Éric avait passé 8 années prostré, en hôpital psychiatrique. Très introverti, il ne s’intéressait à rien - nous pensions même, au début, qu’il vivrait éternellement dans son monde parallèle...
- Eric
Sa soeur a fini par lui trouver une place en Lieu de vie, où il a fait, en quelques années, de gros progrès - moins d’hallucinations, de délire de persécution...
Il venait de temps en temps en vacances chez nous, à la maison. Il a fini par exprimer le désir de rester ici : nous lui avons aménagé une chambre et une salle de bain. Après quelques mois d’observation discrète (il avait l’air indifférent dans son coin, mais en fait surveillait tout), il s’est mis à revendiquer régulièrement : "mais ça, je peux le faire !"
Et il s’est mis à prendre, petit à petit, au fil des années, plein d’initiatives.
À présent, il se sent responsable de mettre et de débarrasser la table, de promener le chien, d’arroser le jardin, de chercher le courrier, de nous tenir au courant de tout ce qui se passe au pays et qu’on n’a pas eu le temps de voir : un renard qui mange les cerises tombées à terre, des randonneurs à la cime d’une montagne...
Depuis que je lui ai appris à reconnaître les champignons, il nous en ramène régulièrement. En cachette, il a réussi à faire fonctionner mon ordinateur - dès que je tourne le dos, je le retrouve en train de jouer aux jeux que j’avais installés pour les enfants, qu’il avait attentivement "espionnés" !
Détails amusants : Éric était militaire de carrière, et moi réformé pour cause de ... troubles mentaux ! Notre entente est cependant parfaite. Il m’arrive de l’interpeller : "Garde à vous !" lorsqu’il se tient mal, replié sur lui-même, ça marche et ça le fait bien marrer .
Mais comment se fait-il qu’avec un agrément "social", j’accueille depuis 1996 un malade mental ?
En fait, le seul hôpital psy du département n’a pas de service d’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). thérapeutique. Régulièrement, les assistantes sociales placent des malades dans des familles contrôlées par le Conseil Général.
Et ça se passe généralement bien : ces patients continuent à bénéficier d’un suivi régulier, évolutif, par l’intermédiaire des CMP (centres médico psychologiques) gérés par l’hôpital. Le secteur est bien couvert, il y en a quasiment dans tous les principaux bourgs ardéchois...
Ce suivi s’adapte aux besoins. Au début, Éric allait voir chaque mois le psychiatre avec nous et une infirmière passait chez nous chaque semaine. Ces regards extérieurs sont rassurants : nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes, l’équipe est là pour nous rassurer, répondre à nos questions. De la secrétaire aux docteurs, en passant par les infirmières, tout le monde est sympa, disponible.
Petit à petit, l’état d’Éric s’est bien amélioré.
Pendant quelques années, il participait une demi journée par mois à des activités organisées par le CMP : atelier cuisine, jeux de société, balades...
A présent, il préfère la compagnie des gens "normaux" - il ne tient plus trop à "aller faire des trucs chez les fous"...
Il va voir le psychiatre tous les 2 mois, en cyclomoteur, pour faire renouveler son ordonnance. C’est à 15 kilomètres d’ici, et il est tout fier de revenir avec ses médicaments, qu’il cherche lui-même à la pharmacie. Il nous tient au courant de l’état de santé du médecin, qui a parfois, selon lui, "mauvaise mine" (inquiétant, pour un docteur )
Tous comptes faits, je préfère être accueillant social : je me sens plus libre que si j’étais salarié de l’hôpital. Je ne suis pas au service d’une équipe, c’est l’équipe qui est à notre disposition ! On ne l’a pas en permanence "sur le dos", on se débrouille entre nous tous, en concertation avec la tutrice d’Éric et en fonction des besoins ou des problèmes à résoudre...
En fait, je pense que l’accueil familial thérapeutiques est surtout utile dans un premier temps, pour "tester" les patients avant d’envisager une solution à plus long terme. Car il arrive que des placements familiaux échouent au bout de quelques jours ou quelques semaines.
Avec un service d’accueil familial thérapeutique
AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
et des solutions de secours, je suppose que ça doit être plus facile à rattraper ?
Interrogativement, Étienne (2003)