De mai 2012 à mai 2017, sous la présidente de François Hollande, Marisol Touraine fut 5 années durant Ministre des affaires sociales et de la santé.
Suite à la publication, en novembre 2012, de notre Lettre ouverte des accueillants familiaux à tous leurs Élus, Michèle Delaunay et Laurence Rossignol, ministres déléguées en charge des Personnes âgées et de l’Autonomie nous ont régulièrement consultés en vue de la publication de l’Article 56 de la Loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
Il ne restait plus qu’à la mettre en oeuvre, ce qui fut partiellement fait avec la publication des Décrets du 19 décembre 2016 relatif à l’agrément des accueillants familiaux et du 14 avril 2017 relatif à la formation des accueillants familiaux..
Problème : ces décrets prévoyaient la publication plusieurs textes d’application, négociés au cours de l’année 2016 au cours d’une dizaine de réunions à la DGCS
DGCS
La Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) est chargée par le Ministère des affaires sociales et de la Santé de coordonner l’action des pouvoirs publics dans les domaines de l’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées - voir
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Ces publications ont malheureusement été différées suite à l’élection, en mai 2017, d’Emmanuel Macron. Qui donc allait gérer les suites de ce dossier ?
La ronde incessante des Ministres et Secrétaires d’état
De mai 2017 à mai 2024, sous la présidente d’Emmanuel Macron, nous avons vu passer en 7 années 7 Ministres des Solidarités et de la Santé - et nous avons renoncé à lister leurs innombrables éphémères Ministres délégués et/ou Secrétaires d’état bien obéissants, tombés au fil d’incessants remaniements dans les oubliettes de ce désolant manège.
Une funeste instabilité : comment donc voulez-vous qu’au cours de ses premiers mois d’exercice un(e) ministre trouve le temps de s’intéresser sérieusement, au milieu d’une énorme pile de dossiers urgents, à la détresse de quelques milliers d’accueillants familiaux
accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
(bien moins nombreux que les établissements, les audioprothésistes ou même les coiffeurs) ?
Les Secrétaires d’état qui ont trouvé le temps de se pencher sur nos problèmes ont été remplacé(e)s avant d’avoir pu concrétiser leurs promesses verbales...
Pour corser le tous, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024, la valse des ministères est repartie pour un nouveau tour. Les nombreuses questions écrites des Députés jusqu’ici sans réponse officielle ont été retirées et celles des Sénateurs attendent la nomination d’un nouveau gouvernement.
Sur le site https://solidarites.gouv.fr, l’accueil familial
Accueil familial
Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois).
est depuis quelques années devenu totalement invisible ; on n’y parle plus que de promouvoir les résidences et logements intermédiaires, les habitats inclusifs et autres initiatives commerciales - vive la start-up nation !!!
Suite à ce changement de cap, les start-ups initialement fondées sur l’ubérisation des accueils familiaux (Cettefamille, Monsenior...) s’en détournent pour promouvoir désormais des colocations et autres formes de résidences séniors plus ou moins recommandables et partagées.
Le principe de l’accueil familial est, pour les accueillants comme pour leurs accueillis, un partage de bonheur, de confiance, de sereine sécurité : est-il raisonnable de continuer à confier des personnes dépendantes à des accueillants maintenus en situation de précarité ???
Nous avons la chance d’avoir, depuis 2013, à la direction de l’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées de la DGCS, un interlocuteur particulièrement compétent, à notre écoute, maîtrisant parfaitement tous les aspects de notre profession, comprenant bien nos arguments. Nos échanges sont réguliers et courtois - cependant : en qualité d’agent administratif, il ne peut donner aucune consigne aux membres du gouvernement : il n’est sensé que répondre à leurs interrogations puis se plier à leurs consignes.
Le gouvernement a décidé, en avril 2024, d’affecter 650 millions d’euros aux Ehpad publics, privés et associatifs ; les dotations de l’État devraient augmenter de 5% dans les Ehpad publics, 5% dans l’associatif et 3% dans le privé : leur situation financière est actuellement très compliquée, en partie liée à l’explosion des coûts de l’alimentaire, de l’énergie et à la hausse des salaires [...] L’année dernière, l’État avait débloqué un soutien financier de 100 millions d’euros, une aide entièrement consommée depuis...
Sur une année courante, 750 Millions d’Euros auront donc été débloqués pour sauver les Établissements, qui font régulièrement l’objet de polémiques, d’enquêtes et de rapports de gestion accablants.
Pendant ce temps, nos ministres restent, entre deux remaniements, sourds à nos demandes ainsi qu’aux interpellations des élus qui soutiennent l’accueil familial. Suite à la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024, toutes les questions écrites de nos députés sont reléguées aux oubliettes... Nous subissons les mêmes augmentations que les établissements mais nos démarches sont éternellement à relancer, à reprendre à zéro !
L’accueil familial, qui ne fait l’objet d’aucune polémique quant à son fonctionnement et ses vertus, ne représente une goutte d’eau dans cet océan financier. Subissant lui aussi de plein fouet l’augmentation des coûts de l’alimentaire, de l’immobilier, de l’énergie, il ne bénéficie d’aucun dispositif d’urgence. Pourquoi cette discrimination sur un même secteur d’activité ?
Une Députée résume nos soucis
28 mai 2024, question orale de Christine Engrand (Députée du Pas-de-Calais) :
Il est des questions qui font consensus et s’égarent pourtant dans les couloirs labyrinthiques de notre assemblée. L’accueil familial en fait partie.
En 2022, Brigitte Bourguignon, alors ministre de la santé, promettait à Mme Bauwens, accueillante familiale âgée de soixante-neuf ans, qui faisait une grève de la faim pour faire entendre les revendications des accueillants, que le Gouvernement préparait une réforme.
Le 1er juin 2023, le ministère du travail, de la santé et des solidarités répondait à une question écrite de la sénatrice Catherine Morin-Desailly en laissant entendre qu’un texte était imminent. Et depuis, aucune nouvelle !
En attendant, les difficultés de cette activité ne s’évanouissent pas, bien au contraire : trop faibles, les rémunérations et indemnités sont pointées du doigt, tout comme l’exclusion de l’assurance chômage et du compte professionnel de formation, ou encore les difficultés à se faire remplacer – pour ne citer que les points saillants.
Rendez-vous compte : un accueillant familial n’est, en règle générale, rémunéré par la personne accueillie qu’à la hauteur de deux heures et demie de travail par jour, au Smic, alors qu’il travaille sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L’indexation sur le Smic n’y change rien, en raison de la hausse des cotisations sociales. En 2018, l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) a anéanti l’augmentation du salaire minimum.
Il n’est donc pas étonnant que la précarité et la pénibilité érodent les effectifs d’accueillants familiaux : entre 2019 et 2022, leur nombre a diminué de 10 %. À l’heure de la défiance envers les Ehpad, la disparition de ce mode d’accueil, deux fois moins coûteux pour les départements, serait un véritable coup de massue pour la prise en charge des personnes âgées en France – 70 % des Français souhaitant d’ailleurs vieillir à domicile.
Les occasions de réformer l’accueil familial n’ont pourtant pas manqué, des discussions ayant entouré la loi du 8 avril 2024, dite bien vieillir, aux discussions budgétaires. Depuis le début de la présente mandature, une proposition de loi est en outre déposée chaque trimestre sur ce sujet ; cela fait un total de cinq, dont une émane de notre groupe.
Vous n’avez pourtant jamais tenté de traduire en mesures concrètes le consensus transpartisan, acquis par principe sur une telle question. Quand une énième conférence ou un énième débat ne suffit plus à entretenir l’illusion, vous fuyez et il n’y a que Dédale pour rivaliser avec vos circonvolutions.
(...) Madame la ministre, à quand une réforme de l’accueil familial, comportant notamment une revalorisation des seuils rémunératoires et indemnitaires fixés par le décret ? À quand une vraie reconnaissance de la profession ?
Réponse de Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles :
Dans notre pays, les métiers du lien – l’accueil familial de personnes âgées et handicapées, la protection de l’enfance, le travail d’éducateur spécialisé, l’accueil familial des enfants relevant de l’aide sociale à l’enfance (ASE) – connaissent une crise profonde. La question de leur attractivité, de leur accompagnement et de leur revalorisation sociale et pécuniaire est essentielle.
Constituant une solution de substitution à l’hébergement en établissement, l’accueil familial des personnes âgées présente de nombreux atouts : il offre un environnement familial et chaleureux, un cadre de vie plus stable et sécurisant. Cette solution d’accueil contribue à répondre à l’enjeu du vieillissement de la société, en prévenant la perte d’autonomie et le risque de solitude. Le Gouvernement est favorable à son développement – il l’est vraiment.
(...) Cela dit, le dispositif reste perfectible. Les problèmes que vous évoquez sont bien identifiés – le temps me manque pour les évoquer à mon tour.
Les mesures présentées par les députés Annie Vidal, Gérard Leseul et Benoit Mournet dans le cadre de leur proposition de loi destinée à renforcer, soutenir et favoriser le déploiement de l’accueil familial constituent à cet égard une base de travail très intéressante sur laquelle nous nous engageons à travailler. Ces mesures sont autant d’axes sur lesquels il importe d’agir de façon combinée pour consolider l’ensemble de l’édifice et rendre ces métiers plus attractifs.
3 pirouettes et cette toute fraîche ministre déléguée - nommée le 8 février 2024 - risque fort, après seulement 5 mois d’exercice, de devoir nous tirer sa révérence, comme tant d’autres...
Totalement "à côté de la plaque"...
Dans une question écrite parfaitement détaillée publiée le 1er février 2024, M. Bruno Rojouan (Sénateur de l’Allier) interroge Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités au sujet des difficultés rencontrées par les accueillants familiaux : "le Gouvernement doit envisager une revalorisation du statut, la reconnaissance de l’accueil familial comme la 27ème activité de service à la personne, et l’encadrement de la rémunération."
La réponse du Ministère, publiée le 4 juillet 2024, est une interminable liste de mesures mises en oeuvre au bénéfice des aidants familiaux... donc 100% hors sujet !!!
Voici qui en dit long sur l’incompétence des services qui dictent leurs réponses à leurs novices et éphémères Ministres...
Comment enrayer le déclin de l’accueil familial ?
Augmentation d’1 SMIC horaire la rémunération minimale journalière des accueillants familiaux (passage de 2,5 à 3,5 SMIC/jour)
Passage des remboursements de frais d’entretien à une fourchette de 4 à 7 MG/jour (au lieu des 2 à 5MG actuels)
représenteraient :
+ 4699,44 euros de rémunération par an et par personne accueillie (montant imposable)
+ 3037,80 euros d’indemnité d’entretien par an et par personne accueillie.
Sachant
- qu’environ 13.000 personnes sont accueillies (estimation au 31/12/2022) :
- que 30% des départements appliquent déjà des barèmes d’aide sociale à l’hébergement plus généreux que les minimas actuels.
- qu’au moins 20% des personnes accueillies ne bénéficient d’aucune aide publique (leurs tarifs sont libres, dans les limites légales).
Une telle mesure représenterait donc, au maximum : 7737.24 euros x 7000 personnes accueillies = 54 millions d’euros, essentiellement à la charge des Départements.
Cette somme paraît bien dérisoire face aux montants annoncés des aides d’urgence au secteur médico-social et aux autres pans de la société impactés comme nous-mêmes par l’augmentation des coûts de la vie...
Mais nos revendications ne sont pas uniquement financières :
Actualisation des contrats type, projet d’accueil personnalisé, formulaire uniformisé de demande d’agrément, liste limitative des pièces à fournir, clarification des droits à congés sur les heures de sujétions particulières...
La publication de ces textes attendus depuis 2015 permettrait d’améliorer enfin notre situation sans coûter un seul sou aux finances publiques !