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40 - Repères théoriques

Les théories et leurs limites -
Conceptualiser l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois).  ?

A proprement parler, il n’existe pas de théorie propre à l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). , c’est à dire "de construction intellectuelle méthodique et organisée de caractère hypothétique" (Le Robert), mais plutôt une recherche spéculative qui tente de rendre compte et de comprendre quelques-uns des processus particuliers que chacun peut observer. Les emprunts à une théorie de la pratique institutionnelle ou à la thérapie individuelle pour éclairer cet ensemble hétéroclite de praxis qu’est l’accueil familial trouvent rapidement leurs limites.

Seules une attention soutenue et une élaboration des évènements qui se reproduisent dès qu’une famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! est convoquée pour aider, éduquer ou protéger, sorte de clinique au chevet de processus spécifiques, permettent de poser des hypothèses et de guider l’action et les projets entrepris.

Faut-il encore pouvoir cerner une certaine unité dans les faits soumis à une telle observation, tant le champ de l’accueil familial est peu homogène bien qu’il s’organise autour de la présence des familles d’accueil.

La multiplicité des dispositifs, des pratiques et des besoins peut laisser circonspect. Quant à la famille d’accueil, seul élément constant, ses configurations ainsi que ses actions déterminées par ses fantasmes ou les systèmes relationnels qu’elle entretient, sont d’une telle singularité qu’il semble difficile d’en extraire des généralités et des enseignements pertinents.

L’accueil familial a donc été abordé sous l’angle des raisons pour lesquelles il est mobilisé, à savoir participer à la construction du sujet et se mettre au service de ses besoins en réparant, cicatrisant ou en prévenant les défaillances et les souffrances de l’être. Cette entreprise puise ses racines dans les sciences humaines et sociales, et met particulièrement à contribution les concepts de deux courants de pensée qui, en l’occurrence, semblent complémentaires : la psychanalyse et l’analyse systémique.

C’est donc du sujet qu’il est question, en butte aux tourments de son inconscient, façonné par un environnement qu’il n’aura de cesse de mettre à l’épreuve. Fruit du désir et des échanges dans lesquels il devient acteur, le sujet émerge comme divisé d’une emprise maternante régulée par un ordre, celui de l’autre, de la loi, du symbolique.

On entend bien comment une famille d’accueil s’inscrit dans ces histoires de vie où l’être qui grandit, ou se restaure, appelle une présence maternante dans une culture « d’élevage » et de soin distincte des modes de vie traditionnels. Ce qui suppose donc de rationaliser les pressions et les mouvements psychiques, de repérer les répétitions et les distorsions auxquelles est soumis l’être en devenir ou en souffrance, ceci en respectant la nécessité de nouer des liens actuels et de renouer des liens rompus, réels ou symboliques, qui le relient à son histoire.

L’accueil familial se présente donc comme un processus de ré-ancrage, offrant à un accueilli une nouvelle place et la possibilité de se construire une représentation cohérente de son monde interne en relation avec les multiples environnements qui l’identifient comme être unique.

Ces rationalisations et ces repérages décrivent les mouvements intra-psychiques et leur déroulement particulier dans les systèmes relationnels complexes de l’accueil familial. La pertinence de ces analyses est incontestable, ainsi que leurs effets sur les pratiques qu’elles ont contribuées à faire évoluer, de la substitution à la suppléance, de la rupture avec la parenté au maintien ou à l’aménagement des liens, de l’amateurisme des accueillants à la professionnalisation de leur activité, du placement sans suivi à l’accompagnement des processus psychiques, de l’accueil au soin.

Elles ont parfois montré leurs limites quand elles ont eu recours à des concepts ou à des techniques arbitrairement plaqués sur les processus de l’accueil familial. Il convient de rester à la fois prudent, modeste et attentif : la théorie doit s’élaborer dans un permanent va-et-vient entre les faits et leur interprétation, et entre elle-même et la pratique.

Les théories et leurs limites

Faute d’avoir pu être repéré comme objet d’études, en raison notamment de sa grande variabilité dans le temps et selon les populations accueillies, l’accueil familial a été modélisé par des concepts issus de la clinique du sujet qui ont conduit à une évolution notable des pratiques. Plus récemment l’élargissement de ces concepts à ceux d’une clinique des systèmes sociaux aboutit à l’identification d’une entité, l’accueil familial, objet de ce guide.

Les savoirs les plus opérants portent sur le développement des enfants, enjeu fondamental auquel participe massivement l’accueil familial qui a toujours été, et reste encore, un mode de prise en charge des plus utilisés.

Les notions de fiabilité, de continuité, de contenant de pensée sont devenues particulièrement adaptées pour décrire le mode de présence des familles d’accueil. Nécessaires mais pas suffisantes pour élever un enfant, ces attentions ont été introduites dans le contexte de la séparation.

Les enjeux identitaires que vivent les enfants placés nécessitent que soient abordés, et traités avec le plus grand soin, les mécanismes d’attachement et les facteurs de carence, comme doivent l’être la séparation et ses effets. Ces connaissances ont permis de recentrer les prises en charge sur les dysfonctionnements des relations primaires parents-enfants et leurs répercutions, de penser les liens, de décrire les mécanismes psychiques que sont, notamment, l’identification, la répétition, l’appartenance dans lesquels se débat un sujet pour grandir.

A un autre niveau a été abordée la portée réelle de la coupure qu’introduisent la séparation et sa dimension symbolique instaurant la fonction du tiers que peut occuper le dispositif judiciaire ou social. L’interpellation de l’autorité parentale pousse à inventer des interventions auprès de parents qui, en proie à leur toute-puissance ou à leur folie, ne savent pas établir des limites structurantes avec l’autre.

L’ensemble de ces propositions a permis de prendre des initiatives innovantes dans le travail en accueil familial et de prévoir des projets de soin associant les familles d’accueil. A ce titre, tous les dispositifs d’accueil familial ont été largement influencés. Ainsi, l’accueil familial des adultes, ou même l’accueil familial des toxicomanes, pour s’extraire du poids du passé et des idéologies, ont eu besoin de conceptualiser leur action. En effet, il n’est plus suffisant de vouloir déchroniciser par exemple, ou même de viser une hypothétique insertion, sans s’appuyer sur les profonds bouleversements que constitue, pour un adulte, tout accueil en famille.

Ces divers apports servent à penser les processus qui contribuent à faire grandir ou à construire un sujet, et ce quel que soit l’environnement dans lequel il évolue. Vouloir appliquer de manière plus formelle une théorie existante à la réalité particulière de l’accueil familial se heurte à certaines difficultés, et ce pour une raison simple. On ne peut se servir valablement de la théorie, qu’elle soit d’obédience analytique ou systémique, sans avoir élaboré la théorie du cadre propre à l’accueil familial. Et il faut bien le reconnaître, celui-ci est particulièrement complexe et flou, avec des risques toujours présents de confusion de niveaux, et d’écrasement de l’objet qui doit alors se conformer à la toute-puissance de la théorie.

De telles dérives sont réelles. Non seulement appliquer sans nuance une théorie ne permet pas de saisir les lignes de force de l’accueil familial, mais déforme et annihile ses ressources pour ne laisser apparaître que le miroitant or pur de la clinique thérapeutique.

L’instrumentalisation de la théorie se retrouve dans quelques-unes des techniques utilisées. Se mettre à l’écoute de l’inconscient ou recourir à l’approche systémique dans le recrutement, même si ces pratiques donnent quelques résultats, ne prend pas toujours suffisamment en compte un élément essentiel sur lequel s’élabore l’accueil, à savoir la rencontre.

De même dans l’accompagnement, où le travail s’inspire trop de la cure analytique ou de l’analyse des systèmes : les entretiens à visée thérapeutique qui se contentent de mettre l’inconscient à contribution ne sont pas suffisants car ils omettent de traiter les butées du réel, toujours présentes, qu’il faut savoir appréhender et auxquelles il va falloir réagir.

Certes, les séances psychothérapiques envisagées pour les accueillis semblent parfaitement aller de soi, mais leur portée limitée au sujet ne peut toujours appréhender les interactions qu’il vit avec un environnement particulièrement interpellant.

Quant aux familles d’accueil, il vaut mieux être prudent sur les objectifs des entretiens qui leur sont proposés, imposés parfois. Il est utile de rappeler qu’elles ne sont pas en traitement, ni en analyse, et que si elles doivent être écoutées, c’est dans le cadre du soutien à leur apporter pour élaborer leur pratique.

Conceptualiser l’accueil familial ?

Sans que soit constitué un corpus de connaissances organisé, on peut dire que des professionnels ont contribué à penser quelques-uns des mécanismes de l’accueil familial à partir de ce qui en fait une spécificité irréductible : les familles d’accueil, leur être au monde et leurs fonctions éminemment constantes.

Parmi les plus fécondes de ces propositions, on peut noter celles qui tentent de conceptualiser la rencontre singulière qu’est l’accueil familial, basée sur la rencontre accueillants-accueillis qui se produit dans un cadre déterminé et déterminant et à laquelle participent les intervenants, la parenté de l’accueilli et l’environnement au sens large.

Rencontre inouïe en ce sens qu’un groupe humain donne accès à son intimité, et rencontre d’une organisation familiale, donc œdipienne, qui n’est pas sans écho pour chacun.

Faire entrer l’autre dans l’espace familial, c’est introduire un « révélateur d’inconscient », dans un espace déjà structuré par l’interaction des inconscients des membres de la famille, par l’histoire et les mythes familiaux.

De ce point de vue, et parce que la rencontre se déroule dans un cadre qui devrait la contenir, l’accueil familial pourrait être abordé selon certains des concepts opératoires en psychanalyse, à savoir mobilisation transférentielle et contre transférentielle comme moteur des remaniements identificatoires, et frustration permettant l’analyse du transfert… Sur ses caractéristiques et sa singularité se fonde une bonne part de sa puissance et de sa pertinence thérapeutique.

L’accueil familial est un tel agent perturbateur que chacun est appelé, au contact de l’autre, à remodeler ses engagements. Le couplage structurel rend compte des transformations des « structures » psychiques et relationnelles pour maintenir l’identité personnelle ou familiale. Les résonances entre l’histoire de l’accueilli et celle des accueillants sont à la fois ce qui permet la rencontre, mais aussi en détermine le champ du possible. Cette notion de résonance est aussi un levier pour travailler avec les accueillants et les accueillis.

Cet ensemble de repères théoriques, intrapsychiques et relationnels, permet aujourd’hui de fonder une clinique élaborée de l’accueil familial, à partir de laquelle s’oriente et s’accompagne le quotidien d’un accueil en famille.

Enfin, la théorie reste un guide à l’action et un soutien à l’analyse tant qu’elle est entendue comme libre essai ou comme fiction nécessaire.

bibliographie

Clément R. « Un psychologue au risque de la psychanalyse », Cahiers de l’ANREP, n° 8, 1996

David M. "Le placement familial, de la pratique à la théorie", ESF, 1989

Elkaïm M. « Si tu m’aimes, ne m’aime pas », Seuil, 1989

Escots S. « Le soin en accueil familial : des effets de l’accueil à la question du changement », in L’accueil familial en revue, n° 2, septembre 1996

Jaoul H. « L’enfant captif », Editions universitaires, 1991

Schurmans D. « Continuité et transformation d’un système familial », in L’accueil familial en revue, n° 7, juin 1999

P.-S.

Avertissement : ce qui précède n’est qu’un des nombreux chapitres du Guide de l’accueil familial, publié en 2000 aux Éditions Dunod, Les textes réglementaires ayant évolué, certaines références aux contrats, rémunérations, lois... ne peuvent servir que de traces ou de repères « historiques ».