Dauphiné Libéré, 21 avril 2013, auteur : Muriel Bernard - témoignages de familles de personnes âgées placées en EHPAD.
Extraits :
- Les râleurs sont laissés de côté...
Parlant du cas de son père, un monsieur au caractère fort, volontiers râleur, Madeleine et Jacqueline racontent : "S’il dit ne pas vouloir manger ou (ne pas vouloir) sortir de son lit, le Personnel bat immédiatement en retraite, bien content d’échapper à la "corvée". Du coup, notre père ne mange pas de la journée et reste au lit du matin au soir. Il a perdu toute sa masse musculaire et n’est plus en état de marcher..."
- Mauvaise ambiance
Les familles l’assurent : l’ambiance et souvent délétère dans les EHPAD. Violette raconte : "Les personnes âgées aiment parler de leurs passions. Mais celles-ci n’intéressent pas tout le monde. Alors certains se crient dessus, s’insultent. Pire que dans une cour de récréation. Quant aux animations, souvent répétitives, elles finissent par lasser les résidents qui n’y participent plus".
- Des carottes pas cuites...
Autre souci : la nourriture. Paule assure que sa mère ne mange rien dans son EHPAD. Non qu’elle n’a pas faim, mais les aliments sont trop durs ! Alors les personnes âgées laissent tout dans l’assiette. Le personnel croit que les pensionnaires n’ont pas faim et du coup, leur sert des portions de plus en plus congrues.
- Ça colle par terre...
L’hygiène est une source d’énervement permanent pour les familles. "Dans la chambre de mon père, il y a toujours quelque chose qui colle par terre. Je ne supporte pas alors je lave moi-même" s’énerve Jacqueline.
Violette, elle, dénonce la fréquence des lavages corporels. "Ma mère est lavée une fois tous les 15 jours, selon le règlement en vigueur, Quand il y a eu le gros épisode de neige, la moitié du personnel soignant n’est pas venue travailler. Le jour de lavage a donc sauté, renvoyé aux 15 jours suivants ! Quand je me suis plainte à la direction de l’établissement, on m a répondu : "Faut pas en faire une histoire, de toute façon ils ne bougent pas, alors ils ne transpirent pas". C’est scandaleux !"
Les familles assurent aussi que le nombre de "changes" est défini par jour. Si un résident a atteint son quota journalier, il reste dans son change sale...
- La sonnette loin du fauteuil
Paule raconte : "Grabataire, ma mère ne peut se mouvoir seule. Le téléphone et la sonnette d’alerte étaient près du lit. Ma mère ne pouvait attraper ni l’un ni l’autre, et personne n’était passée la voir. Quand j’ai fait la remarque, on m’a dit : "Mais si elle ne sonne pas, on n’a pas de raison de passer dans la chambre ! Heureusement qu’elle n’a pas eu de malaise !".
- Erreur de médicaments
Violette enrage : "Le personnel se trompe régulièrement dans l’attribution des médicaments. Ma mère, qui a toute sa tête, s’en est rendu compte. Mais si un résident meurt des suites de ces erreurs, on dira qu’il est mort de vieillesse. C’est insupportable de ne pas pouvoir faire confiance au système..."
- Pas assez de fauteuils roulants
La pénurie de matériel semble criante dans les EHPAD. "Après le repas, les vieux restent dans la salle à manger, à moitié endormis et avachis dans des positions indignes. On nous dit qu’il n’y appas assez de fauteuils roulants pour les remonter dans leur chambre. Pareil pour les sortir se promener. Quand j’ai râlé, on m’a répondu que je n’avais qu’à en acheter un. Vous savez combien ça coûte ? Je n’ai pas les moyens !" se désespère Paule.
Les exemples sont encore légion et les familles ont l’impression de ne pas être entendues dans leurs doléances.
"On ne veut pas jeter l’opprobre sur le personnel soignant. On sait bien qu’il manque de moyen et de formation. Mais la souffrance des résidents et de leurs familles est telle que cela confine à de la maltraitance. Car on oublie que derrière les équilibres financiers à tenir, c’est la fin de personnes humaines en détresse qu’on précipite".
Voir l’article complet, avec des précisions apportées par Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées.
Voir également
- le cas des personnes âgées résidentes du centre hospitalier de Gisors (Eure), humiliées par des aides-soignantes
- Les maisons de retraites épinglées par la Direction des Fraudes : Publicité mensongère, affichage des tarifs incomplet, hausses de prix excessives, clauses contractuelles abusives… Près d’une maison de retraite sur deux userait de pratiques commerciales trompeuses, selon une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) auprès d’établissements hébergeant des personnes âgées.