Famidac.fr

Famidac, l'association des accueillants familiaux
et de leurs partenaires

Version imprimable de cet article Version imprimable

79 - Deux Sèvres : Chouchoutées à la maison jusqu’au dernier souffle

Chez Brigitte Geoffroy et chez Corinne Gibault, adhérente de Famidac.
Auteur : Mathilde Leclerc, La Nouvelle République, 10 juillet 2017
+ le site gouvernemental Pour les personnes âgées, 30 août et 4 septembre 2018.

Chouchoutées à la maison jusqu’au dernier souffle

Dans la campagne d’Aiffres, Corinne accueille trois grands-mères âgées. Métier peu rémunéré, en perte de vitesse… qu’elle a choisi comme une évidence.

Margot finira sa vie chez moi. Une belle fin. Apaisée. « Comme je rêverai d’avoir », songe Corinne Gibault. Depuis l’obtention de son agrément pour exercer le métier d’accueillant familial accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
, en 2006, la mère de trois enfants héberge dans son domicile d’Aiffres, citée de la périphérie niortaise, autant de personnes âgées.

En arrivant, Margot souffrait de démences, perdait la tête, la mémoire. « Pas à pas, avec la complicité de sa fille, nous l’avons accompagnée pour aller mieux, retrace-t-elle. Toute ma famille s’y est attachée et c’est important de l’avoir jusqu’à la fin ».

Corinne Gibault a aménagé un espace indépendant pour trois personnes âgées à son domicile.

Corinne et son conjoint, agriculteur, font partie des rares familles – huit – à accueillir sous leur toit des personnes âgées. Margot, 98 ans, Denise, 93, et Andréa, 88. Des mamies… qu’elle refuse d’appeler ainsi. Parce qu’il faudra un jour, accepter de les voir partir naturellement. « Et si je franchis certaines barrières, ce sera trop dur. »

Très peu de moments de répit

Sa timidité en pare-feu cache une femme d’un grand cœur. Profondément attachée aux seniors. L’accueil « était une évidence » après de longues années de travail en Ehpad.
Tombée sous le charme du concept, Corinne « a transformé le bureau, puis le garage avant de faire une extension pour le 3e agrément », explique-t-elle.

La maison, une seule et même pièce vue du ciel, se scinde en deux une fois franchi le seuil de la porte d’entrée. La séparation importe. « Au début, nous avions les grands-mères dans notre salon. Ce n’était pas simple de dissocier vie privée et vie professionnelle. Aujourd’hui, elles ont leur espace… même si nous mangeons ensemble le midi », explique l’accueillante.

La vieillesse a transformé les journées en activités plus sommaires. Épluchage de légumes, jardinage dans des bacs à hauteur d’homme, simulation de la mémoire, etc. « Je m’adapte à elles et à leurs souhaits », observe Corinne.

Andréa, la plus jeune arrivée, a connu l’Ehpad. Un passage éclair. Raté. « Elle a besoin d’être chouchoutée, de voir du monde. » Chance inouïe, le domicile où elle a vécu se trouve à une centaine de mètres de chez Corinne. Alors elle se sent « chez les voisins ».

Pour autant, l’accueillante ne peut jamais véritablement s’absenter. C’est un métier de tous les instants. Entrave à l’engagement de nouvelles recrues. « Le Département n’a rien pour nous soulager. » Besoin de vacances ? L’accueillant doit s’organiser, trouver un remplaçant, le rémunérer.

Beaucoup font une croix dessus. Encaissent. Corinne a choisi de former sa belle-sœur et cette dernière prodigue les soins, reprend le flambeau. Au quotidien aussi, des salariés l’entourent. Au prix fort. « Cet équilibre qui me permet de tenir… même si du coup, je ne gagne pas des mille et des cents », raconte-t-elle, sans broder son histoire à l’envi.

L’assistante sociale, sa référente, le sait bien : « Pour vivre correctement, il faut accueillir au moins deux personnes car les 1.500 € en moyenne payés par la famille se répartissent entre le salaire, l’indemnité d’occupation du logement et les frais courants. »


« Il faut pouvoir tenir dans la durée »

Des familles d’accueil, le département n’en manque pas à première vue. « On est sur une remontée avec 73 accueillants aujourd’hui contre 68 en 2013 », souligne Corinne Chassac, assistante sociale. Ce n’est qu’une progression en trompe-l’œil. 90 % des familles hébergent des personnes… avec un handicap, suivies par le même service. Elles ne sont finalement que huit à recevoir des personnes âgées.
« Dans ce cas, c’est une baisse continue. Cela est dû non seulement à la montée en âge des accueillants mais aussi à l’évolution de la politique du Département qui se concentre sur les Ehpad, les résidences, et mène une campagne sur le maintien à domicile. Et puis, entre le handicap et les personnes âgées, l’approche n’est pas la même. »

La problématique d’accueil diffère, les conditions matérielles se veulent plus exigeantes. Et le remplacement n’est pas orchestré comme c’est le cas avec l’Aide sociale à l’enfance. La famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! négocie librement, de gré à gré, avec la personne accueillie et sa famille. Le Département, qui délivre l’agrément, ne peut s’y opposer… même si en Deux-Sèvres, il filtre les admissions « pour mieux orienter », dit-il, « et éviter de mettre à mal l’accueil » en plaçant une personne inadaptée.
Ce fut le cas récemment. L’une des familles que nous avions suivie vient de mettre son projet entre parenthèses… visiblement suite à une mauvaise expérience. « Ce choix de vie doit être vraiment mûri. Il faut pouvoir tenir dans la durée et ce n’est pas simple tous les jours, » reconnaît Corinne Chassac.
Le Département soigne sa communication et prépare notamment un film pour parler de la réalité du métier. Et susciter des vocations.

Mathilde Leclerc, La Nouvelle République, 10 juillet 2017



Interview de Corinne Gibault, accueillante familiale

Corinne Gibault, accueillante familiale dans les Deux-Sèvres nous parle de son métier

Pour les personnes âgées, 30 août 2018.

Corinne Gibault nous reçoit chez elle à Aiffres près de Niort dans les Deux-Sèvres. Elle accueille 4 personnes âgées de plus de 85 ans, dont un couple. Toutes habitaient aux alentours avant de venir résider chez Corinne et Jean-François, son mari. Agriculteur, Jean-François Gibault est également très investi dans l’accueil qu’il qualifie de « projet familial ».

Au moment de notre visite, les filles des personnes accueillies ont tenu à être présentes pour témoigner de l’intérêt de l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). . La plupart d’entre elles ne connaissaient pas cette solution avant d’y avoir recours pour leurs parents.

  • Corinne Gibault, depuis combien de temps êtes-vous accueillante familiale ?

Depuis 12 ans. Avant de devenir accueillante familiale, j’ai travaillé 15 ans dans une maison de retraite, puis 8 ans en tant qu’aide à domicile. Mais je trouvais que je ne passais pas assez de temps avec les personnes, cela ne me convenait pas.

  • Comment êtes-vous arrivée à exercer le métier d’accueillante familiale ?

Quand j’étais aide à domicile, j’ai eu l’occasion de remplacer une accueillante familiale. C’est ainsi que j’ai découvert ce métier. Je me suis dit : pourquoi pas moi ? Mon mari étant agriculteur et mes enfants encore petits, cela est devenu un projet familial. J’ai obtenu l’agrément du conseil départemental.

Au début, j’ai accueilli une seule personne âgée puis nous avons décidé, avec mon mari, d’agrandir la maison afin de pouvoir accueillir plusieurs personnes.

  • Quelle formation avez-vous suivie ?

Comme tous les accueillants familiaux, j’ai suivi une formation initiale avant de débuter mon premier accueil.
Nous avons également une formation continue qui prend la forme de sessions d’analyse de la pratique. Avec les autres accueillants familiaux des Deux-Sèvres, nous nous retrouvons une fois par mois pour échanger autour des problèmes rencontrés dans le cadre de notre accueil. Ces sessions nous apportent beaucoup dans le sens où elles nous permettent de voir les choses différemment quand nous rentrons chez nous. Nous nous sentons épaulés.

  • En quoi consiste votre métier ? Quel accompagnement proposez-vous aux personnes que vous accueillez ?

Je m’occupe 24h/24 des personnes que j’accueille. Je les aide pour la toilette, je fais quelques soins… Si besoin, des services extérieurs peuvent intervenir, comme le SSIAD (service de soins infirmiers à domicile) pour les personnes ayant des problèmes de santé.
Les personnes que j’accueille participent également aux activités de la vie quotidienne dans la mesure de leurs capacités : nous préparons les repas ensemble, nous nous occupons du linge… Elles aiment beaucoup les activités du jardin : aller chercher les œufs au poulailler, écosser les petits pois, faire les conserves…

  • Comment associez-vous les personnes que vous accueillez à votre vie de famille ?

Tous les midis, nous déjeunons ensemble avec mon mari, mes enfants. Le soir, les personnes que j’accueille dînent plus tôt que nous. Mon mari, mes enfants et moi conservons ainsi un moment d’intimité familiale.

  • Comment se passent les relations avec les familles des personnes que vous accueillez ?

La maison est ouverte. Les familles viennent quand elles le souhaitent, elles n’ont pas besoin de prévenir. Elles peuvent bien sûr emmener leurs proches manger à l’extérieur, partir quelques jours avec eux…

  • Quel lien avez-vous avec le conseil départemental ?

Je suis en lien étroit avec l’assistante sociale du conseil départemental. Elle passe me voir tous les mois et demi mais elle peut venir à ma demande si j’ai une difficulté. Je peux aussi faire intervenir le médecin du département si j’ai une question d’ordre médical. Nous communiquons très bien et je me sens épaulée. Nous ne sommes pas seuls, il y a une équipe derrière nous qui est là pour nous écouter, nous les accueillants, mais aussi les personnes accueillies.

  • Qu’aimez-vous dans votre métier ?

Le côté familial. J’ai toujours aimé avoir du monde à la maison. J’aime apporter aux personnes que j’accueille ce dont elles ont besoin et envie et elles me le rendent très bien ! Nous apprenons beaucoup de choses au contact des personnes car elles ont une vie derrière elles, qu’elles nous racontent.


Témoignage de Brigitte Geoffroy, accueillante familiale

Pour les personnes âgées, 4 septembre 2018.

Brigitte Geoffroy est accueillante familiale dans les Deux-Sèvres.

"Depuis janvier 2017, j’accueille et j’accompagne Laurence atteinte d’une maladie génétique et en situation de handicap. Malgré les appréhensions de devoir intégrer à la maison une personne ayant des problèmes, je ne redoutais pas le regard des autres.

Je consacre beaucoup de temps à Laurence. Nous avons appris à nous connaître et à faire la part des choses, entre ses capacités, ses forces et ses faiblesses.

Oui, accueillante familiale, c’est une profession. Pour l’exercer, il faut rester optimiste, ne pas abandonner le combat et être solide sur le plan psychologique. Il faut faire preuve de fermeté pour préserver une éthique de vie. C’est une mission à laquelle je crois. Bien sûr, il y a des tâches, des obligations, des responsabilités. Mais il faut surtout accepter la différence, partager les mêmes intérêts. Cela fait partie de la nature quand il s’agit d’humain. C’est aussi la capacité de vivre ensemble. Des liens se tissent.

Il faut aussi gérer les prises de médicaments, les rendez-vous avec le psychologue et les professionnels de santé (infirmiers, docteur, pharmacien...) et aimer travailler en équipe avec les assistantes sociales, les tutrices.

Bien sûr il y a des journées hors norme, où on s’engage 24h sur 24h, en fonction de la dépendance. Mais c’est la continuité d’une vie sociale, relationnelle, de la vie courante, un métier indépendant.

Pour exercer ce métier, nous devons être titulaires d’un agrément délivré par les services du département après des entretiens avec une assistante sociale, un médecin et un psychologue. Une formation initiale et continue est organisée par le département. Un suivi médico-social du département est mis en place pour nous aider dans notre travail.

Pour moi, c’est un beau métier."