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Famidac, l'association des accueillants familiaux
et de leurs partenaires

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La fonction de médiation en accueil familial social

Anne-Marie BARBEZIER, assistante sociale &
Isabelle PAZZELLI, infirmière -
Office Médico-Social de Réadaptation
Sassenage (38) - Extraits

Pages 23 à 25 (...) : commander la revue à : IPI - 50 rue Samson - 75013 PARIS - Tél. 01.45.89.17.17

> Extraits :

(...) Pendant longtemps, l’OMSR a organisé les accueils (il s’agissait alors d’innover avec le soutien des tutelles). Le Conseil Général a proposé de missionner l’association pour suivre des accueils familiaux en conformité avec la loi du 10 juillet 1989. L’adaptation à réaliser était importante car la loi imposait que les accueils s’organisent dorénavant à partir du contrat signé entre accueillant et accueilli et/ou son représentant légal.

(...) Il nous importe plus que jamais, dans une société où l’exclusion fait débat, de revendiquer pour les accueillis l’accès à la parole, à l’expression de leurs besoins, à négocier leur statut et leur dynamique personnelle dans et après l’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). .

Quelle actualité tient encore ce concept de médiation dans les nouvelles codifications de l’accueil familial et la politique actuelle de contractualisation ? Elle ne va pas de soi dans la mission de contrôle des accueils familiaux. L’accueil familial se joue en effet dans une contractualisation dont nous sommes exclus. L’usager est maintenant au cœur de tout dispositif, place qui ne peut qu’être approuvée et soutenue. Mais le contrat s’insère dans un contexte familial privé, avec des règles et des coutumes pré-établies qui peuvent chercher à se protéger.

La capacité de l’accueilli à contracter dans ce contexte ne va donc pas de soi.

(...) Pour G. Pineau [1], parlant de la pratique de médiation, se lier assez fortement à chacun des deux pôles si différents pour les faire se conforter est une opération difficile, peu reconnue, qui place les services frontières dans une situation permanente de tension. Elle exige l’homogénéité et la cohésion de l’équipe. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle ou un projet, mais d’initier une nouvelle politique de transaction en s’appuyant sur des professionnels capables de modifier les relations de proximité dans des situations de tensions, de violence, de conflits. La fonction de tiers nous est souvent reconnue par des familles inquiètes du handicap psy- chique, soucieuses de ne pas désorganiser leur équilibre, et qui accordent a priori leur confiance dans le soutien, l’expérience et la connaissance que nous pouvons apporter. Ces familles ont en outre l’ambition de la réussite de l’accueil familial pour la personne handicapée. Nous expliquons notre démarche en préalable à l’accueil, dès les premiers moments, quand se discutent l’agrément et les conditions du suivi. Pour que notre fonction se maintienne, elle impose par contre-coup notre disponibilité, d’où des moyens en temps et en personnel reconnus comme indispensables pour une permanence de la relation.

Il arrive aussi que notre place n’aille pas de soi, soit que nous intervenions dans un accueil déjà en place, soit que notre présence soit jugée trop intrusive dans l’accueil de gré à gré. Et il se peut que l’accueilli se mette à exprimer des besoins d’autonomie trop perturbants pour l’accueillant, qui a réussi à reconstituer son équilibre familial.

La revendication de notre place, dans le souci de l’accueilli, peut alors devenir rapidement un élément de tension. L’équipe doit affirmer la cohérence de sa démarche afin de faire respecter l’esprit du contrat : chaque partie est libre de décider pour elle-même, et cette capacité permet à l’accueilli de penser son évolution sociale. Il est essentiel de compter à ces moments-là sur la cohésion de toute l’équipe et sur la cohésion avec les partenaires (établissements, services, Conseil Général garant de la loi) pour ne pas faire échouer la tentative de médiation por- tée par le référent. Il peut être aussi nécessaire, lorsque la tension est trop forte, de proposer les locaux de l’association pour créer un terrain de discussion moins identifié.

Les médiations aboutissent lorsque le rapport social sort de la dualité pour aller vers des relations multiples. Plus que jamais, pour des personnes aussi stigmatisées que le sont les handicapés psychiques, l’ambition est de reconstruire du lien social autour d’elles, d’aider à leur restauration personnelle et à leur reconnaissance. Cette reconnaissance s’opère à l’intérieur d’un environnement qui est celui de l’accueillant.

C’est dans cet environnement que l’accueilli met en place ses conditions de vie, négocie son statut, impose son identité. L’accueillant devient à son tour homme ou femme « frontière » pour aider la personne handicapée à la réalisation de son projet. C’est certainement dans ce statut que se joue pleinement sa reconnaissance de professionnel engagé socialement. Félix Guattari [2] envisageait la dynamique sociale comme la capacité des personnes à devenir à la fois de plus en plus solidaires et de plus en plus différentes.

Le présent texte, porté et défendu par notre histoire et notre analyse, se veut aussi interpellation. Serons-nous un jour légitimés dans notre pratique par une reconnaissance réglementaire ? Pourrons-nous conserver les moyens acquis lorsque l’accueil familial n’était encore qu’une alternative hospitalière et un outil de réintégration de la personne handicapée dans la vie sociale ?

Notre place de tiers est sollicitée par la plupart des accueillants avec lesquels nous collaborons ; nous croyons qu’elle les aide à reconnaître leur rôle de professionnels en tant que soutien d’une population particulièrement exclue socialement, à s’engager dans la formation, à rechercher une meilleure cohérence dans les accueils qu’ils pratiquent. (...)

Notes

[1G. Pineau, « Les combats aux frontières des organisations », Sciences et Culture, Montréal, 1983

[2F. Guattari, « Réseau alternatif à la psychiatrie », Collectif International, 10/18, 1977