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> Extrait :
La psychiatrie publique ne se conçoit que dans le travail en équipe. Je vais évoquer ici une expérience qui est une vraie aventure depuis maintenant trois ans. Elle a commencé par une année de réflexion, à partir du constat suivant : notre service avait des capacités de prise en charge ambulatoire ainsi qu’en hospitalisation, mais il manquait quelque chose pour les usagers qui ne pouvaient rester seuls chez eux, ou dans leur milieu familial, malgré un « soutien soutenu », mais qui ne relevaient pas d’une hospitalisation temps plein.
Nous avons donc réfléchi à un accueil qui serait une alternative à l’hospitalisation pour des patients reçus en consultation et pour lesquels nous jugions opportun de proposer un accueil en leur permettant ainsi d’éviter une admission à l’hôpital, et serait également bénéfique pour des personnes hospitalisées, une fois passée la période aiguë des troubles, ceci afin d’effectuer une convalescence au plus près de chez eux, dans la cité, avec la commodité de pouvoir continuer à effectuer leurs démarches sociales.
Nous avons donc proposé des accueils familiaux de durée brève, en moyenne aujourd’hui de quinze jours. Quand nous en avons parlé en C.M.E. à nos collègues, nos termes à l’époque étaient ceux de « familles d’accueils de crise », puis sont devenus « familles d’urgence ». Ces termes ont fait peur, et nous avons été confrontés à de nombreuses résistances de la part du corps médical et de tous les professionnels du soin face à cette nouvelle façon de travailler.
Nous avons quand même tenté l’expérience en recrutant une famille il y a maintenant deux ans. Au préalable, nous avons élaboré un projet de soins qui a changé de mois en mois, et qui change encore chaque jour. Cette expérience est passionnante, enrichissante. Elle stimule l’ensemble du service, les familles, les patients, et change en partie les représentations de la santé mentale dans la population générale.
Au total, huit familles ont été recrutées progressivement, non sans mal il est vrai.
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Depuis le démarrage de cette véritable entreprise, cent personnes ont été admises pour des durées moyennes de quinze jours, parfois pour une semaine, parfois un mois.
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Au départ, nous nous sommes demandé quel type de patient orienter vers cette forme d’accueil. Très vite, nous avons écarté la violence, les délires aigus et le risque suicidaire majeur, ainsi que les pervers sexuels. Nous avons donc démarré avec des patients anxieux ou dépressifs pour que les familles puissent se mettre progressivement au travail tout en les protégeant.
Aujourd’hui, avec l’expérience acquise, elles accueillent des patients psychotiques ou maniaques dès lors qu’ils ne manifestent ni agitation extrême, ni violence. En fait, au début, nous étions un peu timorés, mais les familles se sont progressivement adaptées, avec parfois un discours tout à fait différent du nôtre.
Quand nous disions : « Écoutez, c’est un accueil qui est possible mais ça ne va pas être simple, il y a telle et telle chose à prendre en compte », les familles nous répondaient ensuite : « Non, ça s’est très bien passé, pas de problème ». À l’inverse, pour des accueils qui ne nous inquiétaient pas, des problèmes sont survenus. Là aussi, les découvertes sont permanentes.
Lorsque ce type d’accueil semble indiqué pour un patient reçu en consultation ou hospitalisé, il lui est proposé et nous lui remettons un document qui explique le cadre de l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). . Les premiers patients à qui nous avons proposé ce type d’accueil, nous ont rétorqué : « Mais attendez, j’ai déjà une famille, qu’est-ce que je vais aller faire quinze jours dans une autre famille ; ça ne va pas docteur ».
Maintenant, les personnes qui ont été accueillies sont les meilleurs avocats de cette façon de travailler parce que l’information est diffusée. Certains patients n’iraient à l’hôpital pour rien au monde, même si leur état le nécessitait. Ils ont donc là une alternative réelle à un séjour à l’hôpital.
Une fois la proposition d’accueil familial faite au patient, nous lui laissons un ou deux jours pour réfléchir. En fonction des disponibilités, nous proposons une famille qui paraît correspondre au profil du patient. Ceci est important, notamment pour les personnes qui ont une dépendance hospitalière et qui reviennent à l’hôpital chercher en permanence réassurance et confort. Là, nous pouvons proposer des accueils dans différentes familles.
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Mais il est vrai que c’est un travail pénible que de changer régulièrement de personnes accueillies. C’est pourquoi nous tentons de rassurer les familles de notre mieux. Ainsi, nous avions écarté l’idée de la formation des familles d’accueil pour ne pas les « déformer ». Mais nous avons réalisé qu’elles avaient besoin d’un lieu de paroles, d’un espace pour elles, et elles ont bénéficié de journées de formation qui les ont confortées et les remotivent régulièrement.
De notre côté, nous les recevons chaque semaine quand nous recevons les patients. Il y a toujours un temps pour la famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! , ensuite pour le patient, et ensuite avec la famille et le patient. Par ailleurs, il existe une astreinte médicale psychiatrique 24 heures sur 24 : les familles peuvent donc nous appeler à tout moment en cas de problèmes. C’était la condition pour leur offrir le maximum de confort. De ce fait, il n’y a jamais d’appels la nuit, les problèmes étant résolus dans la journée.
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En conclusion, le bilan est extrêmement positif quant à cette méthode :
- les patients sont dans un milieu rassurant et chaleureux et peuvent continuer à effectuer leurs démarches plus simplement ;
- les familles y trouvent leur compte en constatant l’amélioration de l’état de l’accueilli ;
- l’équipe porte un autre regard sur son travail, après avoir connu l’hôpital et l’hôpital de jour.