Accueillir chez soi de façon durable des personnes âgées et leur faire partager une vie de famille, c’est la mission des familles d’accueil agréées par le Conseil général. Une alternative entre la maison de retraite et le domicile.
- Isère Magazine N°76
Marie et Marie-Thérèse, 96 ans chacune, et Georgette, 88 ans, partagent la vie de la famille Caraceto, à Moirans. « Grâce à l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). , j’exerce ma profession à domicile, ce qui me permet de m’occuper de mes enfants tout en faisant un travail intéressant », explique Bernadette Caraceto. Cette femme de 51 ans accueille des personnes âgées dans sa maison depuis 18 ans. « Plus qu’un métier, c’est un choix de vie, qui suppose l’accord du conjoint et des enfants. »
L’accueil familial permet de maintenir à domicile des personnes âgées que leurs familles ne peuvent pas prendre en charge et qui ne souhaitent pas vivre en établissement. En lsère, 49 personnes sont agréées pour cette mission par le Conseil général et proposent 78 places. Neuf accueillants sur dix résident en milieu rural. Leur âge moyen est de 58 ans. Ils sont salariés par les personnes accueillies.
Entre janvier et mai 2006, 57 personnes âgées vivaient en Isère en famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! . Leur âge moyen était de 79 ans. Depuis quelques années toutefois, l’âge des personnes qui optent pour ce mode d’accueil tend à augmenter, ce qui pose un certain nombre de difficultés. « Pour réussir un accueil, les personnes âgées ne doivent pas attendre d’être trop dépendantes », souligne Jean-Pierre Rottier, président de l’Asmi-Omsr (Association de santé mentale de l’Isère - Office médico-social de réadaptation), chargée par le Conseil général de l’Isère du suivi du dispositif. « En effet, les familles d’accueil ont rarement pour projet initial d’accueillir des personnes très dépendantes et ne sont pas forcément préparées aux difficultés spécifiques qui en découlent ».
Une difficulté que Bernadette Caraceto connaît bien. « Marie est arrivé chez nous il y a 11 ans, quand elle était encore valide. Nous avons partagé beaucoup de choses avec elle, et c’est une vraie grandmère pour mes enfants. La situation est un peu différente avec mes deux autres « mamies », que nous n’accueillons que depuis 14 mois. De plus, Georgette est atteinte de la maladie d’Alzheimer, ce qui complique la relation. » Comme en témoigne aussi Danièle Chomat, la personne âgée s’intègre plus facilement dans son nouvel univers quand elle y a vécu avant de devenir dépendante.
« Maman, qui a maintenant 99 ans, était auparavant dans un foyer logement à Seyssinet-Pariset. Elle a intégré sa famille d’accueil à Mens il y a un an. Elle est heureuse mais à son arrivée, elle s’est sentie déracinée. Elle était déjà trop « handicapée » pour se recréer un univers social. Quelques années plus tôt, elle aurait pu participer aux activités du club local du 3e âge, par exemple, et se faire des amis sur son nouveau lieu de vie. »
Les entrées en accueil ne doivent donc pas se faire uniquement lors du constat de l’impossibilité du maintien à domicile.
Pour devenir famille d’accueil, il faut répondre à certaines conditions matérielles (chambre d’une superficie minimum de 9 m² pour une personne seule et 16 m² pour un couple, possibilité d’accès aux lieux de vie, continuité de l’accueil en cas d’absence…). Les personnes sont aussi l’objet d’une enquête médico-sociale effectuée par l’Association de santé mentale de l’Isère.
« Nous évaluons leur capacité à s’investir dans l’accompagnement d’une personne âgée », explique Radhakrishna Narayana, directeur de l’association.
Les accueillants bénéficient ensuite d’une formation. Accueillir chez soi des personnes âgées ou handicapées ne s’improvise pas !
Marion Frison
Ce qu’elles en disent…
- « Une vraie responsabilité »
Bernadette Caraceto, agréée pour l’accueil de trois personnes âgées
« Mes trois mamies me donnent du travail, mais elles exigent surtout beaucoup de surveillance. Je dois m’assurer qu’elles prennent bien leurs médicaments, les faire boire régulièrement pour éviter qu’elles ne se déshydratent, savoir repérer la moindre anomalie. Je suis particulièrement attentive avec Georgette, qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Elle n’a plus la notion ni du temps ni de l’espace et je veille à ce qu’elle ne sorte pas du jardin. Elle ne saurait pas retrouver son chemin. Ce sont des personnes que l’on nous confie. C’est une lourde responsabilité. »
- « Plus qu’un métier, une vocation »
Monique Blanchard, agréée pour l’accueil de deux personnes âgées
« On ne fait pas ce métier uniquement pour gagner sa vie. Il faut aimer les gens. Je consacre tout mon temps à Nouritza, une dame de 99 ans.
Elle partage totalement notre vie de famille, et c’est très enrichissant du point de vue affectif.
Quand elle s’est cassé le fémur, en juin, j’avais le pied dans le plâtre. J’aurais pu l’envoyer à l’hôpital. J’ai préféré la garder et m’occuper de sa convalescence.
« Mémée » est la grand-mère que je n’ai jamais eue et je crois que cet attachement est réciproque. Quand elle me dit « j’ai de la chance de t’avoir », c’est gratifiant.
- « Je suis bien ici »
Nouritza Giorgian, 99 ans, vit chez Alain et Monique Blanchard
« Je vis chez Alain et Monique Blanchard depuis un an. A mon arrivée, j’ai eu du mal à m’adapter car je venais d’un foyer – logement où je suis restée 23 ans et où j’avais beaucoup d’amis. Mais Alain et Monique sont si gentils…
Ils m’ont adoptée. Je prends mes repas avec eux et j’ai une jolie chambre pour moi seule. On m’y a installé une ligne téléphonique personnelle, qui me permet de garder le contact avec l’extérieur. Monique s’occupe de moi. Elle fait mon lit, mon ménage et entretient mon linge. Dans la journée, nous sortons nous promener. Comme je ne peux ni lire ni regarder la télévision, nous bavardons beaucoup toutes les deux. Si je n’étais pas bien ici, il y a longtemps que je serais partie ! »
- « Une confiance absolue »
Danièle Somat, fille de Nouritza Maman a 99 ans, malentendante et mal-voyante.
Jusqu’à l’année dernière, elle vivait en foyer-logement. Puis nous avons dû envisager une autre solution. J’ai visité les établissements de la région susceptibles de l’accueillir.
Ma mère n’a pas de problème psychique, elle est très sociable et j’ai pensé qu’elle ne serait pas heureuse dans ce type de structure.
C’est alors que j’ai entendu parler des familles d’accueil. Je ne regrette pas ce choix. Monique et son mari sont toujours auprès d’elle. Ils la stimulent et lui permettent ainsi d’entretenir ses facultés intellectuelle. Pour la réussite de cette formule, il faut qu’il y ait une confiance et une complicité absolue avec la famille.
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« Développer l’accueil familial »
Gisèle Perez, vice-présidente du Conseil général chargée des solidarités
L’accueil familial, est-ce une solution d’avenir ?
Les personnes âgées manifestent de plus en plus le souhait, légitime, de choisir leur lieu de vie. Nous devons respecter leur volonté et leur offrir un large éventail de possibilités.
Les familles d’accueil sont une alternative dont le caractère humain est indéniable. C’est pourquoi, nous allons développer la formation des familles d’accueil et favoriser un meilleur partenariat entre celles-ci et les établissements de personnes âgées pour favoriser le passage lorsque la situation l’impose. Nous souhaitons aussi trouver de nouvelles familles en secteur urbain.
Comment devenir famille d’accueil
Toute personne majeure ayant obtenu l’agrément du Conseil général peut accueillir, à titre onéreux, des personnes âgées. L’agrément, d’une durée de cinq ans renouvelable, peut être délivré pour l’accueil de une à trois personnes.
Le prix de journée se compose d’une rémunération de base, d’une indemnité de sujétion – correspondant au degré de dépendance de la personne accueillie – , d’une indemnité d’entretien correspondant au remboursement des frais liés à l’accueil (alimentation, fourniture de linge de maison, électricité, chauffage…), et d’un loyer variable selon la qualité de confort du logement. La rémunération moyenne est de 1 400 euros net par personne accueillie et par mois.
Contacts :
- Conseil général de l’Isère, 04 76 00 61 22.
- ASMI/OMSR, 04 76 26 90 55.
Article paru dans le Dauphiné Libéré, le 18 février 2012
Reportage aux côtés de Lilette, Renée et Roger, qui habitent ensemble dans la maison de Laurence, à Sassenage.
ll y a encore quelques semaines, Renée, 97 ans, Lilette, 93 ans, et Roger, 81 ans, ne se connaissaient pas. À les observer pourtant, confortablement installés dans le salon de Laurence Seffari, on jurerait qu’ils ont toujours vécu ensemble, tant il se dégage chez eux une complicité que beaucoup leur envieraient sûrement.
Ce qui les unit ? L’intime conviction d’avoir fait le bon choix en s’installant ici. Et la certitude que les soins, l’attention, l’affection même que leur apporte leur hôte, accueillante familiale agréée par le conseil général de l’Isère, ils n’auraient pu les trouver nulle part ailleurs. « Il y a toujours de l’animation, même pendant les repas où on est minimum sept à table ; comme ça au moins, on ne s’endort pas ! »
Dans cette imposante maison située à Sassenage dont les fenêtres de l’une des sept chambres – ce n’est qu’une pure coïncidence – donnent sur un Ehpad, un type d’établissement spécialisé dans lequel tous les trois disent haut et fort qu’ils ne voulaient justement « pas mettre les pieds », ils coulent des jours heureux, faits de plaisirs simples.
Entre les parties de belote ou de poker avec David, 9 ans, le petit dernier de la famille, les promenades quand le temps le permet, les dégustations de gâteaux et de papillotes pour les plus gourmands en lisant le journal et, bien sûr, la série “Plus belle la vie” à laquelle Lilette avoue, un brin gênée, « être accro », le temps s’étire doucement. « Ici, je suis comme chez moi », dit la vieille dame, en surveillant du coin de l’œil, Prince, le chaton de 4 mois « qui a tendance à mordiller quand on le caresse ». « Sauf que je m’ennuie moins. Il y a toujours de l’animation, même pendant les repas où on est minimum sept à table ; comme ça au moins, on ne s’endort pas ! »
« Laurence est d’une patience incroyable », sourit Renée, qui semble avoir trouvé ses marques très rapidement. Même si elle a d’abord dû faire comme si de rien n’était quand Roger a montré quelques signes de jalousie à son arrivée il y a quinze jours… « Quand mon fils m’a proposé cette solution, je lui ai dit : “Si ça me plaît, je reste. Sinon, on s’en va tout de suite” », raconte-t-elle. Avant de rajouter aussitôt : « Maintenant que je suis là, je ne pars plus ! »
Laurence Seffari le sait sans doute mieux que quiconque : « On ne s’improvise pas accueillant familial. Les personnes âgées sont des êtres fragiles qui ont besoin de chaleur, d’attention. D’espoir aussi. Les héberger chez soi, cela n’a rien à voir avec le métier d’auxiliaire de vie parce que là, c’est du 24 h/24. »
Depuis qu’elle a obtenu son agrément par le conseil général de l’Isère en décembre 2009 (sur le même principe qu’une assistante maternelle), cette maman de trois enfants âgée de 48 ans (qui vit aussi avec sa maman de 78 ans) a déjà accueilli une dizaine de personnes, parfois pour une ou deux semaines seulement… Mais elle n’a oublié le prénom d’aucune d’entre elles. « Au début, pour me faire connaître et pouvoir travailler, raconte-t-elle, il a fallu que je joue les VRP et que je frappe aux portes des hôpitaux, des CCAS, des établissements spécialisés… Car quand je ne travaille pas, je n’ai pas de revenu puisque mon statut ne me donne pas droit au chômage. Mais il faut quand même que je vive et que je paie mon loyer de 1 400 € ! »
« On évoluera ensemble »
Même si elle peut « compter sur des infirmières formidables » et sur le soutien d’un psychologue de l’Asmi-OMSR qui, lors de leur rencontre mensuelle, l’aide à « adapter les comportements face aux situations », Laurence Seffari avoue avoir eu du mal quelquefois, quand les crises de démence ou la maladie d’Alzheimer s’en sont mêlées…
Pourtant, ce métier qu’elle exerce jour et nuit, elle n’y renoncerait pour rien au monde. « Bien sûr, les contraintes sont énormes mais les satisfactions sont elles aussi très nombreuses. Lilette, Renée et Roger font partie de ma vie, on partage des moments très forts et j’espère qu’on restera longtemps côte à côte. Même si leur état de santé se dégrade, on évoluera ensemble. Je suis prête à les accompagner jusqu’au bout. Mais pour l’instant, j’aimerais bien qu’on arrive à partir tous cet été une semaine en club de vacances ! »