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IFREP - Évaluation des dispositions de la Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015

relative à l’adaptation de la société au vieillissement, Chapitre V, Soutenir l’accueil familial, Article 56 :
Commentaires et avis de l’IFREP
Auteurs : Catherine Horel et Jean-Claude Cébula, 19 janvier 2016


Commentaires et avis
à télécharger sur le site de l’IFREP

Mille fois Merci à Catherine Horel et à Jean-Claude Cébula, qui nous ont autorisés à reproduire ici leur analyse ; nous vous recommandons de télécharger la version originale de ce document, au format PDF, sur le site de l’IFREP
Les parties en gras et les liens figurant dans le texte suivant ont été ajoutés par l’association Famidac.


L’article 56 s’intitule « Soutenir l’accueil familial ».
Ce supposé soutien se décline en ajustements pratiques (SMIC - CESU), et en précisions oubliées (projet d’accueil personnalisé) ou laissées de côté jusqu’ici (formation des accueillants).

Fondamentalement, rien ne change.
L’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). demeure une pratique libérale encadrée et surveillée (peut-être de plus en plus réglementée). Or, dans la plupart des cas, les accueillants mettent réellement à disposition leur vie familiale, répondant ainsi aux besoins humains de personnes fragiles et/ou dépendantes. Ils ont besoin d’une réelle reconnaissance de leur activité, autant que d’un soutien bienveillant dépassant les enjeux du suivi médico- social des accueillis.
Mais l’accueil familial, difficile à définir et à faire entrer dans les codifications, devient parfois une solution d’hébergement des plus critiquables et insuffisamment contrôlée. Des « lobbys immobiliers », notamment, ont largement profité (et a priori encore) des largesses et des flous des textes.

Il faut dire que la réglementation confuse (accueil de gré à gré) et mal adaptée (accueil salarié) n’aide pas à la définition et à la structuration d’un champ homogène, visible, lisible et pertinent.
À quand, comme nous l’appelons de nos vœux depuis plus de 30 ans, de véritables services d’accueil familial regroupant accueillants et intervenants spécialisés, dans lesquels chacun œuvrerait au bien-être de personnes en mal de quotidien familial ?

Avec cette nouvelle loi, les ajustements apportent des évolutions nécessaires mais non fondamentales :

Ces évolutions (dont une partie sera concrétisée par voie de décrets dans un délai inconnu) auront-elles pour autant l’effet de soutien annoncé ?

Elles dénotent surtout une méconnaissance intrinsèque et récurrente des besoins des personnes fragilisées par l’âge ou le handicap, et des solutions différenciées à leur proposer, ici en accueil familial. Par exemple, que penser de cette dérogation pour l’accueil de 4 lorsque, parmi ces 4, se trouve un couple ? En quoi le familial répond-il à ce besoin ? En quoi le familial, dans ce contexte, serait-il encore réel ?

Ci-après quelques commentaires et avis plus détaillés sur les dispositions de la loi :

L’article L441-1, qui fixe le cadre général de l’agrément, fera l’objet d’un décret en Conseil d’État qui instituera notamment un référentiel d’agrément.

À ce stade, nous relevons :

  • l’ajout de l’initiation aux gestes de secourisme à la formation initiale et continue devant être suivie par les accueillants pour obtenir et conserver leur agrément. La formation fait l’objet d’un article ajouté (L443-11) dont l’application passe par voie de décret (voir plus loin) ;
  • des critères d’agrément seront fixés par le décret. Comme évoqué dans l’introduction, lister des critères, dans le cadre d’un référentiel national, pourrait en effet permettre de clarifier le fonctionnement, voire de réduire les interprétations divergentes… Ou d’espérer des critères objectivables (ou moins subjectifs, comme par exemple « la motivation du demandeur »…) ;
  • instaure la notion de simultanéité des 3 personnes maximum pouvant être accueillies, pour un total de 8 contrats actifs au même moment. Une mesure utile qui prend en compte des accueils de toutes natures (à temps partiel, à titre temporaire, séquentiels…) ;
  • ajoute la possibilité, à titre dérogatoire, d’accueillir 4 personnes si, parmi elles, un couple. Cette mesure est une erreur. S’il s’agissait de répondre aux éventuels besoins d’accueil de couples, il aurait été judicieux et simple de limiter à 3, couple inclus… Par ailleurs, pourquoi et comment cette possibilité va-t-elle pouvoir apparaître d’office au niveau de l’agrément ? Enfin, son caractère dérogatoire est susceptible d’engendrer des conflits, voire des contentieux. On sait déjà que des CDs ne se saisiront pas de cette disposition. Que feront les autres ?
  • auparavant l’arrêté d’agrément précisait le nombre d’accueillis, éventuellement leur répartition PA- PH, et le fait que l’accueil était projeté à temps complet ou partiel. Dorénavant, il précise s’il s’agit d’un accueil de jour ou de nuit pour le temps partiel, ainsi que le caractère permanent, temporaire ou séquentiel séquentiel
    séquentiels
    Les accueils séquentiels sont des accueils intermittents, dont la périodicité est librement déterminée - exemples : un weekend tous les mois, en semaine hors weekend, etc.
    Contrairement à l’accueil temporaire ponctuel (à durée déterminée, de date à date), l’accueil séquentiel est une formule très souple pouvant faire l’objet d’un contrat d’accueil à durée indéterminée (sans date de fin).
    de l’accueil. Tel qu’est rédigé l’article, on peut comprendre que la décision DOIT fixer ces éléments. Est-ce réellement le cas ? Les agréments mixtes sont-ils toujours possibles ? Sachant que nous persistons à penser, à l’instar de certains acteurs départementaux, que plus large est l’agrément, plus il permet une souplesse d’accueil dont les modalités répondant aux besoins des réels futurs accueillis se déterminent au contrat. Pourtant, cette mesure semble répondre aux demandes de CDs qui avaient même anticipé ces pratiques, conférant aux agréments une « spécialisation » à priori…
  • est ajouté le fait que l’agrément PEUT (contrairement aux éléments plus haut) préciser les caractéristiques des futurs accueillis en termes de handicap ou d’autonomie. Comment comprendre cet ajout ? Faudra-t-il décider d’emblée (et si oui, comment ?) que le candidat à l’agrément peut accueillir tel ou tel GIR, ou des personnes à mobilité réduite, ou des « handicapés psychiques » ? De quoi parle-t-on finalement ?
  • on retrouve cette problématique au dernier alinéa de l’article : l’accueil de ces personnes ayant des caractéristiques en terme de handicap ou d’autonomie pourrait se faire dans le cadre d’un agrément subordonné à des modalités spécifiques de formation, de suivi et d’accompagnement de l’accueillant (ou de l’accueilli). Comment un agrément pourra-t-il anticiper le profil de l’accueilli, sauf à imaginer que des candidats seraient agréés spécifiquement pour des populations ciblées pour lesquelles on cherche des solutions d’accueil ? Sachant que les personnes en accueil familial sont peu autonomes (sinon, elles resteraient chez elles avec les aides appropriées), souvent âgées, majoritairement handicapées sur le plan psychique et relationnel, parfois venant d’établissements psychiatriques…
  • pour compléter sur cette disposition, quid de la liberté de contrat de l’accueillant ?
  • et si l’on peut concevoir que ces agréments « spécialisés » nécessiteraient une formation particulière (mais laquelle, et quand ?), on ne voit pas comment le suivi et l’accompagnement pourraient s’inscrire dans la décision d’agrément…
  • sur un tout autre plan, le non renouvellement d’agrément nécessitera dorénavant un passage en CCR (au même titre que le retrait, ou la restriction en terme de nombre d’accueillis). Une initiative pertinente qui garantit le respect du contradictoire et des droits des accueillants.

L’article L442-1 relatif au contrat d’accueil subit deux niveaux de modifications.

Le premier niveau concerne les accueillants :

Le second niveau concerne le contrat :

  • du fait des modifications introduites par la loi, le contrat type prévu à l’annexe 3-8-1 (et 3-8-2 pour l’accueil salarié) sera modifié par décret simple. On pourrait en « profiter » pour revoir les modalités de préavis, les sommes dues lors des divers événements de l’accueil et autres détails souvent sujets à interprétations ;
  • un projet d’accueil personnalisé devra lui être annexé. Sa structure type sera fixée par ce même décret. On ne sait pas encore ce qu’il contiendra, et comment pourront le penser les accueillants ;
  • afin de garantir le respect des droits et libertés des accueillis, le contrat prévoira également le recours à « la personne qualifiée » et à « la personne de confiance » comme dans les établissements. On ne sait pas encore si le futur contrat y fera référence ou s’il reprendra la totalité des textes, ce qui alourdirait sensiblement le document ;
  • et la charte fixée par l’arrêté du 8 septembre 2003 devra lui être annexée.

Compte tenu de sa longueur, les contrats vont encore s’alourdir, notamment pour les accueils temporaires ou séquentiels. Les photocopieuses vont chauffer !

L’article L443-11 (ajouté) porte sur la formation dont les éléments seront formalisés par un décret en Conseil d’État.

À ce stade :

  • instituant un référentiel national de formation, cette mesure a l’avantage (enfin) de prévoir cadre et contenu à la formation des accueillants qui n’avaient jamais été fixés, laissant libre cours aux conceptions locales. Reste à penser, comme pour les assistants familiaux, une véritable formation prenant en compte les spécificités d’un métier du « familial intime partagé » ;
  • est ajoutée l’obligation de suivre une initiation aux gestes de premier secours. Aisée à mettre en œuvre (SDIS, Croix-Rouge…), peu onéreuse, pouvant regrouper différents publics, ce point avait souvent été anticipé. Restera à fixer le niveau d’initiation (a priori il en existe 2), la durée (très fluctuante selon les organismes, d’une demi-journée à deux journées) et à penser la certification de ladite initiation et de l’organisme la dispensant…
  • plus problématique est la partie de formation devant être suivie avant l’accueil. Si l’intention sur le plan de la professionnalisation s’entend et se soutient, sa mise en œuvre risque de décaler la mise au travail des accueillants (délais pour constituer des groupes, délais des appels d’offres…).
    Ce point fait largement débat quant aux réelles faisabilités, voire inquiète les Conseils Départementaux (notamment via le Forum de l’IFREP [1]) quant au découragement qui pourrait s’en suivre, éloignant de l’intention de soutien de l’accueil familial. Débats et inquiétudes que nous partageons largement ;
  • au-delà des durées, contenus et objectifs à fixer, le texte évoque également les modalités de formation. On ne sait pas s’il s’agit de modalités pédagogiques (nombre de sessions, délai entre les journées…) ou si l’on peut penser à la prise en charge de frais de déplacements par exemple… Sur ce sujet, les pratiques déjà existantes des Cds étant très divergentes, le questionnement a déjà lieu !
  • enfin, pendant la formation obligatoire, le Département prend en charge, lorsqu’il n’est pas assuré, l’accueil de personnes dont l’état le nécessite. S’agit-il de modalités financières ? Mais surtout, dans le cadre obligatoire de la continuité de l’accueil, l’accueillant a un remplaçant. Cette disposition a donc quel objectif ? Qu’est-ce qui va permettre de déterminer une « prise en charge » par le CD (dont on ne sait pas la nature) compte tenu de « l’état » des accueillis ?

Catherine Horel et Jean-Claude Cébula
19 janvier 2016

P.-S.

Voir également

Les modifications induites par la loi du 28 décembre 2015
à télécharger sur le site de l’IFREP

Notes

[1Note de Famidac : le forum de l’IFREP est réservé aux Conseils Départementaux et aux organismes conventionnés sur autorisation des Départements.
A notre connaissance, l’IFREP est à ce jour, en France, le seul organisme d’étude et de formation

  • réellement compétent en matière d’accueils familiaux (thérapeutiques ou sociaux)
  • en mesure d’organiser des séances de formation objectives et constructives, regroupant des accueillants familiaux et le personnel des services départementaux chargés de leur supervision (c’est utile aux uns comme aux autres :-) )