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2018 - l’AFT, un monde soignant à part ?

Congrès GREPFA France des 7 et vendredi 8 juin 2018 à Paris.
Programme

Argumentaire :

Ne rien vouloir
Lâcher prise
Accepter de ne rien vouloir pour ce patient qui nous paraît ne plus rien comprendre à la vie,
Qui se montre inadapté… et à qui le vivant semble interdit !

Le laisser reprendre contact avec le quotidien hors de notre regard.
Lui laisser la possibilité d’un espace de soin non classique…
Lui laisser le choix d’un lieu où les soignants n’y sont pas…

S’apercevoir que ce lieu ordinaire peut être soignant.
Le remettre dans la vie…
Accepter que notre discipline ne puisse rien de supplémentaire
Et puis…. Peut-être…
Lâcher le traitement… le réduire progressivement
Lui laisser la capacité de retrouver ses compétences, simplement
Et bien sûr on accompagne le patient
Mais de loin...

Il prend son bain de vie
Au plus près de l’ordinaire
Et si ce bain lui plaît
Il s’y réalisera

Retrouvons-nous sur la singularité de ce monde soignant à part.

Cliquez ci-dessous sur les liens colorés pour accéder aux textes complets de chaque intervention !

Séance plénière

Introduction
Sylvain LECOIN - Psychologue, Président GREPFA-France

(...) Par les temps qui courent, à l’heure des hôpitaux bondés, des cadences infernales pour leur personnel de tous horizons, à l’heure de la maitrise obsessionnelle des budgets et des temps de travail, d’une psychiatrie qui semble perdue dans ses paradoxes et parcourue de pratiques dites « pragmatiques » et athéoriques… dans ces temps là… n’y aurait-il pas une sorte d’incongruité à évoquer l’idée d’une spécificité ou d’une originalité à l’une de ses pratiques ?
Tant le soin psychique dans ses dimensions relationnelles, humaines, institutionnelles semble aujourd’hui, déjà en soit une originalité. Tant les temporalités et les espaces de ce soin semblent se rétrécir.
L’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). thérapeutique continue toutefois, dans ce tableau peu reluisant, d’apparaitre comme un OVNI (Objet Vivant Naturel et Indémodable), étrange pour certains, intrigant pour d’autres, aiguisant, quand il est rencontré, une curiosité et un intérêt qui ne semble pas se démentir, et du moins qui ne laisse pas indifférent.
(...) Sortir de ses vieux rôles, de ses vieilles représentations, et se rebrancher à ses désirs…
Savourer l’ici et maintenant… lâcher le passé, renoncer aux projections anxieuses…
Accueillir ses émotions pour poursuivre le chemin plus sereinement, délesté de ses angoisses tenaces et rigidifiantes…
Dessiner l’infini et ouvrir son esprit aux millions de possibles
Et voir la vie, la sienne, celle de l’autre, en grand !
Parce que, comme l’indique le livre, Derrière le mur coule une rivière…

Espace du risque, réinvention du soin : pour une éthique du lâcher prise par l’accueil familial thérapeutique AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.

Alice CASAGRANDE (Philosophe, FEHAP, Paris)

Vision systémique de l’AFT et de ses liens avec l’approche institutionnelle et l’approche communautaire
Francine SPITZ (Psychiatre, Responsable de l’équipe AFT du CHAI, Saint-Egrève)

(...) L’Accueil Familial Thérapeutique est un service de soin très atypique : il s’agit de soigner autrement, de disposer de « lits » dans la cité, d’intégrer un professionnel non-soignant au plus près d’un malade relevant pourtant d’une spécialité médicale complexe qu’est la psychiatrie, de demander à une famille de vivre avec un hôte « différent », de demander aux infirmières de laisser leur blouse blanche à l’hôpital pour aller autour d’un café dans la cuisine ou le salon d’une maison familiale discuter du quotidien de leur patient, de ses progrès et de ses difficultés avec le maitre ou la maitresse de maison qu’on appelle aussi accueillant familial accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
.
Au fil des mois, le patient change, il nous dit que « les choses ne sont plus comme avant » et nous constatons en plus qu’il fait évoluer nos représentations sur la maladie psychique et ses conséquences…
(...) Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Nos accueillants familiaux et nos équipes AFT auraient-ils à leur insu ou dans leur inconscient des ascendants illustres ?
(...) J’ai pris l’habitude de rappeler que « cela prend parfois tout un village pour faire avancer un AFT… ». Il y a la patronne du café, les gars du club de rugby, les dames de la gym, le beau-frère Bruno qui a besoin d’un coup de main pour son jardin, les voisins compréhensifs mais musclés qui ceinturèrent un accueilli en crise en attendant les pompiers et quelques autres qui sans façon et sans être auvergnats mériteraient bien une chanson…

A propos d’une écoute active où le « lâcher prise » révèle au patient ses propres potentialités créatrices et thérapeutiques. Auto-hypnose et psychothérapie
Patrick BANTMAN (Psychiatre, Paris)

(...) « Lâcher prise ne veut pas dire renoncer. Au contraire, cela signifie progresser, se libérer de poids inutiles et parfois même changer notre façon de percevoir les choses. Certaines personnes ont besoin de toujours tout contrôler. Elles n’acceptent pas leurs limites et perçoivent le lâcher prise comme une véritable faiblesse ».
(...) Cahin caha cet homme qui n’était pas sorti de l’asile depuis des années nait et montre un intérêt pour le socius insoupçonné par tous.
Le patient a réappris à vivre sans les soignants, à exprimer ses désirs, à vivre des émotions et des relations enrichissantes au contact des autres .Il a su abandonner rapidement ses défenses psychotiques pour vivre en harmonie avec la famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! . On parlerait de déstigmatisation, ou de désinstitutionnalisation, moi je parle d’un retour à la vie après l’hôpital.
Et comme le dit l’argument, l’absence du regard soignant y est pour quelque chose sans doute « le laisser reprendre contact avec le quotidien hors de notre regard ».
Lui laisser la possibilité d’un espace de soin non classique… Lui laisser le choix d’un lieu où les soignants ne sont pas… S’apercevoir que ce lieu ordinaire peut être soignant !

D’une couleur à l’Autre
Gladys PACE (Psychologue, Turin, Italie)

(...) C’est dans l’espace familial que les migrants accueillis en famille viennent souvent trouver un peu de lumière et ils viennent mettre de l’ordre dans leurs vies jeunes et troublées.
(...) Là j’ai entendu parler de réciprocités et pas seulement du devoir d’assistance. Il y avaient des conseillers régionaux pour la formation au travail, des directeurs généraux et scientifiques des fonds nationaux et des écoles d’économie, mais les seuls mots que j’ai conservés et que je rapporte ici sont ceux d’Assan Keita, donc ceux d’un jeune migrant qui a trouvé accueil à l’intérieur d’une exploitation agricole et qui nous a parlé de sa gratitude et de ses projets.

Ateliers

Additionner les énergies pour transmettre ses connaissances et ses expériences...

Atelier 1 - Lâcher prise : renoncement ou acceptation ?

Rosella PASSERA (Equipe AFT de Paris-Centre)

(...) Face à un mutisme quasi-total, j’ai encore cherché d’autres formes de communication, notamment par la gestuelle et l’analyse de ses réactions face aux différentes situations…
Avec le temps, j’ai appris à lire sur son visage, à travers son regard les expressions de joie, d’étonnement et de mélancolie. J’ai donc pu établir avec lui une relation apaisée, réconfortante et complice où le rire prenait une grande place.
Ayant donc appris à bien le connaître et à comprendre ce qui lui faisait plaisir ou l’agaçait, j’ai décidé de « lâcher prise » en n’essayant plus de percer le mystère de sa vie passée, ni le forcer à en parler… J’ai estimé qu’il était libre de préserver cette partie cachée de son existence en respectant son mutisme. Peut-être valait-il mieux ne pas remuer un passé sans doute douloureux et que lui-même s’efforçait d’oublier.
(...) Je reprends encore des mots de la famille d’accueil qui, je pense, résument beaucoup d’interrogations de toutes les familles d’accueil et de nous, équipe soignante aussi sur le lâcher prise dans notre travail… « Après tout, je ne suis qu’un être humain qui travaille avec des êtres humains et je me rends compte que lâcher prise parfois, m’aide à relativiser, ne pas abandonner, ne pas me rendre malade moi-même et me permet de continuer à faire mon métier que j’aime malgré tout ».

Atelier 2 - L’ordinaire de l’AFT...

Sonia ABDELHALIM DHENIN, Sophie HALLEZ, Anne-Clémence HAQUETTE, Caroline VERCOUTRE, Christian ROCHE (Equipe AFT - EPSM Lille Métropole)

(...) Sentiments d’inefficacité des équipes, familles épuisées...
Lâcher prise, c’est accepter ses limites :
A force de vouloir tout contrôler nous gaspillons notre énergie et perdons notre sérénité.
D’où le fameux « lâcher-prise » ! Une attitude intérieure d’ouverture à la vie et aux autres.
Cette pratique n’exclut en rien l’aptitude à prévoir, à organiser ni ne nous dispense de nos responsabilités.

Atelier 3 - AFT : une part de magie ?

Pierre FAVRE-TAILLAZ, Nathalie L’HERMIT, Béatrice SANZ-Y-SANZ, Safa ADHAM (Equipe AFT secteur 3 du CH Sainte-Anne - Paris)

(...) L’AFT est une hospitalisation sans hôpital, qui de plus est gérée au quotidien sans soignant !! Un schéma que les professionnels hors-AFT ont du mal à se représenter. Car c’est vrai, il faut le reconnaître, c’est un dispositif de soins complexe mais pour autant pas compliqué, et qui donne des résultats souvent étonnants. Peut-on parler de magie ?
(...) « dans la magie, le spectateur s’apprête à jouer activement un rôle très particulier : il consent par avance à être vaincu, en un abandon de principe, tout en exerçant une vigilance totale ». Il y a un contrat de départ connu du magicien et du public. »
(...) Le paradoxe, qui nous fait penser à la magie, est que le soin en milieu hospitalier est par définition extra-ordinaire (être à l’hôpital ce n’est pas ordinaire). Pour certains patients ce milieu extra-ordinaire n’atteint pas ou plus les effets thérapeutiques escomptés. Par contre, l’immersion en milieu « ordinaire », sans soignants au quotidien, peut leur être thérapeutique, ce qui peut interroger voire déstabiliser les professionnels. Or s’interroger, être déstabilisé est le propre du tour de magie… réussi !

Atelier corporel : « Revenir à ses sensations »

Walter RIBOUR – (Psychologue et thérapeute corporel - Gravier Soins de suite, Hôpital L’Eau Vive, ASM 13, Soisy-sur-Seine) (Atelier expérienciel)

Séance plénière

L’accueil Familial Thérapeutique : un espace de transformation
Philippe CHEVETZOFF (Psychosociologue, Paris)

(...) le groupe primaire correspond en gros à la famille c’est à dire à la fois au groupe domestique (ceux qui vivent ensemble) et à la parenté dans la mesure où il existe des relations entre ses membres. Il faut parfois aussi prendre en compte le voisinage et les amis lorsqu’il interfère dans la vie quotidienne comme dans le cas d’enfants qui jouent ensemble dans une cour. Bien sûr, en fonction des milieux et des cultures, ce groupe peut être très différent de la famille nucléaire. (...) Encore faut-il se détacher de la vision strictement conjugale de la famille qui souvent en confondant la conjugalité et la parenté évacue la question du groupe. Par exemple, beaucoup de foyers dit monoparentaux fonctionnent sur un mode bien plus groupal que le terme ne le dit, masquant des réalités incroyablement variées.
(...) l’Accueil familial Thérapeutique est un espace de changement dans lequel les patients peuvent intérioriser de nouvelles valeurs, normes et représentations, de nouveaux modes de relations aux autres.
A ce titre, l’AFT peut avoir pour fonction de servir de « correctif » pour des personnes aux groupes primaires très carencés. En fait, l’accueil familial thérapeutique est un espace qui permet au patient de « refondre » (au sens métallurgique du terme) son groupe primaire intériorisé, de l’enrichir et de le vivre autrement.

Atelier 1 - Hâtons-nous de ne pas comprendre trop vite - Créativité soignante et familiale en AFT

Christine NOUVEL (Psychologue, Pôle d’Accueil Familial Thérapeutique - CHS Blain)

(...) Accompagner quelqu’un, ce n’est pas le précéder, lui indiquer la route, lui imposer un itinéraire, ni même connaître la direction qu’il va prendre.
C’est marcher à ses côtés en le laissant libre de choisir son chemin et le rythme de son pas.
Accepter les « louvoiements », « bifurcations » au gré de la rencontre …. situation inconfortable dans l’expérience immédiate.

Atelier 2 - Famille non soignante, famille savante

Nadia BABA, Virginie DELAVAL, Caroline OVION, Marjorie HOLLANDE, Stéphanie DETEE (Pôle 59G18 - Equipe AFT - EPSM Lille Métropole)

(...) L’équipe se propose de vous présenter le parcours singulier d’un patient, qui, après avoir manifesté une dangerosité psychiatrique avérée et des conduites marginales, bénéficie d’un accueil familial thérapeutique. Après quelques "bons heurts" avec la famille d’accueil, cette prise en charge lui a permis de prendre "son bain de vie au plus près de l’ordinaire".
(...) Sentiment d’inutilité de l’équipe. Nécessité de "détricoter" notre façon de faire, de requestionner notre pratique face à cette famille qui sait faire et n’a « plus » besoin de nous. La question du « lâcher-prise » se pose une fois de plus à l’équipe, c’est la famille qui donne le rythme. « S’apercevoir que ce lieu ordinaire peut être soignant ».
(...) L’accueil de Mickaël a questionné l’équipe par rapport à sa place. Chaque famille fait preuve d’originalité dans son accueil, et une même famille va accueillir de façons différentes chaque nouvelle personne accueillie. L’équipe s’efforce de s’adapter à chaque fois en laissant la place à la famille, faire confiance tout en restant présente. Laisser la place tout en suivant le projet de soins car l’accueil reste transitoire. Laisser Mickaël « reprendre contact avec le quotidien hors de notre regard »
Comment être là mais pas trop ?

Atelier 3 - Situations insolites en AFT

Familles d’accueil et équipe AFT du CHAI (CH Alpes-Isère, Saint-Egrève)

(...) Les accueillants familiaux font preuve d’une grande inventivité pour venir désamorcer l’angoisse de leurs accueillis. Mr D. nous explique monter dans un arbre à chaque fois que sa patiente est prise dans un discours répétitif autour de plaintes. Par ce comique de situation Mr D. réussit à sortir sa patiente de ses ruminations anxieuses. Mme P., elle, utilise le mot « scoubidou », qui vient en 1 mot résumer les maux de son accueillie et qui lui permet de diminuer son angoisse.
Le temps de l’AFT est aussi un espace où nos patients peuvent vivre de nouvelles expériences. Nous avons le témoignage de Mme D. qui amène son patient jusqu’au Canada, le sac rempli de si besoin au cas où… mais le cas ne se présentera pas et le sac de Mme D. restera rempli. Mais le plus important reste la tête du patient remplie de bons souvenirs au milieu de cette famille qui partage ses vacances avec lui.
Ainsi que les yeux écarquillés de Mr et Mme D. qui ne cessent de s’étonner, non pas des paysages qui les entourent, mais des efforts de leur accueilli. De nouvelles ressources que développe le patient. Une adaptabilité à toutes épreuves.
Sans oublier notre couple qui s’est formé au cœur de l’AFT et qui se verra soutenu et porté pour aller en AFS couple. Les accueils qui se prolongent dans le soutien et l’accompagnement d’un cancer… L’intimité partagée au sein d’un camping-car pour des vacances au bord de la mer.
D’autres familles d’accueil viennent raconter, à leur tour, leurs expériences insolites à travers un patient anglais ou bien encore un accueilli sans identité.
Tant de situations qui viennent bien témoigner de ce monde soignant à part. Expériences d’accueillants, illustrant leur créativité, leur ouverture et leur sens de la découverte mutuelle...

Atelier corporel : « Revenir à ses sensations »

Walter RIBOUR – (Psychologue et thérapeute corporel - Gravier Soins de suite, Hôpital L’Eau Vive, ASM 13, Soisy-sur-Seine) (Atelier expérienciel)

Conclusion du Congrès (vidéo)