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Double paye le 1er mai, congés, rupture...

Cour d’Appel d’Aix en Provence - Tribunal d’Instance d’Antibes, Jugement du 8 janvier 2008.

Article L3133-6 du Code du Travail : brin de muguet

Dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire. Cette indemnité est à la charge de l’employeur.

En pratique

En cas d’accueil temporaire accueil temporaire Terme désignant un contrat d’accueil à durée déterminée, avec une date de début et une date de fin, prévoyant une prise en charge à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (de jour ou de nuit). (moins de 3 mois d’accueil consécutifs) incluant le 1er mai, le bulletin de salaire doit donc décompter, en partie "rémunération" (salaire + congés + sujétions particulières sujétions particulières L’indemnité en cas de sujétions particulières est, le cas échéant, justifiée par la disponibilité supplémentaire de l’accueillant liée à l’état de santé de la personne accueillie. ), 1 journée supplémentaire ... soit, par exemple,

  • 32 jours, en cas d’accueil pendant ce mois complet
  • 8 jours au lieu de 7, pour un accueil d’une semaine incluant le 1er mai.

Les autres frais d’accueil (Indemnité représentative des frais d’entretien courant de la personne accueillie et Indemnité représentative de mise à disposition de la ou des pièces réservées à la personne accueillie) restent bien sûr basés sur le nombre réel de journées d’accueil.

En cas d’accueil de longue durée (cas le plus courant)

  • Les années non bissextiles, l’accueillant est mensualisé sur la base de 30,5 jours par mois, soit 30,5 x 12 mois = 366 jours (au lieu de 365) ; le 1er mai est donc déjà payé double et là, ce n’est pas seulement le salaire mais l’ensemble des frais d’accueil qui est doublé !
  • Les années bissextiles (comprenant, comme en 2016 et en 2020, un 29 février), demandez le paiement d’un jour supplémentaire, soit 31,5 jours de rémunération mensuelle (salaire + congés + sujétions particulières), les autres frais d’accueil (Indemnité représentative des frais d’entretien courant de la personne accueillie et Indemnité représentative de mise à disposition de la ou des pièces réservées à la personne accueillie) restant décomptés sur 30,5 jours.

Rappelons que les accueillants familiaux accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
"de gré à gré" ne bénéficient

  • d’aucune journée de repos hebdomadaire,
  • d’aucune compensation pour les 10 autres jours fériés légaux travaillés (1er janvier, lundi de Pâques, 8 Mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 14 Juillet, 15 août, 1er novembre, 11 Novembre et 25 décembre).

Nous avons reçu, le 29 novembre 2008, ce courrier de Madame Pétri Emma :

Monsieur,

Famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! pendant douze ans de 1995 à 2007, aujourd’hui à la retraite. Après avoir bien galéré pour faire valoir mes droits, visité votre site, navigué sur le forum, posé des questions bien souvent pour glaner des renseignements, je vous ai souvent remercié dans ma tête car vous êtes une mine d’or d’aide pour les familles d’accueil.

Pour aider les familles d’accueil dans leur combat, je vous envoie la photocopie du procès que nous avons gagné, Maître SAUVAGE-FAKIR et moi-même, contre l’organisme de tutelle A... de NICE. Il serait bon de faire apparaître [cet organisme] avec seulement un grand A.... pour ne pas blesser les sensibilités et pour être correct bien qu’ils ne le mérite pas du tout.

Recevez, Monsieur mes sincères salutations.

PJ :

Jugement du 8 janvier 2008

Cour d’Appel d’Aix en Provence - Tribunal d’Instance d’Antibes
NRG : 11-07-000442

Président : Frayssinet Marie-Claude, vice-président
Greffier lors des débats et du prononcé : Marie-Thérèse Delaye, FF
Débats : à l’audience publique du 15 novembre 2007
Jugement : prononcé par mise à disposition au greffe le 08 janvier 2007 après prorogation par Frayssinet Marie-Claude, vice-président, qui a signé avec le greffier

Entre :

  • Demandeur :
    Madame Petri Emma, née le 29 novembre 1944, demeurant xxxxx 06600 Antibes, représenté(e) par Me Sauvage Fakir, avocat au barreau de Nice

Et :

  • Défendeur :
    Monsieur M... représenté par l’A…, xxx 06xxx Nice, représenté(e) par Me Voisin-Moncho Emmanuel, avocat au barreau de Grasse

Par acte d’huissier délivré le 5 juin 2007, Mme. PETRI a assigné M. M... représenté par l’ASSOCIATIQN TUTELAIRE xxxxx dite l’A… à comparaître devant le tribunal d’instance d’Antibes.

Par conclusions récapitulatives, Mme PETRI demande au tribunal de condamner M. M... et l’A… à lui payer en exécution de la convention d’accueil, avec exécution provisoire du jugement :

En défense, M. M... représenté par l’A… sollicite l’entier débouté de la demanderesse qui a d’ores et déjà reçu l’intégralité des sommes qui lui reviennent conformément à la législation en vigueur.

MOTIFS DE LA DECISION

II est constant que Mme. PETRI a conclu un contrat d’accueil de personnes adultes handicapées avec M. M..., placé sous la tutelle de l’A… ;

que ce contrat d’accueil est prévu par les articles L 441-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles qui ont été complétés et modifiés par l’article 51 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 dite loi de modernisation sociale ;

que ce contrat a été rompu le 6 juin 2006 ;

que cependant, Mme. PETRI a continué à assurer l’accueil de M. M... jusqu’au 18 janvier 2007.

Sur l’indemnité de congés payés sollicitée

Mme. PETRI sollicite le versement d’une indemnité de congés payés pour la période allant du 18 janvier 2002 au 1er janvier 2005, en application de l’article L 442-1 du code de l’action sociale et des familles tel que modifié par l’article 51 de la loi de 2002.

M. M... représenté par l’A… soutient que ledit article 51 fait expressément référence, en ce qui concerne le contrat d’accueil, à la parution d’un décret d’application qui n’a été publié que le 1er janvier 2005 ; que les nouvelles dispositions ne sont donc applicables qu’à partir du lendemain de cette parution ; qu’or dès la mise en application de ces nouvelles dispositions, l’A… a immédiatement régularisé la situation professionnelle de Mme PETRI pour la période courue à compter du 1er janvier 2005 ; que Mme PETRI n’est pas fondée à solliciter des indemnités de congés payés pour la période antérieure.

Mais attendu qu’une loi est d’application immédiate dès sa publication si elle n’a pas besoin d’être complétée par des décrets d’application (article 1 du code civil) ; qu’en l’espèce les dispositions de l’article L 442-1 du code de l’action sociale et des familles tel telles que modifiées et complétées par l’article 51 de la loi du 17 janvier 2002 indiquent que "le contrat prévoit notamment une rémunération journalière des services rendus ainsi qu’une indemnité de congé calculée conformément aux dispositions de l’article L. 223-11 du code du travail" ; que cette disposition de la loi se suffit à elle-même et peut être appliquée sans décret d’application venant la préciser ; qu’en conséquence, Mme PETRI est bien fondée à solliciter le versement d’une indemnité de congés payés pour la période allant du 18 janvier 2002 au 1er janvier 2005.

La somme de 239,95 euros qu’elle sollicite à ce titre, dont le calcul n’est pas contesté par les défendeurs, est bien due.

Sur la demande au titre du rappel de salaires

Mme PETRI sollicite la somme de 918,87 euros à titre de rappel de salaire concernant la période allant du 1er janvier 2007 au 18 janvier 2007 ainsi que les congés payés sur les 18 jours.

Les défendeurs indiquent que Mme PETRI a déjà été rémunérée pour cette période et qu’en conséquence, sa demande ne peut qu’être rejetée.

Il est produit au dossier une lettre de l’A… adressée à l’avocat de Mme PETRI datée du 3 avril 2007 dans laquelle l’A… écrit "... En ce qui concerne le salaire de janvier 2007, Mme PETRI a reçu la somme de 690,78 euros pour les 18 jours de janvier 2007.... Enfin vous signalez que Mme PETRI n’aurait pas reçu la somme de 690,78 euros. Or cette somme a bien été virée sur son compte le 1er janvier 2007".

Il est également produit une lettre de l’avocat de Mme PETRI adressée à l’A… le 28 mars 2007, dans laquelle elle écrit : "Mme PETRI me confirme n’avoir bénéficié d’aucun règlement de votre part pour le mois de janvier 2007 (et ce malgré l’émission du bulletin de salaire pour la période du 1er au 31 janvier 2007). Mme PETRI m’informe que les dernières prestations qui lui ont été réglées (début janvier 2007) par votre intermédiaire correspondent aux prestations du mois de décembre 2006..."

Mme PETRI explique qu’elle a toujours été payée avec un mois de retard ; que le mois de décembre 2006 lui a été réglé en janvier 2007.

Pour conforter cette analyse, Mme PETRl verse au débat ses différents bulletins de salaires et ses derniers relevés de comptes bancaires qui démontrent qu’il existe un décalage d’un mois entre la prestation effectuée et le paiement de celle-ci.

M. M... représenté par l’A… est en conséquence condamné à verser à Mme PETRI (qui n’indique pas comment elle a calculé la somme qu’elle sollicite) la somme de 891,92 euros correspondant à 18/30ème de ses derniers salaires habituels, étant précisé que cette somme comprend l’indemnité de congés payés sur ces 18 jours.

Sur la demande relative à l’indemnisation des "1er mai" pendant 5 ans.

Il est produit aux débats une lettre émanant de l’ A… datée du 26 mars 2007 dans laquelle elle écrit "Nous faisons suite à votre demande de régularisation des congés payés (du 18 janvier 2002 au 1er janvier 2005) et des 1er mai par suite de l’application de la loi du 18 janvier 2002. Après calcul, il s’avère que nous sommes tout à fait d’accord avec vos calculs. En conséquence, nous virerons sur votre compte bancaire la somme totale de 1.485,52 euros."
(Compte tenu d’un trop perçu qui aurait été versé en janvier 2007 mais qui n’est en fait pas démontré).

Or la créance de Mme PETRI au titre de ses congés payés s’élevait déjà à 1.725,47 euros. Compte tenu de l’indemnité susvisée allouée au titre du solde de congés payés, il lui reste dû la somme de 96,84 euros au titre des 1er mai.
M. M... représenté par l’A… est condamné à lui payer cette somme au titre des 1er mai.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat aux torts de l’A… ou subsidiairement sur une indemnité de préavis.

Il est produit aux débats une lettre écrite le 6 juin 2006 par Mme PETRl adressée à l’A… dans laquelle elle écrit : "Je viens par la présent vous informer de ma décision d’arrêter de garder M. M... qui se trouve être sous tutelle dans votre organisme. .... Depuis toujours, j’ai des problèmes de paiement de salaires et non présentation de bulletins de salaire. Plus spécialement depuis le début de l’année 2005 suite aux décrets du 1er janvier 2005 modifiant le statut des accueillants familiaux et complétant la loi du 17 janvier 2002. J’ai dû me battre toute l’année pour obtenir le reliquat des sommes dues. Soutenue par Monsieur Estrosi... qui a interpellé en ma faveur le Président de votre association et avec l’aide de Monsieur le conciliateur de justice ... tout était réglé. Mais depuis début 2006, je reçois mon salaire un mois en retard et ça ne va pas du tout. Je ne peux pas moralement et financièrement et ne veux plus supporter ces tensions et ces désagréments..."

Mme PETRl en produisant aux débats ses bulletins de paie et ses relevés bancaires démontre l’exactitude des affirmations qu’elle soutient dans la lettre de rupture de son contrat d’accueil.

En conséquence, il convient de dire et juger que la rupture du contrat est intervenue aux torts de l’A…

En indemnisation du préjudice qu’elle a subi, après avoir relevé que Mme PETRI a néanmoins accepté de continuer à accueillir M. M... après la rupture du contrat jusqu’au 18 janvier 2007, date où un autre mode d’accueil a été trouvé pour lui et après avoir observé que Mme PETRI était âgée de 63 ans au moment des faits, il lui est alloué la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Sur les autres demandes

II est équitable d’allouer à Mme PETRI la somme de 1.196 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagés dans le présent procès. M. M... représenté par l’A… est condamné à lui payer cette somme en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Enfin l’exécution provisoire qui est justifiée est ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition de la décision au greffe du tribunal, par décision contradictoire et en premier ressort :

Condamne M. M... représenté par l’A… à payer à Mme PETRI les sommes de :

  • 239,95 euros à titre de rappel de congés payés pour la période du 18 janvier 2002 au 1er janvier 2005,
  • 891,92 euros à titre de salaires pour la période du 1er janvier 2007 au 18 janvier 2007, cette somme comprenant les congés payés afférents à ces salaires,
  • 96,84 euros au titre de la journée fériée du 1er mai pendant 5 ans [en reste dû, compte tenu des sommes déjà versées],
  • 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture fautive de la convention d’accueil,
  • 1.196 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
  • Condamne l’exécution provisoire du jugement ;
  • Condamne M. M... représenté par l’A… aux entiers dépens.

Ainsi jugé le 8 janvier 2008.

Le Greffier - Le Président