Que faire pour leur venir en aide dès maintenant si l’on veut éviter des situations dramatiques après la disparition des parents ?
A - Les personnes concernées :
D’après plusieurs études, et en particulier celle de la Fondation de France en 1997, 60.000 familles sont dans cette situation en France. Ces adultes sont âgés de 45 à 60 ans, voire plus pour certains. Ces familles sont en détresse, angoissées par un avenir auquel personne ne les a préparées et pour lequel pratiquement personne ne les a jamais conseillées. Ceci a eu pour conséquences que la plupart d’entre elles se sont découragées, atterrées, à cause de l’accueil qu’elles ont reçu, ou plutôt qu’elles n’ont pas reçu.
B - Pourquoi en sont-elles là ?
Cette situation est due à de nombreuses causes, selon les cas :
- une orientation inadaptée à la réalité de leur situation et trop souvent basée sur le « tout ou rien », qui peut engendrer un refus de la séparation permanente de la part des familles (mais cette dernière raison n’est pas majoritaire, contrairement à ce qui peut être avancé comme raison de ne pas s’intéresser à leur sort),
- le manque de places disponibles,
- l’éloignement des places rarement proposées,
- une situation de blocage ou de refus de la personne handicapée à un moment quelconque ou des problèmes de santé
Quoi qu’il en soit, depuis quarante années ces personnes regardent passer le train de la solidarité nationale qui est toujours plus beau et plus grand, mais dans lequel elles n’arrivent jamais à monter.
C - Quelles sont leurs attentes, leurs besoins ?
Elles ont besoin d’une écoute, d’un accompagnement, d’aide pour le présent et surtout pour l’avenir face à cette question lancinante : « que deviendra mon fils ou ma fille quand je ne serai plus là ». Elles ont besoin d’être rassurées et qu’on leur montre qu’il y aura d’autres solutions que l’hôpital psychiatrique pour leur enfant car c’est leur hantise. Ces parents souhaitent que cet avenir sans eux, soit préparé avec eux le plus tôt possible avant leur disparition.
D - Que faut-il faire ?
Il s’agit de tout faire pour éviter des séparations d’urgence et leurs conséquences désastreuses, tant au plan social qu’au plan économique. Il faut tout d’abord les recenser, " les débusquer" comme il avait été dit lors d’une journée d’information sur ce thème à Rennes en 1997 (déjà 5 ans)
Pour cela un seul moyen : un recensement exhaustif par les COTOREP car ces adultes handicapés adultes handicapés Pour avoir la qualité de personne handicapée au sens de la loi, celle-ci doit avoir soit un taux d’Incapacité permanente partielle (I.P.P.) égal ou supérieur à 80%, soit un taux d’I.P.P. compris entre 50 et 80 % ET une reconnaissance d’inaptitude au travail. et leurs familles sont presque toutes inconnus des associations auxquelles elles n’adhérent pas, faute d’y avoir trouver une réponse à leurs attentes. Cela a déjà été fait avec succès dans plusieurs départements (le Haut Rhin, l’Essonne...) : il faut inciter vigoureusement les départements qui n’ont pas encore établi de schéma départemental des adultes handicapés à le faire et de traiter en priorité la situation de ces personnes handicapées vieillissantes sans prise en charge.
Il faut ensuite donner la priorité à l’aide aux aidants en développant :
- l’information, qui s’adresse le plus souvent à des personnes très isolées,
- les outils et dispositifs de bilan et d’orientation (exemple : des clubs d’accompagnement, d’observation et d’évaluation)
- l’accueil temporaire accueil temporaire Terme désignant un contrat d’accueil à durée déterminée, avec une date de début et une date de fin, prévoyant une prise en charge à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (de jour ou de nuit). , qui permet à la personne handicapée de tester et d’apprivoiser la vie en collectivité et à ses parents de cheminer plus en confiance vers la séparation.
De telles mesures doivent permettre de construire pour chacun de ces adultes un "un projet de vie après les parents", projet qui doit se construire de leur vivant.
Les solutions possibles qui ressortiront sont diversifiées :
- foyer résidence
- foyer de vie
- vie en appartement autonome avec services de soutien
- famille d’accueil
- maison de retraite spécialisée ou pas
- institution spécialisée telle que maisons pour adultes handicapés vieillissants...
Mais elles seront nécessairement personnalisées car si la majorité relève d’une déficience intellectuelle ils n’ont ni les mêmes capacités (autonomie, ....), ni le même parcours de vie.
Il ne faut pas non plus hésiter à avancer des raisonnements de type coût/avantage : le coût d’un hébergement en maison de retraite "ordinaire" , même abondé d’un complément spécifique d’accompagnement de la personne handicapée à l’instar de ce qui vient de ce faire pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer - n’aura toujours aucun rapport avec le coût d’un établissement spécialisé pour personnes handicapées vieillissantes et à plus forte raison le coût d’une vie en appartement avec services de soutien voulus ou d’un accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). .
La récente rénovation de la loi sur les institutions sociales et médico-sociales représente une grande avancée dans la qualité des services et dans l’évolution des prises en charge autour des projets individualisés. La réforme à venir de la Loi d’orientation contiendra, nous n’en doutons pas, des avancés plus belles encore.
Mais nous, nous qui nous battons depuis des dizaines d’années en vain et qui nous sommes au crépuscule de notre vie, jamais vraiment certains de pouvoir répondre présents demain matin, quelle initiative de votre part, madame la Ministre, pourrait nous redonner espoir ?
Nous appelons de nos vœux, nous supplions même, une action prioritaire pour nos « enfants », une action que l’État garantirait car les départements ne vont pas tous au même rythme alors que notre temps est compté. Nous souhaitons avoir la chance, une fois dans cette vie qui ne nous a pas épargnés, de voir des réalisations concrètes pour nos enfants avant de disparaître.
Bernard Mercenne, janvier 2003