CAT et peut favoriser l’intégration d’une personne qui n’a jamais fréquenté le circuit traditionnel des personnes handicapées.
  • La maison de retraite spécialisée (MRS) est une structure spécifique dédiée aux personnes handicapées vieillissantes souvent située sur un site familier ou proche des structures antérieures de type foyer. Les contraintes disparaissent, le bien-être et le respect d’un autre rythme de vie prévalent. Les professionnels sont issus du milieu paramédical (infirmières, aides-soignantes) et éducatif (moniteur éducateur, éducateur spécialisé). L’entrée en MRS doit être possible dès l’apparition des premiers signes de vieillissement, grâce à la souplesse des décideurs répertoriés par la loi de 75. Mais le concept de MRS n’existe que grâce à des politiques locales sans base réglementaire nationale.
  • L’accueil en maison de retraite « ordinaire » (EHPAD) est un sujet de discorde avéré entre certains professionnels et quelques familles. Admission en urgence, mal préparée après une hospitalisation, moyenne d’âge très inférieure à celle des résidents dits « ordinaires » compromettent souvent cette hypothèse : pourtant si le brassage personnes âgées/personnes handicapées vieillissantes ne suscite pas l’approbation dans la population générale, les risques de régression des PHV sont patents, imitant la passivité des « vieux retraités ». Les personnes âgées, elles, peuvent considérer l’accueil des personnes handicapées comme une sorte de charité et non, comme pour elles, un droit acquis après une vie de travail. Cependant les institutions pratiquant l’accueil conjoint (personnes âgées/personnes handicapées) constatent la formation de binômes : la personne handicapée plus jeune et plus valide rend de menus services à une personne âgée plus dépendante. Les bénéfices psychologiques sont loin d’être inexistants :
    * sentiment d’utilité, stimulation et accès à une certaine forme de « normalité » pour les PHV ;
    * réponse à un besoin de maternage, préservation de l’élan vital pour les personnes âgées.

Le personnel de la maison de retraite doit être formé en conséquence et accepte les personnes handicapées âgées, spontanées dans les activités proposées et, le plus souvent, candides.

  • L’accueil des personnes lourdement handicapées et justifiant des soins médicaux importants se fait en Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) : le silence des textes et les difficultés d’admission en unité de soins de longue durée sont souvent complices pour figer des situations dont pâtissent, de fait, les handicapés les plus jeunes en quête impossible d’une prise en charge adaptée.

De nombreuses interrogations, d’innombrables projets témoignent d’une réalité sans solution satisfaisante.
Peut-on prendre sa retraite au terme d’une « carrière » de personne handicapée ? Vieux ou handicapé, faut-il donc choisir ?

Les PHV ne savent pas définir le vieillissement, ne se voient pas vieillir et n’ont aucun modèle de vieillissement de référence.

Les professionnels s’interrogent sur l’inadaptation de la prise en charge sociale proposée par le secteur gériatrique tout comme sur l’acharnement des foyers à garder loin des professionnels de santé une population vieillissante et donc sujette à des pathologies mal définies et mal soignées.

Le présent est fait d’expériences souvent locales et généreuses, diverses dans leur motivation et performantes à petite échelle.

L’avenir doit prendre en compte une démographie fortement évolutive des PHV, l’aspect nécessairement polymorphe des solutions proposées, à la seule condition d’une formation des personnels des structures gériatriques et des personnels éducatifs des foyers aux besoins spécifiques du vieillissement des personnes handicapées.

BIBLIOGRAPHIE

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