Lorsque la bonne volonté d’élus se conjugue, sans aucune consultation ni vérification, avec leur méconnaissance du vécu concret des accueillants, ils ne sont pas à l’abri d’énormes boulettes. Pas malveillantes, mais extrêmement dangereuses et maladroites : l’enfer n’est-il pas pavé d’excellentes intentions ?
Espérons que la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, qui examinera prochainement cette proposition, saura distinguer le bon grain de l’ivraie !
Mises à jour :
- 12 juin 2019 : rejet de cette proposition de loi par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale
- 20 juin 2019 : Le Gouvernement s’oppose à l’adoption de cette proposition de loi - lire ses arguments détaillés.
- 2 décembre 2020 : remise du rapport de la mission d’information sur l’accueil familial Accueil familial pilotée par Mmes Josiane Corneloup et Mireille Robert.
Extraits de l’exposé des motifs
par Mme Josiane Corneloup, députée LR de la 2ème circonscription de Saône-et-Loire
(...) la profession souffre de plusieurs freins au développement de l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). des personnes âgées ou handicapées, dont :
– L’inadéquation du statut des accueillants familiaux accueillant familial
accueillants familiaux Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés. pour ouvrir le droit à des indemnités de licenciement, à l’assurance chômage et aux aides d’accès à l’emploi ;
– La faiblesse de leur rémunération ;
– La limitation du nombre de personnes accueilli[e]s ;
– L’absence de droit au répit.En effet, le « contrat écrit » conclu de gré entre l’accueillant et l’accueilli n’est pas un contrat de travail. Il ne comporte notamment aucun élément établissant une relation de subordination entre ses deux signataires. L’accueillant familial ne cotisant pas à l’assurance chômage, il ne peut donc bénéficier des droits à des indemnités de licenciement, à l’assurance chômage et aux aides d’accès à l’emploi. Un élément fondamental du salariat manque donc. Pour pallier cette situation, il est donc nécessaire de requalifier la nature du contrat, en rendant obligatoire l’emploi des accueillants familiaux par une personne morale de droit public ou de droit privé, tout en maintenant le contrat d’accueil écrit préexistant.
Le remède proposé est pire que le mal qu’il prétend soigner : adopter cette disposition reviendrait à signer la fin des accueils de gré à gré, alors même que nous dénonçons les dysfonctionnements des accueils salariés institués en 2007 !
Il suffirait pourtant, comme nous l’avons régulièrement demandé, d’accorder aux accueillants familiaux le statut de salarié au service de particuliers.
Suite à la revalorisation, en janvier 2005, du salaire des accueillants familiaux, certains conseils départementaux ont réduit à 2 ou 3 le minimum garanti de l’indemnité journalière représentative de frais d’entretien courant de la personne accueillie.
De plus, la CSG augmente de 1,7 % quand la cotisation maladie baisse de 0,75 %, ce qui constitue une perte sèche pour les accueillants, qui ne bénéficient pas, pour l’instant, de l’assurance chômage, ce qui neutralise quasiment l’augmentation du SMIC.
Il est donc souhaitable de revaloriser l’indemnité journalière représentative des frais d’entretien, en augmentant les montants minimum et maximum de l’indemnité journalière représentatives des frais d’entretien courant de la personne, actuellement fixés à 2 et 5 fois le minimum garanti, pour les fixer à 4 et 7 fois ce minimum garanti.
Nous demandons plus précisément, depuis plusieurs années, une indemnité journalière représentative des frais d’entretien courants de la personne accueillie
- de 4 à 7 MG pour un accueil continu,
- de 3 à 5 MG pour un accueil "à temps partiel" (de jour ou de nuit).
Pour ceci, il n’est aucunement besoin d’une nouvelle loi : le gouvernement peut parfaitement, à tout moment, modifier par décret les articles D442-2 et D444-5 du Code de l’action sociale et des familles.
(...) bien souvent, lors de la première demande d’agrément, le conseil départemental limite l’accueil à une seule personne durant la première année. Il faut ensuite qu’une demande d’extension de la capacité d’accueil soit sollicitée et accordée dans la limite de trois personnes maximum au bout de trois ans.
(...) il est proposé de supprimer la latitude dont dispose le président du conseil départemental pour limiter l’accueil à une personne pendant la ou les premières années, celui-ci restant décisionnel dans l’acceptation ou le refus de l’agrément.
Excellente proposition ; le Guide de l’accueil familial publié en 2013 précisait bien, à notre demande, en page 121 :
Question 1.3. L’agrément peut-il être limité à l’accueil d’une personne lors d’une première demande ?
Réponse Si l’évaluation est positive et si les capacités d’accueil et les qualités professionnelles du candidat sont suffisantes, le nombre de personnes pour lequel l’agrément est accordé ne doit pas être systématiquement limité par « précaution ».
Il est évalué au cas par cas.
Voir également l’Article R441-4 (Modifié par Décret n°2016-1785 du 19 décembre 2016) :
(...) Tout refus d’agrément ou de renouvellement d’agrément doit être motivé, de même que toute décision d’agrément ne correspondant pas à la demande, notamment en termes de nombre, de catégories de personnes susceptibles d’être accueillies ou de temporalités de l’accueil.
(...) Enfin, il s’agit de répondre à une demande récurrente des accueillants familiaux, concernant le droit au répit. La loi d’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 a instauré ce droit pour les proches aidants de personnes bénéficiaires de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), assurant une présence ou une aide indispensable à la vie à domicile de leur proche, et qui ne peuvent être remplacés pour assurer cette aide par une personne de l’entourage.
Le droit au répit permettrait de développer davantage l’accueil familial en offrant aux accueillants des garanties qu’impose la grande implication qui est celle des accueillants familiaux, au service des personnes âgées ou handicapées.
Proposition surréaliste : depuis que les accueillants ont droit à des congés, il leur appartient, en concertation avec leurs accueillis, d’organiser leur remplacement et ceci sans surcoût pour les personnes accueillies.
Nos chers députés proposent de financer tout ceci par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts (taxes sur les tabacs).