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et de leurs partenaires

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20 - Équipe d’accueil familial

La notion d’équipe dans les textes -
Sa traduction dans les dispositifs -
Deux modes d’organisation -
Un service et une équipe -
Les fonctions des équipes en accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). -
La fonction et le fonctionnel -
Signification du "déplacement" et déplacement des significations -
Une référence tierce : l’équipe -
Comment "faire tiers" ?

L’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). ne se limite pas à l’activité d’une famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! qui élèverait ou hébergerait seule, sans contrôle ni contrainte, un enfant qui lui a été confié ou un adulte dépendant. L’accueil se réalise grâce à l’intervention d’un "placeur" qui, parfois, a sélectionné la famille d’accueil en l’agréant et/ou en la recrutant. Il est plus ou moins organisateur et rémunérateur des placements, et peut agir en contrôleur des conditions d’accueil et en accompagnateur des accueillis et des projets.

L’ensemble de ces interventions n’est pas toujours dévolu à une seule personne, ou à un seul groupe organisé et structuré de personnes unies dans une tâche commune, c’est-à-dire à une équipe identifiée, gestionnaire des dispositions à prendre et à assurer tout au long de l’accueil. Différents services se succèdent, les uns chargés de l’agrément, les autres de la mise en place de l’accueil, d’autres encore de son accompagnement ou de son contrôle.

Plusieurs professionnels sont donc mobilisés, chacun occupant des tâches et des fonctions définies pour mettre en œuvre une prise en charge éducative ou soignante. La nécessité qu’ils travaillent en équipe est évidente, ne serait-ce que pour partager un projet commun et pour articuler les différents moments de son développement.

Si l’accueil familial ne peut se mettre en place sans de multiples interventions, la notion d’équipe et celle de la spécialisation de professionnels désignés pour accompagner les processus à l’œuvre ont mis du temps à émerger, et restent encore tributaires de la conception de l’accueil familial et de son identité en tant que service spécifique et différencié.

Comme il n’y a pas d’accueil familial sans famille d’accueil, il serait tentant de dire, qu’aujourd’hui, il n’y a pas de famille d’accueil sans équipe, service ou dispositif d’accueil familial. Cette assertion est de plus en plus mise en application dans les dispositifs de placement des enfants, mais reste encore sujette à caution dans les dispositifs sociaux pour adultes âgés ou handicapés.

La notion d’équipe dans les textes

La notion d’équipe apparaît dans la dernière loi de 1992 relative à l’agrément et au statut des assistantes maternelles. Jusque là, le texte précédent n’évoquait pas ce besoin rapporté dorénavant à un accompagnement spécialisé des accueillants et à une évaluation des situations devant être assurés par une "équipe de professionnels qualifiés dans les domaines social, éducatif, psychologique et médical".

On retrouve la notion d’équipe dans la réglementation relative aux centres d’accueil familial spécialisé. Davantage focalisée sur l’enfant dont elle assure le suivi, cette équipe, rattachée à l’établissement, est "médicale, psychologique, éducative et pédagogique".

Dans tous les dispositifs d’accueil familial d’enfants, une équipe est donc à envisager, mais sa matérialisation, ses interventions, et son organisation sont variables selon les services.

Dans la loi du 10 juillet 1989, portant sur l’agrément des accueillants de personnes âgées ou handicapées, est évoquée une succession d’actions (agrément, contrôle, suivi, formation) qui ne sont pas attribuées à un ou à des services particuliers, et font donc l’objet d’un traitement différencié selon les départements.

Seul le cadre réglementaire de l’accueil familial thérapeutique définit une "équipe de soin pluridisciplinaire et spécialisée constituée au sein d’une ou de plusieurs équipes de secteur psychiatrique qui assure organisation, soutien thérapeutique, et contrôle de l’accueil familial". L’activité des membres de l’équipe "doit être nettement individualisée", et celle-ci dispose de locaux et des moyens de transport nécessaires [1].

En ce qui concerne l’accueil familial de toxicomanes, l’arrêté du 18 août 1993 ne fait pas explicitement référence à la notion d’équipe. Cependant, le rattachement à un centre de soins spécialisés induit implicitement l’idée d’une équipe pluridisciplinaire qui assure habituellement le fonctionnement de ces services. De plus, l’exigence des textes qui veut que les familles résident dans un rayon de cent kilomètres, ou à deux heures de trajet du centre de soin, laisse penser que l’on souhaite que cette équipe puisse intervenir aisément.

Sa traduction dans les dispositifs

Quelles que soient les précisions apportées par les textes, et à plus forte raison lorsqu’est laissé libre cours à l’initiative de chacun, les services répondent très diversement à ces impératifs, et ceci aussi bien dans les dispositifs d’accueil d’enfants que dans ceux qui prennent en charge des adultes.

Les services d’aide sociale à l’enfance traitent ces questions selon des pratiques, des histoires ou des idéologies départementales contrastées. L’étude de l’IFREP (Cébula, Horel, 1994) pointait que "les personnels administratifs et techniques qui interviennent dans l’accueil familial ne constituent pas toujours une équipe structurée. Dans certaines situations, la notion d’équipe semble même en contradiction avec l’organisation concrète des pratiques".

Ainsi, les actions à mener sont confiées à plusieurs services et/ou à plusieurs professionnels, sans qu’une coordination minimale ou un travail commun puissent être menés, ceci au détriment de la cohérence de l’ensemble qui ne prend pas suffisamment en charge les relations enfants-parents ou même enfants-assistante maternelle. De plus, dans ces organisations, les assistantes maternelles ne se sentent pas appartenir à un service coordonné puisqu’elles sont amenées à rencontrer, dans le meilleur des cas, plusieurs interlocuteurs, les assistants sociaux du service social, les éducateurs ou les référents de l’aide sociale à l’enfance, les puéricultrices de la protection maternelle et infantile...

Depuis quelques années, des départements s’orientent vers la mise en place d’une équipe spécialisée et spécifique pour l’accueil familial, à l’instar du fonctionnement existant dans les services de placement familial spécialisé. Ceux-ci ont structuré le travail avec des équipes parfaitement identifiées, chargées des tâches particulières de l’accueil familial et de leur cohérence interne.

Dans le cadre des différentes actions devant être assurées en accueil familial social d’adultes âgés ou handicapés, certains départements ont créé un dispositif assimilable à une équipe, c’est-à-dire à un nombre de personnes travaillant en concertation étroite dans le cadre d’un service ; d’autres font appel à plusieurs services du département, ou même à des services extérieurs conventionnés selon les actions à traiter. Ces derniers ont parfois constitué une équipe spécifiquement chargée de l’accueil familial au sein des autres interventions de l’institution.

Même lorsqu’une équipe est désignée et définie, comme prévu pour l’accueil familial thérapeutique AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
, son organisation et ses fonctions sont variables selon les établissements hospitaliers ou les services de psychiatrie. Certains gèrent l’accueil familial comme une hospitalisation, et c’est alors l’ensemble des personnels d’une unité de soin qui peut être sollicité pour préparer le placement et faire des visites. D’autres ont spécialisé une équipe pour la sélection des familles d’accueil ; le travail de soin au quotidien, et notamment l’accompagnement de l’accueil, restant du domaine d’intervention des soignants de l’unité d’origine du patient, c’est-à-dire d’une autre équipe. D’autres enfin ont pu spécialiser des professionnels qui interviennent dans tous les registres de l’accueil familial.

Deux modes d’organisation

La définition et la composition d’une équipe restent directement tributaires de la réalité d’un dispositif ou service d’accueil familial, et de l’identification des tâches à accomplir.

De dimension très variable, le plus souvent pluridisciplinaire, l’équipe est ou non spécifique, c’est à dire entièrement consacrée ou non à exercer dans le cadre de l’accueil familial, et peut être amenée à se former et à se spécialiser pour construire les interventions particulières que nécessitent son organisation et son accompagnement.

Malgré la diversité des populations bénéficiaires de l’accueil familial et la pluralité des projets qui les concernent, il incombe aux équipes des tâches et des fonctions invariables. Ainsi, devront être assurés le recrutement des accueillants, leur information et leur formation, le choix des accueillis, voire l’appariement familles d’accueil-accueilli, et enfin l’accompagnement encore appréhendé comme le suivi ou comme le contrôle de l’accueil.

A partir de ces postulats, deux orientations et leurs conséquences peuvent se dessiner et s’analyser : soit une équipe prend en charge l’ensemble des tâches et assure les fonctions nécessaires à la mise en œuvre et au déroulement des projets d’accueil ; soit, au contraire, plusieurs équipes se relayent selon la spécificité des tâches à accomplir.

Il est certes difficile de cerner les effets de ces deux solutions sans préciser le sens et la nature du travail à conduire, sans s’appuyer sur les besoins des accueillis ou sans réfléchir à la notion de référent.

Cependant, il est évident qu’une équipe définie, prenant en charge l’ensemble des dispositions (de la sélection des accueillants à l’accompagnement des accueils) apporte une plus grande cohérence.

En nombre restreint, les intervenants ont appris à se connaître, partagent une idéologie commune des principes organisateurs et des processus à traiter en accueil familial. Ils sont repérés par les autres acteurs du champ social ou médical, ainsi que par les familles d’accueil, les accueillis et leur parenté. Ils assurent la responsabilité du fonctionnement du service et des actions à mener.

Ils travaillent avec des familles d’accueil qui semblent mieux intégrées comme personnels de l’accueil familial. Sur ce point, il est bon de se demander à quel niveau d’appartenance ou d’implication ces dernières doivent être situées. Rappelons que, récemment encore, les assistantes maternelles n’apparaissaient pas dans les organigrammes des services de l’aide sociale à l’enfance.

Les familles d’accueil doivent-elles participer à toutes les décisions et à l’intégralité du travail d’élaboration d’une équipe, au risque de gommer toutes différences entre rôles et fonctions de professionnels situés à des niveaux d’implication différents ? Ou restent-elles des professionnels dont la spécificité doit être sauvegardée, ce qui n’empêche pas de les associer aux décisions d’orientation des accueillis, cette distanciation permettant alors un minimum de triangulation entre famille d’accueil, accueilli et intervenants.

Dans cette perspective de travail où un seul groupe de professionnels serait maître d’œuvre de l’ensemble des dispositions, on peut craindre l’exacerbation de la toute-puissance dans la sélection et le recrutement des familles d’accueil, ou même la confusion des rôles selon que l’on sélectionne ou que l’on accompagne. Ces inconvénients existent, mais peuvent être limités si la sélection, non limitée à un questionnement intrusif, devient un temps de rencontre où chacun est amené à se dévoiler afin d’anticiper un travail commun possible.

Quant à la toute-puissance toujours à l’œuvre dans les pratiques tournées vers l’autre, il est pensable qu’elle s’analyse dans les réunions... d’équipe.

Dans la seconde hypothèse d’organisation, des professionnels d’équipes ou de services différents se relayent en fonction de la spécificité des actions à mener et des tâches à accomplir. Elle suppose en priorité un minimum d’articulation entre chacun des acteurs.
On peut y voir comme avantage une plus grande spécialisation des intervenants quant à la sélection, ou à l’accompagnement des accueillis et des familles d’accueil.

Néanmoins, cette succession de compétences ne présage en rien de la qualité de l’ensemble. En effet, non seulement il faudra s’approprier un minimum de référentiels communs, mais il faudra également traiter du délicat problème de la circulation des informations et de l’harmonisation des décisions, sans omettre de désigner de réels responsables auxquels s’adresser à tout moment.

Les précautions prises n’excluent jamais totalement la dilution de l’information, les phénomènes de clivage ou de concurrence entre intervenants ou services, et la difficulté de repérage des interlocuteurs par les accueillis et les familles d’accueil. De plus, ces dernières n’ont pas le sentiment de faire partie d’un dispositif identifié.

Un service et une équipe

A ces considérations essentielles, il faut ajouter la fragilité d’un accueil familial qui suppose que les interventions doivent être mesurées et confiées à un petit nombre de professionnels, faisant fonction de référents dans la durée, afin qu’une participation émotionnelle au vécu de l’accueil, au côté de l’accueilli et des accueillants, puisse avoir quelque chance de construire des prises en charge personnalisées et adaptées. En effet, la pertinence de l’accueil familial repose sur la qualité et l’intensité des échanges affectifs auxquels accueillants et intervenants doivent répondre.

L’accueil familial constitue un service dans lequel des professionnels agissent pour prendre en charge des histoires de vie singulières et difficiles.
Service constitué d’accueillants et d’intervenants qui, chacun à leur niveau et selon les fonctions qu’ils assurent, participent aux événements de l’accueil et accompagnent des projets de soin.

La notion d’équipe permet de structurer les actions à mettre en œuvre avec des personnels désignés, agissant avec des références communes, pour assurer les fonctions nécessaires au travail d’accueil, à partir d’un lieu d’exercice qui devient le point d’ancrage de la réalité d’un service.

Enfin, quelle que soit le fonctionnement des services et des équipes, les actions spécialisées dans lesquelles les intervenants sont impliqués nécessitent aujourd’hui une formation, tant pour sélectionner les accueillants que pour repérer les modes de travail et d’accompagnement à inventer avec les professionnels qu’ils deviennent au travers de leur statut et de leur formation.

LES FONCTIONS DES EQUIPES EN ACCUEIL FAMILIAL

Au-delà de l’accumulation des tâches à accomplir (sélection, agrément, préparation, accompagnement...) pour rendre opérationnel un dispositif d’accueil familial, une équipe ou un groupe d’intervenants se doivent d’assurer des fonctions indispensables pour répondre aux enjeux auxquels sont confrontés les différents partenaires impliqués dans l’accueil.

De l’organisation aux fonctions de garant, de tiers ou même de contenant, voire de "dépanneur" de pensée, les modes d’engagement des intervenants les obligent à gérer le cadre d’un travail dont les repères se diluent dans l’intimité, les affects, l’impensable et la souffrance.

La fonction et le fonctionnel

Les principales fonctions par lesquelles est communément identifiée une équipe en accueil familial sont celles de contrôle, de suivi et d’accompagnement. Encore convient-il de clarifier les finalités de ces trois fonctions : concernent-elles le bénéficiaire ? La famille d’accueil ? Les deux ? Ou l’accueil familial dans sa globalité ? Les approches de cette question sont multiples selon les champs et les théories.

Mais, quelle que soit la voie empruntée, il doit être répondu à une fonction primordiale : contenir et faire exister un espace entre l’accueilli et la famille d’accueil, qui permet à chacun de se repérer. Recrutement, information, formation, suivi, contrôle ou accompagnement sont les moyens de réaliser cette fonction que l’équipe se doit d’assurer.

Le caractère artificiel de l’accueil familial, tant pour l’enfant que pour l’adulte accueillis, exige de tous qu’ils produisent du sens pour s’orienter dans cette situation. C’est le rôle de l’équipe d’accueil familial que de permettre et de soutenir l’élaboration de significations pour chacun. En effet, que ce soit pour un enfant partagé entre "ses deux familles", un malade mental, un toxicomane, ou une personne âgée, il y a une nécessité à répondre à ces questions : "qui suis-je ?" et "pourquoi dois-je vivre avec ces gens ?".

L’équipe a la fonction essentielle de repérer, dans les différents discours, ce qui atteste des capacités symboliques de chacun à remplir les fonctions qui lui sont propres : la fonction des parents, celle des familles d’accueil, celle de l’équipe, et sur un autre plan celle de l’accueilli.

Par ailleurs, la dimension fonctionnelle suppose également la mise en place d’un dispositif d’accueil familial qui soit en mesure, pour soutenir son offre, de constituer un ensemble viable de familles d’accueil, de leur transmettre des informations, et de leur permettre une réflexion et une élaboration de leur travail.

Individuellement ou collectivement, de la simple réunion d’information à la formation professionnelle, il n’est pas aujourd’hui concevable de confier un enfant ou un adulte à une famille d’accueil, quel qu’en soit l’objectif, sans l’autoriser à accéder à un minimum d’informations et de réflexion.

Signification du "déplacement" et déplacement des significations

L’accueil familial suppose toujours le "déplacement" de l’accueilli. Être en capacité de penser le sens de ce déplacement est une condition essentielle à la réussite de l’accueil familial, et lui confère son intérêt "thérapeutique". "Pourquoi suis-je ici ?", autrement dit : pourquoi ce déplacement ?

Rencontrer ce type d’interrogations ne manque jamais de renvoyer le sujet à quelques réponses plus ou moins difficiles à accepter, à quelques affects douloureux à supporter. Peu importe le registre : souffrance psychique, culpabilité, manque, ratage... Ce qui a présidé à l’accueil familial est toujours lié à une situation, réelle ou imaginaire, que le sujet est prompt à vouloir ignorer.

Pour favoriser des sentiments positifs à son encontre, la famille d’accueil peut être tentée, à son insu, de se mobiliser pour éviter à l’accueilli de se confronter à cette part douloureuse de lui même. La famille d’accueil et l’accueilli construisent ainsi ensemble un sens nouveau à l’accueil, moins pénible pour lui et plus gratifiant pour elle. Car la pente naturelle de l’accueilli à ne rien vouloir savoir de ce déplacement peut parfois rencontrer des motivations à accueillir insuffisamment élaborées.

Chez certains accueillants, les notions de travail, de rémunération, de coopération à un projet d’accueil en équipe, se présentent parfois de manière ambivalente. Ils peuvent, par exemple, associer à ces concepts des valeurs péjoratives et leur préférer ceux "d’amour réparateur", de "don de soi", et de "compétences liées au quotidien de l’accueil".

Dans ces situations, la fonction de l’équipe prend toute sa dimension ; sa place est à construire impérativement, et à maintenir. En effet, si le sens de l’accueil ne se trouve que dans les relations entre l’accueilli et les accueillants, sans référence à un projet extérieur, qu’en est-il alors de l’accueil familial ? C’est, pour l’accueilli, l’accès même à la signification de l’accueil qui se voit barré par ses relations aux accueillants.
La difficulté à se trouver une place satisfaisante dans l’accueil, et la confrontation à l’impuissance, peuvent expliquer cette tendance des accueillants à se montrer protecteurs face à la souffrance de l’accueilli.

La tentative permanente de déplacer les significations des relations en déniant le projet d’accueil est structurelle à l’accueil familial. Ses acteurs ont besoin de construire un scénario qui rende acceptables leurs rôles et leurs places dans cette rencontre singulière, au risque, dans certaines situations, de compromettre très sérieusement l’accueil. La fonction de l’équipe est ici primordiale : maintenir l’accueil familial comme cadre d’interprétation des relations accueillant-accueilli.

Une référence tierce : l’équipe

Par sa présence, l’équipe fait exister l’institution. C’est la dimension d’un institué qui constitue une référence, en dehors de la dimension relationnelle spécifique entre l’accueilli et la famille. L’équipe rappelle à l’accueilli et à la famille d’accueil le sens de leur rencontre. Elle est témoin, à la fois de la demande qui lui a été faite et de motivations à accueillir qui lui ont été proposées. Elle constitue, pour chacun séparément, le point de départ de leur projet respectif.

Mais l’équipe est aussi à l’origine de la rencontre. De cette antériorité auprès de chacun, elle tire une légitimité, condition à l’exercice de sa fonction. Il serait juste de dire que l’équipe a une fonction référentielle au sens mathématique où elle constitue un ensemble de repères pour interpréter le vécu de l’accueil familial. Car, au-delà de la notion d’origine, le système de références est avant tout un système d’interprétation. Il oriente le sens qu’il convient d’attribuer aux signes. C’est le cas en mathématiques où le choix d’un référentiel comporte, en plus du choix de l’origine, celui de l’orientation des axes.

En accueil familial, les phénomènes relationnels devraient être analysés selon un axe symbolique qui permet d’échapper aux rets de l’imaginaire et de ses répétitions. Cette dimension symbolique se construit à partir de l’institution et de ses modes d’organisation.

L’institution, par le cadre qu’elle propose, objecte à l’imaginaire des relations affectives toutes puissantes l’ancrage à une réalité faite de lois, de règles et de pratiques sociales. L’équipe ouvre le huis clos affectif de l’accueil familial à une réalité extérieure par laquelle il trouve, en fin de compte, sa justification. Dans cette démarche, l’équipe travaille au maintien de l’altérité, et à l’existence de la communauté en tant que référence.

À la manière du contenant de pensée cher à Bion (1983), l’équipe permet d’interpréter le vécu de la famille d’accueil et de l’accueilli sur d’autres plans que ceux qu’imposent les contraintes de leurs économies psychiques respectives. C’est à une fonction de "décollement" du réel de l’accueil familial que travaille l’équipe, en favorisant l’élaboration du sens du déplacement.

Comment "faire tiers" ?

Se situer en qualité de tiers suppose une dimension triadique et structurante de l’accueil familial, avec des pôles repérables et acceptés par l’ensemble des partenaires. En l’absence de l’application de ces principes minimaux, les triades se superposent, s’excluent ou s’opposent, jusqu’à évacuer la place et la fonction des intervenants pour réduire l’accueil à des duos famille d’accueil-accueilli, parents-accueilli ou encore parents-famille d’accueil qui se concluent par de stériles face-à-face ou par des confusions de places et de rôles.

Le terme de tiers évoque une certaine neutralité, garantie de l’impartialité car on attend de lui qu’il soit arbitre. En accueil familial, ni neutralité, ni impartialité, et encore moins garantie, ne peuvent être... garanties. Car si l’équipe ne peut se situer sur le même plan que l’accueilli et la famille, elle n’est pas pour autant complètement en dehors : elle est impliquée et partie prenante de l’accueil familial. Dès lors, sa capacité à "faire tiers" est intimement liée à ses ressources à faire exister de la différence entre le "dedans" et le "dehors" de l’accueil familial, à en symboliser les limites.

Comment ? Par exemple, en étant attentif à ce qui est en cause pour l’accueilli et qui se rejoue dans l’accueil. En étant constamment vigilant à la place que la famille investit pour l’accueilli. En accompagnant la famille dans la difficulté à supporter la part de souffrance qui, chez l’accueilli, trouve à s’exprimer de multiples manières, parfois “à grand bruit”, toujours douloureusement. En aidant les accueillants à mesurer que l’insupportable de l’accueilli qui se répète là ne leur est pas destiné.

C’est par un travail d’attention aux enjeux relationnels entre famille d’accueil et accueilli que s’exprime cette fonction qualifiée de tierce. Travail d’attention, de vigilance et d’intervention auprès de l’accueilli et de la famille d’accueil qui vise à limiter les mécanismes de fusion et de rejet propres à tout être en relation, et donc à l’accueil familial.

Cette fonction passe aussi par le soutien et l’étayage du vécu de chacun : en réassurant l’accueilli face à des mouvements affectifs conflictuels et angoissants qu’il ne parvient pas à élaborer ; en reconnaissant les accueillants dans le travail qu’ils mènent face aux manifestations symptomatiques de reproduction des relations antérieures.

Par les visites à domicile, les entretiens au service, le maintien des différents liens (parentaux, institutionnels), l’équipe structure l’accueil familial afin de permettre d’en poursuivre les objectifs. Elle dispose d’une série de moments pour faire exister cette fonction de tiers. Du recrutement où l’on ne se connaît pas encore aux interventions dans l’accompagnement, s’offre un grand nombre d’occasions de l’incarner dans chaque rencontre avec les accueillants ou l’accueilli, et dans chaque décision prise.

C’est pourquoi il est indispensable d’occuper cette fonction de tiers avant même de commencer l’accueil. Le recrutement est propice à positionner l’équipe et la famille d’accueil dans leurs fonctions respectives, en indiquant les attentes du travail de coopération et ses raisons.

La formation des accueillants, initiale ou continue, les réunions d’information, les groupes de parole ou de réflexion, toutes les instances collectives constituent également des opportunités à faire fonctionner, en dehors de l’accueil, cette référence tierce.

L’équipe organise l’accueil familial. En collaboration avec les accueillants, elle évalue la situation et oriente le projet. L’équipe rythme le séjour, cadre les rôles de chacun et les demandes qu’on lui adresse. Par exemple, faut-il interrompre un accueil ou faire une pause ? Qui doit s’occuper des relations avec l’école ? La personne âgée ou handicapée peut-elle se déplacer seule ? Autant de questions qui, au-delà de leur dimension factuelle, interrogent la globalité des relations accueilli, accueillants, parents, équipe. À partir de l’évaluation de l’ensemble de ces enjeux relationnels, les réponses de l’équipe doivent permettre à chacun de repositionner la place qu’il occupe dans l’accueil familial.

Les fonctions de l’équipe en accueil familial sont fondamentales. Si elles ne sont pas assurées, les familles d’accueil s’abîment ou s’épuisent, les accueils ne peuvent se maintenir, les bénéfices que les accueillis seraient susceptibles d’en retirer peuvent disparaître au profit de répétitions destructrices.
La notion d’équipe en accueil familial est encore aujourd’hui vague et recouvre différentes modalités. Pourtant, quel que soit le dispositif, émergent de plus en plus fréquemment des formes d’organisation qui la privilégient. Espérons que ce soit afin d’en assurer pleinement les fonctions.

bibliographie

Bion W.R. "Réflexion faite", PUF, 1983

Caplow T. "Deux contre un - les coalitions dans les triades", ESF, 1984

Cébula J.C., Horel C. "Le placement familial de l’aide sociale à l’enfance", édition du Service de l’Information et de la Communication du Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville, 1994

Cébula J.C. "L’accueil familial des adultes", Dunod, 1999

Clément R. "Parents en souffrance",

David M. "Le placement familial, de la pratique à la théorie", ESF, 1989

L’accueil familial en revue, "le soin en accueil familial", n° 2, décembre 1996, édition IPI

L’accueil familial en revue, "la complexité de la fonction famille d’accueil", n° 3, juin 1997, édition IPI

L’accueil familial en revue, "les risques et les écueils de l’accueil", n° 4, décembre 1997, édition IPI

P.-S.

Avertissement : ce qui précède n’est qu’un des nombreux chapitres du Guide de l’accueil familial, publié en 2000 aux Éditions Dunod, Les textes réglementaires ayant évolué, certaines références aux contrats, rémunérations, lois... ne peuvent servir que de traces ou de repères « historiques ».

Notes

[1- article 13 de l’arrêté du 1er octobre 1990 qui décrit les actes de l’équipe