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Chutes et prévention des chutes...

Docteur Michel Cavey : Symboliquement, la maison est le lieu où on se sent en sécurité. Pourtant on compte chaque année 4 millions d’accidents de la vie courante, dont 3 millions nécessitent des soins médicaux et 500.000 entraînent une hospitalisation, qui aboutissent à 18.000 décès.

En ce qui concerne la personne âgée, les chiffres sont au moins aussi inquiétants ; par exemple :

  • 14.000 décès sont imputables chaque année à un accident domestique.
  • 30% des personnes âgées de plus de 65 ans font une chute dans l’année ; ce taux monte à 50 % en maison de retraite (ce qui entraîne une conséquence théorique importante : il ne suffit pas de surveiller les gens pour les empêcher de tomber...).
  • En institution, le taux moyen de chute est de 1,5 par résident et par an.
  • De manière plus globale, 2 millions de personnes de plus de 65 ans chutent en France chaque année.

Ces chiffres ne portent naturellement que sur les accidents déclarés. Outre le coût humain il faut parler du coût économique : aux Etats-Unis, le coût de traitement des fractures du col du fémur s’élève à 2 milliards de dollars par an, sans compter la rééducation.

Le fait de chuter est un marqueur prédictif de mortalité à 6 mois.

Il faut rappeler que la chute n’est pas le seul accident domestique. Il faudrait parler des brûlures, des accidents par oublis (gaz...), par maladresse (chute d’un objet), des intoxications (local vétuste, troubles visuels, démence...), etc.

Pourtant, les accidents domestiques ne sont pas une fatalité. Contrairement à ce qu’on imagine, ce sont le sujets les plus valides qui ont le plus d’accidents, précisément parce qu’ils prennent plus de risques et moins de précautions. C’est d’autant plus regrettable qu’il suffit souvent de quelques gestes simples pour assurer une prévention efficace.

LES CAUSES DES CHUTES

Très souvent, quand on interroge le sujet qui a fait une chute, il est capable d’en donner une explication rationnelle : il a trébuché, ou il a voulu attraper quelque chose... la chute survient toujours par maladresse.

Il faut savoir ne pas s’en tenir là. En réalité beaucoup de chutes sont causées par un malaise ; ce malaise a provoqué une perte de connaissance et la perte de connaissance a provoqué à son tour une amnésie. En fait le sujet ne sait pas comment il est tombé, il ne se souvient plus d’avoir fait un malaise, et c’est de bonne foi qu’il reconstitue les événements en cherchant une explication plausible (naturellement le problème de la chute chez le dément est encore plus compliqué). Si l’on veut être certain de ce qui s’est réellement passé, c’est un interrogatoire très rigoureux qu’il faut mener ; il faut exiger la preuve que le patient a réellement assisté à sa chute, il faut qu’il raconte quels sont les meubles qu’il a touchés, quelle partie du corps a heurté le sol en premier, etc.

Et ce ne sera pas suffisant : car en cas de chute par maladresse, la question est de savoir pourquoi cette maladresse a provoqué la chute alors qu’un sujet plus jeune aurait su se rattraper.

Bref tout doit être mis en œuvre pour comprendre pourquoi le sujet est tombé, faute de quoi rien ne pourra être fait en matière de prévention.

LES CAUSES LIÉES AU VIEILLISSEMENT

La personne âgée est plus exposée aux chutes parce que les divers appareils vieillissent, et que leurs performances diminuent.

Les os et articulations :

La force musculaire diminue, et le sujet âgé ne s’en rend pas toujours compte, ce qui l’amène à faire des gestes dont il n’est plus capable. Mais un grand nombre de situations de la vie courante font appel à une grande force musculaire : par exemple si les muscles de la cuisse ont encore une force suffisante pour bloquer le genou quand la jambe est tendue, permettant ainsi une marche normale, ils ne sont plus assez puissants pour permettre le lever d’un siège un peu bas. Il arrive assez souvent que le patient dise qu’il est tombé parce que ses genoux se sont dérobés ; cela peut correspondre à un lâchage musculaire.

L’amplitude des gestes est diminuée par l’arthrose (épaules), les rhumatismes, les rétractions. Cela fait que pour réaliser certains gestes (prendre un objet sur une étagère par exemple) le sujet doit compenser en modifiant son attitude, ce qu’il fait au détriment de son équilibre.

L’architecture du pied se modifie : pieds plats, déviation des orteils, durillons. Or le pied est un organe très complexe, au fonctionnement très précis, et l’accumulation des anomalies à son niveau compromet rapidement la sécurité de la marche, surtout en terrain inégal.

La marche est altérée par l’arthrose des hanches et de genoux ; la longueur et la régularité du pas sont altérées. Le blocage de la cheville, qui ne peut plus se fléchir au-delà de l’angle droit, est très fréquent, et cause de nombreuses chutes, notamment en côte. Les troubles vertébraux sont également souvent en cause, et il suffit de regarder le sujet debout pour voir que sa colonne ne lui permet plus de contrôler son centre de gravité.

La douleur peut entraîner des troubles de la marche (boiterie par exemple).

L’ostéoporose entraîne des fractures spontanées du col du fémur : le sujet tombe parce qu’il s’est fracturé. 20% des fractures du col du fémur sont spontanées.

Le système nerveux :

La précision des gestes peut être altérée. Au niveau des mains c’est une infirmité multifactorielle, liée à l’arthrose des doigts, aux troubles sensitifs, aux troubles du cervelet... ces problèmes se rencontrent aussi au niveau des membres inférieurs.

Certaines maladies (Parkinson) engendrent des mouvements anormaux, des blocages du geste, des anomalies du demi-tour...

La sensibilité de la plante du pied peut être amoindrie (polynévrite diabétique), et le sujet ne sent plus les irrégularités du sol.

La perte des réflexes ostéo-tendineux des membres inférieurs est presque constante chez le sujet âgé. Cette perte signifie que le sujet a perdu l’un des systèmes qui règlent le tonus des muscles chargés d’automatiser la station debout.

L’atteinte nerveuse peut engendrer une paralysie de l’extension du pied, et la pointe accroche la marche d’escalier.

Les accidents vasculaires cérébraux et leurs séquelles peuvent entraîner des déficits importants.

L’épilepsie existe aussi chez le sujet âgé.

Le système sensoriel :

Le système responsable de l’équilibre est un système complexe qui met en jeu plusieurs appareils. Le système vestibulaire siège dans l’oreille, c’est le système principal ; il vieillit et sa performance s’altère. Mais il est aidé par d’autres systèmes qui règlent les mouvements des yeux et le tonus des muscles du cou, et ces systèmes vieillissent aussi. Un bon moyen d’explorer globalement ce système est d’observer la réaction du sujet quand on exerce une poussée brutale sur le sternum : le sujet jeune réagit en résistant, le sujet âgé fait un pas en arrière et ce pas est dangereux.

Les troubles visuels (cataracte, presbytie, dégénérescence maculaire...) diminuent l’aptitude à éviter les obstacles.

Les troubles auditifs entraînent une augmentation des situations où le sujet va être pris par surprise.

Quelques observations simples permettent d’étudier globalement la station debout.

1) Le lever d’un siège : le sujet âgé est capable de se lever sans hésitation ni effort, ou bien il doit prendre son élan, s’y reprendre à plusieurs fois, être aidé...

2) Le demi-tour : normalement le demi-tour se fait en marche avant : c’est en avançant un pied que le sujet tourne. Beaucoup de personnes âgées font leur demi-tour en marche arrière, en reculant un pied. Ce recul les met en danger.

3) La marche : il suffit de faire marcher le sujet en lui parlant. Certains patients vont s’arrêter de marcher pour écouter ou pour répondre. Cela peut être lié à la nécessité de reprendre leur souffle, mais c’est plus souvent parce qu’ils ont besoin de toute leur attention pour marcher, tant leur équilibre est précaire.

4) L’appui sur un pied. C’est le marqueur le plus fiable du risque de chute, et le sujet qui ne peut tenir cet appui plus de quelques secondes est certainement en danger.

Cette série d’anomalies a une conséquence majeure : on peut diminuer le risque de chute en entretenant l’activité physique. Il faut lutter contre les ankyloses, il faut entretenir la musculature, il faut garder les habiletés. De même le système nerveux possède de grands pouvoirs de compensation, mais ces pouvoirs de compensation ne sont mis en œuvre que si le sujet s’entraîne. Et il y a deux notions cruciales :

1) C’est en prenant des risques que le sujet apprend à les diminuer. Si on compte éviter les chutes en restreignant l’activité du sujet, on décide du même coup de le grabatiser, seule solution sûre.

2) La principale cause de fonte musculaire est la dénutrition. Le sujet âgé doit manger, et la notion de régime doit être pensée en fonction de cette contrainte.

Il faut donc observer le patient, essayer de voir quand et comment il se met en danger, et l’encourager à marcher et à bouger.

D’autre part il faut observer le domicile, regarder comment la personne y vit, et essayer d’en détecter les dangers.

La personne âgée est depuis longtemps dans sa maison. Elle y a pris des habitudes ; certaines sont faciles à comprendre, d’autres non ; parfois la cause de l’habitude a disparu, et la vieille dame reste à cette fenêtre parce que de là elle pouvait guetter la sortie de l’usine où son mari travaillait. Le mari est mort, l’usine est détruite mais la fenêtre est restée.

Souvent le sujet âgé se réfugie dans certaines pièces et déserte les autres. Il faut le savoir et se demander pourquoi : la pièce n’est pas facilement accessible, ou elle est trop fraîche, ou mal éclairée. Mais il peut y avoir des raisons plus difficiles à saisir, parce qu’elle renvoient au passé de la personne, voire des raisons fausses, comme les odeurs : l’âge modifie l’odorat et souvent les vieillards sont incommodés par des odeurs qui n’existent pas. Naturellement c’est encore plus difficile chez le dément.

Dans la pièce il faut regarder où le sujet se met de préférence. Le coin du feu est très souvent occupé, même quand il n’y a pas de feu. Il y a des personnes âgées qui aiment le coins sombres, d’autres au contraire les endroits éclairés. Il y a des postes d’observation, il y a la fenêtre où l’on voit les oiseaux, la coin de la table où l’on voit la télévision du salon... Sur tous ces points il faut repérer le désir de la personne et s’y soumettre. Si on ne le fait pas, si on veut contraindre la personne âgée à changer ses habitudes, elle risque de perdre ses repères et de chuter.

Il faut être particulièrement attentif aux troubles visuels : le fait de perdre la vue expose à de nombreux dangers. Sans examiner le cas des aveugles, on devra faire très attention aux petits obstacles, qui peuvent causer de grandes chutes. C’est le cas des descentes de lit ou des lames de parquet qui dépassent, d’autant plus que souvent la personne âgée perd la sensibilité de la plante des pieds. Il faut se donner les moyens d’éclairer en permanence le couloir par lequel la nuit la personne âgée va aux toilettes, et ne pas hésiter à acheter une chaise percée (sur ordonnance).

Il faut donc être très actif dans ce domaine, et rechercher tous les moyens d’adapter les conditions de vie au handicap constaté.

Les escaliers sont évidemment une épreuve redoutable pour la personne âgée. Les rhumatismes en tous genres (et notamment l’arthrose) peuvent interdire la montée des marches, ce qui fait que le vieillard renonce à utiliser les étages. Cependant il y a des solutions : il faut savoir se demander si on ne pourrait pas améliorer la situation en mettant une ou deux rampes, il faut savoir que la douleur de l’arthrose est sensible aux médicaments, il faut savoir aussi que la chirurgie de l’arthrose peut désormais être proposée à n’importe quel âge.

Après chirurgie de hanche il est fréquent de voir un malade dont la rééducation n’a pas été parfaite. Dans ce cas les muscles affaiblis sont le plus souvent ceux qui permettent de tourner le pied en dehors, ce qui conduit à des douleurs mais aussi à des chutes, le pied du côté malade venant buter contre le pied du côté sain. Il faut toujours veiller à ce que les pointes des pieds soient bien tournées vers l’avant.

L’hémiplégie est naturellement une autre source de handicap moteur. Souvent le sujet ne contrôle plus son mouvement et fait des pas trop courts ou trop longs, ce qui le met en danger de perdre l’équilibre. Il a souvent du mal à redresser le pied, ce qui l’amène à buter contre la marche d’escalier ou le seuil de la porte. A l’inverse de la prothèse de hanche il a souvent le pied tourné vers l’extérieur, et bute contre les meubles. Il a souvent perdu la sensibilité de la plante du pied, et ne sent pas les irrégularités du sol. Tout ceci doit être connu et surveillé.

Il existe de nombreuses aides à la marche :

  • La canne. C’est la plus simple. Ne jamais oublier qu’elle s’utilise du côté sain, et que la canne est toujours trop longue : une canne bien ajustée doit être tenue bras tendu. Beaucoup de personnes âgées ne prennent la canne que pour se rassurer. En réalité elles ne s’appuient pas dessus. Il faut y faire attention : elles risquent alors de se prendre les pieds dedans...
  • La canne tripode : c’est une canne qui tient au sol par trois pointes ; son gros avantage est qu’elle tient toute seule, ce qui la rend très avantageuse chez le sujet paralysé.
  • Le déambulateur : c’est un cadre à quatre pieds qui permet au sujet de marcher en le tenant devant lui, un peu comme une chaise qu’il prendrait par le dossier. Il permet un bon équilibre. Il existe trois modèles : le cadre fixe, que le sujet déplace en le soulevant, et qui a l’avantage d’être très stable ; le cadre déformable, que le sujet peut faire glisser, mais qui est plus instable ; le cadre à roulettes, qui a les avantages des deux précédents, mais reste un peu plus instable que le cadre fixe.
  • Le fauteuil roulant, enfin.

Ces diverses aides s’achètent ou se louent sur prescription médicale. Pour les cadres et les fauteuil, il faut penser à la largeur des portes et aux marches...

Enfin, dans la maison il faut penser aux rampes, aux barres d’appui, aux accoudoirs des fauteuils...

LES MALAISES

Il y a six grandes causes de malaises chez le sujet âgé. Ces malaises doivent être repérés, et ce repérage s’effectue en posant la question de manière systématique, comme on l’a exposé plus haut. La plupart de ces malaises sont en effet susceptibles d’être prévenus et traités.

Deux causes sont très fréquentes, quatre sont plus rares.

L’hypotension orthostatique :

Elle est très fréquente, et est favorisée par les troubles cardiaques (notamment les troubles du rythme), les traitements, le régime sans sel, l’anémie, la dénutrition, la déshydratation.

L’hypotension orthostatique est assez facile à repérer : tout le monde a l’expérience de ce petit malaise qui nous a saisi un jour où, fatigués, nous nous sommes levés brusquement d’une chaise. Le système circulatoire de la personne âgée est souvent en équilibre précaire, et ces malaises sont encore plus fréquents. Ils surviennent dans les mêmes conditions, soit quand le sujet vient de se lever soit quand il commence à marcher (mais il faut savoir que l’hypotension orthostatique peut aussi survenir tardivement ; D’autre part une bonne occasion d’hypotension orthostatique est le début de la digestion.). Elle peut aller jusqu’à la perte de connaissance. Cette perte de connaissance est généralement précédée d’un malaise, elle est de courte durée et suivie d’un réveil progressif.

L’hypoglycémie :

Elle est au moins aussi fréquente, et est favorisée par le diabète et la dénutrition. Naturellement elle survient surtout avant le repas, et elle se repère en analysant l’heure du malaise. Comme l’hypotension, elle peut aller jusqu’à la perte de connaissance de courte durée, précédée d’un malaise et suivie d’un réveil progressif.

Quatre autres causes sont plus rares :

  • Les syncopes cardiaques, brutales, survenant en pleine conscience ; elles provoquent une perte de connaissance très brève, avec un réveil instantané, de telle sorte que le sujet ne sait absolument pas qu’il a fait un malaise. Ces syncopes peuvent être causées par un trouble cardiaque dangereux, qui demande un diagnostic rapide.
  • L’hypoxie de l’insuffisant respiratoire.
  • L’épilepsie.
  • L’alcoolisme, trop souvent oublié.

LES TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX

De nombreux traitement peuvent causer des chutes, notamment par hypotension ou hypoglycémie. Le problème est que :

  • Ces traitements sont souvent nécessaires.
  • La personne âgée s’automédique.
  • Elle se trompe souvent en prenant ses médicaments.

Les médicaments les plus dangereux sont :

1) Les somnifères et tranquillisants : la personne âgée consomme souvent beaucoup de ces médicaments, qu’elle prend depuis très longtemps, si longtemps qu’ils sont devenus inefficaces. Il est très difficile de tenir le juste milieu entre ce qui lui rend réellement service (les troubles psychiques de la personne âgée sont importants à traiter) et ce qui ne lui sert à rien.

2) Les antidépresseurs : ils posent le même problème, à ceci près que la dépression de la personne âgée est encore plus importante à reconnaître et à traiter.

3) Les hypotenseurs : le traitement de l’hypertension artérielle du sujet très âgé est un problème très difficile, notamment parce que leur cerveau supporte très mal l’hypotension, mais aussi parce que leur système circulatoire est instable. Il est raisonnable de se contenter d’un résultat partiel.

4) Les diurétiques : ils sont souvent indispensables, mais le risque d’hypotension est majeur dès que le sujet cesse de boire, ou dès qu’il est mis au régime sans sel ; il y a des cas où le régime sans sel est nécessaire, mais le nombre de ces cas est limité.

5) Les antidiabétiques : ils provoquent de nombreuses hypoglycémies, surtout si les apports alimentaires ne sont pas réguliers. Ces hypoglycémies sont souvent dangereuses.

Une foule d’autres médicaments peut être mise en cause, et il importe de limiter le nombre de médicaments pris par les personnes âgées.

L’ENVIRONNEMENT

L’environnement du sujet âgé est le même que celui du sujet plus jeune ; le problème est de diminuer les occasions de chute.

Une fois sur deux le sujet chute :

  • Parce qu’il a trébuché.
  • Parce qu’il a glissé.
  • Parce qu’il a été bousculé.
  • Parce qu’il a rencontré un obstacle.

Le dément chute pour les mêmes raisons que le sujet non dément. Simplement les chutes sont encore plus fréquentes, notamment parce qu’il sous-estime les dangers et qu’il marche davantage. En fin d’évolution de la démence le sujet chutera parce qu’il désapprend à marcher. Certaines démences s’accompagnent d’un trouble spécifique de la marche (hydrocéphalie à pression normale, démences sous-corticales).

Mais d’une manière générale, on constate que les personnes qui ont une fracture du col du fémur on souvent des antécédents de chute et de fracture très anciens ; en somme ce sont les maladroits qui chutent.

En pratique il ne faut pas surestimer l’importance des facteurs environnementaux : on ne les retrouve que dans 50% des cas. Mais plus d’un tiers des chutes sont liées à un malaise, et plus de 20% sont liées au seul vieillissement.

LES CONSÉQUENCES

Une étude menée en 2001 dans un hôpital démontre :

  • Que dans 82% des cas la chute n’a aucune conséquence.
  • Que dans 5% des cas il y a une simple ecchymose.
  • Que dans 8% des cas il y a une simple plaie.
  • Que dans 5% des cas il y a une fracture (il y a en France 60.000 fractures du col du fémur par an).
  • La mortalité est de 2%.

Mais à l’inverse plus de 25% des malades admis dans cet hôpital l’étaient pour chute.
Il faut également se demander comment se produisent les chutes graves.

On peut tomber de son lit. Il est exceptionnel que la chute d’un lit engendre un traumatisme grave. Cette gravité peut être encore diminuée par l’utilisation de lits à hauteur variable, qui font que le malade tombe de très bas. Un simple tapis de gymnastique permet d’amortir encore le choc.

Cette constatation doit faire remettre en cause l’utilisation des barrières de lit. Le risque des barrières est que le sujet, oubliant qu’elles existent, cherche à se lever la nuit, ou qu’il fasse un cauchemar ; il va alors enjamber les barrières, et on est régulièrement surpris de voir des patients grabataires se montrer capables d’un tel acte. L’autre danger est représenté par les multiples traumatismes qu’elles provoquent soit par choc soit par blocage d’une partie du corps. Au total il est démontré que les barrières causent plus de traumatismes qu’elles n’en évitent, et leur seule indication est le sujet qui bouge beaucoup dans son lit, et sous réserve qu’il les accepte.

On peut tomber d’un siège. Ces chutes sont rarement graves. Il a été démontré qu’on chute moins d’une chaise que d’un fauteuil. Cette constatation est facile à expliquer : sur une chaise le sujet doit faire effort pour maintenir son équilibre, ce qui contribue à maintenir ses habiletés et à rester en éveil. Il faut éviter les coussins intempestifs qui rendent l’assise instable, et il faut veiller à ce que le vêtement ne soit pas cause de chute : il y a des tissus glissants, les pantalons évitent souvent mieux la chute que les robes.

On peut tomber en se levant ou en marchant. C’est là que se produisent les chutes graves. On a vu plus haut quelques-unes des actions qu’on peut mener pour limiter le risque de ces chutes, mais la seule solution serait d’empêcher le sujet de se lever ou de marcher, ce qui reviendrait à en faire un grabataire...

Conséquences traumatiques :

Les fractures les plus courantes sont :

  • Le col du fémur.
  • Le col de l’humérus.
  • Le poignet.
  • Les côtes.
  • Les vertèbres.
  • Mais aussi les chevilles et les fractures graves de la diaphyse fémorale.

Les plaies, contusions et hématomes sont souvent superficiels et peu graves. Cependant :

  • La peau de la personne âgée est fragile et la cicatrisation peut être très problématique.
  • Il faut toujours se méfier des hématomes intracrâniens, notamment l’hématome sous-dural chronique (poche de sang se constituant lentement entre le crâne et le cerveau), qui évolue à bas bruit et se révèle très tardivement, alors que la chute a été oubliée.

Conséquences psychologiques :

C’est le syndrome post-chute : le sujet a peur de chuter à nouveau ce qui entraîne souvent :

  • Une désadaptation posturale : le malade a peur de tomber en avant et se met en rétropulsion, avec poids du corps sur les talons, ce qui entraîne des chutes en arrière et une aggravation de la situation.
  • Une réduction des activités : le sujet a peur de sortir, de se lever, de bouger, et perd encore plus vite ses aptitudes : sortir, puis vivre, deviennent une aventure pleine de risques. Beaucoup finissent par renoncer : après une chute, la grabatisation peut être très rapide.

Conséquences sociales :

La chute entraîne un repli sur soi de la personne âgée qui tend à renoncer à sa vie sociale (sorties...).

Mais plus encore elle inquiète son entourage qui devient très vite demandeur d’une entrée en institution. Or il n’y a aucune raison pour que le chuteur à domicile ne chute pas en maison de retraite. Le problème est donc plutôt d’organiser le domicile.

CONDUITE À TENIR FACE À UNE CHUTE

Il est bien rare qu’on assiste à la chute. Le plus souvent on découvre le sujet à terre, soit qu’il ait pu appeler soit qu’on entre dans la maison.

La première chose à faire est d’assurer sa propre sécurité. Si l’intervenant entre dans une maison fermée, il doit avant toute chose éviter d’allumer l’électricité avant d’avoir ouvert portes et fenêtres : le malaise a pu être provoqué par l’oxyde de carbone, et le patient a pu faire son malaise alors qu’il ouvrait le gaz.

Ensuite il faut s’approcher du malade.

Les dangers de la situation sont triples :

  • Il y a les dangers liés à la cause de la chute. En gros il s’agit de savoir si le sujet est conscient ou non.
  • Il y a les dangers liés au traumatisme. C’est rarement un problème d’urgence.
  • Il y a les dangers liés à la durée du séjour à terre : compressions musculaires, baisse de la température sur un carrelage froid. On sait qu’après une chute le taux de mortalité à court terme est fortement lié à la durée du séjour à terre, les séjours de plus de six heures étant associés à une mortalité élevée. Mais quand on découvre le malade on va de toute manière organiser rapidement les secours.

Il est rarement dangereux de relever le malade. Il faut simplement veiller à ne pas se faire mal à soi-même, et ne pas intervenir s’il y a une déformation évidente. Cela dit le plus sage est d’attendre les secours. Les seuls gestes utiles sont donc de couvrir le malade, et s’il est conscient de lui donner à boire et de lui donner du sucre.

Si la chute n’a pas eu de conséquences traumatiques, ou quand celles-ci ont été traitées, il faudra penser à recueillir les éléments qui permettront de la comprendre. Il faudra aussi veiller à apprendre à la personne les techniques lui permettant de se relever seule.

PRÉVENTION

L’erreur la plus communément commise dans ce domaine reste de chercher à améliorer la sécurité de la personne âgée en réduisant son activité : les morts ne chutent pas.

Par contre un grand nombre d’actions peuvent être mises en œuvre pour prévenir les chutes :

Une action médicale :

Il s’agit notamment de dépister les causes de malaises : troubles du rythme, hypotension, hypoglycémie, épilepsie... D’autre part il faut examiner l’ordonnance : de nombreux médicaments sont responsables de chute, notamment les sédatifs et les hypotenseurs.

Une action sur l’environnement :

Présence de l’aidant :

Les chutes sont une cause fréquente d’entrée en institution, car elles effraient l’entourage, qui voudrait une surveillance permanente. En réalité :

  • Il est possible d’organiser une surveillance discontinue de qualité avec les aides disponibles (SSIAD, aides ménagères, soignants libéraux, auxiliaires de vie...).
  • Il y a sans doute autant de chutes en institution qu’à domicile.

Amélioration du domicile :

On peut :

  • Laisser un éclairage la nuit.
  • Signaler les dangers (dément).
  • Installer des matériels adaptés, notamment des rampes (dans d’autres domaines de prévention des accidents domestiques, on aura recours à l’ergothérapeute pour l’ensemble des aides techniques).
  • Et surtout agir sur les sols dangereux : supprimer ou fixer les tapis, recouvrir un sol glissant par de la moquette, etc.

A noter qu’il existe des aides financières pour améliorer l’habitat dans cette perspective (PACT).

L’aide à domicile a un rôle fondamental :

  • Veiller à un bon état nutritionnel.
  • Favoriser l’exercice physique.
  • Rappeler des consignes de sécurité.
  • Au besoin, laisser un éclairage (nuit).
  • S’inquiéter des incidents : un malaise, un déséquilibre, peuvent annoncer une chute.
  • Veiller à un chaussage adapté.

CONCLUSION SUR LES CHUTES

Chez la personne âgée dont l’équilibre est défectueux, et qui souvent a déjà été confrontée à la chute, le plus important est :

  • D’évaluer précisément la situation médicale.
  • De chercher à améliorer d’éventuelles pathologies.
  • De tenter d’accroître les performances d’équilibre par la rééducation.
  • D’adapter raisonnablement les habitudes de vie et l’environnement.

Mais même chez la personne vieillissante mais en bonne santé qui se préoccupe de garder le meilleur équilibre possible le plus longtemps possible, il faut :

  • Mettre en œuvre un suivi médical correct.
  • Favoriser la pratique régulière d’activités physiques.

La chute ne constitue pas une phase normale du vieillissement. C’est toujours une urgence gériatrique, quelles qu’en soient les causes et les conséquences immédiates. La prise en charge de la personne âgée qui vient de chuter doit donc être précoce, active, rapidement efficace, interdisciplinaire, afin d’éviter les conséquences dont la pire est la régression psychomotrice.

Le patient doit être abordé dans sa globalité et son environnement.

Il ne faut jamais oublier que la personne âgée est une personne. Elle a le droit d’avoir les mêmes accidents que les sujets plus jeunes. Le problème est qu’elle les aura plus souvent, et qu’elle les paiera plus cher.

L’aide à domicile et les accidents domestiques :

L’étude des chutes fournit un modèle permettant de comprendre le rôle de l’aide à domicile dans la prévention et la prise en charge des accidents domestiques :

  • 1) Identifier les risques, ce qui conduit à imaginer les stratégies de prévention.
  • 2) Agir sur l’environnement quand c’est possible.
  • 3) Conseiller : expliquer comment on peut éviter ou diminuer le risque ; veiller à la compréhension et à la mise en application des consignes.
  • 4) Si l’accident arrive, en limiter les conséquences.
  • 5) Chaque fois que c’est possible, expliquer à la personne ce qu’elle doit faire dans ce cas (par exemple, en cas de chute, la personne doit avoir appris à se relever...).

Une action globale d’amélioration de la sécurité dans la vie quotidienne doit comprendre :

  • 1) Un bon suivi médical.
  • 2) Une hygiène de vie adaptée.
  • 3) Une action préventive sur l’environnement.

L’aide à domicile à ici un rôle très important, à condition de ne pas oublier qu’elle doit se référer en permanence à ces trois aspects fondamentaux de la mise en sécurité.

Docteur Michel Cavey