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Famidac, l'association des accueillants familiaux
et de leurs partenaires

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Tout ce que proposent ces start-up peut être gratuit

Auteure : Leslie FAUVEL
ASH n° 3248, 23 février 2022, pages 6 à 13
Ce dossier sur les marchands d’accueils familiaux approfondit les informations publiées en février 2020 dans notre article Arnaques aux services gratuits

Extraits :

Le nouveau credo des start-up

[...] Au départ, CetteFamille propose un service de mise en relation entre accueillants agréés par les départements et personnes accueillies, facturé à hauteur de 5 % du prix de l’hébergement. Mais très vite, le fondateur de la start-up, située dans l’Orne, se rend compte que ce tarif dépasse largement les moyens du public visé, aux ressources souvent limitées.

[...] Aujourd’hui, CetteFamille a revu ses ambitions à la baisse et se contente d’assurer la gestion administrative des dossiers des personnes accueillies (déclaration Cesu pour l’édition des bulletins de contrepartie financière, avenants aux contrats, conseils juridiques ...). Avec des tarifs de 7,90 euros hors taxes par personne et par mois pour les personnes bénéficiant de l’aide sociale, et de 49 euros pour les autres. La jeune pousse, qui compte un peu moins de 30 salariés, gérait en 2021 environ 4000 dossiers par mois, en passant principalement par près de 50 organismes de tutelle et de curatelle qui lui ont délégué ces tâches.

En deux levées de fonds (2 millions d’euros en 2017 et 4 millions d’euros en 2020), CetteFamille a fait entrer dans son capital les fonds d’investissement Newfund, Normandie Participations, Malakoff Humanis ainsi qu’en leur nom propre, Philippe Perrin, fondateur de la société de services à la personne Domiserve, et Daniel Caille, président de Vivalto, le troisième groupe de cliniques privées français.

Pionnière sur ce marché de l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). , CetteFamille, qui revendique en 2020 un chiffre d’affaires de 500.000 euros, a fait des émules. En 2019, un duo de trentenaires lui a emboîté le pas. Alexandre Nicolet (ingénieur formé aux Arts et Métiers) et Clément Venard (diplômé d’une école de management) ont créé MonSenior, dont « l’objectif n’est pas la rentabilité mais l’impact social », insistent-ils. Les deux entrepreneurs développent l’offre d’accueil familial en promouvant principalement l’hébergement temporaire, lorsqu’une personne âgée sort de l’hôpital et ne peut regagner immédiatement son domicile ou que le proche aidant souhaite s’accorder un temps de repos.

Opérationnelle depuis mai 2020, la start-up est active principalement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes où elle affirme avoir accompagné environ 200 bénéficiaires. MonSenior prélève une commission d’environ 300 euros par mois sur le coût du séjour auprès de l’accueilli.
[...] à l’inverse de CetteFamille, pas de levées de fonds pour MonSenior : l’actionnariat se répartit entre les deux cofondateurs qui misent sur l’autofinancement, les subventions publics et des groupes de protection sociale pour faire tourner et développer leur équipe de six salariés.

Une troisième start-up s’est lancée début 2020 dans l’accueil familial : Famillys, créée par Fabrice Machenaud, jeune diplômé d’école de commerce et, par ailleurs, fondateur d’une plateforme en ligne dédiée à la mode. Ses activités dans le secteur de l’accueil familial restent embryonnaires à ce jour.

Du côté des accueillants familiaux accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
, certains se félicitent de l’arrivée de ces start-up : « Travailler avec CetteFamille m’a soulagée d’un point de vue administratif, raconte Séverine, accueillante dans l’Orne. Pour les personnes qui ne maîtrisent pas l’informatique, c’est très pratique. »
[...] D’autres sont scandalisés par ce qu’ils considèrent comme de la marchandisation d’un service public. « Tout ce que proposent ces start-up peut être fait gratuitement, elles surfent sur la fragilité d’une population vulnérable », dénonce Florence, autre accueillante, dans l’Eure-et-Loir. [...] « Ce n’est pas à une société commerciale de rédiger les termes du contrat entre moi et l’accueilli. C’est un contrat de gré à gré, s’agace une autre. De plus, les personnes que j’accueille ont très peu de revenus. Il est scandaleux de leur prélever des frais supplémentaires. »

[...] En annonçant d’entrée de jeu vouloir créer « le Airbnb pour vieux », Paul-Alexis Racine Jourdren a braqué les professionnels du secteur, qui dénoncent une stratégie de « socialwashing » de la part de cette entreprise immatriculée comme centre d’appel au registre du commerce.
Mais depuis un an, CetteFamille a organisé sa riposte : à toute critique diffusée sur un support public ou relevant d’échanges privés entre accueillants familiaux et conseils départementaux, la société dégaine des mises en demeure par voie d’avocat (via le prestigieux cabinet parisien BCTG Avocats) et réclame de « cesser immédiatement tout comportement ou démarche, par tout moyen de communication auprès des principales parties prenantes de l’accueil familial, qui serait susceptible de présenter un caractère dénigrant, diffamatoire et/ou injurieux à l’encontre de CetteFamille, de ses salariés ou encore de la façon dont elle exerce son activité » sous peine de « sanctions civiles et pénales ». Devant cette artillerie juridique, les voix critiques dénoncent des « méthodes d’intimidation » qui fonctionnent. « Nous n’avons pas l’assise financière pour faire face à ce genre de menaces, alors on ne dit plus rien », témoigne anonymement le récipiendaire d’une de ces missives. [...]

Départements sur la défensive et prestataires avisés

[...] L’irruption des start-up a suscité une véritable levée de boucliers chez les acteurs traditionnels de l’accueil familial. A commencer par les conseils départementaux eux-mêmes, chargés de l’agrément et du contrôle des professionnels, de leur formation et du suivi social et médico-social des personnes accueillies. Rapidement, des agents départementaux se sont mobilisés pour contrer ces nouveaux arrivants sur le marché, jugés commercialement agressifs et, surtout, inaptes à gérer la complexité des dossiers. Presque aucun de leurs salariés n’ayant d’expérience dans le secteur médicosocial.

On leur reproche particulièrement de mettre en avant des solutions pour personnes âgées, alors que l’accueil familial concerne majoritairement des personnes en situation de handicap. Autre grief : la mise en relation, voire le « placement », sans tenir compte ni des agréments ni de la présence d’autres accueillis dans la famille. Des échanges internes à plusieurs départements, dont nous nous sommes procuré copie, mettent ainsi en garde contre d’éventuels « abus de faiblesse ».

[...] Seuls deux départements ont fait appel à CetteFamille. Tout d’abord, l’Orne, où se situe le siège de la start-up. Le département l’avait chargée de développer l’accueil familial en 2018 et il n’a pas renouvelé son contrat d’un an.
[...] En novembre 2020, le Pas-de-Calais, troisième département en nombre d’accueillants familiaux (380) et de personnes accueillies (720 places), a nommé CetteFamille tiers régulateur. Pour 89 272 €annuels, la start-up doit assurer le suivi administratif des dossiers d’accueil familial.

[...] De son côté, MonSenior n’a pour l’heure réussi à proposer ses services qu’à un seul département, celui du Rhône, qui l’a nommée tiers mandataire dans le cadre d’une convention expérimentale.

[...] Face aux difficultés à contractualiser avec les départements, CetteFamille et MonSenior ont été forcées de revoir leur stratégie de développement : « On ne cherche pas à travailler avec les départements, ce sont des structures réticentes au changement mais plutôt avec les hôpitaux, les cliniques », explique Alexandre Nicolet.
Le dirigeant de CetteFamille embraie : « L’administration française et l’inertie, c’est une longue histoire. Quand je me suis lancé en venant du privé, je pensais qu’on allait travailler main dans la main avec les associations et les pouvoirs publics, et en fait tout le monde se tire dans les pattes. A ce rythme-là, je suis convaincu que l’accueil familial va mourir. »

[...] Certaines initiatives de CetteFamille ont fait hausser quelques sourcils dans le milieu de l’accueil familial. Comme le partenariat avec la charpenterie Combles d’en France, pour l’agrandissement immobilier, des propositions assurantielles et des e-mails proposant des jeux-concours à l’issue desquels les grands gagnants se verraient récompensés d’une plancha.
Plus récemment, CetteFamille a aussi organisé des rendez-vous virtuels entre accueillants familiaux pendant la crise sanitaire, assimilés par certains à des réunions Tupperware. « J’ai assisté à l’une de ces réunions afin d’échanger avec mes pairs, explique un accueillant du Cantal. Mais nous n’avons pas pu ouvrir la bouche. Nous avons seulement eu le droit d’écouter les offres de prestataires commerciaux cherchant à vendre des assurances, des alarmes pour personnes âgées et j’en passe. »

LESLIE FAUVEL

Notes de Famidac

Sur le site diagonales-conseil.fr Paul-Alexis Racine Jourdren détaillait, en février 2021, ses projets pour l’année ; extraits :

  • Nous tablons sur la création d’une cinquantaine d’habitats partagés principalement dans le Nord et le Grand Ouest
  • Nous allons expérimenter l’accueil familial salarié dans 3 départements
  • Nous allons sonder les possibilités de développement en Belgique et en Allemagne dont les caractéristiques sont proches des besoins français
  • Enfin, nous allons multiplier les partenariats avec les acteurs de la protection sociale pour décupler notre impact auprès de leurs adhérents et valoriser leur image"

Bilan, un an après ? un flop...

Ces illi-sites qui vendent cher des services gratuits

P.-S.

Notre temps, avril 2022 pages 26 & 27

Dans son numéro d’avril 2022, Notre temps publie un étonnant article sur Paul-Alexis Racine Jourdren (CetteFamille). Extraits :

Aujourd’hui Cette Famille emploie 130 collaborateurs, travaille avec 500 familles et propose 10000 places d’hébergement.

il nous semble que le dirigeant de CetteFamille et Notre Temps n’ont pas bien vérifié leurs chiffres.

  • 130 collaborateurs ? voir societe.com ; Effectif = 10 à 19 salariés ; il y a donc un 0 de trop... ou CetteFamille assimile ses partenaires à "ses employés".
  • travaille avec 500 familles (agréées pour l’accueil d’un maximum de 3 personnes) tout en proposant 10.000 places d’hébergement... soit 20 places par famille !!!
    Alors qu’en 2021 nous ne comptions que +- 8.800 accueillants familiaux agréés accueillant +- 13.810 personnes, parmi lesquelles
    66% = 9 253 personnes handicapées
    33% = 4.557 personnes âgées

Depuis l’été 2021, l’entreprise s’est lancée dans l’habitat partagé en collaboration avec les communes qui cherchent des solutions pour leurs aînés. 15 lieux ont déjà ouvert : ils accueillent 8 colocataires et une maîtresse de maison, épaulées par des auxiliaires de vie.

Voir, entre autres,

... Comme il l’affirme aux ASH, Paul-Alexis Racine Jourdren est bel et bien "convaincu que l’accueil familial va mourir"...