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28 - Indications et contre-indications

Des orientations par défaut - par choix - Des indicateurs pour les indications
Des limites pour les indications -
Des indications paradoxales -
Des projets pour les indications

Aborder les notions d’indications et de contre-indications suppose que les enfants séparés de leurs parents et les adultes dépendants ou en difficultés ne peuvent pas tous bénéficier d’une orientation en accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). . Dans ce cas, il est nécessaire qu’une instance de placement ait suffisamment de compétence ou d’autorité pour évaluer le bien-fondé et les bénéfices escomptés d’une telle orientation.

Cette évaluation ne peut se réaliser sans une connaissance approfondie et une appréciation mesurée :

Être prudent sur l’orientation en accueil familial est aussi important pour les accueillis que pour les accueillants. Un accueilli qui n’apporterait pas à la famille d’accueil les satisfactions narcissiques recherchées, ou serait incapable de participer à la vie familiale, risque d’être traité avec peu de soin et d’attention, tant il paraît inconcevable de s’occuper d’un enfant ou d’un adulte sans jamais recevoir en retour de gratifications affectives ou émotionnelles.

Les indications sont donc au croisement de préoccupations portant sur l’accueilli (sa capacité à tolérer, à ne pas être sur-exposé à des conflits psychiques ou relationnels...) et sur ses besoins (attention maternante, permanence et continuité relationnelle, figures parentales...), sur le projet mis en œuvre (soin dans un milieu familial, restauration de capacités relationnelles, autonomisation...), et sur les apports d’une famille d’accueil et d’un dispositif d’accueil familial pour prendre en charge et traiter des défaillances graves et profondes.

Pour autant, décider, après une évaluation raisonnable, d’une orientation en accueil familial ne présage en rien de l’avenir de l’accueil tant celui-ci se construit dans la rencontre entre un accueilli et une famille d’accueil, en principe structurée par un dispositif, et à laquelle participent peu ou prou les intervenants.

Des orientations par défaut

Dans l’histoire de l’accueil familial, et parfois aujourd’hui encore, les orientations vers des familles d’accueil se sont opérées par défaut, défaut de solution ou défaut de moyens financiers permettant de se tourner vers d’autres modes de prise en charge.

Les nourrices vers lesquelles étaient déplacés les bébés ont été pendant longtemps les seules ressources pour les nourrir. Les supposées vertus thérapeutiques de la campagne ont servi de support à l’organisation des placements spécialisés lorsqu’il fallait protéger les enfants de la tuberculose des parents par exemple ou de la nocivité de la cité, ce qui se traduit aujourd’hui par les "mises au vert" de jeunes pour lesquels les autres solutions ont été épuisées.

Les adultes, et notamment les malades mentaux, ont également subi ces "traitements champêtres" pour lesquels des « gardiens-nourriciers » furent sollicités afin de les héberger dans des milieux de vie apaisants, principe qui permettait de surcroît de réduire le coût des traitements de populations dont la pathologie semblait destinée à ne pas s’améliorer.

De multiples facteurs se conjuguent pour justifier de telles orientations parmi lesquels l’économique n’est pas le moindre. De plus, ces orientations signifient qu’aucune autre ressource n’a pu être mobilisée ou que toutes les autres possibilités ont été successivement épuisées.

Cet enchaînement assigne les familles d’accueil et l’accueil familial à une position intenable, celle de mode de traitement de dernier recours, d’ultime solution pour des populations condamnées ou rejetées par les structures médico-sociales classiques. Dans cette perspective, la demande implicite est de réussir là où tout a échoué.

Des indications par choix

Sur un autre plan, les besoins des accueillis permettent de penser des projets différenciés. Les indications ou contre-indications à l’accueil familial se posent alors en terme d’alternative à l’institution.

Les structures sanitaires et sociales ont, au cours du siècle, développé une gamme de prises en charge susceptible de répondre à l’ensemble des situations pour lesquelles elles sont mandatées. L’accueil familial fait partie des diverses modalités d’accueil social ou thérapeutique d’enfants, de personnes âgées, de malades mentaux ou de toxicomanes.

Lorsqu’une telle diversité existe, l’indication d’un accueil en famille est un choix, une alternative à une réponse collective en établissement quoique pas toujours guidée par des critères techniques ou cliniques. Plusieurs facteurs déterminent la prédominance, et parfois le développement, de cette « préférence » pour la famille d’accueil, notamment des aspects politiques liés à la décentralisation de certaines compétences, des aspects financiers, l’accueil familial ayant la réputation d’être moins onéreux, et des aspects idéologiques selon lesquels la famille est "naturellement" une meilleure solution.

C’est sur cette toile de fond que se construisent les orientations vers l’accueil familial, en fonction du champ où elles se posent : sanitaire ou social. Les objectifs dans chaque cas s’envisagent différemment : dans l’un, l’accueil familial répond à une commande sociale ; dans l’autre, l’attente à son égard est thérapeutique.

Pourtant, dans les deux cas, l’opérateur est identique : c’est une famille qui accueille. Ce qui change, c’est le cadre, l’organisation et la "culture" professionnelle dans lesquels va s’inscrire l’accueil d’une famille.

Des indicateurs pour les indications

Faute de pouvoir apprécier avec précision et lucidité les indications susceptibles de concevoir des orientations pertinentes, il est parfois plus facile d’évoquer des contre-indications qui permettent de cerner les limites de l’accueil familial.

En accueil familial, la qualité des échanges et la capacité d’une famille d’accueil à anticiper les besoins d’un accueilli, et à y répondre, sont primordiales. Pour les nourrissons ou les enfants en bas âge, l’entourage construit un environnement relationnel capable de penser leurs besoins et leurs comportements, avec comme limites celles de la fiabilité et de la capacité à décoder leurs manifestations, c’est-à-dire d’être une "suffisamment bonne mère". Ces préoccupations sont tout aussi importantes lorsque les enfants sont plus grands ou adolescents, ou lorsqu’un adulte éprouve des difficultés à communiquer et à se faire comprendre.

Ainsi, l’accueilli trop carencé, dont les comportements ne peuvent être pensés, dont les troubles invalident la possibilité de participer aux échanges et d’entretenir des relations satisfaisantes avec son environnement ne devrait pas être orienté vers l’accueil familial. Dans ces circonstances, la famille d’accueil ne peut assurer une fiabilité suffisante faute de pouvoir comprendre et dans ce cas "derrière l’imprévisibilité, il y a la confusion mentale" (Winnicott 1988), ou faute de pouvoir retirer de suffisantes satisfactions.

Par ailleurs, l’histoire familiale de l’accueilli, la présence de sa parenté réelle ou fantasmée, les résonances qu’engendre pour ses parents la notion de famille d’accueil, sont également susceptibles de rendre impossible une orientation en accueil familial. C’est ici la dimension familiale de l’accueil qui s’avère contre-indiquée pour l’accueilli.

L’accueil familial n’est pas inerte ; il produit des effets. Dans certaines situations, en raison de la structure psychique, du moment, du contexte, ces effets peuvent produire davantage de méfaits que de bénéfices, et peu importe que la nature des bénéfices escomptés soit sociale ou thérapeutique.

De nombreux auteurs ont attiré l’attention sur cette dimension. Ainsi, René Clément souhaitait que l’accueil familial d’enfants ne constitue pas "... un remède aussi terrible que le mal familial qu’il prétendait résoudre...". De la même manière, J.M. Bloch, F. Vitse et B. Guiter, dans le cadre de l’accueil familial thérapeutique AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
d’adultes, tentent d’évaluer pour le patient "... les difficultés que peut générer l’accueil en regard de l’ouverture qu’il ne doit pas manquer de générer".

Si l’équipe estime que l’accueil familial, par l’ouverture qu’il propose, est susceptible de créer des difficultés trop importantes pour le patient, une contre-indication à un accueil en famille doit s’imposer.

Des limites pour les indications

D’une manière générale, ces deux indicateurs que sont d’une part la qualité de la relation accueillant-accueilli, et d’autre part les retentissements que cette relation peut avoir pour l’accueilli et son histoire familiale, sont opérants pour anticiper sur le déroulement de l’accueil familial.

A leur intersection se trouvent par exemple les mouvements psychiques que traversent les jeunes à l’adolescence, lorsque les attaques émises contre le cadre familial prennent le devant de la scène et rendent difficile une orientation vers une famille d’accueil dont la configuration serait trop "traditionnelle".

Dans le même sens, les enfants victimes d’actes de maltraitance intrafamiliaux graves risquent de se trouver de nouveau confrontés à des figures parentales sur lesquelles seront projetées des représentations menaçantes de leurs parents. Dans ces circonstances, un séjour en pouponnière ou en établissement permettrait d’établir des liens moins ambivalents avec des adultes qui ne sont pas en position d’être des parents, avant d’envisager une éventuelle orientation en accueil familial. Dans tous les cas, il est indispensable de s’interroger sur la capacité à travailler et à décoder avec les accueillants les aspects symptomatiques de la répétition.

Une approche complémentaire consiste à prendre en considération les limites du cadre familial et sa nécessaire permanence pour être efficient. Cadre qui peut être remis en question par les comportements ou l’état des accueillis tels la dangerosité, ou des conduites addictives qui ne trouvent pas de répit, et altèrent les capacités à verbaliser et à vivre avec l’autre, surtout dans un cadre familial.

En effet, il ne viendrait pas à l’idée d’orienter vers l’accueil familial des personnes à fort potentiel auto ou hétéro agressif, ni celles qui seraient en permanence en quête d’alcool ou de stupéfiants. Une famille d’accueil ne peut faire face à la dangerosité, ni exercer une surveillance constante. Si, pour les problèmes de toxicomanie, l’accueil familial constitue une bonne indication, le potentiel de violence de certains sujets peut, en raison même du caractère familial de la prise en charge, faire contre-indication.

Enfin, si l’on envisage ensemble les éléments que sont la relation accueillant-accueilli, son écho sur l’histoire familiale de chacun et la notion de cadre, comment concevoir l’accueil familial en urgence ? Ces choix imposent des transitions très rapides, l’enfant passant de sa famille à une famille d’accueil « d’urgence », et de celle-ci à une autre famille pour un accueil plus durable. L’enfant a-t-il la capacité à transférer ainsi plusieurs fois, et si vite, son attachement tout en poursuivant son développement ?

L’accueil familial d’urgence devrait être réservé aux situations dans lesquelles les enfants sont transitoirement séparés de leurs parents. Et si l’accueil se poursuit sur plusieurs mois, ne pourrait-il être envisagé qu’une famille d’accueil d’urgence change de cadre et continue son travail auprès de l’enfant ?

Des indications paradoxales

Il n’est pas toujours facile d’évaluer avec précision les besoins et de projeter ce que la réponse "accueil familial" pourrait apporter de spécifique. Mais, sa pertinence se révèle notamment lorsqu’il s’agit, dans un déplacement de la scène familiale, de relancer le travail de séparation-individuation qui n’a pu être mené à bien et de conquérir une autonomie psychique même relative.

L’orientation vers l’accueil familial est à priori déterminée par l’évaluation de ce qui semble indispensable au développement d’un enfant ou au bien-être d’un adulte, à savoir le besoin d’être dans une famille afin d’y bénéficier de fonctions parentales et de continuité de soins, de stabilité des repères et des habitudes de vie, de permanence des relations pour pouvoir se construire ou se reconstruire.

En fait, l’accueil familial constitue une sorte "d’injection de famille" pour des êtres qui ne trouvent pas, ou qui n’ont pas trouvé, auprès de leur parenté, d’appuis suffisants pour grandir. Injection de famille qui amène la confrontation à des images parentales et à des modèles d’identification actuels, ou plus anciens mais toujours prêts à être réactivés.

Pour l’accueil d’enfants, la recherche de la dimension familiale introduit un paradoxe dans la mesure où elle ne doit pas se traduire par l’éviction de la place des parents. Des fonctions parentales partagées vont alors s’exercer au quotidien dans une organisation entre les parents, les accueillants et les professionnels du service, ce qui suppose un minimum d’alliance entre eux.

Pour d’autres raisons, la dimension familiale est tout aussi paradoxale pour l’accueil d’adultes. En effet, comment viser une certaine insertion, voire tendre vers l’autonomie de la personne, en la maintenant dans une situation à bien des égards infantilisante.

Des projets pour les indications

En accueil familial, les frontières entre fonction sociale et objectifs thérapeutiques sont dans les pratiques beaucoup moins nettes que celles tracées par les cadres administratifs.

Ainsi, comment, aujourd’hui, l’accueil familial de l’aide sociale à l’enfance pourrait-il échapper à toute préoccupation soignante, alors que les réglementations elles-mêmes prennent en compte le chevauchement des champs sociaux et thérapeutiques, notamment la loi de 1992 relative au statut des assistantes maternelles qui introduit les notions de souffrance de l’enfant et de problématiques familiales ?

Ces imbrications se rencontrent également lorsque des indications axées sur la socialisation, l’insertion et la préparation à une future autonomie du patient constituent des préoccupations sociales légitimes dans le cadre d’un accueil familial thérapeutique.

Le découpage forcément arbitraire des champs sanitaires et sociaux cède plus facilement en accueil familial où les dimensions psychiques et sociales sont en même temps contenues. La dimension psychique est convoquée de fait, par la nature même du signifiant « famille ». La dimension sociale existe aux travers des multiples fonctions qui incombent à la famille dans nos sociétés.

Il n’est donc pas étonnant de rencontrer, en accueil familial social d’enfants, de plus en plus de préoccupations quant à la dimension thérapeutique des indications ou contre-indications qui sont prononcées. Ni plus surprenant, dans le cadre de l’accueil familial thérapeutique, de trouver présent le souci d’introduire le registre social.

bibliographie

Bloch J.M., Guiter B., Vitse F. "L’accueil familial", in Soins psychiatrie, n° 160, février 1994

Clément R. "Le placement familial n’est pas un long fleuve tranquille", Actes du colloque national "Le placement familial en 1989, des décideurs aux acteurs", Lyon, 1989

Sellenet C. "Le placement familial, soins intensifs, médecine douce ou placebo ?", in L’accueil familial en revue, n° 2, septembre 1996

Winnicott D.W. "Conversations ordinaires", NRF Gallimard, 1988

P.-S.

Avertissement : ce qui précède n’est qu’un des nombreux chapitres du Guide de l’accueil familial, publié en 2000 aux Éditions Dunod, Les textes réglementaires ayant évolué, certaines références aux contrats, rémunérations, lois... ne peuvent servir que de traces ou de repères « historiques ».